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17e Congrès de la Society
for Healthcare Epidemiology
of America (SHEA)*
T
rois points marquants ressortent de la réunion de la
SHEA cette année :
– presque tous les États américains ont désormais émis
une loi – ou sont sur le point de le faire – demandant la diffusion
publique (“public reporting” ou “public disclosure”) des données
d’infection nosocomiale. Mais la résistance s’organise ;
– pour la prévention, on passe progressivement d’une approche
technique, épidémiologique, à une approche comportementale,
utilisant les sciences humaines ;
– enfin, le débat fait rage sur les mesures à mettre en œuvre
pour le contrôle de la diffusion des bactéries multirésistantes
aux antibiotiques, alimenté par des études contradictoires.
les infections À CLOSTRIDIUM DIFFICILE
L’irruption de la souche de C. difficile hypervirulente 027 et sa
dissémination extrêmement rapide (plus de 50 % des souches
nord-américaines sont maintenant de type 027) suscitent toujours
autant de travaux. L’impact de l’antibioprophylaxie chirurgicale
a été évalué par l’équipe de Sherbrooke (Carignan E, Sherbrooke,
Canada, abstract 1). Entre 1998 et 2005, 7 256 gestes opératoires
de cinq types différents (cardiaque, articulaire, hystérectomie,
craniotomie, prothèse de hanche) ont été observés : une antibioprophylaxie de moins de 48 heures a été donnée dans 68 %
des cas, un traitement antibiotique de plus de 48 heures dans
26 % des cas, et dans 6 % des cas aucune antibiothérapie prophylactique n’a été donnée. Le taux d’infection à C. difficile (ICD)
était de 0,9 % : plus élevé, d’un facteur trois, en cas d’antibiothérapie curative qu’en cas d’antibioprophylaxie. Quasiment toutes
les ICD ont été observées après la diffusion épidémique de la
souche 027. Ce travail confirme le risque écologique à prolonger
une prophylaxie antibiotique au-delà de 48 heures (Harbarth S,
Circulation 2000;101:2916-21). Il serait utile d’aller plus loin et
de juger l’impact d’une antibioprophylaxie dépassant 24 heures,
ou même poursuivie après le geste opératoire, par rapport à une
prophylaxie uniquement peropératoire, recommandée pour la
majorité des gestes chirurgicaux.
L’équipe de C.J. Donskey (Riggs M, Cleveland, États-Unis,
abstract 2) a regardé si les porteurs asymptomatiques de C. difficile pouvaient représenter un risque de transmission. Soixantehuit patients de long séjour ont eu une recherche de C. difficile
toxinogène dans les selles, ainsi que des prélèvements cutanés et
* Baltimore, États-Unis, 14-17 avril 2007
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Réunion
R éunion
de leur environnement immédiat : 35 étaient porteurs asymptomatiques, dont 17 de la souche 027. La contamination cutanée
(61 % versus 19 %) et environnementale (59 % versus 24 %) était
plus importante chez les porteurs, avec identité génétique des
souches digestives, cutanées et d’environnement. Les facteurs
prédictifs de portage asymptomatique étaient un antécédent
d’ICD et l’utilisation récente d’antibiotiques. De plus, 20 % des
porteurs asymptomatiques ont développé une ICD dans les
4 mois suivants. Dans cette unité avec forte pression de colonisation, il semble que les porteurs asymptomatiques puissent
représenter un réservoir. Cependant, les souches épidémiques
sont oligo- ou monoclonales, et cette association entre portage
digestif et portage cutané et environnemental pourrait être le
reflet d’une contamination globale, autant qu’un lien direct entre
portage digestif et contamination de proximité. La participation du portage asymptomatique de C. difficile à la pression de
colonisation reste à démontrer, mais le rôle de la pression de
colonisation a été récemment confirmé pour C. difficile, comme
pour d’autres bactéries multirésistantes (Dubberke ER, Arch
Intern Med 2007;167:1092-7).
Contrairement à ce qui est habituellement supposé, la survenue
communautaire d’une ICD est fréquente. Mais il est important
de savoir s’il s’agit d’une infection réellement communautaire
ou d’une infection survenant au décours d’une hospitalisation
et, dans ce cas, quel délai doit être retenu après la sortie pour
définir l’acquisition hospitalière. Ce travail a été mené par six hôpitaux groupés autour des CDC (Ketty PK, Atlanta, États-Unis,
abstract 5). Sur les 942 cas d’ICD observés, 50 % étaient nosocomiaux, 10 % étaient des patients transférés de soins de longue
durée, et 40 % (n = 382) étaient de survenue communautaire.
Parmi ceux-ci, 236 (62 % des cas de survenue communautaire et
25 % de l’ensemble) étaient réellement communautaires, et 100
étaient survenus dans les 4 semaines suivant la sortie d’une autre
hospitalisation. Il existait une corrélation entre les cas nosocomiaux et ceux survenant dans le mois après la sortie pour chacun
des hôpitaux, mais les comparaisons entre hôpitaux étaient
modifiées selon que les cas survenant après la sortie étaient ou
non inclus dans l’analyse. Il est donc important d’inclure dans les
définitions de cas d’acquisition hospitalière ceux survenant dans
les 4 semaines après la sortie. Des définitions internationales
viennent d’être adoptées qui vont dans ce sens (McDonald LC,
Infect Control Hosp Epidemiol 2007;28:140-5).
Pour préciser les coûts et la mortalité imputables à l’arrivée
de la souche virulente 027, l’équipe de l’hôpital Johns Hopkins
(Song X, Baltimore, États-Unis, abstract 183) a mené une étude
comparant des patients avec une ICD nosocomiale à des témoins
145
Réunion
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avec une recherche négative, et un appariement sur la durée de
séjour préalable, l’âge, le service et les comorbidités. Six cent
trente paires ont été constituées : la mortalité était de 11,9 %
chez les cas et de 15,1 % chez les témoins, mais la durée de
séjour était prolongée de 4 jours chez les cas. Les coûts totaux
médians étaient plus élevés, de 2 733 dollars, chez les cas, et cette
différence augmentait à plus de 15 000 dollars après 2004, date
de l’introduction de la souche 027 dans l’hôpital. Cette étude
remet en cause le principe communément accepté selon lequel
la souche virulente 027 s’accompagne d’une plus forte mortalité.
Deux raisons possibles : l’appariement sur les comorbidités, et
peut-être une attention particulière au diagnostic et au traitement précoces des ICD. En effet, la mortalité globale chez les
cas semble avoir diminué dans cet hôpital après que la souche 027 y est arrivée !
Bactéries multirésistantes :
quelles mesures ?
Dépistage des porteurs et précautions contact ou application
stricte des précautions standard ? Comme chaque année, la
stratégie de maîtrise de la diffusion des bactéries multirésistantes (BMR) a fait l’objet de plusieurs dizaines de présentations, certaines en faveur de la stratégie dépistage et précautions
contact (PC) pour les porteurs, d’autres défendant avec autant de
conviction l’application stricte des précautions standard (PS). En
nombre de présentations, les défenseurs de la stratégie “dépistage
plus PC” étaient plus nombreux.
Dans un premier travail (Edmond MB, Richmond, États-Unis,
abstract 22) rapporte que le nombre d’infections à Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM) dans les deux
services de réanimation est faible et en diminution (9 cas en
2006). La présentation ne décrit pas en détail les interventions,
mais d’autres publications de la même équipe (Behre M, Am
J Infect Control 2006;34:537-7) passent en revue la politique
d’audit et de rétroformation sur les pratiques. En l’absence de
prélèvements de dépistage, on ne sait pas quelle est la circulation
du SARM, mais les auteurs rapportent une économie de l’ordre
de 60 000 dollars par an (coût du dépistage évité).
Proche des PS, l’emploi de techniques de prévention pour tous
les patients, porteurs ou non de BMR, a été testé en réanimation
(Climo MW, Saint Louis, États-Unis, abstract 297). Dans une
étude avant-après (deux périodes de 6 mois), l’impact d’une
toilette quotidienne avec un savon à la chlorhexidine a été évalué,
à partir des prélèvements de dépistage (SARM et entérocoque
résistant à la vancomycine [ERV]) à l’admission, puis une fois par
semaine. Les taux d’acquisition de SARM et d’ERV ont diminué
respectivement de 32 % (5,04 à 3,44/1 000 jours ; p = 0,04) et
50 % (de 4,35 à 2,19 ; p = 0,008), le taux global de bactériémies
de 21 % (essentiellement en raison de la diminution des bactériémies à cocci à Gram positif), et celui d’infections à ERV chez
un porteur d’un facteur 3,3. Ce travail confirme une publication
monocentrique (Vernon MO, Arch Intern Med 2006;166:306-12)
dans laquelle la réduction des acquisitions d’ERV était de 60 %
146
(26 à 9/1 000 jours). Signalons aussi un autre travail de la même
équipe, dans lequel l’entretien de l’environnement avait réduit
les taux d’ERV de 33 à 10/1 000 jours (Hayden MK, Clin Infect
Dis 2006;42:1552-60).
À l’inverse, d’autres défendent l’utilisation du dépistage.
L’équipe de Harvard (Huang SS, Boston, États-Unis, abstract 21)
présente pour l’ERV exactement la même expérience que
pour le SARM (Huang SS, Clin Infect Dis 2006;43:971-8) :
sur une période de 9 ans, plusieurs mesures de prévention
ont été successivement mises en place dans huit services de
réanimation : insertion stérile des cathéters veineux centraux
(septembre 2000), introduction des solutions hydro-alcooliques (SHA, septembre 2001), campagne d’hygiène des mains
(juillet 2002), enfin dépistage à l’admission et hebdomadaire,
d’abord mal respecté (septembre 2002) puis bien observé à
partir de septembre 2003. Comme dans la publication pour
l’ERV, l’augmentation des taux d’incidence des SARM a été
continue entre 1996 et juillet 2002, l’introduction des SHA a fait
chuter brutalement les acquisitions d’ERV, avec une réascension
secondaire, et seule la mise en place du dépistage avec PC a
permis de diminuer progressivement en deux ans les acquisitions d’ERV. L’intérêt de ce travail est sa durée sur une dizaine
d’années, l’inclusion de plusieurs services de réanimation, et
des résultats superposables pour le SARM et pour l’ERV. Il
suggère que la principale mesure efficace est l’introduction du
dépistage après que d’autres, introduites une à une, ne l’ont pas
été sur le long terme. L’autre présentation marquante est celle
de l’équipe de C.A. Muto (Pittsburgh, États-Unis, abstract 93),
l’une des pasionarias de la stratégie dépistage + PC. Là encore,
les résultats n’ont pas été obtenus rapidement : l’intervention
dure depuis 6 ans. Après avoir obtenu une réduction de 90 %
des taux d’infections à SARM en réanimation médicale, la
stratégie a été étendue aux six autres services de réanimation
avec un taux global passant de 2,6 infections pour 1 000 jours
en 2001 à 0,53 en 2006. Les auteurs insistent sur la nécessité
d’introduire des mesures simultanément (“bundle”). La même
stratégie est progressivement mise en place dans 15 hôpitaux
de l’État (Muto CA, Pittsburgh, États-Unis, abstract 94). Sans
entrer dans les détails, trois autres présentations s’appuyant
sur la stratégie dépistage + PC et réalisées sur des périodes de
4 à 6 ans retrouvent les mêmes résultats, soit dans les services
de réanimation, soit au niveau d’un hôpital entier.
Toutes ces études, qu’elles soient en faveur de l’une ou l’autre
stratégie, sont bien sûr limitées par leur schéma : les services
ne sont pas randomisés, il n’existe pas de groupe contrôle ou
de période contrôle. Pour répondre à ces critiques méthodologiques, l’essai TRIAL ICU, présenté par C. Huskins, a
donc consisté à randomiser 19 services de réanimation, parmi
lesquels, après 4 à 6 mois d’observation, 10 ont mis en place une
politique de dépistage + PC pour les porteurs et 9 ont continué
d’utiliser les PS seules. Dans tous les services de réanimation,
un dépistage pour SARM et ERV a été réalisé à l’entrée, puis
une fois par semaine, mais les résultats n’étaient rendus que
dans le groupe avec PC. Par ailleurs, dans les deux groupes
des PC étaient prises pour les patients avec des prélèvements
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
cliniques positifs, et les PS étaient bien sûr également recommandées. La mise en place de PC pour les porteurs de SARM
et d’ERV n’étaient pas les seules mesures préconisées dans le
groupe intervention, puisqu’il y était aussi recommandé le port
de gants universels pour tous les patients jusqu’au retour des
résultats du dépistage d’admission. Les principaux résultats
étaient les suivants : la prévalence du portage à l’admission
pour le SARM était respectivement de 11 et 13 % dans les
groupes avec PC et PS seules, celle d’ERV était de 17 et 22 %.
La durée moyenne de séjour était de 4,9 jours et 4,5 jours. Les
taux d’acquisition de SARM (16 et 13,5/1 000 jours à risque)
et d’ERV (38,9 et 33,4) n’étaient pas différents dans les deux
groupes. La comparaison de la période d’observation avec la
période d’intervention ne retrouvait pas non plus de différence.
Cette intervention était couplée à des audits de pratique, qui
suggéraient que l’observance des mesures (hygiène des mains,
port de gants, port de blouse) était bonne.
Le débat est-il clos pour autant ? Certainement pas, et les limites
de l’étude sont nombreuses : la première est que les prélèvements de dépistage étaient traités dans un unique centre, si bien
que le délai de retour du dépistage était de 5 à 6 jours ! Alors
que nous disposons aujourd’hui de milieux sélectifs chromogènes qui donnent une réponse en 24 ou 48 heures, et que les
méthodes diagnostiques moléculaires rapides se répandent.
Une majorité de patients a donc été prise en charge sans que
l’on sache leur statut, et B. Jarvis pouvait à juste titre remarquer
que l’essai avait finalement consisté à comparer une politique
de PS avec celle du port de gants universel. On sait que porter
des gants systématiquement pour tous les soins peut être plus
néfaste qu’utile, s’ils ne sont pas changés correctement. En
fait, la seule conclusion que l’on puisse tirer est qu’aucune des
deux stratégies n’est efficace pour contrôler la diffusion des
BMR, et cela malgré une observance élevée des mesures d’hygiène. On peut s’interroger sur la réalité de cette observance,
quand les observations sont faites de façon ouverte par des
auditeurs clairement identifiés. Bien sûr, le débat n’est pas clos,
d’autant moins qu’il est relayé dans la littérature spécialisée
avec une agressivité qui étonne (dans l’ordre : Strausbaugh LJ,
Clin Infect Dis 2006;42:828-35 ; Farr BM, Infect Control Hosp
Epidemiol 2006;27:1096-106 et 2007;28:589-3), dans un pays où
le “politiquement correct” est habituellement la règle. L’éditorial
récent de T.R. Talbot échappe à cette vision manichéenne, et
l’on ne peut que conseiller de le lire (Talbot TR, J Infect Dis
2007;195:314-7). Le projet européen MOSAR va prochainement débuter, selon une méthodologie proche du TRIAL ICU,
et dans un contexte moins polémique. Pour conclure sur ce
thème et réunir les protagonistes, il est assez probable que
c’est davantage la conviction à mettre en place les mesures que
les mesures elles-mêmes qui est déterminante pour le succès
du contrôle des BMR. L’exemple français en est peut-être une
bonne illustration.
Trois autres présentations pour en terminer avec ce sujet. Un
travail s’est intéressé à la quantification du portage nasal de
SARM dans différentes populations (Mermel L, Providence,
États-Unis, abstract 313). La prévalence était variable d’une
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
situation à l’autre, mais, chez les porteurs, le nombre moyen de
colonies par écouvillon était aussi variable : environ 200 chez
des personnes infectées par le VIH ou en long séjour, 640 chez
des patients d’hémodialyse, et 2 500 dans le cadre d’une politique active de dépistage, habituellement en réanimation. Ce
travail apporte des informations intéressantes et soulève des
questions quant à l’importance de l’inoculum nasal, domaine
dans lequel nous avons encore peu de données, qu’il s’agisse
du SARM ou du SASM.
Les facteurs de risques d’acquisition de SARM en soins de suite
et réadaptation (SSR) sont encore mal connus : M.C. Roghmann
(Baltimore, États-Unis, abstract 80) a observé dans six SSR les
facteurs associés à une acquisition par un dépistage à l’admission
puis toutes les 4 semaines jusqu’à la sortie. Le seul facteur indépendamment associé à l’acquisition de SARM était l’alitement
(hazard-ratio = 3,3), alors que le fait d’être voisin de chambre
d’un porteur de SARM n’était pas associé à une acquisition
(HR = 0,77).
La satisfaction des patients placés avec des PC a été évaluée en
comparant 43 patients en isolement à 43 patients non isolés
(Gasink LB, Philadelphie, États-Unis, abstract 159). Les cas
avaient préalablement plus souvent séjourné en réanimation
et étaient hospitalisés depuis plus longtemps avant l’enquête.
Après ajustement sur la durée de séjour, il n’y avait pas de différence dans la cotation que les cas et les témoins donnaient à la
qualité des soins dans l’hôpital et quant à la recommandation
qu’ils donneraient de s’y faire hospitaliser. Quarante-six pour
cent d’entre eux indiquaient que les PC leur avaient été expliquées, 72 % connaissaient l’utilisation correcte des gants et des
tabliers et 82 % avaient compris que les PC visaient à protéger
les autres patients de l’infection. Cependant, 62 % croyaient
quand même que les PC visaient à les préserver eux-mêmes
d’une infection et 56 % pensaient que l’immunodépression
était une raison de la mise en place des PC. Cinquante-six pour
cent pensaient que les PC amélioraient les soins qu’ils recevaient, contre 8 % d’un avis contraire. Finalement, les patients
interrogés avaient constaté que les infirmières observaient
mieux les mesures que les médecins. Une perception des PC
par les patients plutôt positive, qui va à l’encontre de publications suggérant que la surveillance des patients porteurs était
moins bonne, et la survenue d’événements indésirables plus
fréquente que pour les autres patients (Stelfox HT, JAMA
2003;290:1899-905). Ce type d’enquête devrait être mené à
plus grande échelle pour mieux connaître l’impact des PC sur
la qualité des soins.
Réunion
R éunion
Les campagnes nationales :
un moyen pour dynamiser
les programmes de prévention
La prévention des infections liées aux cathéters (ILC) et leur
expression la plus grave, les bactériémies (BLC) est un objectif
crucial pour les hôpitaux pour deux raisons très pragmatiques :
ces infections sont évitables et l’observance des recommandations
147
Réunion
R éunion
est fondamentale pour atteindre cet objectif. Grâce à des efforts
permanents, des hôpitaux ont ainsi pu obtenir un taux proche de 0
et même à 0 sur des périodes longues, montrant ainsi leur évitabilité. Deux autres moyens permettent de dynamiser ces efforts :
la célébration des résultats dans les unités atteignant ces objectifs
et la mise à disposition de “bundles” pour les unités s’engageant
dans cette prévention. Ce dernier point est intéressant dans la
mesure où cette mise à disposition s’inscrit dans une campagne
nationale, voire internationale, comme la prévention des infections
liées aux cathéters veineux centraux. Aux États-Unis, il s’agit de
“The 5 Million Lives Campaign” financée par l’Institute for Healthcare Improvement (www.ihi.org/ihi/programs/campaign) et, au
Canada francophone, de la “Campagne québécoise : ensemble,
améliorons la prestation sécuritaire des soins de santé !” (EAPSSS,
www.soinsplussecuritairesmaintenant.ca) qui met à la disposition
des établissements des trousses (traduction de bundle) avec le
slogan “Trousses en avant !” Le principe est simple : le matériel
pédagogique a pour but de mettre en application cinq objectifs :
l’hygiène des mains, une procédure de pose aseptique, l’antisepsie
par la chlorhexidine, le choix du site et d’entretien de la ligne, éviter
le changement systématique.
Quels sont les résultats de “The 5 million lives
compaign” ?
Au Johns Hopkins Hospital (Caston-Gaa A, Baltimore, ÉtatsUnis, abstract 150), depuis 2002, elle a permis de réduire considérablement le taux d’ILC dans sept services de réanimation.
Dans trois services, ce taux approche 0, et est même de 0 dans
deux services sur un an. La recrudescence constatée en réanimation post-chirurgie cardiaque était due à un abandon de la
check-list ; sa réactivation a permis de réduire le taux. Pour
préserver ces résultats, il est important de maintenir un niveau
élevé d’éducation sur l’observance des pratiques, et de communiquer régulièrement aux équipes les résultats des taux et des
audits.
La mise en place de ces bundles dans l’hôpital de Durham (Lockamy K, abstract 214) a permis de diminuer le taux de BLC (4,4 à
0 pour 1 000 jours cathéter). L’observance des recommandations
était supérieure à 88 % ! Même résultat à l’hôpital de Des Moines
(Brock J, abstract 216) : diminution de 6,4 à 3,7 en réanimation
médicale. Idem à New York (Boland-Rardon C, abstract 218) :
réduction de 22,4 en 2003 à 3 en 2005-2006. Un point intéressant :
cette campagne centrée sur les réanimations a eu un effet sur
l’ensemble de l’hôpital. Les coûts évités ont été de 2,5 millions
de dollars, et le nombre de vies sauvées de 11,6/an, en prenant
2003 pour référence.
S. Assanassen (Richmond, États-Unis, abstract 275) montre
que pour améliorer la performance de la rétro-information,
la présentation des résultats d’audit doit prendre des formes
adaptées selon les catégories professionnelles. L’utilisation de
bandeaux d’informations affichés dans le service a plus d’impact
sur les infirmières que sur les médecins. Ce vecteur est particulièrement efficace pour améliorer l’observance de l’hygiène
des mains.
148
En dehors des recommandations de ces campagnes,
de nouvelles techniques peuvent-elles améliorer
la prévention des ILC ? Les résultats sont contradictoires.
L’utilisation de BioPatch® (éponge imprégnée de chlorhexidine) ne diminue pas l’incidence des bactériémies (6,3 versus 5,2
pour 1 000 dialyses) dans l’étude en cross-over chez 121 patients
dialysés (5 000 séances par un cathéter dans chaque groupe) de
B.C. Camins (Saint Louis, États-Unis, abstract 299). Alors que C.
Boland-Rardon (abstract 218 déjà cité) suggère que le BioPatch®
utilisé pour les cathéters fémoraux explique partiellement la
réduction des taux, tout en affirmant que ce site doit être évité
ou le cathéter retiré dans les 24 heures !
L’utilisation d’un système d’accès sans aiguille présente un intérêt
pour éviter les risques de contamination lors des injections et pour
protéger le personnel de soins du fait de l’absence d’aiguille.
✓ Un connecteur clos à pression positive sans aiguille (Alaris
Medical System®) augmente le risque infectieux (Asnani B, Philadelphie, États-Unis, abstract 152). Ce type de valve, censé réduire
le risque de thrombose et améliorer la protection du personnel,
a, malgré une information du personnel, entraîné une augmentation significative des BLC de 6,4 à 13,4 pour 1 000 jours-CVC.
L’abandon de ce dispositif a permis de revenir au taux antérieur.
Plusieurs publications ou présentations récentes ont fait état des
mêmes complications avec le matériel de cette marque.
✓ Un nouveau dispositif d’accès au CVC a provoqué des bactériémies dues à un contaminant de la peau, Bacillus non-anthracis,
(Dickman J, Colombus, Etats-Unis, abstract 211). Une éducation
du personnel sur l’utilisation de ce nouveau dispositif et sur la
procédure des hémocultures a permis de faire disparaître ces
bactériémies.
✓ Un autre dispositif pour sécuriser les prélèvements sur les
cathéters artériels (Widmer AF, Bâle, Suisse, abstract 212)
a provoqué une augmentation du taux de colonisation des
cathéters (4,7 % contre 1,8 %) sans modification du taux de
bactériémies. Malgré ces constatations, les infirmières sont
restées attachées à ce nouveau système par rapport au précédent
(système de valve avec aiguille).
✓ Une revue récente de cinq études contrôlées randomisées
(Niël-Weise BS, J Hosp Infect 2006;62:406-13) a conduit à
la conclusion suivante : il n’y a pas d’objection à utiliser ces
dispositifs clos sans aiguille. Seule une tendance (réduction des
bactériémies et des colonisations des CVC) est observée ; l’impossibilité de grouper ces études pour en augmenter la puissance
ne permet pas d’en faire une recommandation.
Des mesures générales, non orientées
spécifiquement sur les ILC, peuvent-elles
avoir un impact positif sur cette prévention ?
M.W. Climo (voir ci-dessus) montre qu’une toilette quotidienne
à la chlorhexidine diminue l’acquisition de SARM et d’ERV, et
l’incidence des bactériémies de 21 % (10,9 versus 8,7 cas pour
1 000 jours/patients). Cette diminution intéresse surtout l’ERV
(2,1 versus 0,6) ; elle est non significative pour le SARM. Dans la
stratégie des précautions barrière, la toilette à la chlorhexidine
est un adjuvant important.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Conclusion
La prévention des ILC passe essentiellement par le respect des
recommandations ; pour dynamiser celles-ci, des campagnes nationales doivent être lancées. L’utilisation de nouveaux dispositifs, de
cathéters imprégnés d’antibiotiques et/ou d’antiseptiques n’apporte
pas d’amélioration notable et peut même être délétère. Il est évident
qu’une constante éducation, une observance élevée et une rétroinformation régulière sont les gages du succès de cette politique ;
la communication sous des formes adaptées et la célébration des
résultats sont une manière de formaliser les efforts fournis par les
équipes de soins pour améliorer la qualité des soins.
La prévention des infections urinaires
liées au cathéter vésical
Les recommandations sur la prévention des infections
liées au sondage vésical sont claires. Mais comment
sont-elles appliquées en pratique ?
S. Saint, spécialiste des études de pratique (Ann Arbor, ÉtatsUnis, abstract 148) a montré, à partir d’une enquête auprès des
hygiénistes sur un échantillon représentatif d’hôpitaux, que 56 %
ignoraient le nombre de patients ayant un sondage, 74 % ne
surveillaient pas sa durée, 30 % utilisaient des sondes imprégnées
d’antiseptique et une échographie portable, 14% avaient recours
régulièrement à des condoms et seulement 9 % utilisaient un
système de rappel sur la présence d’une sonde (“urinary catheter
reminder”). L’observance des recommandations est plus importante dans les “veterans hospitals” : utilisation d’échographie
portable (49 % versus 29 %), de condoms (46 % versus 12 %) et
utilisation moindre des sondes imprégnées dans ces hôpitaux
(29 % versus 49 %), où il y a un lien entre l’utilisation des sondes
imprégnées et celle des CVC imprégnés. Une évaluation qualitative montre que la participation aux réseaux de surveillance, la
synergie avec un médecin hygiéniste augmentent l’observance
et que les obstacles sont liés aux coûts et à la présence dans
l’organisation de personnes résistantes au changement, appelées
“organizational constipators” !
La durée du sondage vésical est l’un des principaux
facteurs d’acquisition d’infections urinaires
Dans cette étude canadienne (Loeb M, Hamilton, Canada,
abstract 300), la décision volontaire de retrait de sonde comparée
à une politique “libérale”, ne permet pas de diminuer le taux des
infections (19 % versus 20,2 %). Cependant, la période pendant
laquelle la sonde est inappropriée est significativement réduite
(2,2 versus 3,8 jours). Cette attitude volontariste conduit à une
nécessité de poser une nouvelle sonde chez 8,6 % des patients.
Dans cette étude, un seul facteur a été étudié alors que de
nombreux autres interviennent (l’indication, le fait de poser une
sonde, la procédure de pose, l’entretien du sondage, les modalités
de drainage…) ; par ailleurs, la définition de l’infection était
“nord-américaine”, alors que la récente conférence de consensus
de 2002 de la SPILF sur les infections urinaires nosocomiales
(www.infectiologie.com) et les nouvelles définitions des infections
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
associées au soins (IAS, www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/nosoco/
definition/rapport_vcourte.pdf ) considèrent les infections dites
“asymptomatiques” comme des “colonisations”.
Quelles méthodes pour réduire
les erreurs de prescription
en antibiothérapie ?
Réunion
R éunion
“La prévention du risque : changer la culture”, tel etait le sens
de l’exposé de D. Goldmann, vice-président de l’Institute for
Healthcare Improvement et professeur à Harvard. Cette nouvelle
culture dans les établissements de soins repose sur l’éducation aux sciences de la sécurité, l’identification des erreurs et
la prévention à partir de l’analyse des erreurs. Elle permet de
constater un nombre croissant de préjudices liés à l’activité
de soins (y compris l’absence de soins) qui nécessitent une
surveillance spécifique, un traitement et/ou une hospitalisation et qui peuvent entraîner le décès du patient. La définition
proposée d’une erreur médicale est la suivante : un événement
pouvant être prévenu et qui peut causer ou conduire à un traitement inapproprié ou un dommage au patient ; ces événements
peuvent être liés aux pratiques professionnelles ou au produit
de santé lui-même (fabrication, présentation, modalités de prescription). En présentant un film très pédagogique, à l’humour
grinçant, sur la gestion d’une erreur de prescription, T.H. Gallagher a beaucoup impressionné l’assistance. Le scénario est
simple : patient diabétique, erreur de prescription d’insuline
(100 UI !), coma hypoglycémique, prise en charge en réanimation. Le lendemain, le patient, ayant retrouvé entièrement
ses esprits, demande pour quelle raison il a passé une journée
en réanimation. Des explications évasives lui sont fournies,
le patient identifie lui-même l’erreur et ses conséquences. Le
comportement de l’équipe médicale est la partie intéressante :
méconnaissance du lien entre le coma et l’erreur, puis tendance
à minimiser celle-ci, incapacité à en mesurer l’enjeu... À la fin
du film, le patient décide de quitter l’hôpital… en assumant les
conséquences de cette décision !
Là aussi, une campagne nationale est lancée aux États-Unis
pour prévenir ces erreurs. Plusieurs sites sont intéressants :
celui de l’IHI (www.ihi.org) et celui du National Coordinating
Council for Medication Error Reporting and Prevention (www.
nccmerp.org). Sur le suivi de l’antibiothérapie, l’IDSA a publié
des “Guidelines for Developing an Institutional Program to
Enhance Antimicrobial Stewardship” (Dellit TH, Clin Infect
Dis 2007:44;159-77).
La prévention des erreurs
au cours de l’antibioprophylaxie
L’un des problèmes majeurs de l’antibiothérapie prophylactique
est le moment auquel elle est administrée. Le faire après l’incision
(20 à 25 % des cas) revient à ne pas appliquer l’une des principales
recommandations qui a pour objectif d’obtenir sur le site opératoire une concentration d’antibiotique suffisante pour inhiber les
bactéries présentes. Dans une étude hollandaise sur la prophylaxie
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Réunion
R éunion
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des prothèses de hanche, M.E. Van Kasteren (Clin Infect Dis
2007;44:921-7) montre que les efforts doivent être concentrés sur
le délai entre l’administration de l’antibiotique et l’incision. Vingtneuf hôpitaux ont corrélé les pratiques d’antibioprophylaxie aux
taux d’infection du site opératoire [ISO] (Steinberg JP, Atlanta,
États-Unis, abstract 13). Le taux d’ISO après chirurgie cardiaque,
orthopédique avec mise en place de prothèse ou hystérectomie
était de 2,4 %. Quatre-vingt-un pour cent des patients ont reçu une
prophylaxie antibiotique dans l’heure précédant l’incision, avec le
taux d’ISO le plus faible pour les patients recevant la prophylaxie
dans les 30 minutes. Ces données confirment celles de D.C. Classen
publiées il y a déjà 15 ans (Classen DC, N Engl J Med 1992;326:2816). Pour des chirurgies durant plus de 4 heures, la réinjection
peropératoire d’antibiotique permettait de réduire le taux d’ISO
de façon significative de 5,6 à 2,4 %, mais uniquement si la dose
préopératoire avait été donnée correctement. C’est l’une des rares
études montrant l’impact clinique de la réinjection en cours de
chirurgie, qui concernait ici 24 % des patients (Zelenitsky SA,
Antimicrob Agents Chemother 2002;46:3026-30). Voilà certainement aussi un point à améliorer dans les pratiques françaises.
Grâce à l’utilisation de bases des données électroniques, la
surveillance simplifiée des ISO se développe. Ce travail (Song X,
Baltimore, États-Unis, abstract 128) s’est appuyé sur trois critères
pour identifier l’ISO : antibiothérapie prolongée postopératoire,
diagnostic d’ISO à la sortie et réhospitalisation dans les deux
mois. Par rapport à la méthode de référence, la sensibilité était
de 81 à 83 % pour détecter l’ISO après chirurgie coronaire ou
craniotomie. Les taux d’ISO obtenus par surveillance électronique
étaient respectivement de 8,6 % et 3,4 % pour la chirurgie coronaire et la craniotomie, comparativement à 8,8 et 2,8 % pour la
surveillance conventionnelle. Ce travail confirme qu’il est possible
d’organiser une surveillance grâce aux bases informatiques disponibles, comme cela a déjà été démontré dans d’autres spécialités
(Yokoe DS, Emerg Infect Dis 2004;20:1924-30 ; Chalfine A, Infect
Control Hosp Epidemiol 2006;27:894-901). Si cette surveillance ne
s’effectue pas complètement en dehors des équipes chirurgicales,
ces méthodes pourraient réduire la charge de travail des équipes
d’hygiène ; encore faudrait-il que ces bases informatiques et leur
mise en interface se développent en France.
La surveillance des ISO après mise en place de prothèse articulaire
est complexe, notamment en raison de la survenue parfois tardive
de ces infections. Les autorités finlandaises ont croisé durant 6 ans
des informations provenant de trois systèmes : le réseau national
volontaire de surveillance des ISO, le registre des arthroplasties
et les données des assurances (Huotari K, Helsinki, Finlande,
abstract 282). Le taux d’infection du site opératoire après prothèses
de hanche ou de genou était respectivement de 2,1 % et 1,5 % pour
100 000 habitants. La sensibilité du système de surveillance des ISO
variait entre 36 % et 57 % ! Dans ce type de chirurgie, qui nécessite une surveillance prolongée, il est nécessaire d’envisager des
méthodes alternatives de surveillance, complémentaires à celles que
nous utilisons habituellement. La création d’un registre des infections après chirurgie prothétique à déjà été envisagée en France :
il pourrait s’intégrer dans les activités des centres de référence des
infections ostéo-articulaires qui seront prochainement installés.
La prévention des erreurs
au cours de l’antibiothérapie curative
La relation entre traitement empirique inadapté et mortalité reste
très controversée depuis les travaux de M.H. Kollef concernant
l’impact sur la mortalité d’un traitement empirique inadapté au
cours des pneumonies nosocomiales (RR = 4,26).
Le délai de l’antibiothérapie adaptée (moins de 24 heures après
la première hémoculture) au cours des bactériémies n’a pas
d’impact sur la mortalité à J30 (Lin MY, Chicago, États-Unis,
abstract 28). Sur 5 ans, 1 523 bactériémies ont été identifiées, la
mortalité globale étant de 9 % (22 % en réanimation, 4 % hors
réanimation). Les facteurs indépendants associés à la mortalité sont les suivants : comorbidités (âge, score de Charlson),
séjour en réanimation, vasopresseurs, acquisition nosocomiale,
neutropénie et SARM (OR = 2,06 ; IC95 : 1,21-3,51). Il reste
néanmoins à étudier l’impact du délai de l’antibiothérapie au
cours des bactériémies à SARM. Une autre étude (Osih RB,
Antimicrob Agents Chemother 2007;51:839-44) a suggéré
également qu’il n’y avait pas de relation entre un traitement
empirique adapté et la mortalité au cours des bactériémies
à Pseudomonas aeruginosa, après ajustement à l’âge et à la
sévérité de la maladie. Une troisième étude (Tumbarello M,
Antimicrob Agents Chemother 2007;51:1987-94) renforce cette
relation dans le traitement des bactériémies à entérobactéries
productrices de BLSE.
Mais ces études sur les bactériémies ont moins d’intérêt, car
celles-ci ne sont pas, à proprement parler, une maladie. Il est plus
important de considérer les sites d’infection (pneumonie, méningite…), pathologies pour lesquelles l’impact sur la mortalité du
délai d’un traitement empirique (avant les tests de sensibilité)
adapté est bien démontré.
D.N. Schwartz (Chicago, États-Unis, abstract 298) à partir du
projet CAROT (Computer-assisted Antimicrobial Recommendations for Optimal Therapy), a testé trois systèmes de contrôle
des erreurs de prescriptions : 1. à partir du pharmacien qui revoit
les erreurs d’après une base de données et en informe le clinicien ; 2. des sessions interactives bihebdomadaires sur des cas
cliniques ; 3. un système informatique d’aide à la prescription. La
méthode de référence était celle d’un infectiologue se fondant sur
les recommandations et hiérarchisant les erreurs. Sur 504 prescriptions mises en route, la plupart aux urgences, 353 erreurs
étaient détectées (70 %) ; les trois systèmes en relevaient 72, 71
et 66 % respectivement. Ces prescriptions généraient 2 300 jours
d’antibiothérapie, pendant lesquels 51,3 % d’erreurs étaient détectées alors que les trois systèmes en relevaient 53,8 %, 52,2 %
et 46,7 % respectivement. Deux exemples : l’inadéquation du
fait de la prescription d’un antibiotique de spectre trop étroit
était plus fréquente avec la deuxième méthode (17 %) qu’avec
les autres (9,5 % et 11,2 %) ; l’utilisation d’un spectre trop large
était plus fréquente avec le premier système (29,2 %) qu’avec les
autres (19,1 % et 20,2 %). Ces trois systèmes ne permettent pas
de résoudre une grande partie des erreurs ; parmi celles-ci, les
réunions cliniques conduisent à une inadéquation plus fréquente.
Compte tenu du niveau très élevé d’erreurs, un système plus
efficace de contrôle reste à inventer.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
la diffusion puBlique du tauX
des infections nosocomiales
(“PUBLIC REPORTING” ou “PUBLIC DISCLOSURE”)
La diffusion publique de ces données a pour objectif d’éclairer la
décision du futur patient, consommateur au moment du choix,
de l’établissement censé lui éviter une infection nosocomiale. C’est
essentiellement pour les actes chirurgicaux que le public se pose
des questions. Dès la décision prise par plusieurs États de rendre
obligatoirement publiques ces données, des controverses justifiées
sont apparues. Au sein des structures de soins, les outils de calcul ne
sont pas finalisés, et, surtout, ils ne sont pas adaptés à la comparaison
entre établissements ; or, c’est justement sur cette comparaison que
ce choix se fera.
On connaissait l’importance du dénominateur pour le calcul des
taux ; selon le dénominateur, les taux sont différents. Dans cette étude
australienne sur la chirurgie coronaire, c’est le choix du numérateur
qui est analysé (Russo PL, Melbourne, Australie, abstract 169). En
utilisant deux numérateurs différents, l’un prenant en compte toutes
les infections de tout site survenues en post-opératoire et l’autre ne
tenant compte que des infections du site thoracique (de superficiel
à profond), on modifie le rang des huit hôpitaux étudiés. Les auteurs
recommandent pour cette chirurgie de tenir compte uniquement
des infections sternales et d’exclure les infections du site “donneur”
(saphène).
Réunion
R éunion
la décontamination digestive sélective :
la fin d’une saga ?
Le débat sur la décontamination digestive sélective (DDS) semblait
clos : ne diminuant pas le taux des infections nosocomiales chez le
patient ventilé ni la mortalité, elle n’est pas recommandée en réanimation. Cependant, la pugnacité des Hollandais, avec l’étude de
E. Jonge (Lancet 2003;362:1011-6), avait montré un effet favorable
de la DDS sur la mortalité et la colonisation par des bactéries à Gram
négatif résistantes dans les unités de réanimation à faible incidence
d’ERV et de SARM. Néanmoins, il a fallu attendre les résultats d’une
magnifique étude également hollandaise (de Smet AM, Utrecht,
Pays-Bas, abstract 296) pour retenir ce résultat : il n’y a pas d’impact
de la DDS sur la mortalité des patients sévères. Les points essentiels :
1. trois bras : un bras DDS avec antibiothérapie systémique (4 jours de
céfotaxime), un bras DDS seule et un bras contrôle ; 2. treize services,
sur 2 ans : 5 943 patients inclus, dont 34 % de patients chirurgicaux ;
3. absence d’impact sur la mortalité en réanimation (22,3 %, 21,5 % et
21,8 %), la mortalité hospitalière, la durée de séjour ; 4. la prévalence
des bactéries à Gram négatif était moins importante dans les prélèvements rectaux et respiratoires dans le premier bras ; 5. une diminution
significative des bactéries à Gram négatif multirésistantes dans ce
bras. Les “believers” de la DDS croient encore à une efficacité chez les
polytraumatisés nécessitant une ventilation : il reste à le démontrer
avec une étude de ce type. Par ailleurs, l’ambiguïté reste à lever sur
le rôle probablement fondamental de l’antibiothérapie systémique
dans cette stratégie de “prévention” des pneumonies précoces.
J.C. Lucet, J.P. Sollet, Paris
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
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