La Lettre du Cardiologue - n° 301 - octobre 1998
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Dans une série de 13 patients étudiés par écho-dobutamine (via-
bilité), en période post-infarctus, l’équipe de Créteil a montré
l’amélioration des vélocités intramyocardiques aussi bien en sys-
tole qu’en diastole, dans les segments myocardiques viables, et
ce en accord avec les données isotopiques. L’amélioration des
logiciels permettant une approche quantitative des vélocités intra-
myocardiques contribuera à une meilleure analyse segmentaire
au repos et après épreuve pharmacodynamique. Pr H. Lardoux
Insuffisance cardiaque
ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Un symposium et plusieurs communications étaient consacrés à
ce sujet afin de tenter de clarifier et d’actualiser nos données sur
la fréquence de l’insuffisance cardiaque. Il y a en effet de quoi
s’inquiéter. Aux Pays-Bas, l’incidence de l’insuffisance cardiaque
est passée de 120 à 180 pour 100 000 habitants entre 1980 et
1993, équivalente chez l’homme et la femme (A. Mosterd, Rot-
terdam). L’énoncé d’une prévalence dans la population globale
n’a pas de sens et celle-ci doit être analysée selon diverses tranches
d’âge. Dans l’étude de Rotterdam, portant sur 7 993 patients, elle
est de 1 % environ avant 65 ans et s’élève progressivement jus-
qu’à 16 % dans la tranche d’âge de 85 à 95 ans. D’une façon géné-
rale, la prévalence tend à augmenter chez les sujets âgés de plus
de 70 ans et à diminuer dans la population plus jeune. Cette évo-
lution s’accompagne d’une diminution des formes aiguës de la
maladie au profit des formes chroniques et serait la conséquence
paradoxale de l’amélioration de la prise en charge de l’infarctus
comme de l’hypertension artérielle ou des cardiomyopathies dans
la population générale.
Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque reste d’ailleurs malaisé.
On estime que la proportion des diagnostics corrects posés en
médecine générale se situe entre 25 et 50 %... Or seule une infime
minorité des patients, de 9 à 20 % selon les études et leurs biais
de recrutement, est prise en charge par un cardiologue.
M.R. Cowie (Londres) nous propose une hiérarchie actualisée
des étiologies de l’insuffisance cardiaque (tableau III) à partir
d’une étude portant sur 151 000 personnes. Dans cette popula-
tion, il a été détecté 220 nouveaux cas sur une période de 20 mois,
avec une incidence environ deux fois moindre chez la femme que
chez l’homme. Lors d’un suivi moyen de 26 mois, on observe
101 décès, dont 89 de causes cardiovasculaires. La survie est de
81 % à un mois, 63 % à un an et 54 % à deux ans... Le pronostic
de l’insuffisance cardiaque reste sévère.
BÊTABLOQUANTS ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
Un des temps forts de l’ESC 98 a été sans conteste la présenta-
tion des résultats de l’étude CIBIS II (Cardiac Insufficiency BIso-
prolol Study) qui testait, sur 2 647 patients aux stades III (83 %)
ou IV (17 %) de la NYHA, les effets sur la morbi-mortalité dans
l’insuffisance cardiaque du bisoprolol, avec une posologie cible
de 10 mg, atteinte progressivement en six mois.
Prévue initialement pour une durée de trois ans, l’étude a été arrê-
tée prématurément après que la deuxième analyse intermédiaire
prévue au protocole ait montré que l’objectif principal était atteint
dès le 18emois de suivi : chez l’insuffisant cardiaque sympto-
matique et stabilisé par un traitement conventionnel associant IEC
et diurétiques, le bisoprolol donné à la dose de 1,5 à 10 mg/j réduit
de 35 % les décès de toutes causes (p = 0,00006), de 40 % les
décès par mort subite (p = 0,001) et de 30 % les hospitalisations
pour insuffisance cardiaque (p = 0,002).
Deux éléments particulièrement intéressants de cette étude sont
d’une part la prise en compte de tous les patients dans l’analyse,
sans phase de pré-inclusion permettant d’exclure les patients ne
tolérant pas le traitement, et, d’autre part, la relative rareté des
arrêts de traitement en cours d’étude, de l’ordre de 15 % sous
bisoprolol comme sous placebo (H.J Dargee, Glasgow).
Comme le rappelle le Pr Lechat, père de CIBIS I et de sa “grande
petite” sœur, CIBIS II est la première étude spécifiquement pré-
vue à cette fin démontrant une réduction de mortalité dans l’in-
suffisance cardiaque liée à l’administration d’un bêtabloquant.
Le caractère ß1-sélectif du bisoprolol, qui l’oppose au carvédi-
lol ou au bucindolol, peut laisser penser qu’il s’agit bien d’un
effet de classe et non seulement de molécule.
Peu de patients en stade IV de la NYHA sont inclus dans les essais
sur les bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque. Reprenant
les données de six essais réalisés aux États-Unis sur le carvédi-
lol et incluant 1 202 patients, M.B. Fowler ne retrouve que
38 patients
au stade IV au moment de l’inclusion. À ce stade, les
INFORMATIONS
Figure 3b. Quatre cavités apicale. Mesure, au tiers apical du septum, des
vélocités systoliques (vers le capteur) et diastoliques (à distance du cap-
teur).
.../...
– Coronaropathies chroniques 17 %
– Coronaropathies avec infarctus 19 %
– HTA 14 %
– Valvulopathies 7 %
– Fibrillation auriculaire 5 %
– Autres (CPC, CMH, alcool) 5 %
– Inconnue 33 %
Tableau III. Étiologies de l’insuffisance cardiaque (d’après l’exposé de
M.R. Cowie sur l’étude d’Hilligdon).