Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
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4 - oct.-nov.-déc. 2005
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Revue
de presse
ont confirmé la synergie entre les deux
molécules, mais montré, comme cela
avait été le cas dans la combinaison
sirolimus-ciclosporine, qu’il existait
une interaction pharmacodynamique,
responsable d’une augmentation de la
néphrotoxicité de la ciclosporine. Le
présent article est le résultat à trois ans
d’une étude randomisée, ouverte, de
phase II, réalisée chez des patients
transplantés rénaux de novo, compa-
rant l’efficacité et la tolérance de deux
protocoles d’immunosuppression :
l’un associant everolimus, basilixi-
mab, corticoïdes, et une dose complète
de ciclosporine, à un protocole asso-
ciant les mêmes médicaments, mais
avec une dose réduite de ciclosporine,
dans le but de réduire la néphrotoxici-
té. Cinquante-trois patients sont entrés
dans le premier bras et 58 dans le
second. La dose d’everolimus a été de
3mg/j en deux prises ; les patients ont
reçu 20 mg de basiliximab à J0 et
20 mg à J4 après la greffe ; la dose de
prednisone a été réduite à 20 mg/j à la
quatrième semaine et maintenue pen-
dant toute la durée de l’étude à une
dose qui n’était pas inférieure à
5mg/j. La dose de ciclosporine initiale
a été de 6 à 8 mg/kg/j, ajustée ensuite
pour obtenir des concentrations rési-
duelles de 150 à 300 ng/ml pendant les
deux premiers mois, puis de 125 à
250 ng/ml pendant les mois 3 à 36,
dans le bras pleine dose, et à la dose de
3 à 4 mg/kg/j initiale pour obtenir des
concentrations résiduelles de 75 à 125
pendant les deux premiers mois, puis
de 50 à 100 ng/ml pendant les mois 3
à 36 dans le bras ciclosporine à dose
réduite. Du fait de la constatation d’une
néphrotoxicité supérieure dans le groupe
ciclosporine pleine dose à 12 mois
(clairance de la créatinine 53,5 ± 12,1
versus 60,9 ± 11,3 ; p = 0,007), un
amendement au protocole a été propo-
sé aux patients recevant la pleine dose
de ciclosporine, de façon à diminuer la
ciclosporinémie résiduelle entre 50 et
75 ng/ml, en réduisant la dose sur une
période de deux mois, et ce pour le
reste de la durée de l’étude. La dose
quotidienne de ciclosporine a été de
3,2 mg/kg versus 2 mg/kg dans le
groupe 2 pendant la première année,
puis, après l’amendement, la dose de
ciclosporine est devenue similaire
dans les deux groupes (1,7 mg/kg et
1,6 mg/kg, respectivement).
Le critère principal de jugement (“taux
d’efficacité”) était un critère composite
associant rejet aigu histologiquement
prouvé, perte du greffon, décès ou
patient perdu de vue. L’incidence de ce
critère composite était plus élevée dans
le bras ciclosporine pleine dose que dans
le bras ciclosporine à dose réduite à
6mois (15,1 % versus 3,4 % ; p = 0,046)
et à 12 mois (28,3 % versus 8,6 % ;
p=0,012) et restait significative à 36 mois
(35,8 % versus 17,2 % ; p = 0,032).
La différence entre les deux bras était
expliquée, pour l’essentiel, par une
incidence plus élevée de rejets dans le
groupe pleine dose (15,1 % versus
3,4 % à 6 mois, 17, % versus 6,9 % à
12 mois et 18,9 % versus 12,1 % à
36 mois respectivement). Tous les épi-
sodes de rejet ont été minimes ou
modérés ; aucun n’a nécessité de traite-
ment par des anticorps. Un nombre
important de patients a interrompu le
médicament et l’étude ; ce pourcentage
était plus élevé dans le groupe pleine
dose de ciclosporine (54,7 % versus
32,8 % ; p = 0,023).
L’apparition d’effets indésirables était
la principale cause d’interruption :
39,6 % dans le groupe pleine dose et
17,2 % dans le groupe dose réduite. Il
n’y avait pas de différence significative
en termes de décès des patients (9,4 %
versus 3,4 % à 36 mois). Les effets
indésirables graves non mortels étaient
plus fréquents dans le groupe pleine
dose (84,9 % versus 77,6 %).
L’incidence globale des complications
infectieuses n’était pas significative-
ment différente entre les deux groupes.
Cependant, les infections graves surve-
naient plus souvent dans le groupe pleine
dose (42 % versus 35 %), les plus fré-
quentes étant des pneumonies et des
infections urinaires. Les infections
virales étaient plus fréquentes dans le
groupe pleine dose (11,3 % versus
3,4 %), ainsi que les thrombopénies
(9 % versus 3 %). L’hypercholestérolé-
mie était également plus fréquente dans
le groupe pleine dose (52,8 % versus
32,8 % à 12 mois, et 56,6 % versus
32,8 % à 36 mois). En ce qui concerne
la fonction rénale, la créatininémie
n’était pas significativement différente à
6, 12 et 36 mois entre les deux bras.
Cependant, la clairance de la créatinine
était plus faible dans le bras pleine dose
dès 6 mois (51,1 ± 15 ml/mn versus
59,7 ± 11,7 ml/mn ; p = 0,09). À 36 mois,
du fait de l’amendement, la clairance
était similaire dans les deux groupes
(51,7 ± 13,1 ml/mn versus 56,6 ±
20,0 ml/mn ; p = 0,436).
Ce travail montre que l’association de
l’everolimus avec une dose réduite de
ciclosporine, après un traitement d’in-
duction par le basiliximab, donne d’ex-
cellents résultats après transplantation
rénale. La constatation d’un taux de
rejet aigu histologiquement prouvé de
3,4 % et 6,9 %, respectivement, à 6 et
12 mois dans le bras avec dose réduite
de ciclosporine, est inhabituelle.
L’utilisation d’une pleine dose de ciclo-
sporine s’accompagne clairement d’une
néphrotoxicité augmentée, comme en
témoigne la réduction significative de la
clairance de la créatinine à 12 mois. La
production d’un amendement permet-
tant de ramener la totalité des patients
dans les modalités de doses réduites de
ciclosporine a permis de corriger cette
néphrotoxicité, avec une récupération
de la fonction rénale, similaire à celle
du bras d’emblée à pleine dose, à