La Lettre du Cardiologue - n° 318 - octobre 1999
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e congrès sur l’insuffisance cardiaque organisé par le
Groupe de la Société européenne de cardiologie s’est
tenu à Göteborg (Suède). Il a réuni près de 2 000 méde-
cins, avec une participation américaine importante. Certaines ses-
sions ont été sélectionnées pour leur intérêt.
LES FEMMES ET L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Plusieurs études sont en faveur d’un meilleur pronostic chez les
femmes, notamment l’étude de Framingham. Les estrogènes
jouent un rôle important dans la protection du système cardio-
vasculaire. Ils améliorent le profil lipidique aussi bien pour les
triglycérides que pour le cholestérol. Certaines études ont mon-
tré que le traitement substitutif chez les femmes ménopausées
pouvait diminuer de 50 % les atteintes coronaires. Enfin, les estro-
gènes agissent directement sur le myocarde, notamment en dimi-
nuant l’apoptose par l’intermédiaire d’une diminution de la
caspase 3.
L’épidémiologie des atteintes cardiovasculaires chez les femmes
est difficile à apprécier du fait de l’absence d’une définition recon-
nue par tous. Les données varient ainsi considérablement selon
les critères retenus. La prévalence n’est pas très différente entre
les hommes et les femmes selon les tranches d’âge, sauf pour la
tranche la plus élevée, où la prévalence semble deux fois plus
importante chez la femme (16 % versus 8 %). Mais il est à noter,
alors que la définition retient habituellement des critères cliniques,
avec au premier rang la dyspnée, que, chez les femmes de
55-64 ans, la dyspnée à partir de deux étages est un symptôme
plus fréquent (38 % versus 18 % chez les hommes).
Les données sur les différences de pronostic entre les femmes et
les hommes sont contradictoires. Certaines sont en faveur d’un
meilleur pronostic chez les femmes (Ho et coll., Schocker et coll.,
Adams et coll.), mais d’autres sont en faveur d’un pronostic égal
(De Maria et coll.), voire moindre chez les femmes (Bourassa et
coll.).
A. Maggioni a présenté l’étude Italian Network Congestive Heart
Failure, qui a permis un suivi de 6 428 patients dans 133 centres.
À un an, le suivi a été possible pour 3 327 patients, dont 26 % de
femmes. L’âge moyen des patients était de 65 ± 12 ans chez les
femmes et de 62 ± 11 ans chez les hommes (p < 0,05). Il existait
des différences significatives entre les femmes et les hommes,
aussi bien pour certaines caractéristiques de base (tableau I) que
pour les traitements, avec un pourcentage moindre d’inhibiteurs
de l’enzyme de conversion et d’antiarythmiques chez les femmes.
En revanche, la mortalité et les hospitalisations à un an étaient
similaires entre les deux groupes. La différence de pronostic entre
les sexes est variable selon les études. Cette variabilité des résul-
tats provient probablement des différences de recrutement, notam-
ment s’il s’agit d’études épidémiologiques ou thérapeutiques.
FACTEURS PRONOSTIQUES
Ils sont relativement peu nombreux, avec des limitations impor-
tantes pour la plupart d’entre eux et des résultats variables en
fonction des populations qui ont servi à l’étude. La valeur pré-
dictive d’un facteur pronostique dépend, en outre, du stade de la
maladie (tableau II).
Parmi les facteurs neurohormonaux, le facteur natriurétique est
celui qui a le risque relatif le plus élevé (tableau III). Les fac-
teurs neurohormonaux interviennent dans une boucle complexe
associant facteurs neurohormonaux et hémodynamiques
(figure 1).
INFORMATIONS
“Heart Failure” 1999
Ph. Duc*
L
*Service de cardiologie A, hôpital Bichat, Paris.
Hommes Femmes p
Fraction d’éjection (%) 20,9 39,6 < 0,05
Fibrillation auriculaire (%) 20,9 27,9 < 0,05
Tachycardie ventriculaire (%) 29,1 20,7 < 0,05
Mortalité globale à un an (%) 16,4 15,9 NS
pour les cardiopathies ischémiques 17,9 19,2 NS
pour les cardiomyopathies dilatées 14,3 11,8 NS
Hospitalisation à un an (%) 24,9 23 NS
Tableau I. Étude Italian Network Congestive Heart Failure.
IC légère IC modérée IC sévère
Âge + + +
Étiologie + + +
Fraction d’éjection + + -
Neurohormones + + -
Hyponatrémie - - +
Comorbidité - + +
Bilirubine - - +
Tableau II. Valeur des facteurs pronostiques selon la sévérité de l’in-
suffisance cardiaque (IC).
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STRESS OXYDATIF
Lors de l’insuffisance cardiaque, les cellules apoptotiques aug-
mentent. En effet, le stress oxydatif est augmenté et stimule
l’apoptose. Ce phénomène est observé que l’étiologie soit isché-
mique ou non. La vitamine C par voie orale ou parentérale dimi-
nue les radicaux libres lipidiques, qui réaugmentent après son
arrêt. De même, elle améliore la fonction endothéliale et la sen-
sibilité des barorécepteurs. Seules des études sur des effectifs plus
importants pourront nous indiquer quel est le retentissement cli-
nique de la vitamine C (les études n’ont été effectuées que chez
quelques dizaines de patients).
LES ESSAIS CLINIQUES EN PRATIQUE
S. Yusuf a exposé les principaux enseignements des études por-
tant sur l’insuffisance cardiaque. La prévention des facteurs de
risque (hypertension artérielle, dyslipidémies, tabagisme) permet
de diminuer de manière très importante l’incidence de l’insuffi-
sance cardiaque, avec des traitements qui ont montré leur effica-
cité et leur bonne tolérance.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ont montré
qu’ils amélioraient la morbi-mortalité, mais certains éléments
témoignent des limites de leurs effets : blocage imparfait du sys-
tème rénine-angiotensine, augmentation des bradykinines avec une
éventuelle toux, échappement thérapeutique au long cours. Cer-
taines études, notamment l’étude RESOLVD, sont en faveur d’une
synergie entre les IEC et les antagonistes de l’angiotensine II.
Les bêtabloquants ont montré qu’ils amélioraient les caracté-
ristiques physiopathologiques (fraction d’éjection, volume télé-
diastolique) et la morbi-mortalité (études MDC, CIBIS I et II,
MERIT-HF). L’amélioration observée est d’autant plus impor-
tante que les patients sont traités par une association comprenant
IEC, antagoniste de l’angiotensine II et bêtabloquant.
La spironolactone a montré, à travers les études RALES, le béné-
fice de son association dans les stades sévères (classes III et IV
de la NYHA) sans augmentation importante de l’insuffisance
rénale ou de l’hyperkaliémie. Une méta-analyse a montré la
réduction significative (29 %) des fibrillations ventriculaires et
des décès rythmiques.
La digoxine a montré qu’elle diminuait les hospitalisations sans
aggraver la mortalité, contrairement aux autres inotropes positifs
(vesnarinone...).
Enfin, l’approche globale et concertée permet une réduction
très significative des réhospitalisations. Du fait de la complexité
du traitement, notamment pharmacologique, S. Yusuf suggère
l’implantation de “cliniques” de l’insuffisance cardiaque per-
mettant d’optimiser la prise en charge globale sous la direction
du médecin traitant et du cardiologue. Malgré les nombreux essais
cliniques, le traitement actuel de la plupart des patients n’est pas
optimal, du fait des difficultés diagnostiques et de la sous-utili-
sation des médicaments, en raison principalement de la crainte
des effets indésirables.
RÉSULTATS DES GRANDES ÉTUDES CLINIQUES
L’étude MERIT-HF a testé l’effet sur la mortalité globale du
métoprolol chez des insuffisants cardiaques en classe II à IV de
la NYHA. Les caractéristiques des patients sont indiquées dans
le tableau IV.
L’analyse des sous-groupes a montré que l’effet bénéfique
observé était indépendant de l’âge, du sexe, de l’étiologie isché-
mique, du tabagisme et du diabète. L. Tavazzi a montré les résul-
tats à six mois d’une étude pragmatique de l’utilisation des
bêtabloquants (bisoprolol, métoprolol et carvédilol) auprès de
INFORMATIONS
Cardiotoxicité
Apoptose
Remodelage
Rétention hydrosodée
Vasoconstriction
Stress oxydatif
Système RAA
Vasopressine
Endothéline
Système
adrénergique
Congestion
Débit
cardiaque
Vasodilatation
Rétention hydrosodée
NO
Peptides
natriurétiques
Prostaglandines
Apoptose
Cardioprotection
Figure 1. Facteurs neurohormonaux.
Risque relatif p
Norépinéphrine 1,25 < 0,05
Arginine vasopressine 1,28 < 0,05
Facteur natriurétique 1,91 < 0,05
Activité rénine plasmatique 1,30 < 0,05
Tableau III. Facteurs neurohormonaux et risque relatif.
Âge moyen (années) 64
Sexe masculin (%) 77
Classe II/III/IV (%) 41/56/3
Fraction d’éjection (%) 28
Dose moyenne de métoprolol 159 mg
Arrêt du métoprolol (%) 13,9
Mortalité 7,2 versus 11 % dans le groupe
placebo, soit une réduction de 34 %
Réduction de la mortalité par IC (%) 49
Réduction de la mortalité 41
par mort subite (%)
Tableau IV. Caractéristiques des patients sous métoprolol de l’étude
MERIT-HF.
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2 950 patients recrutés pendant un mois dans toute l’Italie. L’âge
moyen des patients était de 61 ans, avec 83 % des patients qui
étaient encore sous bêtabloquants à six mois. Aucun bénéfice cli-
nique n’était observé à six mois. Cela pourrait être expliqué par
la brièveté du délai, qui comprenait la période de mise en route.
L’étude RUSSLAN a analysé les effets du levosimendan chez
des patients ayant une dysfonction ventriculaire dans les suites
d’un infarctus du myocarde (moins de cinq jours) et nécessitant
un traitement par inotrope positif. Le levosimendan est un cal-
cium-sensibilisateur qui augmente le débit cardiaque et diminue
la pression capillaire pulmonaire sans aggravation de la consom-
mation d’oxygène du myocarde. Plus de 500 patients ont été étu-
diés, avec 5 groupes (un groupe placebo et 4 doses de levosi-
mendan). L’objectif principal de l’étude était la survenue d’une
hypotension ou d’une ischémie cliniquement significative.
Aucune détérioration n’a été observée avec le levosimendan par
rapport au placebo. Pour les critères secondaires, une améliora-
tion significative a été constatée avec le levosimendan (dyspnée,
mortalité, aggravation de l’insuffisance cardiaque, et mortalité
pendant les 72 premières heures ou les 14 premiers jours).
Certains points restent néanmoins à préciser : la fonction ventri-
culaire n’a pas été mesurée, et on ne sait donc pas la part des dys-
fonctions systoliques ; le pourcentage de patients du groupe pla-
cebo ayant finalement nécessité un inotrope positif a été de
seulement 5 %, ce qui pose le problème de l’indication même du
traitement. Cette première étude portait principalement sur la tolé-
rance. Il faudra attendre les études sur l’efficacité.
L’étude MOXCON a testé les effets de la moxonidine sur la
mortalité globale de patients en insuffisance cardiaque en classe
II à IV de la NYHA. Cette étude a inclus 2 449 patients dont la
majorité était en classe II/III de la NYHA, provenant de
425 centres et avec une posologie de moxonidine qui variait de
0,25 à 1,25 mg/jour. Les principaux résultats sont indiqués dans
le tableau V.
Les résultats n’étaient pas en faveur d’un bénéfice de la moxoni-
dine et, bien que le comité de surveillance des données n’ait pas
envisagé l’interruption de l’étude, le promoteur a décidé son arrêt.
La noradrénalinémie a diminué de moitié dans le groupe moxo-
nidine. L’explication de l’augmentation de la morbi-mortalité n’est
pas claire : diminution trop importante de la noradrénalinémie,
titration trop rapide, doses trop élevées ? Il faudra attendre les
résultats définitifs, mais il n’est pas sûr que l’analyse complète
des données permette de déterminer les mécanismes en jeu.
R. Doughty a présenté les résultats d’une prise en charge glo-
bale et concertée de patients adressés pour insuffisance car-
diaque (Auckland Heart Failure Management Study). L’objec-
tif principal était les décès, les réadmissions et la qualité de vie
mesurée selon le questionnaire Minnesota (Minnesota Living
With Heart Failure Questionnaire). Les patients étaient rando-
misés entre prise en charge habituelle et prise en charge “glo-
bale”. La prise en charge comprenait l’éducation des patients et
des consultations régulières programmées. Le suivi a été de 12 mois
(tableau VI).
Ces résultats ne montrent pas d’amélioration dans le groupe “prise
en charge globale” pour les paramètres mesurés, notamment la
classe NYHA et les décès. Les raisons de cette absence d’amé-
lioration ne sont pas encore élucidées, car seuls les résultats pré-
liminaires ont été présentés. L’inclusion de patients ayant une
insuffisance cardiaque peu grave et le faible effectif expliquent
probablement cette absence de différence significative, alors que
la plupart des études publiées démontrent une amélioration des
patients, notamment pour ce qui concerne les réhospitalisations.
ENDOTHÉLINES
L’endothéline est une neurohormone particulièrement importante
dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. Son taux est
d’autant plus augmenté que la pathologie est grave. La mortalité
est d’autant plus importante que les taux d’endothéline 1 ou de
big-endothéline sont augmentés. Ainsi, l’endothéline est un bon
facteur pronostique. Les antagonistes, notamment le bosentan, ont
montré qu’ils amélioraient les courbes pression-volume, le taux
de mortalité et les taux de norépinéphrine dans un modèle expé-
rimental d’insuffisance cardiaque chez le rat. Chez l’homme, les
études préliminaires, notamment l’étude REACH-1 chez des insuf-
fisants cardiaques sévères (classes IIIb et IV de la NYHA), ont
montré une amélioration des symptômes et des durées d’hospita-
lisation. Malheureusement, la mauvaise tolérance hépatique de
INFORMATIONS
Placebo Moxonidine
Mortalité globale (%) 2,8 5
Aggravation de l’insuffisance cardiaque (%) 4,0 5,1
Infarctus du myocarde (%) 0,5 0,7
Effets indésirables graves cardiaques (%) 2,2 4,5
Ensemble des événements (%) 9,5 15,3
Tableau V. Principaux résultats de l’étude MOXCON.
Prise en charge Prise en charge
globale usuelle
Nombre de patients 97 90
Âge moyen (ans) 72,5 73,5
Sexe féminin (%) 36 40
Fibrillation auriculaire (%) 34 31
À un an
réhospitalisations 1/ 2 27/32 27/37
nombre total de journées
d’hospitalisation 528 733
Coût en dollars 456 255 467 180
Tableau VI. Résultats de l’étude Auckland Heart Failure Management.
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cette molécule a entraîné l’arrêt prématuré de l’étude. Chez les
patients qui ont pu être traités pendant plusieurs mois, le bosen-
tan a amélioré la symptomatologie. La question reste ouverte de
la meilleure approche thérapeutique entre antagonistes spécifiques
des récepteurs A ou des récepteurs A et B de l’endothéline.
ABLATION SEPTALE PAR INJECTION DALCOOL
DE LA PREMIÈRE SEPTALE
Certaines équipes ont l’expérience de cette procédure depuis
quelques années. Les résultats à court et moyen terme (jusqu’à
un an) montrent une amélioration significative du gradient sous-
aortique au repos et à l’effort, des symptômes, de la classe NYHA,
de l’épaisseur du septum interventriculaire. Le remodelage est
particulièrement visible dans le territoire infarci. Aucune aug-
mentation des arythmies ventriculaires n’est notée, et la fraction
d’éjection ventriculaire est conservée. Les indications sont prin-
cipalement limitées aux formes asymétriques avec un gradient
sous-aortique significatif et qui restent symptomatiques malgré
le traitement médical.
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