m i s e a u p o i n t Scanner ou IRM : quel outil non invasif pour visualiser les coronaires ? ■ G. Helft* ... Points forts ... ■ Deux techniques, l’IRM et le scanner, sont en plein essor pour la visualisation non invasive des coronaires. ■ La coronarographie traditionnelle reste l’examen de référence. ■ La résolution spatiale doit encore être améliorée pour ces nouvelles techniques non invasives. Les calcifications gênent l’appréciation de la lumière coronaire par scanner. La quantification des sténoses reste difficile tant en scanner qu’en IRM. ■ Le principal intérêt actuel du scanner est représenté par son excellente valeur prédictive négative. ■ Une collaboration radiologue-cardiologue est cruciale pour le développement de ces nouvelles techniques. a cardiologie contemporaine est dominée par la prise en charge des cardiopathies ischémiques. En dépit de l’effort croissant visant à un meilleur contrôle des facteurs de risque connus des maladies cardiovasculaires, les cardiopathies ischémiques demeurent en effet la pathologie la plus courante. L’éventualité d’une cardiopathie ischémique se pose tant à l’occasion d’une première douleur thoracique évocatrice d’angor chez un sujet relativement jeune que chez un adulte plus âgé à l’occasion du diagnostic et du traitement d’une insuffisance cardiaque dont il faut déterminer l’étiologie. Actuellement, la coronarographie, c’est-à-dire la visualisation des artères coronaires par angiographie par rayons X, est un examen de plus en plus couramment demandé, et cela pour de multiples raisons. L’une d’entre elles tient à la morbidité de plus en plus faible de cet acte diagnostique réalisé avec des cathéters de plus en plus petits (4 ou 5 French). Une autre tient à la sensi- L * Professeur des universités, praticien hospitalier, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris. Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006 bilité et à la spécificité imparfaites des examens non invasifs destinés à diagnostiquer une maladie coronaire, combinées à la volonté du prescripteur (à l’heure actuelle, le cardiologue, généralement), désireux de connaître avec certitude le statut coronaire de son patient. C’est dans ce contexte que s’est développée, au cours de ces dernières années, une imagerie coronaire non invasive, laquelle a bénéficié d’avancées techniques remarquables tant en ce qui concerne le scanner que l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Par ailleurs, il existe une certaine émulation entre les tenants de ces deux techniques pour parvenir à produire une imagerie coronaire à la fois fiable et de routine pour la pratique clinique. À l’heure actuelle, il est encore difficile de pronostiquer laquelle de ces deux techniques prendra le pas sur l’autre, même si les dernières avancées du scanner, pour ce qui concerne l’étude de la lumière coronaire, semblent lui donner un petit avantage. 11 m i s e a u Le scanner hélicoïdal multicoupes (SHM ou MSCT) a bénéficié de développements récents intéressants. Un tube rotatif de rayons X produit un faisceau de photons reçu par différentes rangées de détecteurs (4,16 – bientôt 40,64) permettant d’obtenir 4, 16, 40 ou 64 coupes pour chaque rotation de tube. Cette technique permet une couverture plus large qu’un scanner hélicoïdal conventionnel. Le cœur, dans son ensemble, peut être couvert en une apnée avec une épaisseur de coupe millimétrique. La résolution temporelle est inférieure à celle d’un scanner rapide à faisceau d’électrons, car elle est limitée par la rotation du tube dans le temps. Le temps actuel d’acquisition d’une coupe varie entre 125 et 250 ms. Cela entraîne des difficultés en rapport avec les mouvements cardiaques, source d’artéfacts, surtout pour des fréquences cardiaques supérieures à 70 bpm, raison pour laquelle un bêtabloquant est souvent administré avant la procédure (soit 50 mg de métoprolol per os, soit 40 à 50 mg d’esmolol i.v.). Les avantages des SHM sont un bon rapport signal-bruit et l’obtention d’une bonne résolution spatiale, l’épaisseur des coupes étant d’environ 1 mm. L’irradiation est cependant supérieure à celle du scanner à faisceau d’électrons. De façon importante, il ne faut pas oublier qu’il existe des contre-indications à l’utilisation du scanner coronaire : l’allergie vraie à l’iode et l’insuffisance rénale (à moduler en fonction de l’indication). Des contre-indications à la réalisation de l’IRM existent également, à savoir la présence d’un stimulateur cardiaque, d’un défibrillateur implantable, d’éclats ferromagnétiques (oculaires notamment) ou d’une pompe à insuline implantée. La grande majorité des valves cardiaques ne constitue pas une contre-indication à l’IRM cardiaque, mais la présence de ce matériel étranger occasionne quelques artéfacts. Le port d’un stent ne constitue pas non plus une contreindication à la pratique d’une IRM. RCA L’IRM CARDIAQUE 0,9 x 0,6 x 1,5 mm Figure 1. Angio-coro IRM en 3D. 12 Les avantages de l’IRM comprennent : d’une part, son caractère non invasif, l’absence de radiation ionisante, le libre choix des coupes p o i n t tomographiques (qui peuvent être obliques), le contraste tissulaire élevé permis par l’application de séquences particulières d’imagerie et une bonne résolution spatiale ; d’autre part, le fait que l’IRM cardiaque ne nécessite pas souvent l’administration de produit de contraste iodé. Le développement de nouvelles séquences d’imagerie, qui est toujours en progression, a permis d’améliorer significativement la qualité des images coronaires. Les études initiales concernant les coronaires ont été obtenues, en apnée, par l’obtention de multiples coupes dans l’espace bidimensionnel. Cependant, le rapport signal/bruit s’est révélé insuffisant. Des séquences permettant d’obtenir une imagerie en trois dimensions sont maintenant disponibles en apnée, mais également en respiration libre. En effet, des techniques dites d’“échonavigateur” repérant la position du diaphragme tout au long du cycle respiratoire ont été développées. La qualité des images obtenues est actuellement très bonne en raison de l’acquisition rapide. Par ailleurs, des produits de contraste paramagnétiques sont utilisés pour essayer d’améliorer encore le rapport contraste/bruit et la visualisation des sténoses. RÉSULTATS DE LA CORO-IRM L’angiographie coronaire par résonance magnétique (figure 1) a fait l’objet de diverses publications au cours des dernières années, avec un résultat très variable selon les études. Cela est dû en particulier à la variété des techniques utilisées. Pour donner un aperçu de l’état des lieux actuel et des potentialités de cette technique, il est intéressant de mentionner une étude prospective multicentrique qui a comparé l’IRM cardiaque et l’angiographie conventionnelle chez 109 patients en rythme sinusal sans contre-indication à la résonance magnétique (1). La technique utilisée a permis d’obtenir des images tridimensionnelles en respiration libre. Il faut cependant noter que seuls les segments proximaux et moyens des artères coronaires ont été étudiés, conpte tenu de la difficulté d’analyse de la distalité des artères par l’IRM. Le résultat principal de cette étude est que 84 % des segments Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006 proximaux et moyens des artères coronaires ont pu être correctement analysés et que, sur ces segments, 83 % des lésions significatives en angiographie conventionnelle (c’est-à-dire des lésions de plus de 70 % de diamètre) ont été visualisées. La sensibilité de détection des lésions coronaires était relativement élevée, la spécificité moindre. Par ailleurs, la valeur prédictive négative de l’IRM, en particulier de la détection du caractère tritronculaire ou de l’atteinte du tronc commun, était excellente. Il faut cependant noter que les résultats de cette étude prospective sont parmi les meilleurs enregistrés, y compris pour des séries monocentriques plus réduites publiées ces dernières années ; elle démontre les possibilités de cette technique. On peut toutefois remarquer qu’il ne s’agit que d’une série relativement limitée, de 109 patients, lesquels ont été recrutés dans sept centres hospitaliers et pendant une période d’un an, ce qui laisse supposer une présélection des patients pour cette étude. RÉSULTATS DU SCANNER CORONAIRE Des études récentes montrent des résultats assez comparables à ceux obtenus par coro-IRM (2, 3). La sensibilité semble cependant un peu supérieure, avec des résultats de l’ordre de 80 %, la spécificité étant également excellente. Une étude récemment publiée sur 101 patients a confirmé les espoirs du scanner multicoupe, la valeur prédictive négative de l’examen atteignant 96 % et sa sensibilité 82 %. Dans ce travail, seuls les segments proximaux et moyens des coronaires étaient explorés, 82 % d’entre eux étant analysables. L’essor du scanner coronaire se révèle très intéressant, mais deux éléments limitants sont à mentionner : les calcifications coronaires et l’irradiation. ✓ Les calcifications coronaires représentent une difficulté pour ce qui concerne la quantification des sténoses. ✓ Il ne faut pas non plus oublier que le scanner est une technique irradiante, avec des doses d’irradiation de l’ordre de 8 à 10 mSv (supérieures à celles d’une angiographie conventionnelle). Les nouveaux scanners (16 barrettes et plus) améliorent la qualité des examens et permettent notamment d’augmenter la résolution spatiale. Ils permettent également de diminuer les temps d’acquisition. La stricte comparaison des résultats obtenus par scanner ou par IRM est difficile pour des raisons méthodologiques (tableau). L’analyse laisse cependant entrevoir un avantage pour le scanner en termes de sensibilité de détection des lésions coronaires. Actuellement, tant avec le scanner qu’avec l’IRM, l’imagerie est plus aisée pour la visualisation de l’artère interventriculaire antérieure que pour la circonflexe et la coronaire droite, et cela pour des raisons anatomiques. L’un des intérêts du scanner coronaire est l’appréciation de la perméabilité des pontages aortocoronaires, qui ne sont pas de surcroît toujours faciles à analyser par coronarographie (figure 2). Tableau. Résumé d’études comparant le SHM et l’IRM à l’angiographie conventionnelle. Imagerie IRM SHM Étude Regenfus et al. Kessler et al. Kim et al. Nieman et al. Knez et al. Geisler et al. Nombre de patients 50 73 109 59 44 100 Sensibilité (%) Spécificité (%) 94 65 93 95 78 91 57 88 42 86 98 89 Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006 Figure 2. Pontage séquentiel sur la coronaire gauche obtenu en coroscanner. 13 m i s e a u Il convient de garder à l’esprit que les patients en fibrillation auriculaire, qui représentent près de 10 % de la population à partir de 80 ans, sont exclus de l’étude du scanner et de l’IRM coronaires pour des raisons de synchronisation nécessaire à l’électroencéphalogramme. AVANTAGES DE L’IRM PAR RAPPORT AU SCANNER L’IRM est un examen particulièrement intéressant, dans le domaine cardiaque, pour la détection de l’ischémie coronaire. Des techniques relativement standardisées permettent de détecter des régions ischémiques par injection de gadolinium. Les études comparatives avec les meilleures méthodes de détection de l’ischémie myocardique, comme la scintigraphie, sont extrêmement prometteuses. Par conséquent, l’IRM cardiaque pourra se positionner non seulement dans le domaine de la coronarographie proprement dit, mais également dans celui de la détection de l’ischémie myocardique. Les cardiologues interventionnels ne doivent en effet pas céder au fameux réflexe “oculo-sténotique” aboutissant à la réalisation d’une angioplastie sur la seule notion de sténose coronaire. À l’heure actuelle, il faut se souvenir que le nombre d’appareils IRM est très faible en France et que, par ailleurs, le nombre de médecins formés à ces techniques l’est également. INDICATIONS POTENTIELLES DE LA CORO-IRM ET DU SCANNER CORONAIRE Les différentes études publiées et la pratique quotidienne montrent que ce qui se dégage comme élément particulièrement intéressant est la valeur prédictive négative de la coro-IRM et du scanner coronaire. En d’autres termes, un examen normal à la coro-IRM ou au scanner coronaire permet surtout d’affirmer avec un risque très faible de se tromper que la coronarographie conventionnelle ne détecterait pas de lésion. Dans ce contexte, les premières indications qui vont probablement émerger sont la réalisation de ces examens chez les patients présentant 14 p o i n t une probabilité faible de maladie coronaire. Les bilans de patients souffrant d’une insuffisance cardiaque sans facteur de risque cardiovasculaire ainsi que les bilans préopératoires de patients valvulaires sans facteur de risque cardiovasculaire mais justifiant (en fonction de leur âge) d’une coronarographie préopératoire feront de plus en plus appel à ces examens non invasifs. L’un des objectifs des nouvelles techniques non invasives que sont la coro-IRM et le scanner coronaire est de se substituer à la coronarographie conventionnelle. En effet, en dépit d’un caractère dit de moins en moins invasif, les coronarographies conventionnelles demeurent des procédures invasives à risques limités. Il est cependant permis de pronostiquer que, dans un premier temps tout au moins, les nouveaux examens que sont la coro-IRM et le scanner coronaire ne diminueront pas le nombre de coronarographies conventionnelles mais, au contraire, l’augmenteront. En effet, la visualisation des coronaires sera demandée de plus en plus communément et facilement par les cliniciens afin de connaître le statut coronaire de leurs patients. Pour cette raison, de plus en plus de patients coronariens seront diagnostiqués. Mais ces examens non invasifs donneront également lieu à des faux positifs qui nécessiteront une coronarographie conventionnelle pour rétablir le diagnostic... Pour ces deux raisons, il ne semble pas que la mise à notre disposition de ces nouvelles techniques dans un proche avenir réduira le nombre de coronarographies diagnostiques. À terme, la détection parfaite et précise des artères coronaires par le scanner et l’IRM permettrait aux coronarographistes de ne plus pratiquer d’examens normaux et de se focaliser sur le traitement par angioplastie des lésions coronaires qui auront été diagnostiquées auparavant de façon non invasive. CONCLUSION La coronarographie non invasive par le scanner et l’IRM sont de nouvelles techniques très prometteuses qui vont peut-être parvenir, dans un proche avenir, à remplacer la coronarographie, tout au moins pour éviter la réalisa- Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2006 tion de coronarographies normales. En effet, ces deux examens, qui possèdent une bonne sensibilité et une bonne spécificité, ont surtout à leur actif aujourd’hui une excellente valeur prédictive négative. À l’heure actuelle et sans doute pour plusieurs années encore, la mise en évidence d’une lésion coronaire par un examen non invasif justifie, bien entendu, la réalisation d’une angiographie conventionnelle, notamment pour l’appréciation de son degré de sévérité. Ces deux dernières années, les publications concernant les résultats du coroscanner se sont multipliées. Le coroscanner est actuellement en avance par rapport à la coro-IRM, tant en ce qui concerne ses bons résultats que sa facilité de réalisation. L’expérience des équipes françaises est aujourd’hui limitée, tant du fait de la formation inadéquate des médecins que de la faible disponibilité des machines (scanner et IRM) dédiées au cœur. Il semble tout à fait indispensable que se développe une réelle coopération entre radiologues et coronarographistes. Dans le cas contraire, les techniques non invasives tarderont à émerger comme elles le devraient au détriment des patients. Au cours des prochaines années, la précision continûment accrue des techniques d’imagerie non invasive devrait encore améliorer leurs résultats déjà prometteurs. RÉFÉRENCES 1. Kim WI, Danias PG, Stuber M et al. Coronary magnetic resonance angiography for the detection of coronary stenoses. N Engl J Med 2001;345:1863-9. 2. Leber AW, Knez A, Becker C et al. Non-invasive intravenous coronary angiography using electron beam tomography and multislice computed tomography. Heart 2003;89:633-9. 3. Nieman K, Cademartiri F, Lemos PA et al. Reliable noninvasive coronary angiography with fast submillimeter multislice spiral computed tomography. Circulation 2002;106:2051-4. ✁ J E M ’ A B O N N E A U Tr i m e s t r i e l C o r r e s p o n d a n c e s e n R i s q u e C a r d i o Va s c u l a i r e Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ....................................................................................... à l’attention de .................................................................................... ABONNEMENT : 1 an ÉTRANGER (AUTRE FRANCE/DOM-TOM/EUROPE ❐ 80 € collectivités ❐ 64 € particuliers ❐ 40 € étudiants* *joindre la photocopie de la carte *joindre la photocopie de la carte + ............................................................................................................ ❏ Particulier ou étudiant M., Mme, Mlle ...................................................................................... Prénom ................................................................................................ 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