N° d’ordre 45-2000 Année 2000 THÈSE présentée Devant l' Université Claude Bernard Lyon I pour l'obtention du DIPLOME DE DOCTORAT Spécialité : Génétique des Populations Formation Doctorale : Analyse et Modélisation des Systèmes Biologiques par Fabrice Vavre Les Wolbachia, bactéries endosymbiotiques parasites de la reproduction des Arthropodes : Circulation, diversité et évolution des effets dans un complexe parasitaire Soutenue le 25 Février 2000 devant la commission d'examen : MM Boulétreau M. Prof. Univ. Lyon I Combes C. Prof. Univ. Perpignan Fleury F. MdC Univ Lyon I Gautier C. Prof. Univ Lyon I Gouyon P.H. Prof. Univ. Orsay Hochberg M. D.R. CNRS Rigaud T. C.R. CNRS Stouthamer R. Prof. Univ. Wageningen Directeur Rapporteur Co-directeur Président Examinateur Examinateur Rapporteur Rapporteur LABORATOIRE DE BIOMÉTRIE ET BIOLOGIE EVOLUTIVE-UMR CNRS 5558 UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I 43 bd du 11 Novembre 1918 69622 Villeurbanne Naître, c'est à la portée de tout le monde... Même moi je suis né ! Mais il faut devenir, ensuite ! Devenir ! Grandir, croître, pousser, grossir (sans enfler), muer (sans muter), mûrir (sans blettir), évoluer (en évaluant), s'abonnir (sans s'abêtir), durer (sans végéter), vieillir (sans trop rajeunir), et mourir sans râler, pour finir ! Un gigantesque programme ! Une vigilance de chaque instant... Daniel Pennac "Monsieur Malaussène" à ma Coco, à ma famille, Je remercie tout particulièrement Michel Boulétreau de m'avoir ouvert les portes de son laboratoire il y a sept ans déjà pour un simple stage de DEUG. L'histoire s'est poursuivie et il m'a proposé un sujet de thèse qui me convenait tout à fait et qui m'a amené jusqu'ici. Que ce soit par les conseils qu'il m'a prodigués, par la confiance qu'il m'a accordée ou par les responsabilités qu'il m'a laissées, il a pris une part prépondérante dans ma formation de jeune chercheur. Je souhaite à tout thésard un chef comme lui. Frédéric Fleury a co-encadré mon premier stage au laboratoire alors qu'il n'était qu'un jeune thésard ! Il m'a déjà à l'époque communiqué son enthousiasme pour la recherche. Il a également co-encadré cette thèse et m'a encore été d'un grand soutien, que ce soit pour la recherche ou l'enseignement. J'ai particulièrement apprécié nos "prises de bec" scientifiques et nos réconciliations gastronomiques et œnologiques. Je lui adresse toute mon amitié. Malgré la difficulté de la langue, Richard Stouthamer a bien voulu accepter d'être rapporteur de cette thèse. Je tiens à l'en remercier d'autant plus sincèrement qu'il a porté dès le début une attention particulière à mon travail, notamment en m’accueillant dans son laboratoire. Messieurs Claude Combes et Thierry Rigaud ont également accepté la lourde tâche d'être rapporteurs de ce travail. Je tiens à leur exprimer toute ma reconnaissance. Je remercie également Messieurs Christian Gautier, Pierre Henry Gouyon et Michaël Hochberg qui m'ont fait l'honneur de participer à ce jury. Messieurs Pierre Couble et Philippe Normand m'ont accueilli dans leur laboratoire pour mettre en place la technique de PCR. Qu'ils soient assurés de toute ma gratitude. Sans lui, ce travail ne serait pas ce qu'il est, et il n'aurait pas été aussi agréable d'aller travailler. C'est bien dans les vieux pôts que l'on fait les meilleurs fromages ! Que Pierre Fouillet reçoive ici toute ma reconnaissance et mon amitié. Je remercie également Sonia et Odette qui ont pallié mes problèmes d'organisation en me fournissant tubes d'élevage, œufs, larves, pupes et adultes de Drosophiles ainsi que de nombreux coups de main bienvenus. Je laisse à Franck le soin de poursuivre le travail sur Wolbachia. Je lui fais entièrement confiance pour élaborer des théories fantasmagoriques. Je compte sur Nicolas et son scepticisme légendaire pour le faire redescendre sur Terre. Bonne thèse à tous les deux. Merci à Roland, Jocelyne, Jeanine, Jean-Marie, Sophie, Misou et tous les autres d'avoir construit un nid douillet où il m'a été agréable de rester au chaud durant quelques années. Merci également aux stagiaires qui ont essuyé les plâtres d'un enseignant en formation et pour avoir contribué à ce travail. Une attention particulière va à Marie et Julien dont la bonne humeur a raisonné bien fort dans les couloirs vides de l'été. J'aimerais remercier du fond du cœur mes parents pour leur soutien moral et matériel. Qu'ils soient assurés de ma profonde reconnaissance. Que tous mes proches, et mes sœurs en particulier, reçoivent une avalanche de bisous en remerciement de toute l'attention qu'ils m'ont portée. Enfin, que ma Coco reçoive tout mon amour pour son soutien constant, pour son ardoise remonte-moral, pour sa patience, pour ses petits plats..., et surtout pour sa présence (même loin d'ici). Résumé Les Wolbachia sont des bactéries endosymbiotiques d'Arthropodes spécialisées dans la manipulation de la reproduction de leurs hôtes. Malgré leur transmission maternelle, elles ne confèrent généralement pas d'avantage à leur hôte, ce qui constitue à première vue un paradoxe puisque la théorie prévoit pour ce type de transmission une évolution de l'association vers le mutualisme. Cette étude a eu pour objectif de caractériser la diversité phylogénétique et phénotypique des Wolbachia au sein d'un complexe parasitaire composé des Drosophiles et de leurs parasitoïdes, et d'analyser les composantes de la dynamique démographique et évolutive des associations Wolbachiainsecte. L'analyse de la diversité moléculaire des Wolbachia au sein du complexe drosophile-parasitoïdes montre que les parasitoïdes sont plus sensibles que les Drosophiles à l’infection par Wolbachia, la majorité des espèces étant infectées et même multi-infectées. La similitude entre les Wolbachia symbiotiques d’espèces écologiquement interconnectées suggère que les transferts des hôtes vers les parasitoïdes ou entre parasitoïdes sont fréquents et permettent aux Wolbachia la capture de nouveaux hôtes. La diversité des effets de l’infection sur la reproduction des est beaucoup plus étendue que ce que l'on pouvait penser. Le phénotype exprimé par l’association est différent pour chaque espèce parasitoïde étudiée, et deux types d’incompatibilité cytoplasmique jusqu’alors inconnus chez les insectes ont été observés. Des études sur le contrôle du coût physiologique par les deux partenaires ainsi que sur l'évolution théorique de l'association, permettent d'interpréter cette diversité comme le résultat d'une évolution conjointe du génome des deux partenaires. Les conséquences de cette évolution pourraient être une réduction de la densité bactérienne conduisant à une réduction de l'intensité des effets de Wolbachia sur la reproduction, pouvant aboutir à la perte de l'infection par Wolbachia. L'ensemble de ces résultats permet de proposer que l'état actuel de l'infection à Wolbachia chez les Arthropodes pourrait correspondre à un cycle continuel d'acquisition de la bactérie par transfert horizontal puis de perte après coévolution des partenaires et réduction des effets. Cette dynamique d'acquisition-perte à l'échelle d'un grand nombre d'espèces pourrait permettre le maintien d'une proportion stable du nombre d'espèces infectées par la bactérie. Summary Wolbachia are endosymbiotic bacteria that infect numerous species of Arthropods and that are specialized in manipulation of host reproduction. Despite their maternal transmission, they generally do not increase the fitness of their host. This is paradoxal since theory predicts that such vertically-transmitted symbionts should evolve toward mutualism. In this study, the phylogenetic and phenotypic diversity of Wolbachia is studied in a parasitic complex associating Drosophila and parasitoid species, and the epidemiologic and evolutionary dynamics of insect –Wolbachia associations are analysed. The study of molecular and phylogenetics diversity of Wolbachia in the Drosophilaparasitoid complex shows that parasitoids are more susceptible to Wolbachia infection than Drosophila : most species are infected and even multi-infected. The similarity of Wolbachia infecting ecologically connected species suggests frequent horizontal transfers from Drosophila or parasitoids to parasitoids, that may allow host capture by Wolbachia. In all parasitoid species studied, Wolbachia has a different effect on host reproduction. Moreover, two types of cytoplasmic incompatibility sofar unobserved in insects have been evidenced. Studies on the regulation of the infection cost by the host and by Wolbachia, together with theoretical studies on the evolution of the association, suggest that this diversity is a consequence of the genome evolution of both partners. This evolution could lead to a decrease in bacterial density and a correlated decrease in the effect on host reproduction, resulting in the infection loss. Results can help in explaining the pattern of Wolbachia infection in Arthropods by unceasing cycles of acquisition of the bacterium by horizontal transfer and loss due to reduction of reproduction manipulation after coevolution of the two partners. This acquisition-loss dynamics may allow the maintainance of a stable frequency of infected species in communities. SOMMAIRE 1ère PARTIE : Présentation Générale AVANT-PROPOS....................................................................................... 1 INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 I LES INTERACTIONS DURABLES ..........................................................................................4 I.1 Les interactions durables dans l'évolution.......................................................................4 I.2 L'évolution des interactions durables.............................................................................5 II PRÉSENTATION SUCCINCTE DES SYSTÈMES W OLBACHIA -ARTHROPODES................................9 II.1 Présentation générale et spectre d'hôtes.........................................................................9 II.2 Phylogénie des Wolbachia et transferts horizontaux......................................................10 II.3 Bilan métabolique de l'infection................................................................................14 II.4 Les Wolbachia manipulent la reproduction de leurs hôtes...............................................15 II.4.1 La féminisation (voir la synthèse de Rigaud, 1997).................................................15 II.4.2 Le male-killing.............................................................................................16 II.4.3 La parthénogenèse thélytoque...........................................................................18 II.4.4 L'incompatibilité cytoplasmique.......................................................................19 II.4.5 Conséquences de la manipulation de la reproduction de l'hôte.....................................22 III PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE ..........................................................................25 2ÈME PARTIE : RÉSULTATS TRANSFERTS HORIZONTAUX DE WOLBACHIA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 7 I C IRCULATION DES W OLBACHIA À L'INTÉRIEUR DU COMPLEXE : ANALYSE PHYLOGÉNÉTIQUE....28 II TENTATIVES DE TRANSFERTS NATURELS DE W OLBACHIA (ANNEXE 3)...................................31 III DISCUSSION ...............................................................................................................33 DIVERSITÉ DES EFFETS DE WOLBACHIA CHEZ LES ESPÈCES HAPLODIPLOÏDES ET CONSÉQUENCES SUR LA DYNAMIQUE D'INVASION . . . . 3 7 I DIVERSITÉ DES EFFETS CHEZ LES HAPLODIPLOÏDES.............................................................38 I.1 Diversité de l'IC......................................................................................................38 I.2 Effets autres que l'IC et la thélytoquie.........................................................................41 II CONSÉQUENCE DE LA DIVERSITÉ DES TYPES D'IC SUR LA DYNAMIQUE D'INVASION.................41 III DISCUSSION ...............................................................................................................45 LE COÛT DES SYMBIOSES À W O L B A C H I A : INFLUENCE DES FACTEURS GÉNÉTIQUES ET ÉPIGÉNÉTIQUES...........................................................49 I C OÛT DE L'INFECTION CHEZ L. HETEROTOMA : INFLUENCE DU GÉNOTYPE DE L'HÔTE ET DE LA TEMPÉRATURE ...........................................................................................................50 I.1 Influence de l'hôte...................................................................................................53 I.2 Influence de la température et interactions avec le génotype de l'hôte.................................54 II INFLUENCE DU TYPE BACTÉRIEN .....................................................................................55 III DISCUSSION ...............................................................................................................55 MODÈLES THÉORIQUES D'ÉVOLUTION DES ASSOCIATIONS À WOLBACHIA DANS LE CAS DE L'IC..........................................................................61 I L'ÉVOLUTION DU POINT DE VUE DE W OLBACHIA .................................................................63 I.1 Compétition entre variants compatibles chez les haplodiploïdes.......................................64 I.2 Compétition entre variants incompatibles....................................................................66 I.3 Conclusions...........................................................................................................68 II L'ÉVOLUTION DU POINT DE VUE DE L'HÔTE ........................................................................69 II.1 Variation d'un seul paramètre....................................................................................70 II.2 Variations concertées de tous les paramètres................................................................71 II.3 Conclusion...........................................................................................................73 III CONCLUSIONS GÉNÉRALE.............................................................................................74 3ÈME PARTIE : Discussion Générale LA SYMBIOSE À WOLBACHIA : UN ÉQUILIBRE ACQUISITION-PERTE À L’ÉCHELLE DES COMMUNAUTÉS ?.........................................................79 I L'ACQUISITION OU LA SÉLECTION INTER-SPÉCIFIQUE ..........................................................82 I.1 L'acquisition proprement dite.....................................................................................81 I.2 Le filtre d'invasion..................................................................................................84 I.3 Bilan des filtres dans les communautés Drosophiles-parasitoïdes.......................................85 II L'ÉVOLUTION DE L'ASSOCIATION OU LA SÉLECTION INTRA-SPÉCIFIQUE .................................86 III SÉLECTION INTER OU INTRA-SPÉCIFIQUE ?.......................................................................89 IV QUEL AVENIR POUR W OLBACHIA ?.................................................................................91 V C ONSÉQUENCES DE LA PRÉSENCE DE W OLBACHIA ET DE LA DYNAMIQUE ACQUISITION-PERTE SUR LES HÔTES ET LA COMMUNAUTÉ .........................................................................................93 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.............................................................97 Avant-Propos A VANT -P ROPOS Les Wolbachia sont des bactéries endosymbiotiques présentes chez de nombreux Invertébrés et principalement chez des Insectes. Elles ont été observées pour la première fois en 1924 par Hertig & Wolbach, et ont fait l'objet de très nombreuses études durant les deux dernières décennies. Ce "Wolbachia-boom" est dû en particulier à l'utilisation de l'outil moléculaire qui a rendu plus faciles la détection et surtout l’identification de ces bactéries non cultivables. L'explosion des connaissances sur Wolbachia se traduit aujourd'hui par une abondante littérature, de nombreux articles de synthèse, et même un livre entier qui leur est consacré. Il est alors bien difficile de présenter d'une manière originale ces bactéries. Les Wolbachia sont spécialisées dans la modification de la reproduction de leur hôte et constituent à première vue un paradoxe dans le monde des symbiotes transmis verticalement (de parents à descendants). En effet, alors que la théorie prévoit leur évolution vers le mutualisme puisque leur fitness dépend de celle de l’hôte, les Wolbachia n’augmentent que très rarement la valeur sélective de leur hôte. Ce paradoxe est d'autant plus surprenant que ces bactéries sont parmi les symbiotes les plus répandus dans le monde animal. Ce manuscrit présente l’ensemble des résultats que j’ai obtenus sur ces bactéries. Il comporte trois parties. La première partie expose la problématique générale afin de situer les Wolbachia dans le cadre plus général de l'évolution des interactions durables entre deux organismes. Cette présentation sera suivie d’une brève synthèse sur les Wolbachia qui n’aura pas pour objectif d’être exhaustive mais simplement de donner les informations nécessaires à la compréhension de la biologie de ces bactéries, et en particulier des altérations qu'elles induisent sur la reproduction de leurs hôtes. C’est à l’issue de cette synthèse que sera présentée plus en détail la problématique de ma thèse. La seconde partie est consacrée à la présentation des résultats obtenus sur les Wolbachia des parasitoïdes de Drosophiles. Elle comporte quatre thèmes : les transferts horizontaux, la diversité des effets de Wolbachia sur la reproduction et ses conséquences 1 Avant-Propos sur la dynamique d'invasion de la population hôte, le coût de l’infection et les facteurs qui l'influencent, et enfin l'étude théorique de l'évolution des associations à Wolbachia. Chacun de ces chapitres est composé d'une présentation de la problématique et de l'état des connaissances sur la question, d'un résumé détaillé des travaux et d'une discussion des résultats. Enfin, la troisième partie est une réflexion personnelle sur les associations hôteWolbachia et notamment sur un aspect relativement peu discuté dans la littérature : la dynamique des associations symbiotiques dans un ensemble d'espèces ou en d'autres termes l'équilibre acquisition-perte d'un symbiote dans une communauté. Cette vision plus globale des Wolbachia permet de concilier les deux caractéristiques fondamentales de ces bactéries : leur capacité à être transférées de manière horizontale, et leur aptitude à manipuler la reproduction de leurs hôtes, et ouvre de nombreuses perspectives de recherche. Les annexes regroupent une partie « matériel et méthodes », qui présente le détail des espèces utilisées et des protocoles, les travaux publiés ou en cours de publication, et des rapports d'expériences de travaux préliminaires. Ces annexes ne sont pas présentées dans la version électronique. Pour de plus amples informations, n’hesitez pas à me contacter… 2 Introduction INTRODUCTION Dire que la symbiose est un moteur de l'évolution est aujourd'hui un lieu commun. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on sait que l'acquisition de différents symbiotes comme les mitochondries et les chloroplastes a été à l'origine de l'apparition de la cellule eucaryote (Margulis 1993). Bien évidemment, beaucoup d'autres symbiotes ne se sont pas intégrés de façon aussi spectaculaire, mais leur impact sur l'évolution des espèces n'en est pas moins considérable. La symbiose fait partie des interactions entre espèces de deux niveaux trophiques différents, qui peuvent être classées selon deux continuums (Toft 1991). Le premier considère l'effet de l'espèce qui reçoit l'énergie sur l'espèce qui fournit l'énergie, et varie d'un effet positif à un effet négatif. Le second est relatif au degré d'association physique entre les deux partenaires qui va de l'indépendance complète du receveur (vie libre) à sa dépendance complète (symbiose). Ces deux continuums sont indépendants et fournissent un paysage dans lequel toutes les associations trophiques peuvent être placées. La position de l'association considérée dans ce paysage va définir les contraintes sélectives qui s'exercent entre les deux partenaires. L'indépendance des deux continuums montre que le terme de symbiose n'implique aucunement une relation à bénéfice réciproque. Nous retenons donc la définition originelle et étymologique du terme symbiose (vivre ensemble) : cette relation se distingue des autres interactions trophiques par le fait que l'association entre un organisme symbiotique et un organisme hôte constitue une association physique qui s'établit dans la durée (De Bary 1879). Ceci a conduit Combes (1995) à proposer la notion d'interaction durable pour définir ce type particulier de relation. La composante temporelle des interactions durables en fait sans doute un des facteurs prépondérants de l'évolution des espèces. En effet, la symbiose entraîne une modification durable du phénotype des deux partenaires, au contraire des autres interactions (Combes 1995). L'action de la sélection s'exerce sur le phénotype étendu et donc sur le génome des deux partenaires ainsi que sur leurs interactions (Dawkins 1982). 3 Introduction I Les interactions durables I.1 Les interactions durables dans l'évolution “ Il n'existe pas, et il n'a peut-être jamais existé (sauf à la naissance même de la vie) d'organisme qui n'établisse ou ne subisse d'interaction durable avec un autre organisme ” (Combes 1995). À elle seule, cette phrase illustre l'intérêt de l'étude des interactions durables. Ces interactions s'appliquent à toute relation entre deux organismes d'espèces distinctes, du moment que celle-ci s'inscrit dans la durée. Elle implique donc deux partenaires, un hôte et un symbiote. On peut distinguer trois grands types d'interactions durables : le parasitisme, où le parasite exploite son hôte en lui infligeant un coût ; le mutualisme, où l'hôte, lui aussi, retire un avantage de l'association ; et enfin la situation intermédiaire, le commensalisme, où les deux partenaires coexistent sans qu'il y ait ni coût ni avantage pour l'hôte (Cheng 1991). Il faut noter que la notion de coût et de bénéfice se réfère ici au bilan de l'association. En effet, dans tout type de symbiose, le symbiote peut induire à la fois un coût et un avantage à son hôte (Thompson 1988 ; Bronstein 1994). C'est la balance entre coût et bénéfice, c'est-à-dire le bilan de l'association au niveau de la fitness des deux partenaires, qui permet de définir le type de relation entre l'hôte et le symbiote. Ceci est parfaitement illustré dans le cas des figuiers et de leurs pollinisateurs. Ces derniers se développent aux dépens des graines et infligent donc un coût à leur hôte, mais en contrepartie, ils permettent la fertilisation d'autres fleurs (Kjellberg et al. 1987). Cette balance coût/avantage du symbiote permet d'expliquer que le statut de l'association puisse passer du mutualisme au parasitisme suivant les conditions écologiques, l'état physiologique, ou la densité des deux partenaires (Bronstein 1994), et que l’opinion de différents auteurs, s'appuyant sur des critères distincts, puisse diverger sur le statut d'une association donnée. Évidemment, si aucun organisme n'échappe aux interactions durables, cela entraîne une diversité quasi infinie des types d'association, aussi bien au niveau de la position taxinomique des deux partenaires, qu'au niveau de leurs interactions (Combes, 1995). Il est alors bien difficile de s'intéresser simultanément à tous les types d'association. Pour 4 Introduction les différencier, un des paramètres qui peut être pris en compte est la localisation du symbiote. En effet, certains symbiotes sont externes à l'hôte, d'autres internes (Nardon & Grenier 1993 ; Douglas 1994). Dans ce mémoire, c'est un type particulier d'interaction durable qui sera étudié, l'endocytobiose. Ce type de relation concerne un microorganisme (procaryote ou eucaryote) vivant à l'intérieur des cellules de son hôte, en général eucaryote. La mise en place de ce mode de vie implique que le symbiote franchisse un nombre important de filtres (Combes 1995) : rencontre de l'hôte, pénétration dans les cellules et colonisation des organes reproducteurs pour les symbiotes transmis maternellement (filtre de rencontre) et évitement du système immunitaire (filtre de compatibilité)... Malgré toutes ces contraintes, ce type de relation est un des plus répandus (Buchner 1965) et là encore, la diversité est grande, les endocytobiotes pouvant également être parasites, mutualistes ou commensaux. Toutefois, quel que soit le type de relation, les endocytobioses ont joué et jouent encore un rôle primordial dans l'évolution des espèces (Rennie 1992) et sont à l’origine de transitions majeures de l'évolution (Szathmary & Maynard Smith 1995). I.2 L'évolution des interactions durables Qu'il s'agisse de mutualistes qui permettent à de nombreux organismes de vivre dans des environnements particuliers (insectes hématophages, xylophages...), ou de parasites, l'acquisition d'un symbiote peut être considérée comme l'acquisition d'un “ kit de gènes ” prêt à l'emploi (Nardon & Grenier, 1993). Si on ajoute les processus de coévolution qui vont modifier l'état originel des relations entre les partenaires, les associations peuvent évoluer soit vers la coopération, le symbiote apportant alors des avantages à son hôte au point de devenir parfois indispensable (Jéon 1972), soit vers un conflit, par la mise en place chez l'hôte de facteurs de résistance dont les répercussions sur les traits d’histoire de vie pourraient être considérables (Hochberg et al. 1992 ; Michalakis & Hochberg 1994). C'est ainsi que la reproduction sexuée pourrait être apparue et surtout maintenue par l'avantage qu'elle apporte, via la recombinaison, dans la lutte contre les parasites (Hamilton et al. 1990 ; Hickey 1993 ; Howard & Lively 1994). 5 Introduction Ainsi, directement ou indirectement, la symbiose peut modifier de façon profonde la biologie des espèces hôtes. Une fois qu'une interaction durable est en place, quel est son devenir ? Les parasites, comme cela a été si souvent suggéré, sont-ils toujours sélectionnés pour réduire au maximum leur virulence ? La situation est loin d'être aussi simple. Pour comprendre cette évolution, il est nécessaire de connaître la corrélation entre la valeur sélective de l'hôte (et surtout sa modification par la présence du symbiote) et celle du symbiote, et la corrélation entre la virulence du parasite et sa transmission (May & Anderson 1983 ; Toft & Karter 1990 ; Toft & Aeschlimann 1991 ; Futuyma & May 1992 ; Ebert & Herre 1996). On conçoit en effet que si, comme dans le cas de nombreux phages, la mort de l'hôte est nécessaire à l'accomplissement du cycle du parasite, un parasite trop peu virulent verra son taux de transmission diminué. Toutefois, la diminution de la virulence doit permettre une meilleure utilisation de l'hôte : si l'on reprend l'exemple des phages, la bactérie hôte ne doit pas être lysée trop rapidement pour permettre une production maximale de phages. Dès lors, des virulences intermédiaires, qui sont le meilleur compromis entre ces processus contradictoires, peuvent être sélectionnées (May & Anderson 1983 ; Toft & Karter 1990). De son côté, l'hôte peut mettre en place des mécanismes de résistance aux symbiotes, mais cette résistance a un coût et elle ne sera sélectionnée que si ce coût est inférieur à l'avantage qu'elle apporte à l'hôte (May & Anderson 1983 ; Toft & Karter 1990). Tous ces paramètres vont dans bien des cas conduire à la sélection d'une virulence moyenne du symbiote, ainsi qu'à une résistance moyenne de l'hôte. Un des exemples les plus spectaculaires est celui du virus de la myxomatose chez le lapin en Australie. Après l'introduction de ce virus, la virulence du parasite a fortement diminué et la résistance de l'hôte rapidement augmenté durant les premières années, mais le système s'est ensuite stabilisé à des niveaux intermédiaires de virulence et de résistance (May & Anderson 1983). Il faut se garder de généraliser ce phénomène et chaque type d'association ne va pas forcément conduire à une virulence moyenne du parasite. Un des facteurs prépondérant 6 Introduction dans l'évolution de la virulence est la transmission du parasite (Toft & Karter 1990 ; Ebert and Herre 1996). Si la transmission est horizontale, la virulence peut augmenter. Le cas extrême est celui où la mort de l'hôte est nécessaire à la survie du parasite, comme pour certains virus (voir par exemple May & Anderson 1983). Le cas opposé est celui des symbiotes transmis verticalement, où la fitness du symbiote est totalement dépendante de la fitness de son hôte (Ewald 1987 ; Lipsitch et al. 1995) : moins le symbiote sera virulent, mieux il sera transmis. On peut même imaginer que dans ce cas précis, l'association évolue vers le mutualisme, la production d'un bénéfice venant compenser le coût du parasite. Ces modèles d'évolution vers le mutualisme de toute association entre un hôte et un symbiote transmis verticalement ont été confirmés par de nombreux exemples parmi lesquels, bien entendu, l'évolution des mitochondries et des chloroplastes en organites cellulaires. D'autres exemples ont été publiés, notamment chez des amibes où en quelques générations, des bactéries pathogènes sont devenues indispensables à l'hôte (Jéon 1972). Un autre cas très spectaculaire est celui de l'évolution de l'association entre une bactérie et un phage, où la transmission du phage peut être soit verticale, soit horizontale (Bull et al. 1991). Lorsque la transmission horizontale a été inhibée, la virulence du phage a fortement diminué. Par contre, lorsque la transmission horizontale a été favorisée, le phage a évolué vers une virulence plus importante. Un exemple similaire de la relation entre type de transmission et virulence a été démontré entre des pollinisateurs de figuiers et leurs nématodes parasites (Herre 1993). Peut-on généraliser ce phénomène et proposer que tout symbiote transmis verticalement doit évoluer vers le mutualisme avec son hôte ? L'étude relativement récente des Wolbachia, et plus généralement des parasites de la reproduction, remet fortement en cause cette hypothèse (Ebert & Herre 1996 ; Werren & O'Neill 1997). Ces bactéries symbiotiques sont transmises essentiellement par voie maternelle et sont totalement dépendantes de la reproduction de leur hôte. Pourtant, elles n'apportent pas d'avantage à l'hôte et peuvent même lui infliger un certain coût, ce qui les classe sans ambiguïté endehors des mutualistes. Ce paradoxe est d'autant plus important que ces bactéries infectent fréquemment les Arthropodes et sont même certainement les symbiotes les plus 7 Introduction répandus dans le règne animal. Deux questions se posent alors : (i) comment expliquer le succès évolutif de ces bactéries aussi bien au niveau d’une espèce hôte particulière (comment les bactéries se maintiennent-elles dans les populations hôtes ?) qu'au niveau d’un ensemble d’espèces hôtes (comment Wolbachia a-t-elle infecté un si grand nombre d'espèces ?), (ii) quelles sont les voies évolutives possibles pour les associations hôteWolbachia, et quels sont les facteurs qui interviennent dans cette évolution (sélection chez l'hôte et la bactérie, existence de trade-offs sur différentes composantes de la fitness du symbiote, coadaptation hôte-Wolbachia) ? C'est à ces différentes questions que je me suis intéressé durant ma thèse. Toutefois, avant d'aborder les résultats obtenus et une discussion plus générale sur l'évolution des Wolbachia chez les arthropodes, il est nécessaire d'apporter quelques éléments sur la biologie de Wolbachia. 8 Présentation des Wolbachia II Présentation succincte des systèmes Wolbachia-Arthropodes II.1 Présentation générale et spectre d'hôtes Les Wolbachia (Hertig 1936) sont des bactéries symbiotiques présentes dans le cytoplasme des cellules de leurs hôtes (Hertig & Wolbach 1924). C'est d'ailleurs le seul milieu "de culture" actuellement disponible pour étudier ces endocytobiotes qui sont non cultivables en dehors de leurs hôtes, même si des lignées cellulaires d'insectes infectées par Wolbachia ont pu être obtenues (O'Neill et al. 1997). Les Wolbachia appartiennent à la famille des Rickettsies (Hertig & Wolbach 1924 ; Weisburg et al. 1989), dont certaines espèces sont bien connues pour leur implication dans des pathologies de mammifères comme le typhus (Hackstadt 1996). Leur transmission est essentiellement verticale, de mère à descendants via le cytoplasme des ovocytes (ce mode de transmission souffre cependant quelques exceptions qui jouent un rôle très important dans l'évolution de ces bactéries). Lorsqu'elles sont présentes chez les mâles, elles sont éliminées de la lignée germinale lors de la spermiogénèse (Bressac & Rousset 1993). Leur spectre d'hôtes est extrêmement étendu puisqu'elles ont été observées chez des Nématodes (au moins chez des filaires, Sironi et al. 1995 ; Bandi et al., 1998) et dans de nombreuses classes d'Arthropodes. Elles infectent en effet des Acariens (Breeuwer & Jacobs 1996 ; Tsagkarakou et al. 1996), des Crustacés (Bouchon et al., 1998) et des Insectes (revues dans Werren & O'Neill, 1997; Cook & Butcher, 1999). Cette absence de spécificité reflète sans doute de faibles exigences de ces bactéries mais également une forte adaptabilité à des hôtes différents (Rigaud & Rousset 1996 ; Rigaud 1999). Parmi toutes les classes d'hôtes, celle des insectes semble être la plus infectée (même si leur recherche dans les autres classes et embranchements a fait l'objet de moins d'attention). En effet, à partir d'un screening réalisé sur 154 espèces d'arthropodes du Panama, Werren et al. (1995a) ont estimé que plus de 16 % des espèces d'insectes pourraient être infectées. Ce chiffre est toutefois certainement sous-évalué. En effet, il peut exister une forte variabilité de l'infection aussi bien entre populations qu'à l'intérieur des populations (Solignac et al. 1994). Étant donné le faible échantillonnage par espèce dans cette étude 9 Présentation des Wolbachia (en général, un seul individu, et donc une seule population, a été testé pour l'infection), des espèces considérées comme non infectées pourraient héberger la bactérie. II.2 Phylogénie des Wolbachia et transferts horizontaux Les Wolbachia étant non cultivables, elles sont essentiellement caractérisées sur des données moléculaires (ADN ribosomique 16S, gène ftsZ, Dna A...). Les données obtenues en phylogénie montrent que les Wolbachia forment un groupe monophylétique dans la famille des Rickettsies (figure 1, O'Neill et al. 1992 ; Rousset et al. 1992 ; Werren et al. 1995b). Elles sont regroupées en quatre clades, nommés A, B, C et D ayant divergé il y a environ 100 millions d'années (MA). Les clades A et B semblent spécifiques des Arthropodes alors que les clades C et D, semblent spécifiques des Nématodes (Bandi et al. 1998). Les Arthropodes et les Nématodes ayant divergé il y a plus de 600 MA, un transfert horizontal de Wolbachia a certainement eu lieu entre un Arthropode et un Nématode il y a 100 MA (Bandi et al. 1998). Par contre, la spécificité des différents clades indique que ces transferts entre les deux embranchements restent tout à fait exceptionnels. Dans la suite du manuscrit, je ne parlerai plus, sauf exception, que des clades A et B. Chez les Nématodes, une bonne congruence paraît exister entre la phylogénie des hôtes et celle des Wolbachia, ce qui indique des phénomènes de cospéciation et donc une absence de transferts horizontaux. Par contre, les phylogénies des Wolbachia et de leurs hôtes Arthropodes ne sont absolument pas parallèles (figure 2). Étant donné la divergence très ancienne de ces derniers par rapport à la divergence de Wolbachia, il semble que de nombreux transferts horizontaux aient eu lieu chez les Arthropodes et notamment chez les insectes (O'Neill et al. 1992 ; Rousset et al. 1992 ; Moran & Bauman 1994 ; Werren et al. 1995b). Quelques exemples peuvent être soulignés à partir de la figure 2 : des bactéries extrêmement proches peuvent infecter des hôtes aussi différents que Nasonia vitripennis (Hyménoptère) et Ephestia kuehniella (Lépidoptère) alors que des Wolbachia infectant la même espèce hôte peuvent appartenir à des clades différents comme chez 10 Présentation des Wolbachia Drosophila simulans. Il est également possible de remarquer que le clade A est beaucoup moins différencié que le clade B, ce qui pourrait être le signe de transferts horizontaux plus fréquents dans le clade A (Werren et al. 1995b). Ces transferts horizontaux peuvent expliquer comment Wolbachia a pu infecter de si nombreuses espèces d'Arthropodes et suggèrent que de nombreuses associations entre hôte et Wolbachia puissent être récentes. Les données phylogénétiques semblaient toutefois montrer deux cas particuliers parmi les Arthropodes. En effets, les Wolbachia des Oniscoïdes (Isopodes terrestres) d'une part et celle des Trichogrammes (Hyménoptères) d'autre part ont une origine monophylétique, suggérant des phénomènes de cospéciation. Toutefois, des analyses plus fines à l'intérieur de ces deux groupes ont permis de constater une fois encore la non congruence de la phylogénie des hôtes et des bactéries, indiquant que des transferts horizontaux étaient également probables à l'intérieur de ces deux groupes (Schiltuizen & Stouthamer 1997 ; Bouchon et al. 1998). Les données moléculaires, qui permettent de différencier des variants bactériens par leurs séquences nucléotidiques, ont mis en évidence de nombreux cas de bi-infection où deux Wolbachia différentes, ou variants, infectent le même hôte (Werren et al. 1995a). Ainsi, dans une espèce, des individus non infectés, mono-infectés par chacun des types bactériens ou bi-infectés peuvent coexister, d'où la nécessité de caractériser les cytotypes présents dans la population. La notion de variant est totalement indépendante de la notion d'espèce qui reste un problème majeur dans l'étude des bactéries. Elle se réfère seulement à des variations de séquences nucléotidiques entre bactéries. A ce jour deux espèces de Wolbachia ont été décrites : W. pipientis (Hertig 1936) et W. trichogrammae (Louis et al. 1993) mais il est très difficile d’accorder à ces espèces un statut solide. Une des faiblesses des études réalisées jusqu'ici concerne la faible variabilité des marqueurs utilisés. Toutefois, un gène codant pour une protéine transmembranaire (wsp pour Wolbachia surface protein) a été récemment découvert (Braig et al. 1998 ; Zhou et al. 1998). Son importante variabilité en fait un outil de choix pour toutes les analyses moléculaires de la diversité des Wolbachia, que ce soit pour typer différents variants bactériens ou pour affiner les relations phylogénétiques entre variants. 11 Présentation des Wolbachia 12 Présentation des Wolbachia 13 Présentation des Wolbachia II.3 Bilan métabolique de l'infection L'influence des Wolbachia sur la physiologie de leur hôte a été recherchée dans plusieurs espèces. Les résultats sont assez divers. Dans de nombreux cas, aucune influence de l'infection n'a été découverte (Hoffmann & Turelli 1988 ; Nigro & Prout 1990 ; Hoffmann et al. 1994, 1996 ; Stouthamer et al. 1994 ; Giordano et al. 1995 ; Turelli & Hoffmann 1995). Dans d'autres cas, un coût paraît associé à la présence de la bactérie, soit en réduisant la fécondité des femelles infectées (Hoffmann et al. 1990 ; Stouthamer & Luck 1993 ; Wade & Chang 1995), soit en réduisant leur taille (Rigaud et al. 1992). Enfin, dans de rares cas, un effet positif de l'infection a été mis en évidence comme chez Trichogramma bourarachae (Girin & Boulétreau 1995a,b ; Girin, 1997) et Nasonia vitripennis (Stolk & Stouthamer, 1996) où une augmentation de la fécondité a été détectée. Deux cas doivent être mis à part. Tout d'abord celui du Nématode Litomosoides sigmodontis où les Wolbachia semblent réellement mutualistes puisqu'en leur absence la physiologie de l'hôte est très diminuée que ce soit au niveau de sa croissance ou au niveau de sa reproduction (Hoerauf et al., 1999). Ensuite, le cas du variant pop-corn chez Drosophila melanogaster, dont la croissance explosive chez l'adulte entraîne une mort rapide de la drosophile (Min & Benzer 1997). Ainsi, contrairement à de nombreux symbiotes rencontrés chez les insectes (Ishikawa 1989 ; Douglas 1994), les Wolbachia ne confèrent en général pas d'avantage à leur hôte par apport de compléments nutritifs. De plus, la gamme de variation des effets de Wolbachia sur la physiologie des individus est en général assez faible et permet de les classer parmi les symbiotes plus ou moins commensaux. Enfin, excepté chez les filaires, elles sont facultatives et peuvent être classées dans les symbiotes primaires d'après la classification de Nardon & Grenier (1993), ce qui les oppose aux symbiotes secondaires obligatoires et aux symbiotes intégrés comme les organites cellulaires. 14 Présentation des Wolbachia II.4 Les Wolbachia manipulent la reproduction de leurs hôtes Si les Wolbachia n'ont pas d'effet marqué sur la physiologie de leur hôte (pas d'apport de complément nutritif, et pas de pathologie forte associée), elles sont par contre capables de modifier profondément la reproduction de leurs hôtes. Actuellement, quatre types de modifications ont été mis en évidence, et ces caractéristiques ont amené Werren & O'Neill (1997) à qualifier les Wolbachia de parasites de la reproduction. II.4.1 La féminisation (voir la synthèse de Rigaud, 1997) Chez les Crustacés, les Wolbachia ont été mises en évidence uniquement chez les Isopodes où elles infectent particulièrement les Oniscoïdes (Bouchon et al. 1998). Dans la plupart des cas, Wolbachia est impliquée dans la transformation des mâles génétiques en néo-femelles fonctionnelles (Martin et al. 1973, 1994 ; Rigaud et al. 1991b). Cet effet est particulièrement bien documenté chez le cloporte Armadillidium vulgare. Chez cet Isopode terrestre, les femelles sont hétérogamétiques (WZ) et les mâles homogamétiques (ZZ), mais en présence de Wolbachia, les mâles (ZZ) présentent un phénotype femelle (figure 3). Cet effet est dû à des interactions complexes entre les bactéries et la différenciation de la glande androgène d'une part (à l'origine du phénotype mâle), et le fonctionnement des récepteurs de l'hormone androgène d'autre part (Martin et al. 1973). De plus, au facteur Wolbachia vient s'ajouter un autre facteur féminisant (f) dont la localisation semble être nucléaire (Legrand & Juchault 1984 ; Juchault & Mocquard 1993). Son origine pourrait être bactérienne et un transfert de Wolbachia vers le génome de l'hôte est envisagé. Ces deux facteurs féminisants entraînent un fort biais de sex-ratio dans les populations. Dans ces cas-là, des conflits peuvent apparaître entre les différents constituants d'un même organisme, et des facteurs nucléaires permettant d'augmenter la proportion du sexe le plus rare vont être sélectionnés jusqu'au rétablissement d'une sexratio équilibrée dans la population (Hurst 1992). Chez Armadillidium vulgare, deux systèmes génétiques peuvent enrayer l'effet des facteurs féminisants. Le gène M permet 15 Présentation des Wolbachia de rétablir un phénotype mâle en présence du facteur f (Legrand & Juchault 1984 ; Rigaud & Juchault 1993), mais pas si la féminisation est induite par Wolbachia. Un système polygénique permet de contrôler le taux de transmission de la bactérie à la descendance, et donc de rétablir la fonction mâle (Rigaud & Juchault 1992). Cet exemple extrêmement complexe permet d'approcher le problème des conflits nucléo-cytoplasmiques et les phénomènes d'évolution de la différenciation du sexe chez les Crustacés. X (a) WZ WZ ZZ ZZ WZ ZZ X (b) WZ (c) ZZ X ZZ ZZ ZZ Figure 3: Féminisation des mâles génétiques chez les Isopodes. En blanc, individu non infecté; en noir, individu infecté. Chez Armadillidium vulgare, le déterminisme génétique du sexe est basé sur une hétérogamétie femelle (WZ), les mâles étant homogamétiques (ZZ) (croisement a). Les femelles infectées sont soit WZ (b), soit ZZ (c). Le croisement d'une femelle infectée WZ avec un mâle ZZ entraîne l'apparition de néo-femelles fonctionnelles de génotypes ZZ. II.4.2 Le male-killing Le male-killing était déjà connu depuis longtemps chez les insectes (voir la revue de Hurst et al., 1997) mais les organismes à l'origine du phénomène étaient des microsporidies ou d'autres bactéries (dont certaines sont également des Rickettsies). Hurst et al. (1999) ont récemment mis en évidence que Wolbachia pouvait elle aussi induire cet effet. Dans ce cas, les Wolbachia entraînent la mort des individus de sexe mâle via la destruction des chromosomes (figure 4). Dans des conditions particulières de 16 Présentation des Wolbachia cannibalisme ou de compétition entre les larves d'une même fratrie ou de forte dépression de consanguinité, cet effet va permettre une augmentation de la survie et/ou de la fécondité des femelles de la descendance, elles-mêmes infectées. (a) X Mort des mâles (b) X Figure 4: Le phénomène du male-killing. En blanc, individu non infecté; en noir, individu infecté. Alors que les femelles non infectées produisent des mâles et des femelles (a), les femelles infectées ne produisent que des femelles du fait de la mort précoce des mâles (b). Suivant l'écologie de l'espèce, l'avantage du système peut être une augmentation de la production en femelles, une meilleure fécondité des femelles produites due à une plus faible compétition entre larves ou enfin une réduction de la fréquence des accouplements entre apparentés. Cet effet a été découvert dans deux espèces présentant un déterminisme du sexe tout à fait différent puisque l'une est à hétérogamétie mâle (le coléoptère Adalia bipunctata) alors que l'autre est à hétérogamétie femelle (le lépidoptère Acraea encedon). Ceci implique que Wolbachia ait mis en place deux mécanismes bien différents de reconnaissance des chromosomes, ce qui est en partie confirmé par des données moléculaires encore incomplètes qui semblent établir l'origine indépendante du phénomène dans les deux espèces. La fréquence de cet effet parmi les Wolbachia reste pour l'instant inconnue mais Hurst et al. (1999) ont suggéré qu'elle pourrait être élevée. 17 Présentation des Wolbachia II.4.3 La parthénogenèse thélytoque (revue dans Stouthamer, 1997) Ce troisième effet est connu uniquement chez des Hyménoptères haplodiploïdes où il a été démontré ou présumé dans 26 espèces (dont 15 du genre Trichogramma) (Stouthamer et al. 1990 ; Zchori-Fein et al. 1992, 1995 ; Louis et al. 1993 ; Schiltuizen & Stouthamer 1997 ; Cook & Butcher, 1999). Chez ces espèces, la parthénogenèse est en général arrhénotoque : les mâles haploïdes se développent à partir d'œufs non fécondés alors que les femelles diploïdes se développent à partir d'œufs fécondés. Dans certaines espèces, Wolbachia peut entraîner la diploïdisation des œufs non fécondés en première division de mitose, entraînant le développement en femelle (figure 5). L'élimination des bactéries par traitement antibiotique ou thermique rétablit la production de mâles, qui sont dans certaines espèces (Muscidifurax uniraptor et Encarsia formosa) incapables de féconder les femelles (Zchori-Fein et al. 1992). Cet effet est bien connu dans le genre Trichogramma où il a été découvert (Stouthamer et al. 1990). Parallèlement à ces espèces infectées, certaines espèces sont thélytoques sans que le phénomène soit dû à une bactérie (thélytoquie non réversible) (Stouthamer & Werren 1993). Comme pour les Crustacés, un transfert de matériel génétique de Wolbachia au génome de l'hôte peut être suspecté. X (2n) (a) (n) X (2n) (b) (2n) Diploïdisation Figure 5 : Induction de la parthénogenèse thélytoque par Wolbachia. En blanc, individu non infecté; en noir, individu infecté. Normalement, les espèces haplodiploïdes se reproduisent par parthénogenèse arrhénotoque : les mâles sont issus d'œufs non fécondés, alors que les femelles sont issues d'œufs fécondés (a). En 18 Présentation des Wolbachia présence de Wolbachia, tous les descendants sont femelles du fait de la diploïdisation des œufs non fécondés (b). Cet effet n'a pas une origine monophylétique à l'intérieur des Wolbachia, puisqu'on retrouve des Wolbachia induisant de la thélytoquie dans les deux clades A et B. Par contre, les Wolbachia infectant les Trichogrammes sont monophylétiques. Cette monophylie, ainsi que la non-congruence des phylogénies des Wolbachia et des Trichogrammes suggèrent une origine unique de l'infection dans ce genre puis une expansion par des transferts horizontaux fréquents (Schiltuizen & Stouthamer 1997). II.4.4 L'incompatibilité cytoplasmique (revue dans Hoffmann & Turelli, 1997) L'incompatibilité cytoplasmique (IC) est la première manipulation de la reproduction mise en évidence (Ghelelovitch 1950 ; Laven 1967), mais l'attribution de cet effet à Wolbachia est plus récente (Yen & Barr 1971, 1973, 1974). L'IC est l'effet le plus répandu de Wolbachia aussi bien par le nombre d'espèces que par la diversité des groupes concernés (Werren & O'Neill 1997). En effet, l'IC est retrouvée chez des Insectes (diploïdes et haplodiploïdes), chez des Isopodes (Legrand et al. 1987) et chez des Acariens (Breeuwer 1997), ce qui conduit à supposer que l'IC est l'effet ancestral des Wolbachia (Rigaud & Rousset 1996). L'IC se traduit par un isolement reproductif post-zygotique qui intervient dans certains types de croisements (tableau 1). On distingue deux types d'incompatibilité. L'IC unidirectionnelle apparaît lors du croisement entre un mâle infecté et une femelle non infectée, tous les autres croisements étant fertiles (Wade & Stevens 1985 ; Hoffmann et al. 1986). L'IC bidirectionnelle intervient entre individus infectés par des Wolbachia différentes, les deux croisements réciproques étant incompatibles (d'où le terme de bidirectionnel) (Breeuwer & Werren 1990 ; O'Neill & Karr 1990 ; Montchamp-Moreau et al. 1991 ; Merçot et al. 1995 ; Perrot-Minot et al. 1996). Dans tous les cas, l'IC est due à une condensation anormale des chromosomes paternels qui ne peuvent alors pas participer à la caryogamie (Kose & Karr 1995 ; Dobson & Tanouye 1996 ; Callaini et al. 1997). 19 Présentation des Wolbachia ™ ∅ ¢ Wa Wb ∅ Wa Wb Wab ∅ Wa Wb Wab Wa ✝ Wab Wb Wab ✝ ✝ ✝ ✝ ✝ ✝ Wab Wab Tableau 1: L'incompatibilité cytoplasmique induite par Wolbachia. ∅ indique un individu non infecté; Wa et Wb indiquent une mono-infection par le type bactérien a ou b; Wab correspond à une bi-infection. Les cases grisées permettent d'indiquer l'IC unidirectionnelle entre des individus portant le variant Wa et les individus non infectés. Les cases double encadrées au centre du tableau indiquent l'IC bidirectionnelle. Il est à noter que les multi-infections ont tendance à complexifier les patterns d'incompatibilité. Du fait de la transmission incomplète de la bactérie, le nombre de cytotypes présents dans la population est élevé. Les croisements entre des mâles portant tous les types bactériens et des femelles non infectées ou portant un nombre inférieur de variants étant incompatibles (Sinkins et al. 1995), on peut aboutir à des patterns d'incompatibilité très complexes comme c'est le cas chez le moustique Culex pipiens (Laven 1967 ; Guillemaud et al. 1997). Bien que le mécanisme précis de l'IC ne soit pas connu, des modifications du “ comportement ” des chromosomes paternels semblent impliquées. Breeuwer & Werren (1993a) ont proposé le modèle explicatif modification-sauvetage. Dans un premier temps, les chromosomes mâles seraient marqués par Wolbachia lors de la maturation des spermatocytes (fonction mod pour modification). Lorsque le spermatozoïde pénètre dans un ovocyte, les chromosomes ne peuvent participer à la caryogamie que si des Wolbachia 20 Présentation des Wolbachia identiques à celles du mâle sont présentes dans le cytoplasme et les "sauvent" (fonction resc pour rescue). Ainsi, deux fonctions bien distinctes seraient en cause, la première spécifique des mâles (mod) et la seconde spécifique des femelles (resc). Chez les espèces diploïdes, la perte des chromosomes paternels entraîne la mort de l'embryon et donc un surcroît de mortalité dans la descendance du croisement incompatible. Chez les espèces haplodiploïdes, seuls les embryons femelles, issus d'œufs fécondés, sont concernés par l'IC. Les œufs non fécondés se développent normalement en mâles haploïdes. De plus, deux phénomènes d'IC ont été mis en évidence chez les haplodiploïdes, l'un chez les insectes, l'autre chez les acariens. Chez les hyménoptères du genre Nasonia, la perte des chromosomes paternels est complète et entraîne l'haploïdisation de l'œuf qui se développe alors en mâle comme tout œuf non fécondé (Breeuwer & Werren 1990). L'IC se traduit donc par un biais de sex-ratio en faveur des mâles sans réduction de la production de descendants. Ce type d'IC était jusqu'ici le seul connu chez les insectes haplodiploïdes. Il sera appelé type DM par la suite (pour Développement en Mâle). Chez des acariens du genre Tetranychus, l'IC se traduit par une mortalité des œufs fécondés comme chez les espèces diploïdes (Breeuwer 1997). Le biais de sex-ratio en faveur des mâles s'accompagne cette fois-ci d'une réduction de la production de descendants (type MF pour Mortalité des Femelles). Cette mortalité peut être expliquée par une élimination incomplète des chromosomes conduisant à des œufs aneuploïdes non viables. Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer l'aneuploïdie (Breeuwer 1997). La structure particulière des chromosomes des acariens (chromosomes holokinétiques) pourrait être à l'origine de la perte incomplète des chromosomes. Le type d'IC serait alors une caractéristique inhérente à l'hôte. Une densité plus faible en bactérie pourrait également être à l'origine de l'aneuploïdie du fait d'une fonction mod moins efficace. La diversité des effets chez les espèces haplodiploïdes est importante compte tenu du très faible nombre de cas étudiés, et l'un des objectifs de mon travail est justement d'explorer l'effet de Wolbachia dans de plus nombreuses espèces haplodiploïdes. 21 Présentation des Wolbachia II.4.5 Conséquences de la manipulation de la reproduction de l'hôte Quelle que soit la nature de l'effet, la modification de la reproduction de l'hôte a pour conséquence l'invasion de la population hôte par Wolbachia. Dans les cas de féminisation et de parthénogenèse thélytoque, la présence de Wolbachia augmente le nombre de femelles infectées produites et leur fréquence s'élève dans la population. Dans le cas du male-killing, c'est l'augmentation de la fitness des femelles infectées (au détriment de la fitness des mâles) qui entraîne l'invasion. Enfin, dans le cas de l'IC, c'est la baisse de production de descendants femelles par les femelles non infectées qui permet à la bactérie de s'installer dans les populations. Les études de la dynamique d'invasion ont surtout porté sur l'IC (voir pour une revue Hoffmann & Turelli, 1997). Ces travaux ont montré que du fait du caractère fréquence dépendant de l'invasion, trois états d'équilibre existent, dont les valeurs respectives dépendent de trois paramètres : • le coût de l'infection (1-F), où F est la fécondité relative des femelles infectées par rapport au femelles non infectées, • le taux de transmission (1-µ), où µ est la proportion d'ovocytes non infectés produits par une femelle infectée, • le taux d'incompatibilité (1-H), où H est la proportion d'œufs échappant à l'IC. L'équilibre le plus important est un équilibre instable pour lequel on a maintien d'un polymorphisme d'infection. Cet équilibre correspond à un véritable seuil : si le taux d'infection est inférieur à ce seuil, Wolbachia est perdue (premier équilibre stable) ; s'il est supérieur, Wolbachia se répand dans la population jusqu'à atteindre un deuxième équilibre stable, proche de la fixation (figure 6). La fixation ne sera atteinte que dans le cas particulier où la transmission de la bactérie à la génération suivante est totale (µ=0). 22 Présentation des Wolbachia Ces résultats montrent que l'invasion d'une population hôte par Wolbachia n'est possible que si des phénomènes de dérive aléatoire permettent à l'infection de dépasser la valeur du 1 0,8 Seuil au delà duquel Wolbachia se maintient 0,6 0,4 0,2 0 0 20 40 60 80 100 120 Générations seuil. La petite taille des populations, leur fragmentation ou les accouplements entre apparentés pourraient faciliter le processus d'invasion. L'écologie et la biologie des espèces hôtes paraissent donc jouer un rôle majeur dans la possibilité d'invasion des populations par Wolbachia. d’infection Figure 6 : Dynamique d'invasion d'une population hôte par une Wolbachia induisant de l'IC. Cet exemple est donné pour une espèce diploïde avec des valeurs de paramètres de 1-µ=0,96, 1-F=0,05 et 1-H=0,45. La valeur de l'équilibre instable est de 0,213 et la valeur de l'équilibre stable de 0,918. D'après Turelli (1994). Turelli (1994) a également étudié l’issue de la compétition entre deux variants Taux bactériens ou entre deux variants hôtes présents simultanément dans une même population et capables d’influencer les valeurs des différents paramètres de l’association. Lorsque deux variants bactériens sont en compétition, l’issue de la compétition dépend de la compatibilité ou de la non-compatibilité entre les variants. Si les variants sont compatibles entre eux (pas d'IC bidirectionnelle), la sélection agit seulement sur l'efficacité de la transmission et la virulence de la bactérie : le variant sélectionné, qui envahit la population quelle que soit la fréquence avec laquelle il est introduit dans la population, est celui qui maximise la production de femelles infectées, c’est-à-dire le 23 Présentation des Wolbachia produit F(1-µ). On retrouve ici le terme F qui représente la fécondité relative des hôtes infectés et qui illustre le "couplage évolutif" entre l'hôte et le symbiote imposé par la transmission verticale. Ainsi, la virulence et la transmission subissent des pressions de sélection dont l'intensité est similaire, mais par contre le taux d'incompatibilité ne subit aucune pression de sélection. Dans le cas de deux variants au moins partiellement incompatibles (incompatibilité bidirectionnelle), la situation est différente : un variant qui ne maximise pas F(1-µ) peut être sélectionné si l'avantage que lui confère l'IC sur le second variant est suffisant et si sa fréquence est supérieure à un certain seuil (Turelli 1994). Cette situation est similaire à l'introduction d'un variant dans une population non infectée, mais le variant introduit doit posséder des caractéristiques qui lui permettent de surpasser non seulement le coût qu'il induit chez l'hôte, mais aussi l'incompatibilité qu'il subit avec l’autre variant. Il est très difficile de quantifier les pressions de sélection qui agissent sur les différents paramètres dans ce cas précis, mais ces résultats montrent que la présence de plusieurs variants incompatibles peut fortement modifier l'action de la sélection. Lorsque des variants hôtes capables de modifier les paramètres de l’association sont en compétition, la sélection favorise les variants qui diminuent le coût de l’infection, qui augmentent la transmission de la bactérie et qui réduisent le taux d’incompatibilité entre individus infectés et non infectés. Finalement, la transmission verticale tend à harmoniser l’évolution des hôtes et des parasites mais la compétition entre variants pourrait conduire au maintien de l’IC. Wolbachia est donc capable de modifier profondément la reproduction de ses hôtes et cette modification entraîne l'expansion de l'infection dans les populations hôtes. Ainsi, même si la bactérie est imparfaitement transmise et induit un coût chez son hôte, elle peut envahir la population si l'effet sur la reproduction permet de surpasser ces deux phénomènes. Le mutualisme n'est donc pas la seule issue possible pour des symbiotes transmis maternellement (Werren & O'Neill 1997). 24 Problématique III Présentation de la problématique Les deux processus, transferts horizontaux et manipulation de la reproduction, permettent aux Wolbachia d'envahir les insectes en jouant sur la transmission horizontale et la dynamique d’invasion, mais il reste plusieurs points à éclaircir. Premièrement, quels sont les mécanismes des transferts horizontaux ? Deuxièmement, quelle est l'étendue de la diversité des effets des Wolbachia, particulièrement chez les espèces haplodiploïdes ? Troisièmement, comment la diversité des effets influence l'évolution de l'association une fois la bactérie installée ? Un des groupes d'insecte potentiellement intéressants pour l'étude de l'évolution des associations hôte-Wolbachia est celui des hyménoptères parasitoïdes. Ce sont des insectes qui se développent aux dépens d'autres insectes. Ils établissent des relations particulièrement étroites avec leur hôte durant leur développement, relation qui pourraient grandement faciliter les transferts horizontaux de Wolbachia lors des phases parasitaires (Werren et al. 1995b). Dans ce contexte, l'étude d'un complexe d'espèces inféodées à une catégorie d'hôtes devrait permettre la mise en évidence de transferts. Ces interactions entre insectes hôtes et insectes parasitoïdes constituent également un formidable outil pour étudier la diversité des effets des Wolbachia et les facteurs impliqués dans leur déterminisme. En effet, les insectes hôtes sont diploïdes et subissent l'IC alors que les parasitoïdes sont haplodiploïdes et peuvent exprimer l'IC ou la thélytoquie. Si les transferts sont fréquents et si la bactérie exprime le même effet chez l’hôte et le parasitoïde, l'IC pourrait être fréquente chez les hyménoptères parasitoïdes. Le faible nombre de cas d'IC connus chez les haplodiploïdes serait alors dû à un fort biais d'échantillonnage dans les différentes espèces étudiées, dû au fait que la thélytoquie est beaucoup plus facile à observer que l'IC. Le complexe parasitoïdes-Drosophiles frugivores constitue un très bon modèle biologique pour de telles études, puisque les espèces parasitoïdes sont nombreuses et qu'un premier screening de l'infection dans différentes espèces de Drosophiles (D. melanogaster, D. simulans, D. subobscura, D. hydei et D. immigrans) et de parasitoïdes 25 Problématique (Leptopilina heterotoma, L. boulardi, Asobara tabida, Trichopria cf drosophilae et Pachycrepoideus dubius) dans différentes populations de la vallée du Rhône a montré que l'infection était fréquente chez les parasitoïdes (voir tableau 2 et Annexe 2). De plus, les espèces parasitoïdes étudiées étant arrhénotoques, elles constituent un modèle de choix dans l'étude de la diversité des effets chez des haplodiploïdes, et notamment au niveau de l'IC. La partie expérimentale de cette étude a consisté tout d'abord à caractériser la diversité des Wolbachia des différentes espèces de parasitoïdes aussi bien du point de vue phylogénétique que phénotypique. Les conséquences de la diversité phénotypique ont ensuite été analysées en termes de dynamique d’invasion de la bactérie, grâce à l’utilisation de modèles mathématiques intégrant cette diversité. Nous avons ensuite recherché comment l’hôte pouvait contrôler certains paramètres liés à la dynamique d’invasion, et quelle était la variabilité associée à ce contrôle au sein d’une même espèce. L'ensemble de ces résultats, ainsi que des études par modélisation de l'évolution des associations à Wolbachia seront le support de la discussion que j’essaierai d'étendre à l'ensemble des associations hôte-Wolbachia pour arriver à une vision plus globale de ces systèmes. En effet, comme nous le verrons tout au long de ce mémoire, le problème Wolbachia doit être abordé non pas à l'échelle de la population ou de l'espèce mais de façon plus globale à l'échelle d'un ensemble d'espèces considérées comme hôtes potentiels pour la bactérie. Pour comprendre les voies évolutives des associations hôteWolbachia, il est en effet nécessaire d'intégrer un des paramètres fondamentaux de la biologie de Wolbachia, sa capacité à être transférée horizontalement et à changer d’hôte. 26 Les transferts horizontaux T RANSFERTS HORIZONTAUX DE W OLBACHIA De nombreuses études phylogénétiques ont suggéré que les transferts horizontaux de Wolbachia entre espèces sont fréquents (O'Neill et al. 1992 ; Rousset et al. 1992 ; Moran & Bauman 1994 ; Werren et al. 1995b ; Schiltuizen & Stouthamer 1997 ; Bouchon et al. 1998). Pourtant, les mécanismes naturels de ces transferts restent encore inconnus. Même si de nombreux transferts artificiels de Wolbachia entre différentes espèces hôtes ont déjà été réalisés, les techniques d'injection utilisées sont bien souvent très éloignées des conditions "naturelles" dans lesquelles les transferts pourraient avoir lieu (Martin et al. 1973 ; Boyle et al. 1993 ; Braig et al. 1994 ; Grenier et al. 1998 ; Van Meer & Stouthamer 1999). Deux exceptions sont à souligner. Rigaud & Juchault (1995) ont pu réaliser des transmissions horizontales de Wolbachia chez le cloporte Armadillidium vulgare, en mettant en contact la blessure d'un individu non infecté (patte sectionnée) avec l'hémolymphe d'un individu infecté. L'efficacité de la transmission est très élevée puisque sur 15 mâles testés, 7 se sont retrouvés infectés. Sachant que ces cloportes ont un comportement grégaire et que 10 % des individus pourraient être blessés dans la nature, ce mécanisme pourrait être à l'origine de transmissions horizontales chez ces espèces. Toutefois ces expériences ayant eu lieu entre individus de la même espèce, il reste à confirmer que ce mécanisme puisse être à l’origine de transferts interspécifiques de Wolbachia. Un autre transfert "naturel" a été réalisé entre un insecte hôte, Drosophila simulans, et son parasitoïde, Leptopilina boulardi qui est naturellement non infecté (Heath et al., 1999). Le transfert a eu lieu simplement en élevant le parasitoïde non infecté sur une souche infectée de Drosophile. Toutefois, l'infection a été perdue en quelques générations chez L. boulardi. Ainsi, le parasitoïdisme semble pouvoir être une voie privilégiée de transfert, mais la réalité de ces transferts reste à démontrer. Les exemples de transferts chez les cloportes et entre D. simulans et L. boulardi montrent l'importance que peut avoir l'écologie des espèces hôtes dans les transferts 27 Les transferts horizontaux horizontaux et surtout dans la fréquence de ces transferts. Il est évident que la transmission interspécifique nécessite des contacts physiques étroits entre les espèces concernées, comme les comportements grégaires ou les relations parasitaires (notamment le parasitoïdisme). Les comparaisons phylogénétiques de Wolbachia infectant des groupes d'espèces à biologie interconnectée peuvent apporter des arguments indirects sur la fréquence des transferts : s’ils sont fréquents, les bactéries présentes dans ces espèces doivent être phylogénétiquement proches. De telles études ont déjà été réalisées dans différentes communautés d'insectes hôtes et leurs parasitoïdes, sans mettre en évidence de transfert (Schiltuizen & Stouthamer 1998 ; West et al. 1998). Toutefois, les restrictions liées à l'utilisation d'un marqueur trop peu variable (le gène ftsZ), peuvent expliquer ces résultats négatifs. Nous avons adopté deux types d'approches pour rechercher l'existence de transferts horizontaux dans le complexe Drosophile frugivores-parasitoïdes. La première a cherché à mettre en parallèle la phylogénie des Wolbachia et la biologie des espèces d'insectes (hôtes et parasitoïdes) dans lesquelles elles ont été trouvées. La seconde approche, plus directe, a cherché à réaliser des transferts naturels de Wolbachia, soit des Drosophiles aux parasitoïdes, soit des parasitoïdes aux Drosophiles, en utilisant la voie de passage naturelle liée aux relations hôte-parasitoïdes. I Circulation des Wolbachia à l'intérieur du complexe : analyse phylogénétique (Annexe 2, Vavre et al. 1999a) Pour étudier la diversité phylogénétique des Wolbachia au sein du complexe parasitaire associé aux Drosophiles frugivores, nous avons utilisé le gène wsp qui présente une variabilité beaucoup plus importante que le gène ftsZ utilisé jusqu'à présent, et qui permet d'établir plus précisément les relations phylogénétiques entre les différents variants. Chez les parasitoïdes de Drosophiles, les Wolbachia sont très fréquentes (tableau 2). En effet, sur les cinq espèces étudiées, quatre sont infectées par Wolbachia. De plus 28 Les transferts horizontaux dans les deux espèces A. tabida et L. heterotoma, tous les individus testés s'avèrent infectés simultanément par trois variants différents. Enfin, chez T. cf drosophilae tous les individus sont bi-infectés. Au total, neuf variants bactériens ont été détectés chez les parasitoïdes de Drosophile. Ceci contraste avec la situation rencontrée chez les Drosophiles elles-mêmes : parmi les cinq espèces présentes dans la vallée du Rhône (D. melanogaster, D. simulans, D. subobscura, D. hydei et D. immigrans), seules D. melanogaster et D. simulans, qui sont les hôtes privilégiés des parasitoïdes, sont infectées, chacune par un unique variant bactérien. La première conclusion que l'on peut donc tirer est que les parasitoïdes semblent plus sensibles à l'infection par Wolbachia que les Drosophiles. Espèce de melanogaster simulans subobscura immigrans hydei Variants Dm Ds Espèce de Leptopilina Leptopilina Asobara Trichopria cf. Pachycrepoideus parasitoïde boulardi heterotoma tabida drosophilae dubius Non Infectée Lh1 At1 T1 Pd Lh2 At2 T2 Drosophile Variants Non Infectée Non Infectée Non Infectée Lh3 At3 Tableau 2 : Diversité des Wolbachia dans le complexe Drosophiles frugivores-hyménoptères parasitoïdes dans la vallée du Rhône. Chaque variant est caractérisé par l'espèce hôte qu'il infecte et par un numéro permettant de le distinguer des autres variants dans les espèces multi-infectées. Le variant Ds est très souvent appelé wRi et correspond au type de Wolbachia rencontré en région continentale chez D. simulans. La seconde partie de cette étude a consisté à étudier les relations phylogénétiques des Wolbachia infectant les différentes espèces du complexe. Dans plusieurs cas, les mêmes variants (ou des variants très proches) sont présents dans plusieurs espèces du 29 Les transferts horizontaux complexe (tableau 3). Par exemple, le variant Dm est présent chez D. melanogaster et A. tabida, et le variant Ds chez D. simulans et L. heterotoma. Ce résultat suggère fortement une origine commune des Wolbachia des hôtes et des parasitoïdes, et donc l'occurrence de transferts horizontaux. Il existe également des similarités entre les Wolbachia de différentes espèces de parasitoïdes infestant les mêmes hôtes : entre les variants Lh3 de L. heterotoma et T1 de T. cf drosophilae, entre les variants Pd de P. dubius et Mu de Muscidifurax uniraptor (un parasitoïde de diptère qui n'attaque pas les drosophiles mais dont certains hôtes sont communs avec P. dubius), entre les variants At3 de A. tabida et Td de T. drosophilae sensu stricto. Ces similitudes suggèrent deux hypothèses : soit les deux parasitoïdes ont hérité une bactérie présente dans un hôte commun non identifié, soit le transfert a eu lieu entre parasitoïdes durant des phases de multi- ou d'hyperparasitisme. Certains variants sont toutefois spécifiques d'une espèce parasitoïde : At1 chez A. tabida, Lh2 chez L. heterotoma, T2 chez T. cf drosophilae. Cela peut s'expliquer soit par le fait que toutes les espèces susceptibles d'être utilisées comme hôte par ces parasitoïdes n'ont pas encore été examinées, soit par le fait que certaines espèces hôtes ont perdu ce variant. Variants Clade Espèces infectées Ds-Lh1 A D. simulans (Riverside) L. heterotoma Dm-At2 A D. melanogaster A. tabida Lh2 A L. heterotoma Lh3-T1 A L. heterotoma T. cf drosophilae Mu-Pd A Muscidifurax uniraptor P. dubius At1 A A. tabida At3-Td A A. tabida T. drosophilae T2 B T. cf drosophilae Tableau 3 : Caractérisation des variants présents dans les différentes espèces du complexe Drosophile frugivores-parasitoïdes. Les Wolbachia infectant deux autres espèces ont été intégrées : Muscidifurax uniraptor (variant Mu), un parasitoïde de diptères qui ne se développe pas sur les Drosophiles mais présente des hôtes communs avec P. dubius (Zhou et al. 1998), et T. drosophilae (variant Td) (Van Merr et al 1999). Ds est identique au variant wRI (isolé à partir d’une souche originaire de 30 Les transferts horizontaux Riverside), et est le type de Wolbachia rencontré dans les zones continentales chez D. simulans. L'ensemble de ces résultats montre que le pattern d'infection observé dans le complexe peut être expliqué par une fréquence élevée de transferts horizontaux de Wolbachia entre les espèces, suggérant que ce phénomène est fréquent au niveau évolutif. Afin de tester si ces transferts peuvent survenir à une fréquence élevée à une échelle de temps plus courte, ceci aussi bien des Drosophiles vers les parasitoïdes que des parasitoïdes vers les Drosophiles, nous avons tenté de réaliser des transferts naturels de Wolbachia. II Tentatives de transferts naturels de Wolbachia (Annexe 3) L'étude précédente a permis de montrer que les parasitoïdes sont certainement très sensibles aux transferts horizontaux de Wolbachia, c’est-à-dire qu’ils les capturent facilement. Le modèle hôte-parasitoïde, où le parasitoïde injecte un œuf dans la cavité générale de son hôte avant de se développer aux dépens de ce dernier, pourrait donc permettre de réaliser des transferts horizontaux naturels de Wolbachia. D'ailleurs, Heath et al. (1999) ont pu observer des transferts horizontaux naturels simplement en élevant le parasitoïde L. boulardi sur des Drosophiles infectées (D. simulans). Ces résultats semblent montrer que des transferts pourraient être fréquents à l'échelle de la génération. Toutefois, l'infection a été rapidement perdue chez le parasitoïde receveur L. boulardi. Cette espèce étant naturellement non infectée, il est possible que des caractéristiques particulières de cette espèce empêchent l'installation de Wolbachia. Afin d'éliminer ce problème, nous avons essayé de réaliser des transferts naturels de D. melanogaster à L. heterotoma, espèce naturellement infectée par Wolbachia. Pour cela, des parasitoïdes dépourvus de symbiotes ont été élevés sur des Drosophiles infectées par un unique variant bactérien (Dm) qui n'est pas présent naturellement chez L. heterotoma. Ce protocole permet d'éliminer tout risque de confusion avec une éventuelle 31 Les transferts horizontaux restauration de l'infection dans la lignée curée de L. heterotoma. Malheureusement, cette expérience n'a pas permis de mettre en évidence de transferts, bien que 250 lignées de parasitoïdes aient été testées. Ces résultats contrastent avec ceux obtenus par Heath et al. (1999) qui ont observé des transferts entre D. simulans et L. boulardi à une fréquence de 0,7 %. Il est vrai qu'avec cette fréquence de transfert, la probabilité de n'observer aucun transfert sur 250 lignées testées est de 17 %. Il est donc possible que des transferts se soient produits mais qu'ils n'aient pas été détectés dans cette expérience. Nous avons également tenté de réaliser le transfert réciproque, c’est-à-dire du parasitoïde L. heterotoma vers des individus non infectés de D. melanogaster. Comme pour les transferts entre Drosophiles et parasitoïdes, l'utilisation de ces deux espèces permet de s'affranchir des problèmes de restauration de l'infection. Pour que des transferts horizontaux puissent survenir du parasitoïde à la Drosophile, il est nécessaire qu'une larve de Drosophile survive à l'infestation parasitaire et poursuive son développement jusqu'au stade adulte, c'est-à-dire que le parasitoïde meure durant son développement. Or ce phénomène s'accompagne généralement de l'encapsulation de l'œuf du parasitoïde qui se retrouve isolé des tissus de la Drosophile. Afin de contourner ce problème, nous avons croisé des femelles de L. heterotoma mono-infectées (obtenues expérimentalement, voir annexe 7) avec des mâles tri-infectés. Dans la descendance de ces femelles, les œufs fertilisés meurent durant les premiers stades de développement sans être encapsulés, ce qui permet le développement de la Drosophile parasitée jusqu'au stade adulte, et offre une possibilité de transfert des bactéries du parasitoïde vers la Drosophile. Sur les 200 Drosophiles adultes obtenues de cette manière, 30 ont présenté un signal positif en PCR spécifique de Wolbachia. Malheureusement, à la génération suivante, sur les cinq descendants testés pour chacune des 30 lignées, aucun n'était infecté. En première génération, nous avons certainement amplifié les Wolbachia présentes dans l'œuf du parasitoïde. Soit les bactéries n'ont pas pu être libérées de l'œuf, soit elles ont été libérées mais n'ont pas atteint les ovaires des Drosophiles et n'ont donc 32 Les transferts horizontaux pas été transmises à la descendance. Le passage de Wolbachia du parasitoïde à la Drosophile par ce mécanisme pourrait donc être possible, mais leur transfert à la génération suivante n'a pas été observé. D'autres expériences doivent être menées pour augmenter le nombre de lignées de Drosophiles testées et mettre en évidence ces transferts. III Discussion De nombreux arguments plaident en faveur des transferts horizontaux, et l'analyse phylogénétique suggère que le pattern d'infection observé dans un ensemble d'espèces peut être expliqué par l'occurrence fréquente de ces transferts. Ainsi, les relations parasitaires semblent constituer une situation privilégiée pour les transferts de Wolbachia. Toutefois, devant la grande différence des taux d'infection chez les drosophiles et les parasitoïdes, il n'est pas évident que les parasitoïdes participent à la circulation des bactéries dans le sens parasitoïde vers hôte. En effet, si les parasitoïdes permettaient le passage des Wolbachia vers les hôtes, les taux d'infection parmi les Drosophiles devraient être plus importants. Il semble plutôt que les parasitoïdes sont régulièrement infectés par transfert horizontal et accumulent les variants bactériens, sans participer directement à la circulation des Wolbachia vers d'autres espèces non parasitoïdes. Différentes hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. (i) La relation entre hôtes et parasitoïdes est très dissymétrique : tout parasitoïde passe par une phase parasitaire à l'intérieur d'une Drosophile, et chaque génération fournit une occasion de transfert. Par contre, l'immense majorité des Drosophiles adultes rencontrées dans la nature n'ont pas subi d'attaque parasitaire et n'ont donc pas été exposées à d'éventuels transferts bactériens via les parasitoïdes. Celles qui ont survécu au parasitisme ont rejeté l'embryon parasitoïde par un mécanisme d'encapsulation qui isole le parasitoïde des tissus de la drosophile et interdit probablement le transfert bactérien. Seul le phénomène d'IC (s'il permet le développement de la Drosophile) pourrait permettre le 33 Les transferts horizontaux transfert des parasitoïdes vers les Drosophiles. Dans tous les cas, ce transfert nécessite des conditions particulières beaucoup moins fréquentes que pour les transferts des Drosophiles vers les parasitoïdes. (ii) Pour être efficace, la transmission horizontale doit s'accompagner de la colonisation des organes reproducteurs. Une fois encore, le cycle de vie des espèces infectées est primordial. Si la durée de vie de l'espèce est longue, le transfert peut avoir lieu à n'importe quel moment du cycle de vie (des transferts artificiels peuvent par exemple être réalisés chez l'adulte chez les cloportes : Martin et al. 1973 ; Rigaud & Juchault 1995), mais si le cycle de vie est court, le transfert doit se produire durant les premiers stades de développement. Dans le cas des systèmes hôte-parasitoïde, les transferts éventuels de l'hôte vers le parasitoïde pourraient être très précoces (c'est le stade œuf du parasitoïde qui est injecté dans l'hôte) permettant la colonisation des organes reproducteurs. Par contre, pour les transferts du parasitoïde à l'hôte, le stade hôte attaqué étant plus avancé, la probabilité de colonisation des gonades pourrait être plus faible. On voit ainsi que les parasitoïdes présentent deux prédispositions majeures aux transferts horizontaux : ils sont très exposés aux Wolbachia de leurs hôtes, et les stades exposés peuvent permettre des transferts efficaces. (iii) Pour qu'un transfert puisse réussir, les Wolbachia doivent pénétrer dans un hôte "réceptif" permettant leur développement. De nombreuses tentatives de transferts expérimentaux ont montré que les Wolbachia ne sont pas aussi généralistes qu'on pouvait le penser. Chez les isopodes terrestres, la réussite des transferts est d'autant meilleure qu'ils se produisent entre des espèces phylogénétiquement proches (Rigaud & Juchault 1995 ; Bouchon et al. 1998). De plus, la mortalité observée dans certains transferts parmi des individus recevant la bactérie alors qu'ils sont naturellement infectés par d'autres Wolbachia démontre de possibles "inadéquations" entre l'hôte et la bactérie. Chez les insectes, les transferts inter-ordres semblent assez difficiles puisque même s'ils sont possibles (Van Meer & Stouthamer 1999), l'infection est perdue au bout de quelques générations. Ceci met en évidence la difficile adaptation de la bactérie dans un nouvel hôte éloigné phylogénétiquement, qui peut être due soit à des phénomènes de résistance dite 34 Les transferts horizontaux active de l'hôte (faisant intervenir une réponse immunitaire de ce dernier) soit à une résistance passive, le milieu hôte ne permettant pas la multiplication de la bactérie ou la colonisation des organes reproducteurs. Peut-on alors expliquer la fréquence élevée d'infection des parasitoïdes par un plus fort degré de compatibilité avec Wolbachia ? Cette hypothèse n'est pas soutenue par le cas de L. boulardi. En effet, il paraît difficile d'expliquer qu'une espèce qui semble très exposée aux transferts horizontaux ne soit pas infectée. De plus, les expériences de Heath et al. (1999) montrent que des transferts naturels sont possibles de D. simulans vers L. boulardi, sans pour autant que Wolbachia puisse se maintenir. Ces deux points semblent donc montrer que, même chez les parasitoïdes, certaines espèces pourraient être réfractaires à l'infection par Wolbachia. Par contre, il est possible d'imaginer que les transferts entre parasitoïdes via le multi- ou l'hyperparasitisme soient fréquents du fait de la proximité phylogénétique entre parasitoïdes. Ainsi, lorsqu'une Wolbachia infecte un parasitoïde, elle pourrait être transmise de façon préférentielle à d'autres espèces parasitoïdes, plutôt que vers des espèces hôtes plus éloignées phylogénétiquement. Finalement, c'est l’une des premières fois que les mêmes Wolbachia sont retrouvées dans des espèces écologiquement interconnectées et phylogénétiquement éloignées. Toutefois, l'implication des parasitoïdes dans la circulation des bactéries reste encore incertaine. La mise en évidence de processus de transferts de Wolbachia à un autre insecte non parasitoïde est certainement un préalable à d'autres études. 35 La diversité des effets D IVERSITE DES EFFETS DE W OLBACHIA CHEZ LES ESPECES HAPLODIPLOÏDES ET CONSEQUENCES SUR LA DYNAMIQUE D 'INVASION Devant la diversité des effets de Wolbachia sur la reproduction de ses hôtes, deux questions se posent : quelle est l'étendue de cette diversité, et quels sont les mécanismes responsables de cette diversité, c'est-à-dire qui de l'hôte ou de la bactérie contrôle la nature et l'intensité de l'effet de Wolbachia ? Pour aborder ces questions, les espèces haplodiploïdes sont particulièrement intéressantes puisqu'elles peuvent exprimer de la thélytoquie, ou de l'IC. De plus, deux types d'IC ont été mis en évidence chez les haplodiploïdes. Le type DM (développement en mâles), connu chez des insectes du genre Nasonia, où l'IC se traduit par une surproduction de mâles due à l'haploïdisation des œufs fertilisés (Breeuwer & Werren 1990), et le type MF (mortalité des femelles), rencontré chez des acariens du genre Tetranychus, où l'IC se traduit par une mortalité des œufs diploïdes (Breeuwer 1997). Dans ce travail, la diversité des effets de Wolbachia a été étudiée non seulement chez les parasitoïdes de Drosophiles, mais également chez Trichogramma bourarachae, seule espèce de Trichogramme connue à ce jour qui soit non thélytoque et où existent des mâles infectés par Wolbachia (Girin 1997). La manipulation de la reproduction étant à l'origine de l'invasion de la population hôte par la bactérie, la diversité des effets ne doit pas simplement être constatée, mais elle doit aussi être interprétée en termes de dynamique d'invasion. Ceci est particulièrement important pour l'IC où l'invasion est fréquence dépendante : un événement de transfert horizontal n'implique pas forcément l'invasion de la population hôte (Rigaud & Rousset 1996). Jusqu'à présent, la dynamique d'invasion d'une Wolbachia induisant de l'IC n'a été étudiée au plan théorique que dans le cadre des espèces diploïdes (synthèse dans Hoffmann & Turelli, 1997). Nous avons étendu ces modèles aux deux types d'IC chez les haplodiploïdes afin d'étudier les conséquences de la diversité des effets sur la dynamique d'invasion de la bactérie. 37 La diversité des effets I Diversité des effets chez les haplodiploïdes I.1 Diversité de l'IC (Annexes 4, 5 et 7, Vavre et al. 2000) Chez L. heterotoma, Wolbachia est à l'origine d'une très forte IC puisque presque aucune femelle n'est produite dans le croisement incompatible (figure 7). Contrairement au cas Nasonia, le nombre de mâles est identique dans les croisements compatibles et incompatibles et la production en descendants est considérablement réduite dans le croisement incompatible. De plus, l'analyse par dissection a montré que dans le croisement incompatible de nombreux embryons de parasitoïdes meurent à un stade très précoce, ce qui permet le développement normal de l'hôte. Ainsi, l'IC rencontrée chez L. heterotoma est du type MF. 120 100 80 b a a Mâles 60 Femelles 40 20 c 0 Compatible Incompatible Croisement Figure 7 : Nombre de descendants mâles et femelles produits dans les croisements entre les lignées A et At chez L. heterotoma (moyenne et erreur standard). Pour les mâles et les femelles, les barres marquées de la même lettre ne sont pas significativement différentes (p›0,05, test de la plus petite différence significative). Le même phénomène a été retrouvé chez T. cf. drosophilae (figure 8). Toutefois, l'IC est incomplète puisque 17 % des œufs fertilisés se développent en femelles. Ces résultats montrent que le type MF n'est pas spécifique aux acariens comme l'avait suggéré 38 La diversité des effets Breeuwer (1997) et qu'il est même répandu chez les insectes. La mortalité pourrait être la conséquence d'un marquage incomplet des chromosomes paternels, c'est-à-dire d'une faible efficacité de la fonction mod, ne permettant pas l'haploïdisation complète et le développement en mâles des embryons. Une faible densité bactérienne peut être à l'origine de cette aneuploïdie (Breeuwer 1997). Cette hypothèse est compatible avec les résultats obtenus : dans trois cas sur quatre connus, l'IC de type MF est partielle, signe d'une densité bactérienne réduite. Le cas de L. heterotoma serait alors particulier avec une IC complète de type MF. 40 a a b Mâles 30 Femelles 20 10 c 0 Compatible incompatible Croisement Figure 8 : Résultats des croisements compatibles et incompatibles chez Trichopria cf drosophilae (moyenne et erreur standard). Pour les mâles et les femelles, les barres marquées de la même lettre ne sont pas significativement différentes. Chaque croisement a été répété 15 fois et représente la production moyenne d'une femelle pendant trois jours de ponte, les larves de Drosophiles étant non limitantes pour l'infestation. Les deux types d'IC, DM et MF, constituent-ils des entités discrètes ou bien peut-il exister des types intermédiaires ? Un début de réponse a été obtenu chez L. heterotoma. Dans cette espèce, un des trois variants bactériens naturels a pu être isolé (variant Lh1 également présent chez D. simulans, Quillon 1999). Lorsque des mâles de cette lignée mono-infectée sont croisés avec des femelles non infectées, le nombre de femelles produites est très faible démontrant que ce variant induit de l'IC (figure 9). Dans ce 39 La diversité des effets croisement, la production totale de descendants est réduite, indiquant une mortalité parmi les œufs fertilisés typique du type MF. Toutefois, la production en mâle est deux fois plus importante que dans le croisement compatible, ce qui ne peut s'expliquer que par l'haploïdisation complète et le développement en mâles d'une certaine proportion d'œufs fertilisés correspondant au type DM. En résumé, environ un tiers des œufs fertilisés se développent en mâles, et deux tiers meurent. La situation est donc intermédiaire entre les types DM et MF suggérant que ces deux types d'IC ne forment pas des entités discrètes et que probablement tous les types intermédiaires peuvent exister. De plus, le variant Lh1 est naturellement présent chez L. heterotoma où l'IC est de type MF, et c'est donc la présence des deux autres variants qui modifie l'expression de l'effet de Lh1. La compétition intra-hôte entre les trois variants pourrait conduire à une réduction de la densité relative de Lh1 ne permettant une expression complète de son phénotype dans les individus tri-infectés. 160 140 120 100 Femelles Mâles 80 60 40 20 0 0x3 0x1 0x0 Croisement Figure 9 : Résultats des croisements (femelle x mâle) entre individus non infectés (0), monoinfectés (1) ou triinfectés (3) chez L. heterotoma. Les trois lignées ont été obtenues à partir de la lignée homozygote A7. Chaque croisement a été répété 15 fois et représente la production moyenne d'une femelle pendant trois jours de ponte, les larves de Drosophiles étant non limitantes pour l'infestation. 40 La diversité des effets I.2 Effets autres que l'IC et la thélytoquie (Annexes 5 et 6, Vavre et al. 1999b) L'effet de Wolbachia a également été recherché chez deux autres espèces, P. dubius et T. bourarachae. Dans ces deux espèces, Wolbachia n’induit ni thélytoquie ni IC. Si chez P. dubius, aucun autre effet sur la reproduction n'a pu être détecté, Wolbachia est par contre à l'origine d'une augmentation de la fécondité (de 60 à 100 %) des individus infectés chez T. bourarachae (voir également Girin & Boulétreau, 1995a,b et Girin, 1997). Ce cas est particulièrement intéressant puisqu'on connaissait jusqu'ici de nombreuses espèces de Trichogrammes infectées par des Wolbachia induisant de la thélytoquie (Stouthamer et al. 1990). Toutes ces Wolbachia appartiennent à un groupe monophylétique à l'intérieur du clade B des Wolbachia (Schiltuizen & Stouthamer 1997). Nous avons établi qu'au contraire, la Wolbachia infectant T. bourarachae appartient au clade A, et sort largement du groupe monophylétique des autres Wolbachia de Trichogrammes. Ce résultat a été récemment confirmé par Van Meer et al. (1999) en utilisant le gène wsp. Ainsi, une Wolbachia phylogénétiquement distante des Wolbachia inductrices de thélytoquie chez les Trichogrammes induit un effet différent chez un autre Trichogramme. Ceci signifie que l'effet est au moins en partie contrôlé par le type bactérien. II Conséquence de la diversité des types d'IC sur la dynamique d'invasion (Annexe 4, Vavre et al. 2000) Si l'on considère les espèces diploïdes et haplodiploïdes, trois types d'IC ont été mis en évidence (figure 10) : mortalité des embryons mâles et femelles chez les diploïdes, mortalité des femelles (type MF), et développement en mâles de toute la descendance (type DM). 41 La diversité des effets 100 80 60 morts 40 mâles 20 0 DM Diploides MF Haplo-diploïdes Figure 10 : Les différents types d'incompatibilité. Les schémas représentent le cas où l'IC est complète. La principale différence entre ces trois types d'IC est le nombre de mâles non infectés produits dans le croisement incompatible. Ceci est d'une très grande importance puisque l'invasion par la bactérie est directement liée à la fréquence du croisement incompatible entre les mâles infectés et les femelles non infectées. L'augmentation de la proportion de mâles non infectés dans la population doit donc avoir des répercussions sur le processus d'invasion de la population hôte. L'analyse mathématique des dynamiques d'invasion pour les différents types d'IC en population panmictique de grande taille a montré que les taux d'infection chez les mâles et les femelles peuvent être décrits par des expressions équivalentes quel que soit le type d'incompatibilité (annexe 4, avec le paramètre r remplaçant la quantité k/(1-k), où k est la proportion d'œufs fertilisés) : ft +1 = Fft (1 −µ) Fft (1- µ (1-H )m t ) + (1 − ft )( 1- (1− H)m t ) m t +1 = Ff t (1 − µ) Fft (1+ µr(1 − H)m t ) + (1 − ft )(1 + r (1-H )mt ) 42 La diversité des effets où ft et mt sont respectivement les taux d'infection chez les femelles et les mâles à la génération t, F la fécondité relative des femelles infectées par rapport aux femelles non infectées, µ la proportion d'ovocytes non infectés produits par une femelle infectée et H la proportion d'embryons échappant à l'incompatibilité. Le paramètre r distingue les différents types d'incompatibilité. Schématiquement, r est la différence entre le nombre de mâles produits dans le croisement incompatible (avec incompatibilité et transmission complète) et dans le croisement compatible, divisé par le nombre de mâles dans le croisement compatible (tableau 4). r est positif pour le type DM (sa valeur dépend de la proportion d’œufs fertilisés), nul pour le type MF et négatif pour le type diploïde. Bien que r ne dépende pas des autres paramètres de l'association, son estimation pourrait être complexe dans les cas intermédiaires entre les types MF et DM. En effet, si la transmission et/ou l'incompatibilité ne sont pas complètes, la production en mâles et femelles dans le croisement incompatible va dépendre de l'ensemble des paramètres et il ne sera pas possible d'estimer expérimentalement r. Ce problème ne remet toutefois pas en cause les résultats théoriques énoncés ci-dessous, où seuls les types extrêmes seront envisagés. sans IC avec IC ™ ¢ ™ ¢ ¢ IC-¢ sans IC r Diploïdes f m 0 0 -m -1 MF f m 0 m 0 0 DM f m 0 m+f f f/m>0 Tableau 4 : valeur de r (succès relatif de développement des mâles) pour les différents types d'IC. f et m représentent respectivement la production en femelles et en mâles. r est égal à la différence de production en mâles avec et sans IC, divisée par la production normale en mâles (c'est-à-dire m). 43 La diversité des effets L'étude de ces fonctions montre que les Wolbachia ne pourront se maintenir que si la condition suivante est vérifiée : −1 1+ (1 − F) r µ≤ − 2r F (1− H + r( 1− F ) )(1 + r (1 − H)) 2 (1 − H )F2 Cette condition permet de définir des valeurs limites des paramètres au-delà desquelles les Wolbachia ne pourront pas se maintenir, quel que soit le taux d'infection initial. Il est possible de montrer que plus la valeur de r est faible et plus la valeur limite de µ est forte. Ainsi, cette valeur est maximum pour les diploïdes, intermédiaire pour le type MF et minimum pour le type DM. Cela signifie que les Wolbachia peuvent supporter des taux de transmission plus faibles chez les diploïdes que chez les haplodiploïdes, et qu'à l'intérieur des haplodiploïdes, le type MF peut supporter des taux de transmission plus faibles que le type DM. Ces résultats sont retrouvés pour les autres paramètres F et H, pour lesquels les Wolbachia peuvent supporter des valeurs plus défavorables chez les diploïdes que dans le type MF, et des valeurs plus défavorables dans le type MF que dans le type DM. De la même façon, pour des valeurs de paramètres permettant le maintien des Wolbachia, l'équilibre instable (qui définit le taux minimum d'infection permettant ce maintien), est plus faible chez les diploïdes que chez les espèces haplodiploïdes où le type MF est plus performant que le type DM. La figure 11 résume les deux points ci-dessus : plus l'aire du domaine de maintien de Wolbachia est grande et plus la probabilité de maintenir la bactérie est élevée. Cette probabilité dépend des types d'IC que l'on peut classer dans l'ordre suivant : diploïdes>MF>DM. La diversité des types d'IC a donc des conséquences importantes sur la dynamique d'invasion de la population hôte par Wolbachia, et sur la probabilité de son maintien. Ainsi, si les trois stratégies considérées diffèrent par leur capacité à maintenir la bactérie, les stratégies les plus performantes au niveau dynamique d'invasion doivent être 44 La diversité des effets les plus fréquentes dans la nature, et le type MF pourrait être plus fréquent que le type DM chez les haplodiploïdes. 1 DM+MF+D 0,8 MF+D D Taux 0,4 0,2 d’infection 0,6 0 0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 µ Figure 11 : Domaine de maintien de Wolbachia en fonction du taux de non transmission (µ) et du type d'incompatibilité. En gris foncé, maintien de tous les types d'IC. En gris moyen, maintien du type diploïde et du type MF. En gris très clair, maintien du type diploïde (D) seulement. En blanc, perte de tous les types d'IC. 1H=0,45 ; 1-F=0,05. III Discussion L'ensemble de ces résultats montre à quel point les stratégies de manipulation de la reproduction par Wolbachia sont diversifiées chez les haplodiploïdes. Leur intégration avec les données de la bibliographie permet de proposer des hypothèses pour expliquer l'origine de la diversité des effets et des facteurs qui la contrôlent. Un certain nombre d'arguments plaident en faveur d'un contrôle bactérien de l'effet sur la reproduction de l'hôte. Par exemple, chez Trichogramma bourarachae, une Wolbachia phylogénétiquement distante du groupe des Wolbachia de Trichogrammes 45 La diversité des effets induit un effet différent de la thélytoquie classiquement observée chez ces hôtes. De la même façon, chez la Drosophile, il existe trois types de variants : des variants "normaux" (mod+ resc+), capables d'induire la modification des spermatozoïdes (fonction mod+) et de les sauver dans le croisement compatible (fonction resc+) ; des variants (mod- resc+), qui peuvent sauver l'IC mais qui sont incapables de l'induire ; et des variants (mod- resc-) qui ne peuvent ni induire, ni sauver l'IC (Giordano et al. 1995 ; Hoffmann et al. 1996 ; Bourtzis et al. 1998 ; Merçot & Poinsot 1998). Ces caractéristiques ne peuvent pas être attribuées au génome de l'hôte puisque après des transferts artificiels, les Wolbachia induisent le même phénotype que dans l'hôte initial (Giordano et al. 1995). La variabilité du taux d'incompatibilité souligne également le rôle de Wolbachia dans l'expression du phénotype : différents variants induisent chez D. simulans des taux d'IC variables allant d'une IC quasi complète pour les variants wRi et wHa à une IC plus faible pour le variant wNo (Merçot et al. 1995). Ainsi, la bactérie semble fortement impliquée dans le phénotype exprimé par l'association. Aucun argument n’a jusqu’à aujourd’hui permis de montrer que l'hôte pouvait contrôler le type d'effet produit par la bactérie. Par contre, son rôle sur l'intensité de l'effet est bien connu. Par exemple, lorsque le variant wRi est transféré de D. simulans à D. melanogaster, l'IC produite chez D. melanogaster est beaucoup plus faible que chez l'hôte d'origine. Cette réduction du taux d'IC est d'ailleurs corrélée à une réduction de la densité bactérienne (Boyle et al. 1993). De la même façon, des séries de backcross ou des sélections sur le taux d'IC dans le genre Nasonia ont permis de montrer que l'hôte pouvait être à l'origine de variations du niveau d'IC, variations encore une fois corrélées à la densité bactérienne (Breeuwer & Werren 1993a ; Perrot-Minot & Werren 1999). L'hôte peut donc agir directement sur le taux d'IC, c'est-à-dire sur l'intensité de l'effet produit par la bactérie, et le mécanisme impliqué pourrait bien être le contrôle de la densité bactérienne. Un marquage incomplet des chromosomes paternels est certainement impliqué dans la mortalité des femelles dans le type MF (Breeuwer 1997). Il ne permettrait pas leur 46 La diversité des effets élimination complète et entraînerait la formation d'embryons aneuploïdes incapables de se développer. Dans le type DM, le marquage serait plus fort et permettrait l'haploïdisation complète des œufs fertilisés et leur développement en mâles. Plusieurs facteurs pourraient être à l'origine d'un marquage incomplet des chromosomes. Une des hypothèses avancées par Breeuwer (1997) mettait en cause la structure particulière des chromosomes d'acariens où l'effet a été découvert. Toutefois, cette hypothèse n’est pas suffisante pour expliquer le type MF rencontré chez L. heterotoma et T. cf.drosophilae. Il pourrait s'agir d'une efficacité réduite des bactéries au niveau du marquage, dû à des caractéristiques intrinsèques de la bactérie comme dans le cas des variants (mod-) mis en évidence chez la Drosophile (Bourtzis et al. 1998 ; Merçot & Poinsot 1998). La dernière hypothèse fait intervenir une densité bactérienne réduite entraînant un marquage limité des chromosomes paternels et l’aneuploïdie des embryons dans le type MF (Breeuwer 1997). D’ailleurs, une réduction artificielle de la densité bactérienne chez Nasonia peut être à l’origine de l’aneuploïdie de certains embryons (Breeuwer & Werren 1993a). La modification du type d’IC en fonction du nombre de variants chez L. heterotoma pourrait également être due à une réduction de densité de Lh1 lorsqu’il est en compétition avec les deux autres variants dans les individus tri-infectés, ce qui ne permettrait pas l’expression complète de son phénotype. Finalement, si de simples modifications de densité peuvent permettre le passage de l’IC du type DM au type MF, l'évolution des types d'IC chez les haplodiploïdes pourrait être très rapide. Il semble que Wolbachia définit à elle seule le type de manipulation qu'elle produit (IC, féminisation, thélytoquie). Ainsi, la bactérie serait la seule à synthétiser un ou des produit(s) à l'origine de l'effet induit, produit qui serait spécifique d'un type d'effet. La diversité des effets de Wolbachia proviendrait alors de mutations sur le ou les facteur(s) impliqué(s) dans la modification de la reproduction, suivies de l'invasion de la population par le variant bactérien muté. Par contre, en ce qui concerne la régulation de l'intensité de l'effet sur la reproduction et du type d'IC chez les haplodiploïdes, les rôles pourraient être partagés entre les deux partenaires, notamment via la régulation de la densité bactérienne. 47 La diversité des effets En fait, les mécanismes de contrôle dépendent des contraintes spécifiques qui agissent sur les deux partenaires. Chez les insectes, il est difficile d'imaginer que l'hôte puisse avoir une action spécifique sur les mécanismes par lesquels la bactérie agit sur sa reproduction, puisque ces mécanismes (si on excepte le cas des isopodes) sont basés sur la manipulation des « comportements » des chromosomes sur lesquels portent de très fortes contraintes fonctionnelles. Il est difficilement envisageable que le bénéfice apporté par de telles modifications puisse compenser les coûts liés à la modification de la structure des chromosomes. Par contre, des mutations sur les produits originaux synthétisés par la bactérie sont plus facilement envisageables, et pourraient permettre une évolution rapide de certaines fonctions de la manipulation de la reproduction et son adaptation aux caractéristiques de l’hôte (Rigaud & Rousset 1996). Les travaux réalisés sur la diversité des effets et des facteurs qui la contrôlent sont particulièrement importants pour comprendre l'évolution des symbioses à Wolbachia. Toute modification de l'effet a des répercussions sur la dynamique d'invasion de la bactérie et donc sur la probabilité de maintenir Wolbachia dans la population hôte, comme nous l'avons vu dans le cadre de l’IC chez les haplodiploïdes. On peut alors imaginer que le type d'IC le plus efficace, le type MF chez les haplodiploïdes, soit le plus fréquent dans la nature. Ceci n'est pas en contradiction avec les résultats obtenus puisque sur 4 genres où l'IC a été détectée, 3 présentent une IC de type MF. D'autres résultats seront toutefois nécessaires pour évaluer plus précisément la fréquence des différents types d'IC chez les haplodoiploïdes. L’étude des mécanismes moléculaires de ces effets permettra également de mieux comprendre les facteurs à l’origine de leur contrôle et de leur diversité. 48 Le coût de l’infection L E COUT DES SYMBIOSES A W OLBACHIA : I NFLUENCE DES FACTEURS GENETIQUES ET EPIGENETIQUES Les manipulations induites par Wolbachia sur la reproduction des hôtes permettent l'invasion des populations hôtes même en présence d'un coût physiologique (Werren & O'Neill 1997) et n’implique pas que l’association évolue vers un mutualisme. L'étude du coût de l'infection par Wolbachia doit permettre de mieux définir le statut de ces associations, Wolbachia pouvant être soit un parasite, soit un commensal, soit un mutualiste (O’Neill 1995). De plus, l'étude de l'évolution de ces associations nécessite de comprendre comment les deux partenaires peuvent réguler ce coût. La mise en évidence d'une variabilité de ce coût devrait permettre de mieux comprendre le rôle des deux partenaires et des facteurs épigénétiques dans le fonctionnement global de l'association. Dans toute association symbiotique, le coût est défini par la balance entre la virulence du symbiote et la résistance de l’hôte. Mais qu'entend-on par coût de l'infection et virulence dans le cas de Wolbachia ? Volontairement, les effets spécifiques de Wolbachia sur la reproduction des hôtes ne seront pas pris en compte dans la virulence de la bactérie pour mieux comparer les symbioses à Wolbachia aux associations symbiotiques classiques. Le cas de l'IC démontre bien la nécessité de séparer ces deux composantes de l'association. Alors que tous les individus infectés subissent une réduction de leur fitness absolue qui représente le coût de l'infection, les femelles non infectées, lorsqu'elles sont croisées avec des mâles infectés, subissent une réduction de leur fitness relative, ce qui a pour conséquence d'augmenter la fitness relative des femelles infectées. C'est la différence entre la fitness moyenne des individus infectés et non infectés qui va déterminer si la bactérie peut se maintenir dans la population. Ainsi, alors que le coût agit directement et exclusivement sur l'ensemble des individus infectés, l'IC agit seulement sur les mâles infectés lorsqu'ils fécondent des femelles non infectées, et les pressions de sélection qui agissent sur ces deux paramètres ne sont donc pas identiques. De plus, si la bactérie est proche de la fixation dans la population (situation fréquente), les 49 Le coût de l’infection pressions de sélection qui s'exercent sur l'IC seront beaucoup moins importantes que celles exercées sur le coût de l'infection. Jusqu'à présent, les études sur le coût de Wolbachia ont surtout porté sur l'influence de l'infection sur les principaux paramètres de la fitness telles que la fécondité et la survie (Hoffmann & Turelli 1988 ; Hoffmann et al. 1990, 1994, 1996 ; Nigro & Prout 1990 ; Stouthamer & Luck 1993 ; Stouthamer et al. 1994 ; Giordano et al. 1995 ; Turelli & Hoffmann 1995 ; Wade & Chang 1995 ; Poinsot & Merçot 1997). Dans la majorité des cas, ces coûts sont nuls ou faibles, ce qui place les Wolbachia parmi les symbiotes (plus ou moins) commensaux. Toutefois, il existe d'importantes variations entre associations au niveau interspécifique, ce qui laisse supposer que des facteurs génomiques (la bactérie, l'hôte) et/ou des facteurs épigénétiques modulent le coût de l'infection. Nous avons donc tenté de mettre en évidence l'influence des deux partenaires et de l'environnement sur le coût de l'infection chez l'espèce L. heterotoma pour laquelle nous disposons de plusieurs génotypes, afin d’étudier les variations du coût au niveau intraspécifique. I Coût de l'infection chez L . heterotoma : influence du génotype de l'hôte et de la température (Annexes 8 et 9) Afin d'étudier l'influence du génotype de l'hôte et des conditions environnementales sur le coût de la bactérie, différents caractères impliqués dans la fitness ont été mesurés chez des parasitoïdes symbiotiques et aposymbiotiques pour deux lignées homozygotes de Leptopilina heterotoma originaires d'une population méridionale (A7, Antibes) et d'une population septentrionale (SF4, Lyon), ceci à deux températures, 22 et 25°C. Ces deux lignées A7 et SF4 sont naturellement infectées par trois variants bactériens (Lh1, Lh2 et Lh3), qui sont les mêmes dans les deux lignées sur la base des séquences nucléotidiques du gène wsp. Ceci permet de supposer que ces deux lignées varient essentiellement sur la base de leur génome plutôt que sur leurs Wolbachia. Afin d'avoir une vision plus globale de l'influence de la bactérie sur son hôte, nous ne nous sommes pas limités aux mesures classiques de la fécondité, et nous avons mesuré d'autres caractères comme l'activité 50 Le coût de l’infection spontanée des individus, leur taille, leur poids, leur durée de développement et leur survie. 51 FEMELLE A7 25°C SF4 A7 22°C SF4 A N O V A Durée de dévelop. (jours) I NI Tibia mmx10-2 I NI Survie (jours) I NI Activité (pourcentage) I NI I NI 101,7 42,97 43,30 58,03 59,88 10,97 10,88 7,4 12,9 147,3 152,2 117,6 0,79 1,01 1,85 1,92 0,79 0,65 8,7 11,4 18,5 16,3 9,2 19,9 22,93 22,55 35,67 36,83 58,34 58,05 9,60 8,94 0,1 0,4 102,7 125,3 86,1 96,9 0,68 0,27 0,54 0,67 2,03 2,39 0,84 0,67 0,2 1,6 12,8 21,5 18,8 17,7 27,31 27,35 41,13 42,07 60,54 62,62 9,90 10,30 9,6 13,2 152,3 165,8 116,5 103,9 0,21 0,45 0,54 0,63 2,25 3,07 0,49 0,39 6,8 8,6 15,7 21,6 7,6 13,8 28,07 27,60 37,86 38,73 61,82 62,01 9,56 9,60 0 0,1 119,6 133,4 88,4 100,9 0,40 0,24 0,66 0,58 2,42 1,99 0,50 0,57 0,1 0,4 15,0 16,3 19,9 16,2 *** ** *** 0,061 *** ns ns *** ns ns ns *** ns ns ns ** *** *** 0,064 ns ns *** ns 0,077 ns *** * ns *** ** ns ** ns ns ns *** *** *** * ns ns 0,056 NI I NI I NI I NI I NI 19,63 25,60 25,27 53,83 55,33 8,50 8,48 16,2 16,1 0,28 0,25 0,51 0,53 1,75 1,86 0,61 0,96 7,0 10,2 SF4 20,27 19,65 22,20 22,87 53,43 53,81 7,48 7,40 8,7 7,6 0,47 0,18 0,41 0,40 2,13 1,91 0,38 0,39 9,0 6,5 25,00 24,95 27,53 27,33 57,63 57,98 7,16 7,72 8,8 13,6 0,16 0,15 0,46 0,53 1,74 1,99 0,36 0,46 8,0 6,3 25,33 25,21 23,87 24,47 56,96 57,08 7,28 7,02 10,9 10,3 0,28 0,12 0,45 0,50 1,75 1,64 0,45 0,42 9,0 10,3 SF4 NI 0,45 I A7 I 21,51 19,65 22°C Productivité 0,29 A7 25°C Fécondité 21,73 souche (A) infection (B) température (C) interaction AB AC BC ABC MALE Poids frais mgx10-2 I NI *** ns ns *** ns ns ns souche (A) *** *** *** *** *** infection (B) *** ns * ns ns température (C) *** *** *** *** ns interaction AB ** ns ns 0,072 ns AC ns ns ns ** ** BC * ns ns ns ns ABC * ns ns ns ns Tableau 5 : Influence de l'infection par Wolbachia chez L. heterotoma (comparaison des individus infectés (I) et non infectés (NI) pour les deux génotypes A7 et SF4 à 22 et 25°C). Survie : longévité des adultes disposant d'eau mais privés de nourriture et d'hôtes (50 individus par modalité). Activité : pourcentage du temps passé à se déplacer (30 individus par modalités). Fécondité : nombre d'oeufs dans un ovaire, obtenu par dissection (30 femelles par modalité). Productivité : nombre de descendants produits par 4 femelles disposant de 150 larves de Drosophiles pendant 24 heures (10 répétitions par modalité). Poids frais et mesure du tibia sur 30 individus par modalité. A N O V A 52 Le coût de l’infection I.1 Influence de l'hôte Chez L. heterotoma, Wolbachia affecte le phénotype sur de nombreux traits chez les femelles et chez les mâles (durée de développement, taille, fécondité potentielle, taux d'activité). L'ensemble des résultats est regroupé dans le tableau 5. L'amplitude de ces modifications peut être importante puisque la fécondité de SF4 à 25°C est réduite de plus de 20 % en présence de la bactérie et que l'activité locomotrice spontanée des femelles A7 est réduite de plus de 30 %. Excepté pour la productivité des femelles A7, les Wolbachia ont toujours un effet négatif sur le parasitoïde. De plus, le nombre et la diversité des caractères qui peuvent être modifiés par Wolbachia chez les mâles et les femelles sont tels que la virulence de la bactérie ne semble pas dirigée vers une cible particulière. Le coût serait dû à une diminution de la quantité totale d'énergie disponible pour le métabolisme du parasitoïde. La réduction de l'activité locomotrice des individus infectés, caractère qui peut constituer une mesure globale du métabolisme, peut d'ailleurs être interprétée comme le reflet de la perte d'énergie qui serait "détournée" par le symbiote. Ces résultats démontrent que le coût de Wolbachia chez L. heterotoma est assez important. On pourrait donc conclure qu'en plus d'être un parasite de la reproduction, Wolbachia est un parasite au sens strict, au moins chez cet hôte. Toutefois, l'analyse des interactions entre génotype de l'hôte, température et infection permet de moduler cette affirmation. L'effet des bactéries dépend fortement du génotype du parasitoïde. Dans la lignée SF4 à 25°C, la présence de Wolbachia a un effet négatif sur la productivité, la fécondité potentielle et la durée de développement. Dans la lignée A7, ces caractères sont soit non modifiés, soit augmentent de valeur (productivité), mais un effet négatif est observé sur la taille et l'asymétrie. Pour chacun des caractères étudiés, l'interaction entre l'infection et le génotype de l'hôte est importante. Globalement, la lignée A7 est assez peu touchée par le symbiote alors que la lignée SF4 présente une fitness réduite. Le coût des bactéries dépend donc des interactions entre le génotype de l'hôte et les symbiotes, le génome de 53 Le coût de l’infection l'hôte pouvant modifier profondément les effets de l'infection et conférer une certaine forme de résistance à la bactérie. I.2 Influence de la température et interactions avec le génotype de l'hôte La comparaison des résultats obtenus à 22 et 25°C montre que la température agit également sur le coût de Wolbachia. Par exemple, la fécondité des individus A7 infectés est réduite à 22°C, alors qu'à 25°C, aucune différence n'est observée : suivant l'environnement, les répercussions de Wolbachia sur la physiologie de son hôte varient. L'influence de la température sur la survie et la transmission de la bactérie était connue, les hautes températures pouvant être utilisées pour éliminer Wolbachia (Rigaud et al. 1991a, Rigaud & Juchault 1998 ; Louis et al. 1993). Toutefois, c'est la première fois que l'on met en évidence des variations de coût en fonction des conditions environnementales. Ces variations sont d'autant plus étonnantes que les deux températures étudiées sont relativement proches. On peut donc s'attendre à des variations très importantes du coût entre des températures extrêmes. L'extension de cette étude à des températures plus froides pourrait être intéressante. La température peut agir sur l'association soit directement en modifiant la multiplication des Wolbachia, et donc la densité bactérienne, soit indirectement en influençant le développement des parasitoïdes voire des Drosophiles. A ce titre, des études récentes sur les interactions génotype-environnement réalisées sur ces deux lignées parasitoïdes ont permis de montrer que leurs valeurs phénotypiques s'inversent en fonction de la température : la lignée A7 présente des caractéristiques plus performantes que la lignée SF4 à haute température, alors qu'à basse température, des résultats inverses sont obtenus (Ris 1999). Ces interactions peuvent résulter de l'hétérogénéité de l'environnement qui impose des pressions de sélection différentes au niveau local, et pourraient expliquer le maintien de la forte divergence génétique observée sur de 54 Le coût de l’infection nombreux traits d'histoire de vie entre les populations Nord et Sud (Fleury 1993). Ces contraintes environnementales pourraient également s'exercer au niveau de l'association avec Wolbachia et entraîner des coadaptations locales entre parasitoïdes et Wolbachia, responsables des interactions entre génotype de l'hôte et température. II Influence du type bactérien Des résultats préliminaires semblent également montrer que des variations de virulence existent entre variants bactériens. L'établissement d'une lignée mono-infectée à partir de la lignée A7 permet d'étudier la virulence du variant isolé Lh1. La lignée A7 étant totalement homozygote, le génotype de l'hôte est identique entre les lignées tri-, monoinfectées et vides. Lors de croisements entre des lignées de A7 tri-, mono-infectées ou vides (annexe 7), les femelles mono-infectées produisent moins de descendants que les femelles vides, et même que les femelles tri-infectées. Le variant Lh1 semble donc particulièrement virulent lorsqu'il est isolé, ce qui indique que les virulences des variants bactériens ne sont pas les mêmes et que leurs effets sur la physiologie des hôtes ne sont pas simplement additifs. Des études plus complètes comparant la virulence dans les différentes lignées mono-infectées (en cours d’établissement) et les lignées tri-infectées permettront de mieux comprendre l'influence des variants bactériens et de leurs interactions sur le coût de l’infection. III Discussion La multiplication de tout symbiote, même mutualiste, nécessite de l'énergie et induit un coût à son hôte (Thompson 1988), mais en général celui-ci est compensé par l'apport de nutriments souvent indispensables à l'hôte. Le symbiote pourra être maintenu si la balance avantage-coût est positive, c’est-à-dire si la fitness absolue de l'hôte est augmentée par l'infection. Une des conséquences de cette balance est que l'avantage 55 Le coût de l’infection apporté par le symbiote va masquer le coût qu'il induit, ce qui rend très difficile la quantification de ce paramètre. Toutefois, il est évident que l'association est "contrôlée" puisque le symbiote ne se réplique pas à l'infini et qu'il n'est pas éliminé (Douglas 1994). Le symbiote peut "contrôler" sa densité via la régulation de son taux d'accroissement. Le contrôle par l'hôte peut prendre deux formes majeures : soit la destruction des symbiotes lorsqu'ils sont trop nombreux, soit une régulation de l'énergie allouée aux symbiotes (Douglas 1994). Cette régulation peut se faire par confinement des symbiotes dans des organes particuliers spécialisés, comme chez Sitophilus orizae (Nardon 1971), ou par le contrôle direct du taux de multiplication du symbiote. Dans tous les cas, la régulation implique un contrôle de l'effectif de la population symbiotique, c’est-à-dire de la densité bactérienne. Chez S. orizae, des croisements entre deux souches différant par leur densité bactérienne ont d'ailleurs montré que l'hôte pouvait contrôler la densité du symbiote (Nardon & Wicker 1983). Ainsi, dans les associations symbiotiques classiques, la densité bactérienne doit atteindre une valeur optimale qui maximise la fitness absolue de l'hôte. Dans le cas de Wolbachia, le coût est compensé non par l'apport de nutriments, mais par la modification de la reproduction (Werren & O'Neill 1997). La réduction de la fitness absolue des individus infectés est compensée par la réduction de la fitness relative des femelles non infectées dans le cas de l'IC ou par un biais de sex-ratio en faveur des femelles dans les autres effets. Le coût de l'infection est donc directement mesurable et les facteurs qui l'influencent sont plus facilement accessibles. Les résultats obtenus chez L. heterotoma montrent que Wolbachia est à l'origine d'un coût physiologique sur son hôte, dont l'amplitude est une des plus forte observée à ce jour. Toutefois le génotype de l'hôte, le variant bactérien, et l'environnement peuvent influencer ce coût. Comme chez les symbiotes classiques, on peut penser que la densité bactérienne est un facteur essentiel, et les variations de coût chez L. heterotoma seraient alors dues à des variations de densité bactérienne dont l'origine peut être génétique, via l'hôte ou la bactérie, ou épigénétique. 56 Le coût de l’infection Malgré tout, la présence d'un coût à Wolbachia peut paraître surprenante et l'on conçoit difficilement qu'une bactérie transmise maternellement puisse diminuer la fitness de son hôte sans que des variants moins virulents ou des hôtes plus résistants ne soient sélectionnés. Dans les cas de L. heterotoma, plusieurs explications peuvent être avancées. L'invasion par Wolbachia pourrait être récente et les deux partenaires insuffisamment coadaptés. De plus, L. heterotoma étant tri-infectée, il pourrait suffire qu'un seul des trois variants ait été acquis récemment et possède une virulence importante pour expliquer le coût élevé, comme cela semble être le cas pour le variant Lh1. Enfin, les multi-infections peuvent être à l'origine d'une augmentation de la virulence : la compétition entre les variants peut conduire à une augmentation de la densité bactérienne et donc à une augmentation de la virulence des symbiotes (Van Baalen & Sabelis 1995 ; Frank 1996b). Nous avons vu également que l'association est sensible aux facteurs externes, notamment la température. De nombreux autres facteurs épigénétiques sont connus pour influencer l'association : chez la Drosophile, la proportion de cystes infectés chez les mâles diminue avec l'âge (Bressac & Rousset 1993) et se traduit par une réduction de l'IC chez les mâles âgés (Hoffmann et al. 1986 , Bressac & Rousset 1993). Chez Tribolium confusum (Stevens & Wicklow 1992), la présence d'antibiotiques naturels diminue également la transmission de la bactérie via une réduction de la densité bactérienne. La quantité de ressources disponibles pour l'hôte (Merçot et al 1995) ou la diapause prolongée (Perrot-Minot et al. 1996) diminuent la transmission de la bactérie. L'importance du rôle des variations environnementales sur les paramètres de l'association et notamment sur le coût a deux conséquences. Premièrement, il est difficile de prévoir quel sera l'impact de l'infection dans un environnement fluctuant, le statut de l'association pouvant osciller du parasitisme au commensalisme, voire au mutualisme. Dans le cas des espèces polyvoltines, comme les parasitoïdes de Drosophile, les variations environnementales entre générations sont très importantes. Deuxièmement, dans des environnements différents, des co-adaptations locales entre hôte et Wolbachia peuvent apparaître, comme nous l'avons envisagé chez L. heterotoma. De telles co-adaptations 57 Le coût de l’infection sont connues dans d'autres systèmes symbiotiques (association Bradharhizobiumlégumineuse, Wilkinson et al. 1996) et peuvent être à l'origine d'une diversité importante des associations symbiotiques. Ces interactions peuvent entraîner une réduction du coût de la bactérie dans l'environnement habituel de l'association et une augmentation dans d'autres environnements. On peut alors s'attendre à voir apparaître des mosaïques d'associations localement coadaptées produisant des normes d'interaction entre Wolbachia, son hôte et l'environnement (Thompson 1988). En résumé, de nombreux facteurs peuvent modifier le coût de Wolbachia. Dans ces conditions, les mesures de coût au laboratoire peuvent paraître inutiles puisqu'elles ne permettent pas d'inférer le coût de la bactérie en conditions naturelles. D'ailleurs, chez D. simulans, alors qu'une réduction de la fécondité des femelles infectées est observée au laboratoire (Hoffmann et al. 1990), cette réduction n'apparaît pas en conditions naturelles (Turelli & Hoffmann 1995). Même si la mesure de la valeur absolue du coût au laboratoire est peu représentative du coût dans la nature, ces expériences constituent un excellent moyen de définir les variations de la virulence de la bactérie ou de la résistance des hôtes, et donc de mieux comprendre les rôles respectifs de l'hôte et de la bactérie dans le fonctionnement global de l'association. Enfin, si la densité bactérienne joue un rôle essentiel sur le coût, elle pourrait également influencer les autres paramètres de l'association que sont la transmission et le taux d'incompatibilité (Stevens & Wicklow 1992 ; Boyle et al. 1993 ; Breeuwer & Werren 1993a), et donc l'installation de la bactérie dans la population hôte et l'évolution de l'association. On peut imaginer que si la densité est forte les taux d'IC et de transmission sont élevés, ce qui augmente la probabilité de maintien de la bactérie dans la population, mais en contrepartie, la virulence est également forte et diminue cette même probabilité. Par contre, à faible densité les taux d'IC et de transmission sont faibles, défavorisant la bactérie, mais ceci pourrait être compensé par un coût plus faible. On voit dès lors que tous les paramètres importants dans la dynamique d'invasion sont corrélés et 58 Le coût de l’infection que des trade-offs peuvent exister entre caractères via la régulation de la densité bactérienne. Ainsi, si des pressions de sélection agissent plus directement sur un des paramètres, les autres seront aussi affectés. Il est donc important de rechercher quels sont les paramètres les plus sensibles à la sélection pour définir les voies évolutives possibles des associations hôte-Wolbachia. La mise en évidence de l'influence du génotype hôte sur le coût de Wolbachia permet déjà de souligner son rôle dans le fonctionnement global de l'association. Finalement, aussi bien les facteurs génétiques d’origine hôte ou bactérienne que les facteurs épigénétiques peuvent modifier le coût de l’infection. La poursuite de telles études, où les génotypes des deux partenaires sont contrôlés, permettra certainement de mieux définir les rôles respectifs de l’hôte et de Wolbachia sur les différents paramètres de l’association ainsi que les corrélations entre ces paramètres. La connaissance des mécanismes de régulation de l’association permettra de définir les pressions de sélection qui agissent sur les deux partenaires. 59 L’évolution des associations MODELES THEORIQUES D' EVOLUTION DES ASSOCIATIONS A W OLBACHIA DANS LE CAS DE L 'IC Les Wolbachia, à la différence des autres symbiotes transmis verticalement sont capables de modifier la reproduction de leur hôte. Cette différence conduit-elle à une trajectoire évolutive originale des associations à Wolbachia ? Tout va dépendre des cibles privilégiées de la sélection et des corrélations entre les paramètres de l'association que sont la transmission du symbiote, le coût de l'infection, la nature de l'effet et son intensité. Comme les résultats précédents ont montré que la plupart de ces paramètres sont contrôlés par l'hôte et par la bactérie, l'étude théorique de l'évolution des associations doit prendre en compte les variations des caractéristiques des deux partenaires et leurs conséquences sur les paramètres de la dynamique d'invasion. Deux démarches sont alors possibles : ou bien l'analyse conjointe des trajectoires d'associations impliquant des partenaires différents, ou bien la simulation de la compétition entre deux variants dans le même système et la recherche de l'issue de cette compétition, qui permet de mieux comprendre l'action de la sélection sur les deux partenaires. Turelli (1994) a exploré les possibilités évolutives de l'association chez les diploïdes en faisant varier soit les variants bactériens, soit les variants hôtes (p 23). Comme les différents types d'IC rencontrés chez les espèces haplodiploïdes modifient de façon importante la dynamique d'invasion de la bactérie dans la population hôte (annexe 4), on peut se demander dans quelle mesure ils peuvent également modifier l'évolution de l'association. Pour le savoir, nous avons étendu les modèles de Turelli (1994) aux types MF (mortalité des femelles) et DM (développement des mâles). La base des modèles est un tableau de croisements panmictiques qui contient les descendants obtenus pour chaque croisement lorsque deux stratégies sont en compétition (le tableau 6 donne l'exemple pour deux types bactériens). L'extension aux différents types d'IC complexifie considérablement les modèles au niveau mathématique et nous n'avons pas tenté de résolution analytique. L'analyse préliminaire a été réalisée par analyse numérique. 61 L’évolution des associations Croisements ™ x ¢ Fréquence Descendants femelles w1 w2 Descendants mâles 0 w1 w2 0 w1 x w1 p12 F 1(1-µ 1) F 1µ 1H01 F 1(1-µ 1) F 1µ 1(1+k1(1-H01)) w1 x w2 p1p2 F 1(1-µ 1)H12 F 1µ 1H02 F 1(1-µ 1)(1+k2(1-H12)) F 1µ 1(1+k2(1-H02)) w1 x 0 p1q F 1(1-µ 1) F 1µ 1 F 1(1-µ 1) F 1µ 1 w2 x w1 p2p1 F 2(1-µ 2)H21 F 2µ 2H01 F 2(1-µ 2)(1+k1(1-H21)) F 2µ 2(1+k1(1-H01)) w2 x w2 p22 F 2(1-µ 2) F 2µ 2H02 F 2(1-µ 2) F 2µ 2(1+k2(1-H02)) w2 x 0 p2q F 2(1-µ 2) F 2µ 2 F 2(1-µ 2) F 2µ 2 0 x w1 qp1 H01 1+k 1(1-H01) 0 x w2 qp2 H02 1+k 2(1-H02) 0x0 q2 1 1 Tableau 6 : Individus produits dans l’ensemble des croisements possibles dans une population où coexistent des individus infectés par un variant bactérien W1, un variant W2 ou non infectés (0). p1, p2 et q, fréquences respectives des individus w1, w2 et 0. Fi, fécondité relative des femelles wi par rapport aux femelles non infectées. µi, proportion d’œufs non infectés produits par une femelle wi. Hij, proportion d’embryons échappant à l’incompatibilité lorsqu’une femelle i est croisée avec un mâle j. Les mâles et les femelles sont traités indépendamment. 62 L’évolution des associations Lors de cette étude, nous nous intéressons à l'issue de la compétition entre deux variants présents simultanément dans la population. Ainsi, dans la majorité des cas, les situations initiales considèrent l'introduction d'un variant bactérien ou d'un variant hôte dans une population où Wolbachia a atteint un équilibre stable proche de la fixation. L'invasion de certains variants étant fréquence dépendante, l’analyse consiste à augmenter progressivement la fréquence du variant introduit pour rechercher la fréquence seuil qui permet l'invasion par ce nouveau variant. La situation étant déjà complexe, nous n'avons pas envisagé le cas où les variants bactériens et hôtes diffèrent simultanément, ni les cas de multi-infections individuelles. I L'évolution du point de vue de Wolbachia Dans cette première partie, nous considèrerons le cas où un variant bactérien W2 est introduit dans une population où est installé un variant bactérien W1. Les variants W1 et W2 sont caractérisés par leurs valeurs de µ, F, H et leur type d'IC, alors que les hôtes ne présentent pas de variabilité influençant l'association. Les résultats obtenus par Turelli (1994) sur les diploïdes ont déjà été exposés (p19). Lorsque deux variants compatibles sont en compétition (pas d’IC bidirectionnelle), le variant sélectionné est celui qui maximise la production d’individus infectés. Ceci a trois conséquences majeures : (i) du fait du probable trade-off entre la transmission et le coût, la sélection d'un coût nul n'est peut-être pas possible chez la bactérie, (ii) des densités relativement faibles de bactérie sont attendues pour limiter la virulence, (iii) le taux d'incompatibilité va évoluer en fonction d'effets pléiotropes (via la densité bactérienne par exemple), et non sous l'action directe de la sélection. 63 L’évolution des associations Lorsque les deux variants sont mutuellement incompatibles, tout va dépendre des caractéristiques des deux variants et de leurs fréquences respectives dans la population, des variants diminuant la production d’individus infectés pouvant être sélectionnés. Ces modèles ont été étendus aux types MF et DM d’IC chez les haplodiploïdes. Bien que des types intermédiaires puissent exister, seuls ces deux types "extrêmes" sont pris en compte. Tous les types de compétition ont été considérés, les variants W1 et W2 pouvant posséder soit le même type d'IC soit des types d'IC différents avec dans les deux cas des paramètres F, µ et H qui leurs sont propres. I.1 Compétition entre variants compatibles chez les haplodiploïdes Les résultats des analyses montrent que lorsque W1 et W2 sont compatibles entre eux, W2 envahit la population aux dépens de W1 s'il maximise la quantité F(1-µ), et ceci quel que soit le type d’IC exprimé par W1 et W2. Si W1 et W2 possèdent les mêmes caractéristiques (F, µ et H) mais induisent des types d'IC différents (MF ou DM), le type d’IC est neutre et il y a polymorphisme des types d’IC à des fréquences proches des fréquences initiales. Ces résultats sont identiques à ceux de Turelli (1994) chez les diploïdes, ce qui montre que le type d’IC n’influence pas l’évolution de l’association lorsque les variants sont compatibles. Au niveau biologique, il est nécessaire de considérer les différents mécanismes possibles d’évolution des types d’IC. Si le passage d’un type DM à un type MF résulte d’une réduction de la densité bactérienne, les autres paramètres de l'association seront certainement modifiés (voir pages 38 et 47), et l'issue de la compétition dépendra alors de la valeur F(1-µ) des deux variants. Par contre, si le passage du type DM au type MF est dû uniquement à une réduction d'intensité de la fonction mod, les autres paramètres ne seront pas forcément modifiés et il y aura maintien du polymorphisme des types d’IC. Ces études nous ont également permis de mettre en évidence un phénomène qui n'avait pas été évoqué par Turelli (1994) mais qui a d’importantes conséquences sur l’évolution des associations hôte-Wolbachia. Pour des valeurs particulières des différents 64 L’évolution des associations paramètres, l’évolution de l’association peut conduire à la perte de l’infection. Imaginons un variant W2 qui maximise la proportion F(1-µ) mais qui induit une IC insuffisante pour pouvoir se maintenir seul dans la population. Si W2 maximise F(1-µ), il remplacera W1, en " profitant " de l’IC produite par W1 avec les individus non infectés et de l’absence d’IC bidirectionnelle entre W1 et W2. Toutefois, si l'IC que produit W2 avec les individus non infectés est insuffisante pour qu'il se maintienne dans la population une fois W1 éliminé, il disparaîtra également (figure 12). Ce phénomène peut survenir aussi bien chez les diploïdes que chez les haplodiploïdes mais étant donné qu'il dépend du domaine de maintien de la bactérie il sera le plus fréquent pour le type DM, qui possède le domaine de maintien le plus petit, et le moins fréquent pour les diploïdes, où Wolbachia a le plus grand domaine de maintien (p 41, figure 11). 1 Fréquence des variants 0,8 0,6 W2 W1 0,4 0,2 0 0 40 80 120 160 200 240 Générations Figure 12 : Évolution des fréquences de deux variants bactériens compatibles en compétition exprimant des types MF d'IC. W1 : 1-F=0,1 ; 1µ=0,96 ; 1-H=0,5 ; W2 : 1-F=0,05 ; 1-µ=0,94 ; 1-H=0,2. Un modèle assez similaire a été proposé pour expliquer la présence de variants bactériens incapables d'induire de l'IC (mod-) mais capables de la sauver (resc +) (Hurst & Mc Vean 1996). Ces auteurs ont montré qu’une fois la population envahit par un 65 L’évolution des associations variant (mod+ resc+), toutes les conditions étaient présentes pour qu’un variant mod- le remplace si la fonction mod était associée à un coût particulier. Par la suite les individus non infectés pourraient envahir de nouveau la population et entraîner la perte de l’infection. Ce modèle a été utilisé pour expliquer les différents types bactériens rencontrés chez la Drosophile (Bourtzis et al . 1998 ; Poinsot & Merçot 1998 ; Mac Graw & O’Neill 1999). Dans un premier temps, un variant (mod+ resc+) envahit une population, puis est remplacé par un variant (mod- resc+). Par la suite, les bactéries étant incapables de produire de l'IC, la perte de la fonction resc pourrait survenir par accumulation de mutations délétères. La population serait alors infectée par des bactéries (mod- resc-) ne produisant pas d'effet sur la reproduction des hôtes. Comme dans le cas précédent, la population est infectée par un variant ne produisant pas ou peu d'effet sur la reproduction de son hôte, ce qui pourrait conduire à sa perte. Ainsi, la compétition entre variants compatibles pourrait être à l'origine de l'instabilité de l'association entre Wolbachia et son hôte et comme Husrt & Mc Vean (1996), on peut se demander si la perte de Wolbachia n’est pas inéluctable. I.2 Compétition entre variants incompatibles Lorsque W1 et W2 sont au moins partiellement incompatibles, l'envahissement par W2 dépend, comme pour le type diploïde, de ses propres caractéristiques mais aussi de sa fréquence initiale. Dans ces conditions, un variant W2 qui ne maximise pas F(1-µ) peut cependant envahir la population, et des variants plus virulents peuvent être sélectionnés. En ce qui concerne la fréquence seuil du variant W2 qui permet l'invasion, elle est très semblable à la fréquence seuil d'invasion d'une population non infectée (équilibre instable, p 22) et dépend donc fortement du type et du taux d'IC. La valeur du seuil étant plus faible pour le type MF que pour le type DM, le type MF est fortement avantagé lorsqu'il est en compétition avec le type DM. Pour illustrer ce phénomène, on peut prendre l'exemple suivant (même s'il est peu réaliste, il permet de visualiser l'avantage du type MF sur le type DM) : imaginons deux variants bactériens W1 et W2 possédant les 66 L’évolution des associations mêmes caractéristiques (F, µ et H) mais un type d'IC différent, et possédant des fréquences initiales identiques. Cette compétition se traduit par une invasion très rapide de la population par le variant induisant une IC de type MF (figure 13). Cet avantage du type MF sur le type DM doit avoir comme conséquence une invasion plus fréquente du type MF lorsque les variants sont incompatibles : le type MF devrait donc être le plus fréquent chez les haplodiploïdes. Enfin, le taux d’IC étant une composante importante de l’invasion du variant W2, l’issue de la compétition ne peut pas entraîner la perte de l’infection lorsque les deux variants sont incompatibles. 1 Fréquence 0,8 0,6 MF DM 0,4 0,2 0 0 10 20 30 40 50 Générations Figure 13 : Évolution des fréquences de deux variants bactériens incompatibles entre eux exprimant des types MF et DM d'IC. Excepté le type d'IC, les deux variants possèdent les mêmes caractéristiques (1-F=0,1 ; 1-µ=0,96 ; 1H=0,5 entre individus infectés et non infectés et entre individus infectés par des variants différents) et sont tous les deux à une fréquence initiale de 0,4 au début de la simulation. 67 L’évolution des associations I.3 Conclusions L'issue de la compétition dépend fortement de la compatibilité ou de la noncompatibilité entre les variants en compétition. Lorsque les variants sont compatibles, la sélection favorise les variants qui maximisent F(1-µ), alors que lorsqu'ils sont incompatibles, toutes les situations sont envisageables en fonction des caractéristiques des variants et de leurs fréquences initiales dans la population. Les différents types d'IC ne modifient pas sensiblement les pressions de sélection qui agissent sur les variants bactériens. Il semble seulement que le type MF puisse plus fréquemment remplacer un variant de type DM que l'inverse. L'évolution de la bactérie va dépendre de la fréquence des cas où les variants en compétition seront compatibles ou incompatibles. Il est peu probable que la sélection agisse sur une variabilité préexistante des bactéries. En effet, l'invasion de la population se fait à partir d'un événement de transfert horizontal qui ne concerne qu'un nombre limité de bactéries issues d'un même hôte, dont la variabilité est certainement réduite. Si l'on considère l'évolution des variants uniquement par mutation, la sélection pourrait agir principalement sur des variants compatibles et ceci pour deux raisons. Premièrement, l'évolution des types de compatibilité pourrait être longue car elle nécessite des modifications "concertées" des fonctions mod et resc. Deuxièmement, lorsqu'un variant incompatible apparaît, sa fréquence doit dépasser un certain seuil pour qu'il puisse envahir la population, ce qui nécessite des événements de dérive importants. L’évolution par mutation n’implique pas forcément des multi-infections au niveau individuel (nous reviendrons sur ce problème un peu plus loin). En effet, si les variants sont compatibles, la transmission incomplète des bactéries permettra la ségrégation des deux variants, rétablissant une compétition entre individus mono-infectés par différents variants. 68 L’évolution des associations Finalement, la différenciation des relations de compatibilité entre variants pourrait donc principalement se produire entre populations allopatriques, et la rencontre de deux variants incompatibles serait plutôt due à des migrations entre populations longtemps isolées. Par contre, au niveau sympatrique, les variants maximisant F(1-µ) sont sélectionnés, ce qui peut conduire à la perte de Wolbachia si ce variant n'induit pas un taux d'IC suffisant. Ce phénomène pourrait également survenir en cas de dérive où la fréquence de variants ne maximisant pas F(1-µ) mais induisant une faible IC pourrait augmenter et entraîner la perte de l’infection. II L'évolution du point de vue de l'hôte Dans cette partie, nous considérons qu'un seul variant bactérien est présent dans la population. Par contre, il existe une variabilité chez l'hôte qui influence les différents paramètres de l'association : F, µ, H et le type d'IC MF ou DM chez les haplodiploïdes. Tous ces paramètres sont supposés être déterminés par la densité, elle-même contrôlée par l'hôte par un gène à deux allèles A1 et A2. Comme dans les cas précédents, on considèrera une population où un variant hôte A2 est introduit dans une population où l'allèle A1 est initialement fixé, toutes les relations possibles de dominance entre les allèles A1 et A2 étant envisagées. Comme dans le cas de la compétition entre variants bactériens, nous avons étendu les modèles d'évolution de l'hôte de Turelli (1994) aux deux types d'IC rencontrés chez les haplodiploïdes. Cependant, alors que Turelli (1994) avait envisagé la sélection sur des individus haploïdes nous avons réalisé notre modèle sur des individus haplodiploïdes. L’utilisation d’un modèle basé sur l'haplodiploïdie pour étudier les trois types d’IC permet de comparer l'action de la sélection dans un même cadre et ne modifie pas qualitativement les résultats chez les diploïdes qui sont en accord avec ceux de Turelli (1994). Nous avons donc réanalysé l'issue de la compétition pour les trois types d'IC. 69 L’évolution des associations II.1 Variation d'un seul paramètre Nous avons tout d'abord envisagé le cas où la sélection agit sur un seul paramètre, les autres restant constants. Les résultats montrent que pour tous les types d'IC, l'allèle A2 envahit la population s'il permet une réduction du coût de la bactérie ou du taux d'IC (tableau 7), et ceci quelle que soit sa fréquence initiale. Par contre, alors que dans les types diploïdes et MF l’allèle A2 est sélectionné s'il augmente la transmission de la bactérie, cet allèle est sélectionné s'il réduit la transmission dans le type DM. Cette différence provient certainement du fait que le type DM est le seul où l'IC ne s'accompagne pas d'une réduction de la production en descendants dans le croisement incompatible, ce qui limite considérablement la réduction de fitness des individus non infectés. Finalement, pour les types diploïdes et MF, les pressions de sélection exercées sur l'hôte sont sensiblement les mêmes que celles exercées sur les Wolbachia dans le cas de variants mutuellement compatibles : la sélection favorise une réduction du coût et une augmentation de la transmission. Par contre, la sélection favorise également une réduction de l'incompatibilité. Cette réduction d'IC permet aux mâles infectés d'avoir des descendants avec les femelles non infectées, et donc la diffusion de leurs gènes. Paramètres coût (1-F) transmission (1-µ) taux d'IC (1-H) Diploïdes MF DM d j d dd j d d l dd densité Trade-off Trade-off Réduction Tableau 7 : Action de la sélection lorsqu'elle agit sur seulement un des paramètres de l'association. Ainsi, il y a une relative convergence d'intérêts entre les deux partenaires de l'association dans les types diploïdes et MF. Par contre, dans le type DM, l'hôte est 70 L’évolution des associations sélectionné pour moins transmettre le symbiote, ce qui peut entraîner des conflits nucléocytoplasmiques entre Wolbachia et l'hôte. II.2 Variations concertées de tous les paramètres L'influence de l'hôte sur l'association est certainement due au contrôle de la densité bactérienne, de telle sorte que tous les paramètres sont simultanément modifiés par l'action de l'hôte. Si le coût, la transmission et le taux d'IC sont corrélés positivement via la densité bactérienne, la réduction de la densité par l'hôte doit entraîner une diminution de ces trois paramètres. Dans le type DM, l'hôte est alors fortement sélectionné pour réduire la densité bactérienne. Cette réduction pourrait entraîner à long terme la perte de la bactérie, les paramètres de l'association ne permettant plus son maintien dans la population. Toutefois, la réduction de la densité pourrait également avoir une conséquence inattendue, le passage d'un type DM d'IC à un type MF (voir page 38). Ainsi, l'action de la sélection sur l'hôte pourrait être à l'origine d'un changement de type d'IC et donc d'une modification des pressions de sélection agissant sur l'association, puisque dans le type MF, c'est l'augmentation de la transmission de la bactérie par l'hôte qui est sélectionnée. Les cas diploïdes et MF sont plus complexes à analyser. La sélection agissant sur l'hôte pour favoriser la transmission du symbiote, les intérêts des deux partenaires sont convergents, et l'association devrait évoluer vers une intégration du symbiote par l'hôte. Pourtant, des trade-offs existent entre la transmission d'un côté et le coût et le taux d'IC de l'autre (tableau 7). Dès lors, plus la sélection favorisera la transmission, et plus la densité bactérienne et donc le coût seront importants. Pour rechercher si certains paramètres sont privilégiés, nous avons simulé de nombreuses situations en faisant varier les différents paramètres simultanément. Dans ce cas-là, l'invasion par l'allèle A2 est fréquence dépendante, la fréquence seuil étant plus faible si A2 est dominant. Ensuite, il apparaît que la sélection agit principalement sur la réduction du coût et de l'IC pour le type MF alors que la transmission conserve un rôle plus important dans le cas des diploïdes. 71 L’évolution des associations Considérons par exemple le génotype A1A1 avec les paramètres : 1-F=0,1 ; 1-µ=0,96 et 1-H=0,7 et les génotypes A1A2 et A2A2 avec les paramètres suivants : 1-F=0,08 ; 1µ=0,92 ; 1-H=0,65. Pour le phénotype A2, les trois paramètres (coût, transmission et taux d'IC) sont plus faibles. La situation est simple pour le type DM où la sélection agit pour réduire l'ensemble des paramètres : la fréquence de A2 augmente très rapidement et A1 est éliminé (figure 14). Par contre, pour les deux types MF et diploïdes, il y a un trade-off entre les différents paramètres. Dans ce cas de figure, A2 est contre sélectionné dans le type diploïde alors qu'il est sélectionné dans le type MF car les paramètres les plus importants sont la transmission dans le type diploïde, alors que ce sont le coût et le taux d'IC dans le type MF. Ceci est général, le paramètre transmission a une plus grande importance dans le type diploïde que dans le type MF. Si on raisonne en termes de densité bactérienne, cela signifie que la densité permettant le meilleur compromis entre les différents paramètres doit être plus faible dans le type MF que dans le type diploïde. La sélection favoriserait alors l'émergence de variants hôtes réduisant plus fortement la densité bactérienne chez les espèces haplodiploïdes que chez les espèces diploïdes. Fréquence A2 de 0,9 DM MF Diploïdes 0,7 0,5 0,3 0 25 50 75 100 125 150 Générations Figure 14 : Évolution d'un variant hôte en fonction du type d'IC. Génotype A1A1 : 1-F=0,1 ; 1-µ=0,96 et 1-H=0,7. Génotype A1A2 et A2A2 : 1-F=0,08 ; 1-µ=0,92 ; 1-H=0,65. Le problème du contrôle de la densité par l'hôte est d'autant plus important que dans certains cas, des génotypes hôtes peuvent être sélectionnés même si leurs conséquences sur les différents paramètres de l'association entraînent la perte de la 72 L’évolution des associations bactérie (figure 15). Comme pour les compétitions entre variants bactériens compatibles, la sélection peut favoriser chez l’hôte des combinaisons de paramètres qui ne permettent pas le maintien de la bactérie. Ce phénomène est d'autant plus fréquent que la sélection sur l'hôte ne porte pas sur l'augmentation de la transmission et donc que le degré de convergence entre les deux partenaires est faible. Ainsi, on peut classer les différents types d'IC sur un gradient de stabilité de l’association (qui correspond à un gradient de corrélation entre la fitness de l'hôte et celle de la bactérie), le type diploïde étant le plus stable, le type MF étant intermédiaire et enfin, le type DM étant le moins stable. 1 % infection %A Fréquence 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0 25 50 75 100 125 150 Générations Figure 15 : Évolution conjointe de la fréquence allélique d'un variant hôte et de la fréquence d'infection par Wolbachia. Génotype A1A1 : 1-F=0,1 ; 1µ=0,94 et 1-H=0,5. Génotype A1A2 et A2A2 : 1-F=0,05 ; 1-µ=0,88; 1-H=0,4. Après la perte de la bactérie, le locus A est neutre et il y a maintient d'un polymorphisme. La figure représente l'évolution pour un type MF d'IC, mais le même phénomène se produit avec les types diploïdes et DM. II.3 Conclusion Dans l’hypothèse d’un contrôle de l’association par l’hôte via la densité bactérienne, il semble que le type DM ne soit pas stable au niveau évolutif. En effet, l’hôte est très fortement sélectionné pour réduire la densité bactérienne. Cette sélection pourrait avoir deux conséquences, le passage du type DM au type MF, ou la perte de l’infection si les 73 L’évolution des associations variants hôtes sélectionnés ne permettent pas le maintien de la bactérie. Le type DM pourrait donc être présent dans des associations récentes où l’action de la sélection n’a pas encore permis l’évolution de l’association vers le type MF ou vers la perte. Pour les types diploïdes et MF, la sélection semble assez convergente entre les deux partenaires. Toutefois, comme dans le cas de la sélection sur les variants bactériens, la sélection sur les variants hôtes peut entraîner la perte de l’infection, démontrant encore une fois le caractère instable des associations hôte-Wolbachia. III Conclusions Générale A partir de ces modèles théoriques, peut-on imaginer des stratégies évolutivement stables pour les associations hôte-Wolbachia ? Rien n'est moins sûr. En effet, que la sélection agisse sur les variants bactériens ou sur les variants hôtes, de nouveaux variants peuvent toujours remplacer les variants présents initialement. Il ne paraît donc pas exister de variant ou de combinaison de variants qui ne permettent pas l'envahissement de la population par d'autres variants. De plus, l'évolution des deux partenaires peut conduire à la perte de l'infection dans la population. Ceci est d'autant plus étonnant pour les types diploïde et MF où les pressions de sélection exercées sur les deux partenaires vont dans le même sens : réduction du coût et augmentation de la transmission. A partir de ces données, il est possible d'imaginer différents scénarios évolutifs pour les associations hôtes-Wolbachia chez les espèces haplodiploïdes, dont certaines hypothèses peuvent être en partie validées par les données expérimentales. Aussi bien du point de vue du symbiote que du point de vue de l'hôte, la sélection ne favorisera une augmentation de la virulence que dans des cas particuliers (notamment la présence de variants bactériens bidirectionnellement incompatibles). En règle générale, les deux partenaires sont donc sélectionnés pour que la densité bactérienne soit réduite de telle manière qu'elle minimalise le coût de la bactérie. Dans le type DM, l'intensité de cette sélection est très forte chez l'hôte qui est en plus sélectionné pour réduire la transmission 74 L’évolution des associations de la bactérie et l'incompatibilité. La première conséquence de cette sélection pourrait être l'évolution de l'IC du type DM vers le type MF. Dans le type MF, le coût et la réduction de l'incompatibilité étant les cibles privilégiées de la sélection sur l'hôte, la densité bactérienne pourrait continuer à diminuer. De plus les variants bactériens étant sélectionnés pour maximiser le produit F(1-µ), la sélection n'agit pas forcément dans un sens opposé sur la bactérie. Cette diminution de la densité pourrait entraîner une réduction de la transmission et du taux d'IC, qui n'est pas directement soumis à sélection lorsque tous les variants présents sont compatibles, et entraîner de faibles taux d'infection dans la nature. En effet, chez les parasitoïdes de Drosophiles, nous avons pu mettre en évidence des taux d'infection et d'incompatibilité très forts chez L. heterotoma et T. cf. drosophilae (annexes 4 et 5). Ces forts niveaux d'IC sont certainement à l'origine d'une contresélection continuelle des individus non infectés entraînant des taux d'infection élevés dans la nature. Par contre, chez P. dubius, où les effets de Wolbachia sont extrêmement faibles voire inexistants, les taux d'infection sont faibles puisque environ 15 % seulement des individus sont infectés. Cette situation est également retrouvée chez D. melanogaster où à de faibles niveaux d'IC sont associés de faibles taux d'infection dans la nature (Hoffmann et al. 1994 ; Solignac et al. 1994). Dans ces cas-là, l'absence d'effet ne permettrait pas une pression de sélection suffisante sur les individus non infectés ce qui conduirait à des taux d'infection faibles. Si la bactérie n'a pas (ou plus) d'effet sur la reproduction de l'hôte et si elle ne lui procure aucun avantage, la perte du symbiote pourrait être inéluctable du fait de la transmission imparfaite de la bactérie (même si elle est élevée), et de son coût (même s'il est faible). L'évolution de l'association ne favoriserait donc pas le maintien de l'association dans le temps mais pourrait au contraire la fragiliser et entraîner la perte du symbiote. L'évolution de l'association par diminution de la densité pourrait être limitée par des phénomènes liés au modèle du dosage bactérien (Breeuwer & Werren 1993a ; Rousset & De Stordeur 1994). Dans ce modèle, les œufs des femelles faiblement infectées seraient incompatibles avec les spermatozoïdes de mâles fortement infectés. La réduction de la 75 L’évolution des associations densité bactérienne aurait alors un coût supplémentaire, qui pourrait soit ralentir l'évolution de l'association soit la modifier en maintenant des densités élevées. Un des facteurs qui pourraient également modifier l'évolution de l'association est la présence simultanée de plusieurs variants bactériens incompatibles dans les individus, phénomène qui n'a pas été pris en compte dans les modèles jusqu’à présent. Premièrement, la compétition intra-hôte entre les variants pourrait conduire à une augmentation de la densité bactérienne globale entraînant une augmentation du coût de l'infection (Van Baalen & Sabelis 1995 ; Frank 1996b). Frank (1996a, 1997) a proposé que la transmission maternelle aurait pu être sélectionnée pour éviter le mixage des différents variants lors des transmissions horizontales et ainsi augmenter le degré de parenté entre les symbiotes. Toutefois, dans le cas de Wolbachia, si les multi-infections sont associées à de l'IC bidirectionnelle, la situation est différente. La transmission verticale des différents variants est simultanée et stabilise les multi-infections, et les individus mono-infectés produits par transmission incomplète des deux variants bactériens sont contre-sélectionnés par l'IC. Deuxièmement, la compétition inter-hôtes pourrait contribuer à maintenir des niveaux d'IC élevés, puisque des variants de Wolbachia qui diminuent la production d'individus infectés mais produisent une IC suffisamment élevée peuvent envahir la population si les différents variants sont incompatibles. De plus, la transmission incomplète va entraîner une perpétuelle apparition d'individus mono-infectés dont la présence pourrait maintenir une pression de sélection suffisante pour entretenir de forts niveaux d'IC (Merçot et al. 1995). Etant donné les corrélations entre les différents paramètres, le maintien de la virulence ou de forts niveaux d'IC pourrait permettre une stabilisation de l'association en maintenant des densités bactériennes élevées. Les études réalisées à l'aide du gène ftsZ ont d'ailleurs montré que les multi-infections sont plus fréquentes que prévu (Werren et al 1995a ; annexe 2), ce qui pourrait être dû à une meilleure stabilité des associations pluri-bactériennes. Cette hypothèse permet également d'expliquer le maintien du type DM d'IC chez Nasonia où les individus sont bi-infectés (Breeuwer & Werren 1990). Le maintien d'un coût élevé chez L. heterotoma pourrait également être dû à la tri-infection. Toutefois, dans cette 76 L’évolution des associations espèce, on peut se demander pourquoi l'IC induite est de type MF compte tenu du coût important donc d’une probable forte densité. Une hypothèse qui pourrait être avancée est que les trois variants ne sont peut-être pas capables d'induire de l'IC. Ainsi, malgré une densité totale élevée, la densité bactérienne en variants induisant de l'IC pourrait être faible et entraîner une IC de type MF. Cette hypothèse reste à vérifier. Nous avons vu au long de ce chapitre que l'évolution ne semble pas mener inéluctablement à un système stable dans le temps. Bien au contraire, nous avons pu mettre en évidence différents phénomènes à l'origine de la perte de la bactérie. Si les hypothèses avancées ici sont difficiles à tester, elles montrent toutefois qu'il est sans doute nécessaire de développer une vision dynamique des associations symbiotiques qui ne sont pas figées dans le temps, ni par les relations entre les deux partenaires qui vont constamment évoluer, ni par l'existence même de l'association. La prise en compte des multi-infections individuelles dans les modèles devrait permettre de mieux comprendre l’influence de ce phénomène sur l’évolution de l’association. 77 L’équilibre acquisition-perte L A SYMBIOSE A W OLBACHIA : U N EQUILIBRE ACQUISITION- PERTE A L’ ECHELLE DES COMMUNAUTES ? Lorsqu'on s'intéresse à une interaction durable entre une espèce hôte et un symbiote, plusieurs paramètres sont à prendre en compte : comment le symbiote se transmet à un nouvel individu hôte (transmission verticale ou horizontale), comment l'hôte est exploité (virulence du symbiote) et comment le symbiote peut être éliminé de l'hôte (résistance de l'hôte). Tous ces paramètres conditionnent la prévalence du symbiote dans la population (May & Anderson 1983). Si on s’intéresse à ce type d’interaction chez plusieurs espèces d’une même communauté, les mêmes questions se posent mais en considérant comme unité de l'association non plus l'individu hôte, mais l'espèce hôte. Ceci revient à étudier un ensemble d’espèces inter-connectées écologiquement et susceptibles d'être colonisées par des symbiotes. Comprendre les interactions durables et leur évolution pourrait donc passer par la résolution de deux questions : - comment le symbiote peut-il conquérir une nouvelle espèce hôte et l'exploiter ? - comment le symbiote peut-il être perdu par une espèce hôte ? Dans le cas des endocytobiotes obligatoires à transmission verticale, les réponses semblent assez simples. L'acquisition d'un nouvel hôte est extrêmement rare étant donné les adaptations entre l'hôte et le symbiote, et la perte est impossible (les phénomènes de cospéciation qui peuvent être considérés comme une extension de la transmission verticale ne constituent pas un réel transfert du symbiote entre deux espèces). Le système semble relativement "figé". Par contre, dans le cas des symbiotes facultatifs, les réponses pourraient être plus complexes. L'étude de l'évolution de ces associations à l’échelle des communautés nécessite de prendre en compte d'une part les possibilités de transmission horizontale de la bactérie qui vont permettre la colonisation de nouvelles espèces, et d'autre part l'évolution de l'association une fois qu'elle est installée au niveau intraspécifique, qui pourrait conduire à une certaine instabilité allant jusqu'à la perte de 79 L’équilibre acquisition-perte l'infection. Ces notions d'acquisition et de perte de l'infection reflètent une certaine dynamique de ces associations qui impose une étude non pas à l'échelle de l'espèce mais à une échelle beaucoup plus large, celle de la communauté, voire de groupes d'espèces plus importants encore. À ces échelles la proportion d'espèces infectées varie peu au cours du temps, mais les espèces infectées varient. C'est la dynamique des associations qui conduit à la stabilité de l'infection dans le groupe d'espèces considérées, et qui doit être explorée. En première approche, on peut représenter la dynamique des associations par un modèle tout à fait simple considérant deux types d'espèces : des espèces infectées par un symbiote et des espèces non infectées. Ces dernières deviennent infectées si elles acquièrent le symbiote (avec une probabilité a), les premières deviennent non infectées si elles perdent leur symbiote (avec une probabilité p) (figure 16). acquisition=a Non infecté Infecté Perte=p Figure 16 : L'équilibre acquisition-perte dans un système hôte-symbiote à l'échelle des communautés. Dans un tel système, l'équilibre est atteint lorsque la proportion d'espèces infectées ne varie plus au cours du temps, c'est-à-dire lorsque ∆I=0 (où I est la proportion d'espèces infectées). À l'équilibre, il est alors possible de relier les proportions d'espèces infectées et non infectées aux probabilités d'acquisition et de perte du symbiote : ∆I = 0 ⇔ a I = p 1− I Les symbioses à Wolbachia rentrent tout à fait dans ce cadre théorique. En effet, malgré la capacité de ces bactéries à être transférées horizontalement et à envahir les 80 L’équilibre acquisition-perte populations hôtes via les modifications de la reproduction, plus de 80 % des espèces d'insectes ne sont pas infectées. La non-compatibilité entre l'hôte et la bactérie peut expliquer que certaines espèces soient non-infectées, mais elle ne suffit certainement pas à expliquer la “ faible ” fréquence observée. En effet, si l'on admet que les transferts horizontaux sont fréquents à l'échelle évolutive (comme le laissent supposer les analyses phylogénétiques), cela implique que des phénomènes de perte maintiennent la fréquence des infections à un niveau relativement bas : l'association entre Wolbachia et son hôte serait donc instable. Si l'on reprend le calcul précédent en considérant que les associations à Wolbachia sont à l’équilibre et avec la proportion d'espèces d'insectes infectées estimée à 16 % par Werren et al. (1995a), on trouve : a I 0,16 = = = 0,19 p 1 − I 0,84 La probabilité de perdre l'infection serait cinq fois supérieure à la probabilité de l'acquérir. Même si ce résultat ne nous renseigne pas sur la dynamique du système (c'està-dire sur les vitesses d'acquisition et de perte), il montre de façon très nette qu'il convient autant de s'intéresser aux phénomènes de perte de l'infection qu'aux phénomènes d'acquisition. Deux systèmes de sélection doivent donc être distingués. Le premier système est constitué comme pour tout symbiote d'une suite de filtres à franchir par Wolbachia afin de pouvoir envahir une nouvelle espèce (Combes 1995), le second par l'évolution de l'association, une fois Wolbachia installée dans une espèce donnée. C'est la combinaison de ces deux systèmes de sélection qui permettra de comprendre la distribution actuelle des Wolbachia chez les Arthropodes, et les voies évolutives possibles de ces associations (Hurst & Mc Vean 1996). 81 L’équilibre acquisition-perte I L'acquisition ou la sélection inter-spécifique Dans tout système hôte-symbiote, pour qu'un symbiote infecte une nouvelle espèce hôte, deux barrières doivent être franchies : le filtre de rencontre (le symbiote doit entrer en contact avec son hôte et l'infecter), et le filtre de compatibilité (le symbiote doit pouvoir échapper aux défenses immunitaires de l'hôte et s'adapter à cet environnement particulier) (Combes, 1995). Le rôle de ces filtres est particulièrement important dans l'hypothèse de transferts horizontaux. L'acquisition d'un symbiote se fait par transfert horizontal de la bactérie d'une espèce A vers une espèce B (figure 17). Il comporte deux phases distinctes : la transmission horizontale proprement dite durant laquelle les filtres de rencontre et de compatibilité interviennent, puis l'installation du symbiote dans la population hôte néoinfectée. A l'échelle intraspécifique, le filtre de rencontre est éliminé (transmission maternelle) et le filtre de compatibilité est quasiment franchi (conformité génétique entre générations), mais un nouveau problème apparaît : celui de l'invasion de l'espèce où la transmission maternelle prend le relais de la transmission horizontale. Ce phénomène est assez différent du filtre de compatibilité classique puisqu'il met en cause la capacité du symbiote à se répandre dans l'ensemble de la population hôte. L'invasion n'est pas nécessairement totale, mais elle doit permettre au symbiote de se maintenir dans la nouvelle espèce hôte. Il existe un nouveau filtre que l'on pourrait appeler filtre d'invasion. La nouvelle espèce hôte sera colonisée si Wolbachia franchit ces trois filtres. Ainsi la probabilité d'acquisition d'un nouvel hôte est égale à (pr x pc x pi) où pr est la probabilité de rencontre, pc la probabilité de compatibilité et pi la probabilité d'invasion. Filtre de compatibilité et invasion Filtres de rencontre et de compatibilité Espèce B néo-infectée Espèce A infectée Espèce B non infectée Figure 1 7 : L'acquisition d'un symbiote comporte deux phases : la 82 L’équilibre acquisition-perte transmission horizontale puis l'invasion de la population hôte par le symbiote. En noir, individu infecté; en blanc, individu non infecté; en grisé, individu néo-infecté. Rond, espèce A; rectangle, espèce B. I.1 L'acquisition proprement dite Le filtre de rencontre est certainement un filtre sur lequel l'action directe de la sélection a peu d'effet. La probabilité de rencontrer un nouvel hôte dépend essentiellement de l'hôte actuel, de sa biologie, des relations qu'il entretient avec les autres espèces du peuplement. Par exemple, la sensibilité des parasitoïdes aux transferts horizontaux peut s'expliquer par une probabilité accrue de rencontre. Ainsi, certains groupes pourraient être plus sensibles à Wolbachia sans que l'action de la sélection sur l'association soit impliquée. Certaines bactéries pourraient toutefois développer des caractéristiques permettant des transferts plus aisés, comme une meilleure survie en-dehors des cellules hôtes. Par exemple, la différenciation génétique observée dans le clade A est plus faible que dans le clade B et pourrait résulter d'une plus forte aptitude des Wolbachia du clade A à être transférées horizontalement (Werren et al. 1995b). Si leur probabilité de transfert est supérieure et si leur probabilité de perte n'est pas modifiée, les Wolbachia du clade A pourraient devenir les plus fréquentes. En ce qui concerne la compatibilité de Wolbachia avec son hôte, la sélection agit une fois la bactérie installée dans l'espèce hôte (espèce A) et favorise les variants bactériens les plus compatibles avec celle-ci. Cette compatibilité accrue avec A ne favorisera pas l'installation dans une autre espèce hôte (B) dont les critères de compatibilité seront différents, sauf si la proximité phylogénétique de B avec A est suffisante pour que les adaptations de Wolbachia à A lui soient bénéfiques dans B. Dans ce cas-là, on comprend bien que les transferts horizontaux sont favorisés entre espèces proches du fait d'une compatibilité accrue de Wolbachia vis-à-vis d'un ensemble d'espèces hôtes, comme cela est observé chez les isopodes (Bouchon et al. 1998). 83 L’équilibre acquisition-perte I.2 Le filtre d'invasion Le transfert horizontal restant occasionnel, il ne concerne qu'une infime partie de la population hôte. Compte tenu de la transmission maternelle de la bactérie, l'infection devrait rester une caractéristique familiale, et ne concerner qu'une faible proportion d'individus. De plus, la répétition de telles captures devrait conduire à la juxtaposition de familles portant des variants différents. Or on constate que chez les espèces infectées, la proportion d'individus infectés est en général élevée et que tous les individus possèdent les mêmes variants. Cette situation correspond plutôt à un mécanisme d'invasion qui généralise l'infection à partir d'un événement unique de transfert, et dont le moteur est la manipulation de la reproduction de l'hôte par Wolbachia. Ainsi, pour que Wolbachia soit maintenue dans la population, il est nécessaire qu'elle soit capable de manipuler la reproduction de son hôte. Tout hôte réfractaire à l'effet d'un variant bactérien sera résistant à Wolbachia : même si la bactérie peut se développer à l’intérieur de cet hôte, la transmission imparfaite et le coût de l'infection entraînera rapidement la perte de l'infection en l’absence d’effet. Ceci est particulièrement important pour la féminisation et l'induction de la thélytoquie. En effet, l'expression de la féminisation chez les isopodes ou de la thélytoquie chez les haplodiploïdes repose sur des caractéristiques particulières des individus infectés (déterminisme du sexe contrôlé par la glande androgène chez les isopodes, capacité de développement des œufs sans pénétration de spermatozoïde chez les haplodiploïdes). Comment une Wolbachia féminisante ou induisant la thélytoquie peut-elle alors se maintenir si elle est transférée dans une espèce diploïde d'insecte ? Ou bien la bactérie est capable d'exprimer un nouvel effet dans le nouvel hôte (ici de l'IC) qui lui permet d'envahir la population, ou bien elle n’apporte pas d’avantage au cytoplasme infecté et est perdue. Le filtre d'invasion pourrait alors jouer un rôle très important et expliquer en partie le cas des Wolbachia des Trichogrammes et des isopodes terrestres, seuls groupes monophylétiques connus parmi 84 L’équilibre acquisition-perte les Wolbachia où les bactéries induisent respectivement de la thélytoquie et de la féminisation (Schilthuizen & Stouthamer 1997 ; Bouchon et al. 1998). Ces bactéries, en raison de l'effet qu'elles induisent chez leur hôte, pourraient être "prisonnières" d'un type d'hôte permettant l'expression de cet effet particulier et donc susceptible d'être envahi. En d'autres termes, même si des transferts sont possibles à d'autres espèces, le filtre d'invasion ne permettrait pas la colonisation de la population hôte et le maintien de la bactérie, et seuls seraient alors potentiellement efficaces les transferts permettant l'expression du même type d'effet. Il pourrait donc y avoir restriction du filtre d'invasion par spécialisation de l'effet du symbiote. En fait les transferts horizontaux et le filtre d'invasion sélectionnent les variants bactériens qui maximisent la probabilité de maintien de la bactérie : plus cette probabilité est grande et plus les transferts horizontaux sont efficaces, entraînant une prépondérance du type d'effet le plus performant. L'IC étant l'effet qui peut se manifester dans le plus grand nombre d'espèces (insectes, isopodes et acariens, et espèces diploïdes et haplodiploïdes), les transferts de Wolbachia induisant de l'IC pourraient être plus efficaces et maintenir cet effet dans un grand nombre d'espèces. Dans le même ordre d'idée, chez les haplodiploïdes où différents types d'IC sont présents, le type MF est le plus invasif et pourrait donc être sélectionné au moment des transferts. I.3 Bilan des filtres dans les communautés Drosophiles-parasitoïdes Pour certains groupes d'espèces, la probabilité que Wolbachia franchisse les trois filtres est forte, et ces hôtes sont alors plus sensibles à l'acquisition de la bactérie. Si on reprend l'exemple des Drosophiles et des parasitoïdes associés, on peut estimer a priori la probabilité associée à chaque filtre pour l'ensemble des transferts possibles (tableau 8). Les Drosophiles pourraient être peu sensibles aux transferts car la probabilité de franchir les trois filtres n'est jamais forte. Par contre, les parasitoïdes pourraient fréquemment être en contact avec d'autres bactéries par la relation parasitaire avec la Drosophile ou par super ou multi-parasitisme avec les autres parasitoïdes, ce qui en fait des espèces très 85 L’équilibre acquisition-perte sensibles à l’infection. De plus, leur probabilité de compatibilité avec les Wolbachia rencontrées est forte dans le cas de transferts entre parasitoïdes. Enfin, ils peuvent exprimer les effets induits chez les autres espèces du complexe, ce qui maximise la probabilité de passer le filtre d'invasion. Sur l'ensemble des trois filtres, on constate donc que les parasitoïdes pourraient être particulièrement sensibles aux Wolbachia, comme cela a été montré dans cette étude. Filtre de rencontre Filtre de compatibilité Filtre d’invasion Probabilité de transfert efficace transfert pr pc pi pr x pc x pi D -> D D -> P P -> D P -> P très faible très forte faible forte forte faible faible forte forte forte forte forte faible forte faible forte Tableau 8 : Probabilités associées aux passages des différents filtres pour les transferts entre Drosophiles (D) et/ou parasitoïdes (P). II L'évolution de l'association ou la sélection intra-spécifique L'étude de l'évolution des associations à Wolbachia pourrait débuter par le constat suivant : les espèces hôtes phylogénétiquement proches possèdent rarement des variants bactériens proches, ce qui indique que très peu de cas de cospéciation ont eu lieu entre les hôtes et les Wolbachia. La non congruence des arbres phylogénétiques entre les Wolbachia et leurs hôtes s'explique partiellement, mais pas totalement, par les transferts horizontaux. Deux hypothèses peuvent être envisagées : ou bien les cospéciations ne sont pas possibles car la durée de vie de l'association est inférieure au temps de divergence entre deux nouvelles espèces, ou bien des cospéciations ont eu lieu mais la perte dans au moins une des espèces masque le phénomène. Dans ces deux hypothèses, la perte de la bactérie par l'espèce hôte joue un rôle central. Malheureusement, il est impossible de savoir si des espèces non infectées aujourd'hui l'ont été dans le passé. L'étude de la perte n'est donc possible que sur des 86 L’équilibre acquisition-perte espèces actuellement infectées, en recherchant quels processus sont susceptibles de provoquer la perte de la bactérie. Cela nécessite de comprendre comment l'association entre les deux partenaires peut évoluer et comment la coévolution stabilise le système ou au contraire le fragilise au niveau intraspécifique. L'étude théorique approfondie dans le cas de l'IC (p 61 et suivantes) permet de constater qu'une fois l'association formée, la sélection, qu'elle agisse sur les hôtes ou sur les bactéries, peut conduire à la perte de l'association malgré l'absence de réels conflits entre les deux partenaires. De plus, dans le cas du type DM, l'hôte est sélectionné pour réduire la transmission de la bactérie, ce qui indique un conflit d'intérêts. De tels conflits sont retrouvés pour la féminisation et l'induction de la thélytoquie. Ces conflits intragénomiques ont été particulièrement bien étudiés dans le cas des sex-ratio distorteurs chez les Drosophiles, où le conflit oppose les chromosomes X et Y qui détruisent les gamètes possédant l'autre chromosome sexuel, et dans le cas des plantes gynodioïques, où on retrouve un conflit entre le génome cytoplasmique qui inhibe la fonction mâle et le génome nucléaire qui la restaure (Gouyon et al. 1997). Dans le cas des conflits nucléocytoplasmiques, on peut aboutir à des systèmes complexes où à un déterminant cytoplasmique favorisant les femelles, va correspondre un déterminant nucléaire qui rétablit une sex-ratio équilibrée. Chez les isopodes, certains déterminants nucléaires rétablissant la production de mâles ont déjà été mis en évidence (Rigaud & Juchault 1992). Ces conflits pourraient également être des éléments moteurs dans la perte de la bactérie (Juchault et al. 1993). L'évolution intra-spécifique pourrait également permettre des changements de la nature de l'effet induit par la bactérie. Si l'on considère l'IC comme effet ancestral de la bactérie (Rigaud & Rousset 1996), comment peut-on envisager l'apparition de la féminisation ou de la thélytoquie ? Un des principaux avantages de ces effets par rapport à l'IC est que le maintien de la bactérie n'est pas fréquence dépendant. Il suffit que les femelles infectées produisent plus de filles que les femelles non infectées pour que Wolbachia se maintienne dans la population. Dans le cas de la thélytoquie, le taux d'infection est extrêmement sensible au coût de la bactérie (annexe 4). Ainsi, des 87 L’équilibre acquisition-perte associations anciennes, où le coût de la bactérie et l'IC sont faibles, pourraient être des terrains favorables à l'émergence de la thélytoquie chez les espèces haplodiploïdes. On peut noter l'exemple de P. dubius et Muscidifurax uniraptor, deux espèces haplodiploïdes infectées par des Wolbachia extrêmement proches (annexe 2). Alors qu'aucun effet n'est détecté chez P. dubius, les Wolbachia induisent de la thélytoquie chez M. uniraptor (Zchori-Fein et al. 1992). Ces deux associations pourraient être anciennes et des Wolbachia thélytoques sont peut-être apparues chez M. uniraptor par mutation, permettant une modification de l'effet au cours de l'évolution. Soit cette mutation n'est pas apparue chez P. dubius, soit cette espèce n'est pas capable d'exprimer la thélytoquie. L'association aurait alors évolué vers une réduction de la densité bactérienne entraînant une perte de l'effet de la bactérie. L'association Wolbachia-P. dubius serait alors en danger étant donné les faibles niveaux d'infection et l'absence d'effet significatif dans cette espèce. L'aptitude à induire de nouveaux effets pourrait permettre une stabilisation au moins temporaire de l'association. Finalement, on peut se demander si l'évolution intra-spécifique ne conduit pas inexorablement à la perte de la bactérie. Toutefois, comme cela a déjà été souligné, les multi-infections, en augmentant la compétition entre les différents variants au niveau intrahôte pour la transmission ou au niveau inter-hôte via l'incompatibilité cytoplasmique, pourraient maintenir des niveaux de densité bactérienne suffisamment élevés pour limiter les pertes de la bactérie. De même, les coadaptations locales entre les deux partenaires (Thompson 1988 ; Parker 1999) pourraient stabiliser les systèmes au niveau local en limitant les introgressions de nouveaux variants bactérien ou de nouveaux génotypes hôtes et permettre ainsi la divergence des types d'IC. Cette diversité spatiale des types d'IC pourrait à son tour renforcer la compétition entre variants à l'occasion de processus migratoires, et conduire à renforcer les densités bactériennes. En définitive, les processus de coévolution pourraient entraîner la sélection par l'hôte ou la bactérie de déterminants entraînant la perte de la bactérie. L'évolution "classique" des associations à Wolbachia ne permettrait donc pas le maintien de la bactérie. Le seul cas où la pérennité de l'association est assurée est celui où Wolbachia 88 L’équilibre acquisition-perte apporte un bénéfice important à son hôte, ou même se rende indispensable. Il y aura alors convergence totale des intérêts des deux partenaires. III Sélection inter ou intra-spécifique ? Nous venons de voir que deux systèmes de sélection sont présents, le système inter-spécifique au moment des transferts, et la sélection intra-spécifique après que le symbiote soit installé dans la population. Ces deux systèmes agissent dans des directions souvent opposées : la sélection inter-spécifique favorise les Wolbachia produisant des effets importants sur la reproduction alors que la sélection intraspécifique peut entraîner la perte de l’infection par réduction de ces effets. Dans ces conditions, quel est le système qui l'emporte du point de vue évolutif ? L'évolution des associations hôte-Wolbachia va dépendre de la balance entre transferts horizontaux et perte de la bactérie, et la question est de savoir quelle transmission, horizontale ou verticale, est la plus importante à l'échelle évolutive. Si les pertes de la bactérie sont suffisamment fréquentes au niveau intraspécifique, l'action de la sélection à ce niveau va être masquée par les pertes elles-mêmes, et on observera surtout le résultat de la sélection exercée au niveau interspécifique. On peut d'ailleurs remarquer que les associations actuelles pourraient refléter l'ensemble des points énoncés ci-dessus : (i) l'IC est le phénomène le plus répandu du fait de sa non spécificité vis-à-vis de l'hôte qui lui permet l'invasion de nombreuses espèces, (ii) les seuls cas connus où un groupe d'espèce est infecté par des bactéries d'origine monophylétique sont les trichogrammes et les oniscoïdes où les effets sont respectivement la parthénogenèse et la féminisation, (iii) les cas où les effets de la bactérie sont ténus sont rares et s'accompagnent d'un polymorphisme de l'infection pouvant être le signe d'une diminution de l'infection, prémisse de la perte de l'infection, (iv) les multi-infections sont plus fréquentes que prévu sous un modèle aléatoire ce qui pourrait illustrer la plus grande stabilité des multi-infections. La majorité des associations à Wolbachia chez les haplodiploïdes pourrait suivre un schéma évolutif comparable à celui des différentes espèces de parasitoïdes que nous 89 L’équilibre acquisition-perte avons étudiées (figure 18). Après transfert, la bactérie est virulente et induit une IC très forte de type DM qui permet l’invasion rapide de la population hôte comme chez Nasonia. La sélection sur l'hôte pour diminuer la transmission pourrait ensuite permettre le passage d’une IC de type DM à une IC complète de type MF comme chez L. heterotoma. La sélection pourrait alors diminuer l'effet sur la reproduction (IC partielle de T. cf drosophilae) puis conduire à une perte totale de l'effet (P. dubius) et enfin à la perte de la bactérie (L. boulardi). Durant ce cycle, si des variants inducteurs de thélytoquie apparaissent, ils pourraient envahir la population, surtout dans les derniers stades du cycle. Après la perte de l'infection, l'espèce pourrait être au moins un temps réfractaire à une nouvelle infection par transfert horizontal. En effet, si une nouvelle bactérie est acquise par transfert horizontal, la régulation par l'hôte pourrait être trop forte et limiter la densité bactérienne, et donc l'expression de l'IC, au point d'interdire l'expansion de la bactérie dans la population. Par la suite, après accumulation de mutations sur les systèmes de contrôle de la bactérie qui ne sont plus contraints, l'insecte pourrait redevenir sensible à Wolbachia qu'il pourrait acquérir par un nouveau transfert horizontal. Ce cycle n'est pas sans rappeler celui proposé pour expliquer l'évolution du déterminisme du sexe chez les isopodes où les phénomènes d'acquisition et de perte pourraient entraîner différents types de déterminismes (Juchault et al. 1993 ; Rigaud & Rousset 1996). Jusqu'à quel point les associations hôte-Wolbachia constituent-elles un paradoxe dans le monde des symbiotes ? Cela revient à se poser la question suivante : à partir de quel taux de transferts horizontaux, un symbiote ne peut plus être considéré comme transmis maternellement ? Pour Wolbachia, la fréquence des transferts horizontaux est peut-être suffisante pour maintenir des taux d'infection élevés malgré des associations labiles (Hurst & Mc Vean 1996). Au point de vue évolutif, la transmission horizontale pourrait donc jouer un rôle primordial. On peut d'ailleurs se demander si les Wolbachia seraient toujours présentes aujourd'hui si ces transferts n'étaient pas suffisamment nombreux pour assurer le renouvellement continu des espèces infectées par Wolbachia. 90 L’équilibre acquisition-perte Transfert Horizontal Perte de Wolbachia Non infection Incompatibilité Type DM Absence d'effet Sélection par l'hôte d'une réduction de la densité Thélytoquie Incompatibilité Type MF Incompatibilité partielle Thélytoquie Type MF Figure 18 : Schéma explicatif de l'évolution des Wolbachia au sein d'une espèce haplo-diploïde. IV Quel avenir pour Wolbachia ? L'équilibre acquisition-perte est-il stable au niveau évolutif ? De la réponse à cette question va dépendre le devenir de ces bactéries. L'action de la sélection pourrait s'exercer dans deux directions opposées. D'une part, des bactéries possédant des caractéristiques leur permettant des transferts plus fréquents pourraient être sélectionnées au niveau inter-spécifique. D'autre part, des variants particuliers pourraient être sélectionnés au niveau intra-spécifique et stabiliser l'association en évitant les phénomènes de perte. Quelques associations particulières à Wolbachia pourraient illustrer cet autre scénario évolutif. Les deux premiers cas sont ceux de Trichogramma bourarachae et Nasonia vitripennis où Wolbachia augmente la fécondité des individus infectés (Girin & Boulétreau 1995a,b ; Stolk & Stouthamer 1996). Dans ces deux cas les bactéries semblent fortement bénéfiques à l'hôte et de tels variants doivent être sélectionnés. On peut revenir également sur le cas de la filaire Litomosoides sigmodontis, où Wolbachia semble nécessaire au bon développement (Hoerauf et al. 1999). Dans ce cas, les Wolbachia seraient bénéfiques à leur hôte, et presque indispensables. De plus, la 91 L’équilibre acquisition-perte phylogénie des Wolbachia de Nématodes est congruente avec celle de leurs hôtes, suggérant des phénomènes de cospéciation qui vont dans le sens d'un mutualisme, et d'une stabilité de l'association à long terme (Bandi et al. 1998). Dans ces trois cas, l'évolution de Wolbachia serait celle prédite par la théorie : des symbiotes transmis verticalement évoluent vers le mutualisme. Les deux derniers cas que nous allons envisager sont extrêmement spectaculaires et montrent à quel point le détournement de la reproduction peut mener à des situations tout à fait particulières. Chez Muscidifurax uniraptor et Encarsia formosa, tous les individus sont femelles du fait de la thélytoquie induite par Wolbachia (Zchori-Fein et al. 1992). Les traitements antibiotiques permettent d'obtenir des mâles, mais ces mâles sont incapables de fertiliser les femelles. Le système arrhénotoque ne fonctionne plus et Wolbachia est devenue complètement indispensable à ces espèces. L'autre exemple, encore plus spectaculaire, est celui du Braconide Asobara tabida où les femelles aposymbiotiques sont en parfait état physiologique, excepté un simple détail : elles ne possèdent aucun œuf dans leurs ovaires (Dedeine 1999). Wolbachia semble indispensable à l'ovogenèse, et la présence de la bactérie est nécessaire à la survie de l'espèce. Le mutualisme est très souvent considéré comme l'acquisition par l'hôte d'une nouvelle fonction. Dans le cas d'A. tabida, l'acquisition du symbiote n'a pas permis l'acquisition d'une nouvelle fonction, mais a remplacé une fonction existante. On imagine en effet difficilement que ce soit l'acquisition de Wolbachia qui ait permis l'apparition de l'ovogenèse chez cet insecte ! Ceci suggère que les deux partenaires ont possédé, à un moment de leur histoire, une fonction commune (concept du gène double emploi, Combes 1995) et que c'est l'hôte qui a perdue cette fonction, le symbiote devenant indispensable. Ce concept du gène double emploi a été très utilisé pour expliquer comment les symbiotes ont pu devenir dépendants de leur hôte. Chez A. tabida, c'est au contraire l'hôte qui aurait perdu la fonction et le symbiote qui serait donc devenu indispensable à son hôte. Dans ce genre de situation, les pressions exercées sur l'hôte vont agir principalement pour augmenter la transmission de la bactérie, ce qui pourrait conduire à des associations où le coût physiologique de l’infection est important. On voit 92 L’équilibre acquisition-perte ici que la stratégie de détournement de la reproduction peut conduire à des situations tout à fait stables où le symbiote est devenu indispensable sans apporter de nouvelle fonction à son hôte. On peut même se demander si les symbioses obligatoires actuelles où le symbiote semble apporter une nouvelle fonction à son hôte ne sont pas similaires à cet exemple. Le symbiote aurait alors non pas apporté une nouvelle fonction, mais remplacé une fonction que l'hôte possédait déjà. En résumé, les symbioses à Wolbachia pourraient être un réservoir de mutualistes ou de symbiotes obligatoires en puissance : l'équilibre acquisition-perte pourrait maintenir une certaine fréquence d'espèces infectées et l'évolution sporadique de variants atypiques pourrait permettre l'apparition de symbioses obligatoires. V Conséquences de la présence de Wolbachia et de la dynamique acquisition-perte sur les hôtes et la communauté Jusqu'à présent, nous avons relativement peu abordé la question des conséquences de Wolbachia sur les espèces hôtes. Wolbachia pourrait être un facteur particulièrement important dans l'évolution des espèces hôtes, et notamment au niveau de la spéciation dû à l’isolement génétique provoqué par l’IC (Breeuwer & Werren 1990 ; Shoemaker et al. 1999 ; Rokas 2000). Dès lors, des groupes d'espèces où la fréquence des transferts horizontaux est particulièrement élevée pourraient présenter une plus grande diversité des types d'infection, conduisant à des spéciations plus importantes. On peut alors se demander si les forts taux de spéciation observés chez les parasitoïdes (Godfray 1994), où les transferts horizontaux semblent être fréquents, ne peuvent pas être au moins en partie attribués à Wolbachia. Nous avons vu également que très régulièrement, les Wolbachia biaisent la sexratio des individus infectés (thélytoquie, féminisation) ou non infectés (IC chez les haplodiploïdes). Ces perturbations de la sex-ratio pourraient se répéter au cours du temps si les phénomènes d'acquisition et de pertes sont fréquents. Chez les espèces 93 L’équilibre acquisition-perte haplodiploïdes, les femelles sont capables de contrôler la sex-ratio de leur descendance. Ce phénomène est à l'origine d'un véritable planning familial organisé dans ces espèces (Waage 1986). La théorie du Local Mate Compétition où les femelles vont ajuster la sexratio de leur descendance en fonction du nombre de fondatrices présentes sur le même groupe d'hôtes en est le plus bel exemple (Hamilton 1967). Toutefois, si des perturbations répétées de la sex-ratio de la population sont induites par Wolbachia, on peut se demander comment ces deux phénomènes interagissent. En fait, Wolbachia pourrait "brouiller" la sélection et fortement limiter l'apparition ou le maintien de ces stratégies. L'impact de Wolbachia sur l'ensemble des phénomènes d'allocation du sexe est certainement un point qui mériterait d'être développé. Comme pour toutes les relations interspécifiques, les associations hôte-Wolbachia et la structure des communautés vont interagir, et la dynamique des associations hôteWolbachia pourrait encore augmenter ces interactions. La structure des communautés influence fortement les possibilités de transfert de la bactérie. En effet, les transferts dépendent de la composition spécifique de la communauté, des relations entre les différentes espèces et de la diversité des bactéries qu'elles hébergent. Si l'on reprend l'exemple des parasitoïdes associés aux Drosophiles dans le sud de la France, le pattern d'infection des différentes espèces peut être expliqué au moins en partie par les relations entre les espèces. De plus, on connaît des variations de l’infection à Wolbachia chez Drosophila simulans (Montchamp-Moreau et al. 1991), notamment aux Seychelles ou en Nouvelle-Calédonie, qui s’accompagnent de variations de la composition des communautés. Toutes ces variations vont affecter les potentialités de transfert et doivent entraîner des variations des types d'infection chez les parasitoïdes si les transferts sont fréquents. Une étude phylogénétique à plus large échelle géographique devrait permettre de mettre en relation structure des communautés et types d’infection. L'impact réciproque des infections par Wolbachia sur la structure des communautés a par contre été très peu étudié. C'est pourtant un sujet qui mérite réflexion. En effet, les 94 L’équilibre acquisition-perte infections à Wolbachia provoquent d'importantes modifications de la dynamique des populations. Dans le cas de la féminisation et de la thélytoquie, l'augmentation de la production de femelles va augmenter la dynamique de la population et ceci de façon continuelle. Au contraire, dans le cas de l'IC, la dynamique de la population va être affaiblie. Cette réduction va être particulièrement importante durant la phase d'invasion de la population, mais si les transferts sont fréquents, le phénomène va se répéter dans le temps. De plus, si la transmission de la bactérie n'est pas complète, il pourrait exister des phénomènes récurrents d'IC, réduisant la dynamique de la population de façon permanente. Les conséquences de ces modifications de la dynamique d'invasion sur la structure des communautés pourraient être importantes. Le cas des parasitoïdes peut fournir un exemple tout à fait intéressant de perturbation de la structure des communautés. En effet, on connaît le caractère chaotique des systèmes hôtes-parasitoïdes (Hassell & May 1973 ; Hassell & Waage 1984). Des perturbations supplémentaires vont certainement entraîner des instabilités accrues de ces systèmes. Dans le cas de L. heterotoma, nous avons vu que l'IC entraînait la mort des femelles dans le croisement incompatible et que les Drosophiles infestées par des embryons incompatibles pouvaient se développer jusqu'au stade adulte et être parfaitement fertiles. Dans ce cas-là, l'IC va donc non seulement réduire la dynamique de la population de parasitoïde mais en plus, elle va augmenter la dynamique de la population hôte de façon directe (moins de Drosophiles meurent du parasitoïdisme) et indirecte (l'IC diminue le nombre de parasitoïdes donc le nombre d'attaques par les parasitoïdes). Si on ajoute à ces perturbations de la dynamique de la population les effets de la virulence de la bactérie, il semble évident que la présence de Wolbachia peut également modifier la compétitivité relative des différentes espèces de la communauté comme le font de nombreux parasites (Hudson & Greenman 1998). Si deux espèces sont en compétition, l'acquisition de Wolbachia par l'une de ces espèces pourrait jouer un rôle important dans l'issue de la compétition. Ainsi, Wolbachia pourrait jouer le rôle d'arbitre dans les relations entre espèces et modifier la structure des communautés. On peut même se demander si ces changements seront uniquement quantitatifs, et porter sur l'abondance 95 L’équilibre acquisition-perte relative des différentes espèces, ou si la présence de Wolbachia peut également modifier de manière qualitative la structure locale de la communauté en entraînant en cascade la disparition de certaines espèces ou groupes d'espèces. Les symbioses à Wolbachia sont certainement un des facteurs importants de l’évolution des espèces et des communautés d’Arthropodes. Etant donné l’impact qu’elles peuvent avoir sur leur hôte, toute étude sur ces communautés doit prendre en compte le risque d’infection par ce symbiote, qui s’il est peu classique, est par contre très commun. Ignorer les risques d’infection et ne pas prendre en compte ses possibles conséquences, c’est risquer d’oublier un acteur capable de modifier de façon profonde toutes les caractéristiques de son hôte. 96 REFERENCES B IBLIOGRAPHIQUES Allemand R., Pompanon F., Fleury F., Fouillet P. & Boulétreau M. (1994). Behavioural circadian rhythms in real-time by automatic image analysis : applications in parasitoid insects. Physiol. Entomol., 19 : 1-8. Anderson, R. M. & May, R. M. (1981). The population dynamics of microparasites and their invertebrate hosts. Phil. Trans. R. Soc. (B) 291, 451-524. Anderson R. M. & May R. M. (1982). 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