2. L’intégration européenne : vecteur de divergence entre économies
nationales et territoires
(Phrase d’introduction) Dans cette seconde partie, nous allons nous attacher à expliquer
pourquoi l’intégration européenne est porteuse d’une dynamique de creusement des inégalités
territoriales. Puis nous nous demanderons comment l’UE peut arriver à gérer ces inégalités
qui semblent inévitables.
2.1 Intégration économique et monétaire et hétérogénéité des économies
le creusement des inégalités territoriales en Europe (et particulièrement dans la zone euro)
apparaît clairement une fois la crise des dettes souveraines déclenchées en 2011/2012. Durant
la décennie 2000, la forte croissance des pays du Sud et le rattrapage auquel on assiste aurait
plutôt eu tendance à conforté la thèse de la convergence. Or, derrière ce rattrapage il y a en
réalité deux phénomènes : une divergence très nette des structures économiques entre Europe
du Sud et Europe du Nord, et, une hausse du financement externe des pays du Sud (par les
pays du Nord) qui a permis de stimuler la consommation, la demande et donc la hausse du
PIB. La crise des dettes souveraines va faire éclater ce financement externe (sudden stop) et
mettre à jour les limites et défauts de la coordination européenne.
Comment expliquer la polarisation des activités en Europe ? Pour cela, il faut revenir aux
débats précédents la mise en place du marché commun au début des années 1990. Le prix
Nobel d’Economie Paul Krugman s’oppose alors à ceux qui soulignent « les coûts de la non-
Europe », c’est-à-dire les coûts de l’absence de marché unique. Si la libre circulation des
personnes, capitaux et produits, permet effectivement des spécialisations territoriales sur le
modèle des avantages comparatifs et la hausse des échanges intra-branches, cette
spécialisation territoriale ne signifie pas pour autant que la croissance économique tirée de
cette intégration va permettre le rattrapage des économies « en retard ». Bien au contraire,
pour P.Krugman, le passage au marché unique, associé à la baisse des coûts de distance en
raison des dépenses d’infrastructures et de la révolution des NTIC, va provoquer l’effet
inverse : une polarisation des activités et le creusement des inégalités en Europe. Lorsque les
activités de production se concentrent, cette concentration produit des économies
d’agglomération : réduction des coûts d’approvisionnement, accès à un marché du travail
qualifié plus large, captation de l’information et de la connaissance.
En conséquence, lorsque les coûts de distance sont faibles, que les économies d’échelle et
d’agglomération sont fortes, alors les activités ont d’autant plus de chance d’être concentrées.
Cette concentration de la production s’accompagne d’une concentration géographique de la
main d’œuvre qualifiée. Certaines régions sont donc plus dynamiques que d’autres en termes
de hausse de la population et de hausse de la demande, ce qui stimule la production locale et
renforce les effets d’agglomération et donc la concentration. L’intégration économique a donc
tendance à renforcer les inégalités de développement entre le centre et la périphérie.
P.Krugman s’oppose aux prédictions de la théorie HOS en termes de convergence. Certaines
régions se développent davantage que d’autres.
L’intégration européenne se traduit par le renforcement des activités productives à forte
valeur ajoutée dans une « banane bleue » (ensemble de régions qui partent de la région
française midi Pyrénées pour aller vers le Danemark en passant par le sud de l’Allemagne).
On constate par ailleurs que l’intégration des anciens PECO a d’ailleurs décalé et recentré
cette banane bleue sur l’Allemagne au détriment de la France. Les zones économiques
développées situées au cœur de l’Europe sortent renforcées par les effets d’agglomération
puisqu’elles permettent de minimiser les coûts de transports vers l’ensemble des pays de
l’UE.
Paul Krugman avait débattu avec la Commission européenne au moment du passage au
marché unique au milieu des années 1990, mais la création de l’euro va accentué les effets du