Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o2 - avril-mai-juin 2002
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DOSSIER
thématique
Après six semaines de stimulation, il était
en classe II de la NYHA et ses paramètres
hémodynamiques étaient considérablement
améliorés, avec une diminution de 50 % de
la pression capillaire pulmonaire (6).
La stimulation biventriculaire a été initia-
lement évaluée par des études hémodyna-
miques en aigu. Celles-ci ont mis en évi-
dence une diminution de la pression
capillaire pulmonaire d’environ 20 % avec
une réduction de l’onde V, une augmenta-
tion de la dP/dt de 12 à 14 % et de la pres-
sion artérielle avec la stimulation biven-
triculaire [ou ventriculaire gauche] (7-10).
Les premières études non contrôlées,
essentiellement européennes, ont mis en
évidence un bénéfice à moyen terme de la
resynchronisation cardiaque. Ces études
concernaient des patients en classe III ou
IV de la NYHA, ayant une dysfonction
systolique VG sévère avec une fraction
d’éjection autour de 20 % et des troubles
conductifs intraventriculaires. On peut y
observer, après un suivi moyen de 10 à
15 mois, une augmentation significative
de la distance parcourue au test de marche
de six minutes, du pic de VO2et une amé-
lioration de qualité de vie (11-13).
Enfin, ces résultats ont été récemment
confirmés par ceux d’études randomisées.
L’étude MUSTIC, publiée en 2001, a
inclus 58 patients en rythme sinusal, tous
en classe III de la NYHA, ayant une frac-
tion d’éjection VG moyenne de 23 % et
une durée des QRS de plus de 150 ms (et
tous étaient en rythme sinusal). Il s’agit
d’une étude randomisée avec crossover
de 3 mois comparant la stimulation
biventriculaire (phase active) à l’absence
de stimulation (phase inactive). On peut
y observer une différence significative
entre les phases active et inactive en
faveur de la stimulation biventriculaire
pour le test de marche de 6 minutes
(p < 0,001), le pic de VO2(p = 0,03) et le
score de qualité de vie (p < 0,001). On a
également observé, de façon significa-
tive, moins d’hospitalisations durant la
phase active que pendant la phase sans
stimulation (p < 0,05) (14).
La seconde étude randomisée très récem-
ment publiée est l’étude MIRACLE. Il
s’agit d’une étude randomisée comparant
deux groupes parallèles, un groupe
contrôle et un groupe implanté d’un sti-
mulateur biventriculaire. Les résultats
concernent 453 patients et sont compa-
rables à ceux de l’étude MUSTIC, avec une
amélioration significative du test de six
minutes (p = 0,005), de la qualité de vie
(p = 0,001), de la classe NYHA
(p < 0,001) et du pic de VO2(p = 0,009)
dans le groupe de patients resynchronisés
que dans le groupe contrôle. On note éga-
lement une réduction significative du
nombre d’hospitalisations pour insuffi-
sance cardiaque dans le groupe stimulé par
rapport au groupe contrôle (p = 0,02) (15).
Son effet sur la mortalité devra être démon-
tré par les études en cours (CARE-HF) et
devra peut-être nécessiter l’adjonction d’un
système de défibrillation avec stimulation
(étude COMPANION).
MÉCANISME D’ACTION
La stimulation biventriculaire permet de
réduire l’asynchronisme induit par les
troubles conductifs. Au niveau électrique,
cela se traduit par une réduction de la
durée des QRS (11-15). Au niveau méca-
nique, la stimulation peut réduire l’asyn-
chronisme atrio-ventriculaire inter- et
intraventriculaire. Cet asynchronisme
peut être étudié en échocardiographie ou
en angioscintigraphie cavitaire avec ana-
lyse de phase. Ainsi, dans l’étude InSync,
le délai mécanique interventriculaire
diminue de 54 ms à l’état basal à 25 ms
après un mois de stimulation biventricu-
laire (12). En angioscintigraphie cavi-
taire, Kerwin observe des résultats simi-
laires avec une amélioration de la
fonction systolique VG corrélée à la
réduction de l’asynchronisme interven-
triculaire (r = 0,86, p < 0,001) (16). Plus
récemment, il a été suggéré que la réduc-
tion de l’asynchronisme intra-VG était un
mécanisme d’action majeur de la resyn-
chronisation cardiaque (17). Une amé-
lioration du synchronisme intraventricu-
laire grâce à la stimulation biventriculaire
a pu être observée en échocardiographie
en utilisant le doppler tissulaire (18, 19).
La stimulation biventriculaire influence
le remodelage ventriculaire. Ainsi, on
observe une diminution des volumes VG,
de 6 à 18 % pour le volume télédiasto-
lique et de 8 à 24 % pour le volume télé-
systolique selon les études (18-20). Par
ailleurs, une amélioration significative de
la fraction d’éjection VG a été rapportée
après 3 à 6 mois de stimulation électro-
mécanique biventriculaire (15, 20).
INDICATIONS
La stimulation biventriculaire (figure 1)
s’adresse aux patients présentant une insuf-
fisance cardiaque par dysfonction systo-
lique VG (fraction d’éjection VG < 35 %)
en classe III ou IV de la NYHA malgré un
traitement médical optimal et ayant un
asynchronisme ventriculaire.
Certains de ces points sont actuellement
discutés. En ce qui concerne le stade
fonctionnel, certains auteurs proposent la
resynchronisation cardiaque aux patients
en classe NYHA II, mais aucune étude
n’a démontré de bénéfice dans ce sous-
groupe à ce jour (13). L’étiologie de la
cardiopathie ne semble pas devoir limi-
ter les indications, puisque, dans les
études contrôlées, 40 à 50 % des patients
avaient une cardiopathie d’origine isché-
mique (14, 15). Par ailleurs, des études
rétrospectives comparant les effets de la
stimulation biventriculaire en fonction de
l’étiologie ischémique ou non isché-
mique de la cardiopathie n’ont pas mon-
tré de différence en ce qui concerne le
bénéfice hémodynamique (21). L’intérêt
de la stimulation biventriculaire en cas de
fibrillation atriale chronique est égale-
ment discuté. L’étude MUSTIC, qui a
aussi inclus un groupe de patients en FA,
a mis en évidence un bénéfice fonction-
nel de la stimulation biventriculaire dans
ce sous-groupe de patients qui, s’il est
moins important que chez les patients en
rythme sinusal, reste cependant signifi-
catif (22). Enfin, le critère d’asynchro-
nisme optimal est à définir. Le paramètre
initialement retenu était l’asynchronisme
électrique avec une durée du QRS supé-
rieure ou égale à 150 ms. Initialement,
une durée du QRS sur l’électrocardio-
gramme de surface supérieure à 140 ou
150 ms était le seul paramètre considéré
pour la sélection des patients. Toutefois,