
La Lettre du Cardiologue • n° 470-471 - décembre 2013-janvier 2014 | 7
ÉDITORIAL
génériques, et les malades sont aussi fidèles à leur pharmacien. D’autre part, chaque géné-
rique est comparé directement au princeps et non pas à un autre générique, ce quidiminue
les risques de différence lorsqu’on passe d’un générique à un autre. Il faut d’ailleurs noter qu’il
y a aussi des différences de fabrication au cours du temps pour un même médicament
princeps, et il y a parfois autant de différence entre deux lots d’un princeps qu’ily en a entre
un princeps et son générique.
➤Les excipients, différents entre le princeps et le générique, ont souvent été accusés de
générer des effets indésirables spécifiques. Cela est vrai, mais cela est vrai dans les deux sens :
certains excipients spécifiques du princeps peuvent être moins bien supportés que les
excipients du générique !
➤Les erreurs liées à des différences de forme, de goût, de couleur, ont été décrites et sont
légitimement à craindre. Cependant, de nouveaux textes de loi autorisent maintenant les
génériques à avoir une similitude de présentation par rapport au princeps.
➤En termes de médecine fondée sur les preuves, il n’y a finalement pas grand-chose de
solide concernant une toxicité spécifique des génériques. La pharmacovigilance au niveau
mondial ne fait pas apparaître de différence, et aucun effet indésirable spécifique n’a été
rattaché à un générique sans qu’il ait été préalablement décrit avec le princeps. Finalement,
beaucoup de cas cliniques ont été rapportés, des études de pharmacocinétique ou des
travaux in vitro (par exemple pour l’antibiothérapie) ont laissé planer des doutes, mais
dans l’exercice de praticien, au niveau d’une population, aucune étude contrôlée n’a fait
apparaître un risque spécifique.
Mais ne soyons pas angéliques ; des problèmes existent, notamment la nécessité d’un
contrôle des sites de fabrication et une meilleure organisation de la pharmacovigilance qui
incombent, même pour les génériques, au laboratoire du princeps, ce qui est pour le moins
paradoxal ! Les problèmes rencontrés avec les génériques ont presque toujours été induits
par des situations où soit le prescripteur, soit le pharmacien, soit le malade, était récalcitrant.
La pression des organismes payeurs induit des utilisations contre la volonté du médecin ou
du malade, et c’est souvent de là que partent la peur, l’intolérance, puis l’effet indésirable. Un
générique de Dépakine® n’est pas un plus mauvais antiépileptique, mais si le malade inquiet
de s’être vu contraint à un traitement qui lui fait peur se remet à boire, n’arrive pas à dormir
et regarde la télévision à des heures indues, il risque de refaire une crise d’épilepsie, non pas
en raison d’une moindre activité pharmacologique du générique mais parce que celui-ci aura
généré un comportement délétère… Pour moi, le générique est d’abord et avant tout une
affaire de confiance : si le trio médecin-pharmacien-malade est convaincu de la similitude du
rapport bénéfice/risque, le générique sera indifférenciable du princeps dans la vie
quotidienne ; si l’on force l’un des acteurs, les problèmes surgiront. Actuellement, la politique
des décideurs est de “favoriser” le pharmacien : sa marge est conservée, voire augmentée,
lorsqu’il substitue par un générique. D’où une vision favorable des génériques par les
pharmaciens et une vision défavorable par les médecins qui se sentent “en perte de pouvoir”.
Si les politiques avaient préféré “favoriser” les médecins (par exemple en payant 1 ou 2 euros
de plus la consultation conduisant à la prescription de génériques et en baissant la marge
des pharmaciens), cela aurait été les médecins qui auraient été favorables et les pharmaciens
contre… Mais ce qui compte c’est que le malade soit bien soigné, et le service rendu
par les génériques est identique à celui apporté par le princeps.
À l’inverse de la reine d’Angleterre, qui dit “ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre”
(“never explain, never complain”), je pense que, dans le monde du générique, il faut surtout
toujours expliquer pour que le malade n’ait pas à se plaindre. Essayons donc de convaincre,
mais ne forçons pas un malade qui n’est pas convaincu.
L’auteur déclare avoir reçu
deshonoraires de Sanofi,
Janssen, GSK, BMS, Amgen,
AstraZeneca, Prioritis,
Novartis, Bayer.