4 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011
ÉDITORIAL
“Faire maigrir” est-il utile ?
Weight loss prescription: is it worth it?
Q
uestion provocante adressée à
un médecin de l’obésité par le
comité de rédaction de la Lettre
du Cardiologue ! Qu’y a-t-il derrière cette
interrogation : un doute sur la possibilité
d’une perte de poids, sur son intérêt ? un
plaidoyer pour des méthodes radicales
chirurgicales ? Pour céder à l’air du temps
médiatique, je me risque à une réponse
abrupte et péremptoire : non, “faire
maigrir” n’est pas une approche médi-
cale pertinente… Qu’y a-t-il derrière
cette riposte négative ? Un plaidoyer
pour la médecine de l’obésité et contre
les régimes miracles ; une réflexion sur
la part qui revient au médecin et celle qui
appartient aux patients dans la gestion
des maladies chroniques impliquant des
modifications des habitudes de vie.
Qu’est-ce que l’obésité ? Il s’agit d’une
maladie liée aux modes de vie, favorisée
par des prédispositions génétiques ou
épigénétiques. Comme le diabète ou
l’asthme, elle a tendance à s’aggraver et à
devenir chronique, du fait d’une résistance
progressive aux mesures thérapeutiques
(sinon, ce ne serait pas une maladie chro-
nique). Les causes de cette résistance sont
multiples, environnementales et biolo-
giques : l’évolution de l’alimentation et
la sédentarité, entre autres, s’associent à
des anomalies structurelles et fonction-
nelles du tissu adipeux pour expliquer la
difficulté croissante à réduire l’excès de
poids. L’obésité constitue aussi une source
de morbidité métabolique, cardiorespira-
toire, articulaire et de cancers variables
selon la nature et la localisation des
dépôts adipeux. Il en résulte une très
grande hétérogénéité phénotypique liée
à la diversité des déterminants et des
trajectoires évolutives.
Qu’est-ce que la médecine de l’obésité ?
C’est partir de l’analyse des spécificités
des situations cliniques individuelles pour
différencier les choix thérapeutiques selon
la situation singulière du patient. C’est
situer les priorités, identifier les leviers
d’actions variables d’un sujet à l’autre,
donner aux patients les pistes pour une
démarche réaliste. La condition majeure
de succès est le retour à une alimenta-
tion équilibrée et la reprise d’une activité
physique régulière et durable associée.
L’enjeu consiste à aider la personne à
trouver le point d’équilibre entre les
contraintes et les astreintes, et à main-
tenir une qualité de vie personnelle et
relationnelle, le plaisir alimentaire et la
socialisation. Dans les maladies chro-
niques dont le traitement dépend de
modifications comportementales, le
médecin ne peut ni ne doit croire qu’il
“fait”, il “permet” seulement.
Peut-on “faire maigrir” par une approche
médicale? Bref constat : on entend
souvent des médecins assurer, en cas
de perte de poids significative d’un de
leurs patients, “je l’ai fait maigrir ” ; les
mêmes n’hésiteront pas, en cas d’échec, à
regretter que tel patient soit “incapable de
maigrir”… Le succès revient au médecin
et l’échec au patient ! En réalité, le
médecin ne “fait pas maigrir ”, il n’en a pas
le pouvoir magique… Son rôle consiste