FOUSFUJFO Pour une surveillance pro-active du médicament

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FOUSFUJFO
Pour une surveillance pro-active du médicament
Un entretien avec Anne Castot*
Propos recueillis par Didier Touzeau et Patricia de Postis
C’est au Carrefour Pleyel, à Saint-Denis, dans ces quartiers des communes du nord de Paris devenus la “Santé
Publique Valley”, façon française. Parmi les tours et immeubles blancs … sanitaires, celui de l’Agence Française
de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), très
fonctionnel. La création de cette agence, en janvier 1999,
a constitué un des éléments clés du renforcement du dispositif français chargé de la sécurité sanitaire, avec l’Institut
de veille sanitaire (dont l’objectif est de surveiller et d’observer l’état de santé de la population et de proposer des
mesures préventives et curatives appropriées), l’Agence
de sécurité sanitaire des aliments et l’Agence nationale
pour l’accréditation et l’évaluation en santé (dont l’objectif
est la sécurité des pratiques et des installations). Missions
de l’Afssaps : améliorer la cohérence et l’efficacité de l’administration sanitaire, par la réunion au sein d’un même
institut, des pouvoirs de police administrative en matière
de produits de santé et de cosmétiques ; regrouper une
expertise scientifique indépendante et de haut niveau et
mettre en œuvre un dispositif réglementaire permettant de
mieux garantir la sécurité et la qualité des produits de
santé mis sur le marché ; engager de nouveaux moyens
d’inspection et de contrôle.
Depuis de nombreuses années, l’Afssaps fait profession
es outils de gestion
D
à visée sécuritaire
Le Courrier des addictions :
Les plans de gestion des risques
ont déjà deux ans d’existence.
Quel bilan en tirez-vous ?
Anne Castot : Très positif, même
si tout n’est pas encore tout à fait
“calé”, et s’il faut encore apporter bien des modifications à ce
type de dispositif, dont l’essence
même est d’être évolutif. Je voudrais les replacer dans leur histoire, très récente, et leur contexte.
En effet, depuis les retraits du
marché de la cérivastatine en
de foi d’être la plus transparente possible vis-à-vis de
la population et des professionnels. Et le prouve ! Son
site d’information, très complet, est à bien des égards
remarquable. Une vraie volonté de communiquer et d’informer qui ne peut se satisfaire de la langue de bois pour
s’exprimer.
Anne Castot, médecin de santé publique, pharmacologue, longtemps “basée” à Fernand-Widal, en témoigne.
Elle n’a rien de ces grands commis de l’État qu’on imagine
engoncés dans la lustrine de leurs certitudes. Et qui disposent de l’éternité comme dead-line pour décider ! Toujours
en mouvement, au four et au moulin des commissions et
réunions diverses, prête à prendre un vol pour s’exprimer
dans une réunion internationale, un train pour partir en
province, à travailler plus et plus, pour gagner plus… de
temps, elle est comme montée sur ressort. À la tête du
service qui met en place les fameux plans de gestion des
risques des médicaments, et notamment les spécialités qui
contiennent de la méthadone, de la buprénorphine haut
dosage, de la fluoxétine et du méthylphénidate, elle sait
de quoi elle parle. Elle connaît les pharmacodépendances : elle a travaillé à la consultation dépendances au
tabac, aux médicaments, à l’alcool de Fernand-Widal,
dans le service du Pr Fournier puis celui de Sylvain Dally.
août 2001, puis de Vioxx® en
octobre 2004, la réglementation
communautaire portant sur la
surveillance des médicaments a
évolué. Elle a renforcé les obligations au titre des outils classiques
de pharmacovigilance, mais elle
s’appuie aussi désormais sur la
mise en place de plans de gestion
des risques (les PGR), concernant
les catégories de produits suivantes : les médicaments nouveaux
(contenant une substance active
nouvelle ou biosimilaire) ; ceux
qui ont déjà été commercialisés,
mais dont la demande d’extension de l’autorisation de mise sur
le marché entraîne des changements significatifs des conditions
d’emploi (nouveaux dosage, voie
d’administration, procédé de fabrication d’un produit issu de
biotechnologies ou indication) ;
les génériques lorsqu’un problème de sécurité a déjà été identifié
avec le médicament princeps.
En conséquence, l’Afssaps s’est
dotée, en 2005, d’un département chargé de la surveillance
des risques, du bon usage et de
l’information sur les médicaments. Celui-ci a pour mission,
notamment de mobiliser toutes
les ressources permettant de mettre en œuvre, de manière coordonnée, ces outils de gestion à visée
sécuritaire que sont les plans de
gestion des risques (PGR). Ceuxci visent, dès la mise sur le marché de ces médicaments, à mieux
connaître leur profil de sécurité
pour entreprendre les actions per-
* Chef du département de la Surveillance des risques, du bon usage et de l’information sur les médicaments à la direction de l’Évaluation des médicaments et des produits
biologiques de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
mettant de maîtriser le risque. Ils
obligent les industriels à anticiper
de façon pro-active, en mettant en
place toutes mesures pour identifier précocement les populations à
risque (enfants, femmes enceintes,
personnes âgées, jeunes…), ou les
pratiques non conformes au bon
usage du médicament, dans les
conditions réelles d’utilisation.
Par rapport à la démarche de
pharmacovigilance
classique,
traditionnellement fondée sur
le recueil et l’évaluation des signaux rapportés par les professionnels de santé, les PGR impliquent donc une surveillance
en amont et orientée des risques,
qui s’accompagne d’une évaluation constante du rapport bénéfice/risque.
Mais un PGR va au-delà de cette
identification puisqu’il peut in-
Le Courrier des addictions (10) ­– n ° 2 – avril-mai-juin 2008
FOUSFUJFO
clure, si nécessaire, un plan de
minimisation du risque comprenant des actions de communication à destination des professionnels de santé et des patients,
afin de favoriser le bon usage du
produit et sa sécurité d’emploi.
Le PGR inclut alors un plan
d’information, de formation
pour les professionnels de santé,
voire d’éducation thérapeutique
pour les patients, ou encore des
restrictions d’accès au produit.
C’est très exactement le cas de
celui qui “couvre” la nouvelle
forme galénique en gélules de la
méthadone.
Enfin, la conduite d’études
pharmaco-épidémiologiques
pourra être nécessaire pour certains produits présentant des
enjeux particulièrement forts.
C’est le cas de l’étude de cohorte observationnelle nationale demandée aux laboratoires
pour toutes les spécialités à
base de buprénorphine haut dosage. Le but est d’en cerner les
modalités réelles de prescription et de délivrance et d’apprécier l’impact de l’arrivée des
génériques sur le marché et les
conséquences éventuelles sur
le mésusage. C’est le cas aussi
pour la méthadone en gélules.
Deux ans après, on peut dire
que le PGR national, lorsqu’il
vient compléter un PGR européen, comprend en général un
suivi renforcé de pharmacovigilance, une étude d’utilisation (si
elle n’a pas été demandée dans
le PGR européen) et des actions
d’information/éducation
des
professionnels de santé et des
patients. L’interaction avec nos
partenaires, Haute Autorité
de Santé, Direction générale
de la Santé, notamment, s’est
précisée. Nous avons aussi la
satisfaction de voir que l’activité de développement de ces
plans par les industriels et celle
d’évaluation par l’agence s’est
véritablement construite sur
les principes de synergie et de
transparence qui nous tiennent
à cœur.
Le Courrier des addictions :
Les PGR français sont-ils toujours compatibles avec les
européens et vice versa ?
Mésusages et détournements : arrêté d’application
de l’article 162-4-2 du code de la Sécurité sociale
Pour renforcer la lutte contre le mésusage et le détournement de certains médicaments, améliorer le bon usage du médicament, la qualité
des soins, réduire les coûts et renforcer le lien entre le médecin et le
pharmacien, le directeur général de la Santé et le directeur de la Sécurité sociale ont publié, le 8 avril dernier, l’arrêté du 1er avril 2008 pris
en application de l’article 162-4-2 du code de la Sécurité sociale.
A Celui-ci fixe, après avis du directeur général de l’Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), la liste des médicaments dont la prise en charge sera spécialement encadrée, c’està-dire l’ensemble des spécialités contenant les substances suivantes :
buprénorphine haut dosage*, flunitrazépam, méthadone et
méthylphénidate.
Le choix des médicaments concernés a fait l’objet d’une large concertation, notamment au sein d’instances réunissant des professionnels
et des représentants d’associations (Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes de l’Afssaps, commission addictions du ministère de la Santé, de la Jeunesse, des sports et de la Vie associative).
Cette prise en charge est subordonnée à deux conditions :
– d’une part, l’inscription du nom du pharmacien désigné par le
patient sur l’ordonnance, pour prétendre à la prise en charge par
l’assurance maladie de ces médicaments ;
– d’autre part, en cas d’usage abusif ou de mésusage (sur la base
de critères intégrant notamment les quantités prescrites et le nombre
de prescripteurs), l’établissement d’un protocole de soins entre le
médecin traitant, qu’il exerce en ville ou en établissement, le médecin conseil de la caisse d’assurance maladie et le patient (article
L.324-1 du code de la Sécurité sociale). Ce protocole devra être signé
par le patient.
A L’arrêté prévoit, en outre, l’établissement systématique d’un tel protocole pour tout traitement par méthadone sous forme de gélules et ce, dès son initiation. En effet, la mise sur le marché de cette
nouvelle formulation galénique pourrait conduire à une augmentation
des cas d’abus et de mésusage, entraînant des risques sanitaires plus
importants. L’obligation d’établir un tel protocole est une des mesures
de précaution qui ont été jugées nécessaires au stade de la délivrance
de l’autorisation de mise sur le marché.
* Définie comme la buprénorphine administrée par voie orale à des doses
unitaires supérieures à 0,2 mg par prise.
A.C. : Non, pas tout à fait justement, et l’application de la “règle du jeu” aux “27” ne va pas
toujours de soi. Normalement,
le laboratoire dépose son PGR
auprès de l’Agence européenne
du médicament, l’EMEA, et le
Comité scientifique de celle-ci
statue. S’il l’adopte, le PGR
doit s’appliquer aux 27 pays
européens. Or, l’uniformité
européenne à tout prix est parfois difficile à respecter. Ainsi,
l’Afssaps a identifié un certain
nombre de problématiques particulières susceptibles d’être
rencontrées en France : offre
thérapeutique ou “cultures de
consommations” très spécifiques, pratiques médicales ou
conditions de délivrance différentes. J’ajouterai la nécessité de prendre en compte une
sensibilisation particulière due
à des problèmes de pharmacovigilance rencontrés antérieurement avec les produits d’une
même classe. Ces situations
expliquent que l’on soit parfois amené à mettre en place un
PGR national, complétant ou
prolongeant l’européen. Dans
ce cas, celui-ci renforce encore
les conditions de la vigilance
concernant un médicament, en
mettant en œuvre des réseaux
spécifiques et les engagements
de minimisation des risques.
Conséquence de quoi, il faut
aussi prévoir la communication, information et formation
qui le rendront plus lisibles par
tous en France, professionnels
de santé et patients.
Prenons l’exemple du tartrate
de varénicline (Pfizer), qui est
indiqué dans le sevrage tabagique chez l’adulte. Ce médicament, délivré sur prescription
médicale, a obtenu une AMM
européenne en septembre 2006
et est commercialisé en France
depuis plus d’un an. Les principaux effets indésirables identifiés au cours des essais clini-
Le Courrier des addictions (10) ­– n ° 2 – avril-mai-juin 2008
ques ont été des nausées, maux
de tête et insomnies. Cependant,
certaines populations n’ont pas
été étudiées (en particulier les
femmes enceintes, les sujets
âgés de moins 18 ans et les patients ayant des antécédents cardiovasculaires).
Le PGR européen comprend
notamment une étude de pharmacocinétique chez le sujet âgé
et plusieurs essais cliniques d’efficacité/sécurité dans les populations non étudiées. Dans le cadre
de l’application de ce PGR en
France, nous avons tenu à ajouter la mise en place d’un suivi
national “renforcé” de pharmacovigilance.
É largir le cadre de
la pharmacovigilance
Le Courrier des addictions :
Qu’apporte ce nouveau dispositif des PGR par rapport à
celui de vigilance spécifique
déjà existant ?
A.C. : Ce nouveau dispositif des
PGR vient élargir et prolonger
la démarche des systèmes actuels de vigilance, en dépassant
la seule surveillance passive
du médicament, avec recueil et
détection des signaux d’alerte
après sa mise sur le marché. Il
implique, pour tenir sa promesse
FOUSFUJFO
d’amélioration de la maîtrise et
de la surveillance du risque, une
coopération sincère entre les
industriels, les autorités sanitaires et les réseaux nationaux
de vigilance existants.
L’évaluation de la pharmacodépendance repose en France sur
un réseau de vigilance très performant, coordonné par l’Afssaps : les Centres d’évaluation
et d’information sur la pharmacodépendance (10 CEIP*),
qui sont en fait l’outil de travail
de la Commission nationale des
stupéfiants et des psychotropes.
Les CEIP et leurs correspondants ont chacun une zone géographique d’activité bien définie. Ils recueillent et évaluent les
données cliniques sur la pharmacodépendance et l’abus de substances psychoactives et évaluent
également le risque pour la santé
publique. Ils exercent une activité de recherche et contribuent
au développement de l’information sur le risque de pharmacodépendance et d’abus de ces
substances. Il ont également une
mission d’expertise et de conseil
et réalisent les travaux et enquêtes demandés par l’Afssaps. Ce
réseau est complémentaire de
celui de la pharmacovigilance
qui ne s’applique qu’aux médicaments et qui est un système de
veille des effets “indésirables”,
attendus ou inattendus, d’un traitement médicamenteux dans ses
conditions normales d’utilisation
et dans le cadre des mésusages
(utilisation d’un médicament
dans un but thérapeutique mais
non conforme aux recommandations). Les CEIP ont donc pour
mission de mettre en évidence
le phénomène “caché” de la
toxicomanie, échappant presque
complètement à la notification
spontanée. Ils se sont dotés pour
cela de moyens de surveillance
et d’évaluation spécifiques :
– OSIAP (Ordonnances suspectes, indicateur d’abus possible), système qui repose sur
le signalement des ordonnances suspectes par un réseau
sentinelle de pharmaciens
d’officine et constitue le pre-
mier outil d’appréciation d’une
toxicomanie ;
– le dépouillement des questionnaires standard anonymes,
OPPIDUM (Observation des
produits psychotropes illicites
ou détournés de leur utilisation
médicamenteuse), remplis avec
les patients traités “en ambulatoire”, fournit un marqueur
d’usage abusif de produits psychoactifs. Son objectif final est
de créer une banque de données
de pharmacodépendance comparatives d’une année sur l’autre.
Seuls deux autres pays au monde
(États-Unis et Allemagne) disposent d’un tel outil ;
– DRAMES (Décès en relation
avec l’abus de médicaments et
de substances) est l’identification des causes de décès en relation avec l’usage de substances
qui ont fait l’objet d’abus ou
dans le cadre d’une pharmacodépendance ;
– NotS (Notification spontanée),
est un recueil et une évaluation
des notifications spontanées et
des questions relatives à un abus
ou une pharmacodépendance,
qui a pour objectif de détecter
des signaux émergents (exemple : alerte sur les nouveaux cas
dans la base, analyse de tendances, etc). Avec tous ces éléments
fournis par les CEIP, la Commission nationale des stupéfiants et psychotropes rend des
avis préconisant des mesures de
prévention et de réduction des
risques d’abus et de détournements au directeur général de
l’Afssaps ou au ministre de la
Santé. Ils interviennent donc en
amont en évaluant les potentiels
d’abus et de dépendance des
médicaments lors de nouvelles
demandes d’AMM ou d’essais
cliniques. Ils interviennent aussi
en aval, en post-AMM, en réévaluant en continu le rapport bénéfice-risque des médicaments
psychoactifs, afin d’en adapter
les conditions de prescription et
de délivrance.
Les PGR, eux, élargissent et prolongent la démarche de ces systèmes de vigilance, en “mouillant”
l’industriel en pré-AMM, en lui
demandant de mieux appréhender le profil de sécurité de son
médicament et d’en prévoir et
gérer, de façon active, tous les
aspects problématiques. Il s’engage donc à étudier la pharmacodépendance et l’abus possible
de son médicament psychoactif,
deux aspects préoccupants qui
soulèvent, outre des problèmes
de santé publique et individuelles, des risques d’utilisation criminelle dans le cas de soumission chimique et de trafic.
Bien sûr, en post-AMM, l’industriel et les professionnels de santé doivent déclarer au plus vite
(dans tous les cas, au plus tard,
dans les quinze jours) au Centre
régional de pharmacovigilance
(CRPV) de rattachement géographique tout effet indésirable
grave ou inattendu susceptible
d’être lié à la prise du médicament. De même, tout cas grave
d’abus ou de pharmacodépendance doit être déclaré au Centre
d’évaluation et d’information sur
la pharmacodépendance (CEIP)
dont ils dépendent**. Enfin, des
études seront faites pour évaluer
l’impact des plans de minimisation des risques proposés.
éthadone sèche
M
réussir le “switch”
Le Courrier des addictions :
Le PGR de la méthadone en
gélule prévoit d’emblée les
plus faibles dosages. N’estce pas contradictoire avec les
données de la clinique ? Vous
ne parlez pas non plus de
maintenance avec cette nouvelle forme galénique…
A.C. : Notre mission sanitaire
est de faire des recommandations à un moment “M” , tout en
sachant que, dans la vie réelle,
la façon dont le prescripteur et
le patient vont se comporter, a
des probabilités d’en modifier,
à terme, les conditions de prescription et de délivrance. Un
produit, un médicament vit. Il
évolue… Et nous devons nous
adapter et évoluer nous aussi,
quitte à revoir nos messages et
nos préconisations. Cela nous
impose justement d’assurer une
veille et de rester à l’écoute de
tout ce que nous font “remonter” les acteurs de santé…
C’est précisément toute notre
mission !
En ce qui concerne la méthadone sèche, nous voulons vérifier que l’encadrement prévu
dans le PGR de la prescription
et de la délivrance permettra
de démarrer le “switch” de la
forme sirop à la gélule dans les
meilleures conditions. Nous espérons que cette nouvelle forme galénique a, comme pour la
buprénorphine haut dosage des
génériques, une vraie bioéquivalence et que l’on n’assistera
pas à des augmentations de posologie “sauvages”, par défaut
d’adaptation. Pour le moment,
nous en sommes à la phase de
surveillance “serrée” de l’arrivée sur le marché de cette
méthadone sèche, pendant au
moins six mois. On envisagera
peut-être, ultérieurement, la
problématique de la maintenance avec cette nouvelle forme
galénique, voire la prescription
renouvelable par le médecin généraliste, s’il y a lieu. Et, si au
bout d’un an, nous devons revoir
les conditions de l’AMM, dans
un sens ou dans l’autre, nous
reverrons également le PGR la
concernant. Il faut bien admettre qu’un PGR ne répond pas
tout de suite à toutes les questions et, qu’au-delà de celle du
profil de sécurité d’un produit,
est posée aussi celle des conditions d’accès aux traitements
qui recourent à celui-ci.
Le Courrier des addictions :
Vous avez prévu dans le PGR
une “étude observationnelle”
sur les spécialités à base de
buprénorphine haut dosage.
C’est-à-dire ?
A.C. : Chacun des laboratoires,
Schering-Plough, Arrow et
Merck, doit mettre en place une
étude d’observation, en constituant une cohorte de patients
Le Courrier des addictions (10) ­– n ° 2 – avril-mai-juin 2008
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identifiés, soit auprès des pharmaciens, soit auprès d’autres
professionnels de santé. Le but
en est de connaître la façon dont
est utilisée et “mésusée” la buprénorphine haut dosage. Les
“génériqueurs” ont aussi une
obligation de surveiller leurs
produits, au-delà de ce que nous
savons de leur bioéquivalence
par rapport au médicament
princeps. Ils n’ont pas le choix :
c’est une exigence de l’AMM
à laquelle ils ne peuvent se
soustraire. Pour le moment,
plusieurs centaines de patients
ont été inclus dans cette étude
nationale et nous en attendons
les premiers résultats.
E ncore du pain
sur la planche
Le Courrier des addictions : Il
n’y a pas de PGR pour les médicaments vendus sur Internet.
Comment faire ?
Les mesures mises en place dans le cadre du plan de gestion
de risque (PGR national) – Méthadone AP-HP® gélule
A Sécurisation du produit : mise sous blister sécurisé “child
proof” ; introduction, dans la composition de la gélule, d’un
agent aux propriétés gélifiantes, pour limiter le risque d’injection ; dosage maximum de 40 mg ; établissement d’un cadre
strict d’accès à la gélule, soumis à prescription initiale semestrielle réservée aux médecins exerçant dans des lieux spécialisés dans la prise en charge des toxicomanes ; délivrance sur
ordonnance dite “sécurisée” ; prescription pour une durée maximale de 14 jours, avec une dispensation fractionnée par période
de 1 à 7 jours maximum ; application systématique du protocole L.324-1 du code de la Sécurité sociale entre le patient, le
médecin traitant et le médecin conseil de l’assurance maladie
avec établissement d’un protocole de soins (en vertu de l’article
L.162-4-2 du code de la Sécurité sociale).
A Une surveillance renforcée de pharmacovigilance et de pharmacodépendance, par le laboratoire. Avec, en particulier : transmission immédiate à l’Afssaps de tout effet indésirable grave
ou abus grave, toute intoxication accidentelle et tout cas impliquant un enfant, transmission mensuelle à l’Afssaps d’un
bilan. Celui-ci inclut : les cas notifiés de pharmacovigilance
et de pharmacodépendance, le nombre de patients traités, pour
chaque forme (sirop et gélule) de méthadone, des informations
sur les pratiques de substitution et de mésusages, identifiées
auprès d’intervenants en toxicomanie, et d’associations d’usagers et de patients.
A Une étude observationnelle de cohorte, effectuée par le laboratoire, afin de suivre plus précisément les premiers patients passant
du sirop à la gélule.
A Un suivi national renforcé de pharmacovigilance, pharmacodépendance et toxicovigilance par l’Afssaps, en partenariat
avec l’INVS.
A Un plan de communication à destination des professionnels
de santé (lettre d’information ; articles sur le bon usage dans
des revues ciblées…) et des patients concernés (lettre d’accompagnement du traitement remise aux patients, lors de la primoprescription ou primo-délivrance).
Le Courrier des addictions :
Pour renforcer la gestion des
risques, le dossier pharmaceutique et le dossier médical
personnalisé ne sont-ils pas
aussi de nouveaux outils ?
A.C. : Oui, le dossier pharmaceutique (DP) est certainement
un outil très intéressant, car il
va permettre au pharmacien
d’avoir accès à l’historique du
traitement du patient sur les
quatre derniers mois, et de
mettre en évidence les redondances et interactions éventuelles. Mais il lui faudra obtenir
l’autorisation du patient pour
que figure dans son DP son traitement de substitution. On ne
pourra donc pas véritablement
contrôler ainsi le mésusage…
Quant au dossier médical personnalisé (DMP), il constituera
vraisemblablement un outil essentiel de contrôle de la iatrogénie des médicaments et aussi
des mésusages. Il doit, en effet,
établir un lien électronique entre tous les acteurs de santé : de
D’après la fiche rédigée par F. Cardona, J.P. Fagot, C. Messina-Gourlot, F.
Pons, A. Tricotel de l’Afssaps. Consulter sur : www.afssaps.sante.fr http://agmed.sante.gouv.fr/. Voir aussi laboratoires Bouchara-Recordati, 68, rue Marjolin, 92300 Levallois-Perret. Tél. : 01 45 19 10 59. Fax : 01 47 56 02 46.
plus, les professionnels de santé
recevront les alertes de l’Afssaps
et des autres autorités sur les
autres risques liés aux soins…
Mais quand deviendra-t-il réalité ?…
n
P.d.P.
Brèves
A.C. : Je précise que la vente non
autorisée sur Internet de médicaments, et de contrefaçons n’est
pas directement de ma responsabilité. C’est un véritable problème, mais l’Afssaps ne peut
guère contrôler que ce qu’elle
maîtrise. Or, tous les médicaments qui se vendent sur la toile
ne sont pas des produits dûment
estampillés et autorisés. On ne
peut pas faire grand chose a
priori, d’autant moins que la
plupart des sites sont étrangers.
Si on repère un site français qui
n’a pas statut d’établissement
pharmaceutique, on prend alors
des positions maximalistes.
Dans un communiqué publié
le 16 janvier 2006, l’Afssaps
a souligné que ces achats sur
Internet de médicaments, normalement obtenus sur prescription médicale, favorisaient les
risques de mauvais usage : en
ce qui concerne notamment les
risques de contre-indications,
interactions médicamenteuses,
informations incomplètes. Par
ailleurs, ces circuits de distribution n’offrent pas les garanties de
qualité de la chaîne pharmaceutique régulièrement contrôlée par
les autorités sanitaires (qualité
des produits proposés, conditions
de stockage…). Sans parler des
contrefaçons, produits dont l’intérêt et l’innocuité n’ont pas été
dûment évalués, ou relevant clairement du charlatanisme…
Alcool au volant, stop !
légal d’alcoolémie était respecté). Le CISR a donc décidé qu’en cas de
délit de conduite sous influence de l’alcool, les contrevenants seront
astreints à installer un éthylotest antidémarrage. Les autocars affectés
au transport d’enfants seront systématiquement équipés de ces éthylotests dès la rentrée scolaire 2009. Tous les établissements de loisirs
servant de l’alcool devront aussi s’équiper d’éthylotests électroniques.
La vente de toute boisson alcoolisée sera interdite dans les points de
distribution de carburants (aménagements possibles en milieu rural).
Pour parvenir à faire passer sous la barre de 3 000 le nombre des
personnes tuées sur la route d’ici 2012, (il est actuellement de plus
de 4 500 !), le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR)
du 13 février dernier a fait de la lutte contre l’alcool au volant une
priorité absolue. Celui-ci est devenu, en effet, le premier facteur d’accident sur la route en 2006 (26,3 % des vies seraient sauvées si le taux
Le Courrier des addictions (10) ­– n ° 2 – avril-mai-juin 2008
* Implantés à Bordeaux, Caen, Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nancy, Paris et Toulouse. Ils sont
assistés de centres correspondants.
** Coordonnées disponibles sur le
site Internet de l’Afssaps (www.afssaps.sante.fr), ou dans le dictionnaire
Vidal.
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