Le Courrier des addictions (10) – n ° 2 – avril-mai-juin 2008
7
d’amélioration de la maîtrise et
de la surveillance du risque, une
coopération sincère entre les
industriels, les autorités sani-
taires et les réseaux nationaux
de vigilance existants.
L’évaluation de la pharmacodé-
pendance repose en France sur
un réseau de vigilance très per-
formant, coordonné par l’Afs-
saps : les Centres d’évaluation
et d’information sur la phar-
macodépendance (10 CEIP*),
qui sont en fait l’outil de travail
de la Commission nationale des
stupéfiants et des psychotropes.
Les CEIP et leurs correspon-
dants ont chacun une zone géo-
graphique d’activité bien défi-
nie. Ils recueillent et évaluent les
données cliniques sur la pharma-
codépendance et l’abus de subs-
tances psychoactives et évaluent
également le risque pour la santé
publique. Ils exercent une acti-
vité de recherche et contribuent
au développement de l’infor-
mation sur le risque de pharma-
codépendance et d’abus de ces
substances. Il ont également une
mission d’expertise et de conseil
et réalisent les travaux et enquê-
tes demandés par l’Afssaps. Ce
réseau est complémentaire de
celui de la pharmacovigilance
qui ne s’applique qu’aux médi-
caments et qui est un système de
veille des effets “indésirables”,
attendus ou inattendus, d’un trai-
tement médicamenteux dans ses
conditions normales d’utilisation
et dans le cadre des mésusages
(utilisation d’un médicament
dans un but thérapeutique mais
non conforme aux recommanda-
tions). Les CEIP ont donc pour
mission de mettre en évidence
le phénomène “caché” de la
toxicomanie, échappant presque
complètement à la notification
spontanée. Ils se sont dotés pour
cela de moyens de surveillance
et d’évaluation spécifiques :
– OSIAP (Ordonnances sus-
pectes, indicateur d’abus pos-
sible), système qui repose sur
le signalement des ordonnan-
ces suspectes par un réseau
sentinelle de pharmaciens
d’officine et constitue le pre-
mier outil d’appréciation d’une
toxicomanie ;
– le dépouillement des ques-
tionnaires standard anonymes,
OPPIDUM (Observation des
produits psychotropes illicites
ou détournés de leur utilisation
médicamenteuse), remplis avec
les patients traités “en ambu-
latoire”, fournit un marqueur
d’usage abusif de produits psy-
choactifs. Son objectif final est
de créer une banque de données
de pharmacodépendance com-
paratives d’une année sur l’autre.
Seuls deux autres pays au monde
(États-Unis et Allemagne) dispo-
sent d’un tel outil ;
– DRAMES (Décès en relation
avec l’abus de médicaments et
de substances) est l’identifica-
tion des causes de décès en re-
lation avec l’usage de substances
qui ont fait l’objet d’abus ou
dans le cadre d’une pharmaco-
dépendance ;
– NotS (Notification spontanée),
est un recueil et une évaluation
des notifications spontanées et
des questions relatives à un abus
ou une pharmacodépendance,
qui a pour objectif de détecter
des signaux émergents (exem-
ple : alerte sur les nouveaux cas
dans la base, analyse de tendan-
ces, etc). Avec tous ces éléments
fournis par les CEIP, la Com-
mission nationale des stupé-
fiants et psychotropes rend des
avis préconisant des mesures de
prévention et de réduction des
risques d’abus et de détourne-
ments au directeur général de
l’Afssaps ou au ministre de la
Santé. Ils interviennent donc en
amont en évaluant les potentiels
d’abus et de dépendance des
médicaments lors de nouvelles
demandes d’AMM ou d’essais
cliniques. Ils interviennent aussi
en aval, en post-AMM, en réé-
valuant en continu le rapport bé-
néfice-risque des médicaments
psychoactifs, afin d’en adapter
les conditions de prescription et
de délivrance.
Les PGR, eux, élargissent et pro-
longent la démarche de ces systè-
mes de vigilance, en “mouillant”
l’industriel en pré-AMM, en lui
demandant de mieux appréhen-
der le profil de sécurité de son
médicament et d’en prévoir et
gérer, de façon active, tous les
aspects problématiques. Il s’en-
gage donc à étudier la pharma-
codépendance et l’abus possible
de son médicament psychoactif,
deux aspects préoccupants qui
soulèvent, outre des problèmes
de santé publique et individuel-
les, des risques d’utilisation cri-
minelle dans le cas de soumis-
sion chimique et de trafic.
Bien sûr, en post-AMM, l’indus-
triel et les professionnels de san-
té doivent déclarer au plus vite
(dans tous les cas, au plus tard,
dans les quinze jours) au Centre
régional de pharmacovigilance
(CRPV) de rattachement géo-
graphique tout effet indésirable
grave ou inattendu susceptible
d’être lié à la prise du médica-
ment. De même, tout cas grave
d’abus ou de pharmacodépen-
dance doit être déclaré au Centre
d’évaluation et d’information sur
la pharmacodépendance (CEIP)
dont ils dépendent**. Enfin, des
études seront faites pour évaluer
l’impact des plans de minimisa-
tion des risques proposés.
Méthadone sèche
réussir le “switch”
Le Courrier des addictions :
Le PGR de la méthadone en
gélule prévoit d’emblée les
plus faibles dosages. N’est-
ce pas contradictoire avec les
données de la clinique ? Vous
ne parlez pas non plus de
maintenance avec cette nou-
velle forme galénique…
A.C. : Notre mission sanitaire
est de faire des recommanda-
tions à un moment “M” , tout en
sachant que, dans la vie réelle,
la façon dont le prescripteur et
le patient vont se comporter, a
des probabilités d’en modifier,
à terme, les conditions de pres-
cription et de délivrance. Un
produit, un médicament vit. Il
évolue… Et nous devons nous
adapter et évoluer nous aussi,
quitte à revoir nos messages et
nos préconisations. Cela nous
impose justement d’assurer une
veille et de rester à l’écoute de
tout ce que nous font “remon-
ter” les acteurs de santé…
C’est précisément toute notre
mission !
En ce qui concerne la métha-
done sèche, nous voulons vé-
rifier que l’encadrement prévu
dans le PGR de la prescription
et de la délivrance permettra
de démarrer le “switch” de la
forme sirop à la gélule dans les
meilleures conditions. Nous es-
pérons que cette nouvelle for-
me galénique a, comme pour la
buprénorphine haut dosage des
génériques, une vraie bioéqui-
valence et que l’on n’assistera
pas à des augmentations de po-
sologie “sauvages”, par défaut
d’adaptation. Pour le moment,
nous en sommes à la phase de
surveillance “serrée” de l’ar-
rivée sur le marché de cette
méthadone sèche, pendant au
moins six mois. On envisagera
peut-être, ultérieurement, la
problématique de la maintenan-
ce avec cette nouvelle forme
galénique, voire la prescription
renouvelable par le médecin gé-
néraliste, s’il y a lieu. Et, si au
bout d’un an, nous devons revoir
les conditions de l’AMM, dans
un sens ou dans l’autre, nous
reverrons également le PGR la
concernant. Il faut bien admet-
tre qu’un PGR ne répond pas
tout de suite à toutes les ques-
tions et, qu’au-delà de celle du
profil de sécurité d’un produit,
est posée aussi celle des condi-
tions d’accès aux traitements
qui recourent à celui-ci.
Le Courrier des addictions :
Vous avez prévu dans le PGR
une “étude observationnelle”
sur les spécialités à base de
buprénorphine haut dosage.
C’est-à-dire ?
A.C. : Chacun des laboratoires,
Schering-Plough, Arrow et
Merck, doit mettre en place une
étude d’observation, en consti-
tuant une cohorte de patients