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XIe Congrès de la Society of Healthcare
Epidemiology of America (SHEA)*
L
a réunion annuelle de la SHEA a rassemblé près de
mille participants à Toronto. Les participants des pays
anglo-saxons étaient en majorité, et le nombre d’Européens était élevé. Il est dommage que la participation française (7 personnes !) soit restée (trop) faible, compte tenu de la
qualité des présentations et de la richesse des échanges.
STAPHYLOCOQUE DORÉ RÉSISTANT À LA MÉTICILLINE
Épidémiologie
Les données du réseau de surveillance SENTRY sur les bactériémies nosocomiales à Staphylococcus aureus (Diekema D,
Iowa City, États-Unis, abstract 139) montrent que la résistance
à l’oxacilline augmente rapidement aux États-Unis (de 34 %
en 1997 à 51 % en 2000), et qu’elle apparaît au Canada
(10 % en 2000). Dans les services allemands de réanimation
(Gastmeier P, Berlin, Allemagne, abstract 34), 14,5 % des
S. aureus responsables d’infections nosocomiales étaient résistants à la méticilline (SARM), avec de grandes variations d’un
service à l’autre : 63 % n’avaient pas observé d’infection à
SARM ; à l’opposé, la prévalence des SARM était supérieure
à 50 % dans 9 % des services. Le sujet est donc plus que jamais
d’actualité.
Plusieurs travaux s’intéressaient aux conséquences des infections à SARM. S. Cosgrove (Boston, États-Unis, abstract 96)
a présenté la méta-analyse des 31 études comparant la mortalité chez 1 360 patients avec bactériémie à SARM et chez
2 603 patients avec bactériémie à S. aureus sensible à la méticilline (SASM) : 24 études ne trouvaient pas de différence, tandis que 7 autres trouvaient une mortalité augmentée en cas de
bactériémie à SARM. L’analyse globale retrouvait une mortalité significativement plus élevée en cas de bactériémie à SARM
(OR : 1,93), y compris dans les 11 études utilisant un ajustement sur les facteurs de confusion (OR : 1,88). Cependant, les
facteurs de confusion ne sont pas toujours tous relevés dans ces
études, comme le montre celle de M.C. Roghmann (Baltimore,
États-Unis, abstract 140). Cette étude a comparé la mortalité
à J30 de patients (n = 438) de cinq services de réanimation avec
bactériémies à bactéries sensibles (SAMS ou entérocoque sensible à la vancomycine) ou à bactéries résistantes (SARM ou
*Toronto, 1er-3 avril 2001.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 6 - juin 2001
entérocoque résistant à la vancomycine). Les patients avec une
bactériémie à germe résistant étaient depuis plus longtemps en
réanimation, avaient un score APACHE II à l’admission plus
élevé, étaient plus souvent ventilés, avaient plus souvent une
bactériémie à entérocoque (58 % versus 35 %) et un sepsis
sévère en réponse à la bactériémie ; enfin, ils avaient une mortalité plus élevée (39 % versus 20 %). Après ajustement sur les
variables significatives, en particulier sur le score APACHE II
7 jours avant la bactériémie, la présence d’un sepsis sévère et
l’infection à entérocoque, la résistance bactérienne n’apparaissait plus comme un facteur de risque de mortalité (OR : 1,3 ;
IC95 : 0,5-2,9).
Transmission par voie aérienne du SARM
Trois présentations étaient consacrées à la transmission aérienne
du SARM. À l’occasion d’une épidémie en réanimation touchant surtout les voies respiratoires chez 12 patients ventilés,
L. Mermel (Providence, États-Unis, abstract 16) constatait que
2 % (1/42) des infirmières ou médecins et 7 % (4/57) des kinésithérapeutes étaient porteurs de SARM. La souche chez un
kinésithérapeute était identique à celle d’un patient SARM était
identifié sur deux géloses sur quatre exposées pendant
15 secondes à 3 mètres d’un circuit débranché de ventilation
d’un patient avec une pneumopathie à SARM. L’épidémie a été
contrôlée, entre autres par le port systématique de masques lors
des déconnexions du circuit de ventilation. M. Meester
(Amsterdam, Pays-Bas, abstract 36), au cours d’une épidémie
touchant 16 patients dans un service d’ORL, montre que le filtre
à poussière d’un nébuliseur (utilisé chez tous les cas) était contaminé à SARM. La transmission de SARM par voie aérienne,
bien que rare, est donc possible à partir d’un patient ou d’un
réservoir de l’environnement.
L’équipe de R. Sherertz (Ann Intern Med 1996 ; 124 : 539-47)
avait montré le rôle amplificateur d’une infection virale des
voies aériennes supérieures dans la dispersion aérienne de
SARM. Sept volontaires (Bischoff W, Charlottesville, ÉtatsUnis, abstract 100), porteurs chroniques de S. aureus, ont reçu
un rhinovirus par voie intranasale et ont été suivis pendant les
14 jours suivants : cultures quantitatives nasales quotidiennes
(S. aureus et rhinovirus) et cutanées (S. aureus), et mesure de
la dispersion aérienne de S. aureus en fonction de la tenue :
tenue de ville, port d’une casaque stérile avec ou sans masque.
Tous ont développé une rhinite. La dispersion aérienne de
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S. aureus augmentait avec la quantité de S. aureus dans le nez,
après que le virus ait disparu des cultures nasales, et au-delà du
3e jour ; elle diminuait avec le port d’une casaque et d’un masque.
SARM hors de l’hôpital
La transmission du SARM hors de l’hôpital fait actuellement
l’objet d’une attention particulière des CDC, qui rapportent
deux épidémies originales dans des communautés non hospitalières. La première (Coignard B, Atlanta, États-Unis, abstract 97) est survenue dans une prison où 61 cas d’infections à
SARM ont été identifiés. Soixante-six pour cent des souches
disponibles étaient identiques par analyse moléculaire. Le taux
de prévalence du portage de SARM était de 6,2 % chez les
femmes et de 2,5 % chez les hommes. Les facteurs associés à
l’infection à SARM par étude cas-témoin étaient le partage de
la literie, le contact physique, l’utilisation des antibiotiques, les
piqûres d’insecte, et l’utilisation des savons fournis par l’État.
L’autre épidémie concernait une équipe de football américain, dont
10 joueurs ont développé en 4 semaines une infection cutanée
sévère à SARM (Kainer M, Atlanta, États-Unis, abstract 101).
Les facteurs de risque étaient les pratiques de dépilation
(OR : 34), les brûlures dues au gazon artificiel (OR : 36) et le
partage des serviettes de toilette. Dans ces deux épidémies, le
cas index n’a pas été identifié. L’utilisation de linge individuel
pour les porteurs de SARM paraît donc une mesure simple pour
prévenir la dissémination des SARM hors de l’hôpital.
La colonisation à SARM dans l’entourage d’un porteur reste
mal connue. D. Calfee (Charlottesville, États-Unis, abstract 99) a mis en évidence un taux moyen de 15,1 % : 19,2 %
(25/130) dans l’entourage familial proche de 89 porteurs de
SARM, et 2,4 % (1/42) dans l’entourage plus éloigné. Le prélèvement nasal était le plus sensible (92,3 %) pour la détection
du portage. Cette prévalence notable pourrait expliquer certains
échecs de la décontamination, et les transmissions de SARM
“en ville”.
UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES
J.E. McGowan, spécialiste de la question, a donné une conférence sur le sujet sur un ton “positif” étonnamment enjoué. Le
thème en était : “Ce qui marche pour contrôler la résistance
aux antibiotiques”. Les mesures proposées sont les suivantes :
❶ La vaccination, par exemple pour les infections à pneumocoques, car les sérotypes les plus fréquents sont couverts par
les vaccins antipneumococciques utilisés aux États-Unis.
❷ Mesurer correctement la résistance bactérienne. Une enquête
réalisée dans des laboratoires américains montre des lacunes
dans la détection des souches productrices de bêtalactamases
à spectre élargi, ou hyperproductrices de céphalosporinases et
des S. aureus de sensiblité diminuée à la vancomycine : en clair,
pour tous les nouveaux modes de résistance.
❸ Insister sur le rôle fondamental de l’hygiène dans la limitation de la diffusion des bactéries résistantes. L’exemple donné
est celui d’une étude de M.S. Barakate et al. (J Hosp Infect
2000 ; 44, 1 : 19-26) montrant qu’en détectant de manière sys198
tématique les porteurs de SARM et en regroupant les patients
colonisés (cohorting), on arrive à supprimer les transmissions
croisées.
❹ Le benchmarking de la résistance et de l’utilisation
des antibiotiques, comme cela est réalisé par exemple
au sein de réseaux comme ICARE (réseau de services de
réanimation), SCOPE ou SENTRY pour avoir des données
comparatives.
❺ Inclure le contrôle de la résistance bactérienne dans l’enseignement de l’utilisation des antibiotiques.
❻ Diminuer la pression de sélection par les antibiotiques par
une amélioration de leur utilisation. Les moyens dont on dispose sont bien connus et comportent :
– la dispensation contrôlée des antibiotiques ;
– les recommandations comme celles publiées récemment sur
les infections des voies aériennes supérieures et ORL (Ann
Intern Med 2001 ; 134 : 479-529) ou encore sur l’utilisation
de la vancomycine (Drori-Zeides T et al., Infect Control Hosp
Epidemiol 2000 ; 21 : 45-7) ;
– la rotation (cycling) programmée ou dans un contexte de
niveau de résistance inacceptable. À noter qu’une étude multicentrique sur l’effet du cycling est en cours aux États-Unis dans
des services volontaires.
❼ Mener plusieurs actions simultanément.
❽ Contrôler l’impact des mesures mises en place.
❾ Inclure tous les sites d’hospitalisation.
Dans le même esprit, une étude réalisée par E. Lautenbach (Philadelphie, États-Unis, abstract 245) a évalué l’adéquation de
l’utilisation des fluoroquinolones (FQ) dans un service d’urgence.
Les recommandations d’utilisation étaient celles référencées sur
le site Web de l’hôpital (http://www.med.upenn.edu/bugdrug/),
et la prescription a été comparée par des experts à ces recommandations. Le résultat n’est pas du tout en rapport avec la
richesse du site Internet : sur 100 patients traités par les FQ, la
lévofloxacine a été utilisée dans 87 % des cas et la ciprofloxacine dans 11 % des cas. La lévofloxacine a été prescrite en intraveineuse dans 42 % des cas. Les indications ont été une infection urinaire dans 44 % des cas et une infection respiratoire
dans 21 % des cas. La prescription a été déclarée inadéquate
dans 81 % des cas !
De la même équipe (Furuya E, Philadelphie, États-Unis,
abstract 27), une étude sur l’impact de l’utilisation des antibiotiques sur l’émergence du SARM entre 1990 et 2000
montre que c’est la consommation totale des FQ qui est la
mieux corrélée avec le taux de SARM. En revanche, il n’y a
pas de relation entre l’utilisation des FQ prises individuellement et ce même taux de SARM. Les auteurs ont conclu à la
nécessité de réaliser des études cas-témoins pour confirmer
le rôle des FQ globalement ou individuellement. Une revue
générale récente (Harris AD et al., Clin Infect Dis 2001 ; 32,
7 : 1055-61) a précisé la méthodologie pour les études sur la
relation entre prescription antibiotique individuelle et émergence d’une résistance.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 6 - juin 2001
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L’importance de l’antibiothérapie probabiliste dans l’émergence des résistances bactériennes est connue. C’est probablement le domaine où la prescription est la plus complexe.
G. Christiensen (Columbia, États-Unis, abstracts 30 et 31) a
proposé un système expert reposant sur quatre types de
variables : la présence de signes infectieux, le statut immunologique, l’exposition au risque infectieux et la prise en compte
des informations manquantes. La combinaison de ces variables
a permis d’identifier des situations pour lesquelles les réponses
possibles étaient une prescription immédiate, attendre 24 heures
avant de prescrire ou de ne pas prescrire, ne pas prescrire d’antibiotiques. Ces situations ont été testées sur des dossiers pour
lesquels une consultation de spécialiste des maladies infectieuses avait été sollicitée. Il faut noter que ces avis avaient été
demandés le plus souvent pour des antibiothérapies probabilistes. La concordance entre le système expert et l’infectiologue
était satisfaisante pour l’auteur, de l’ordre de 0,47. Les discordances les plus fréquentes étaient liées à la recommandation
d’une prescription d’antibiotique par l’infectiologue alors que
le système expert ne la recommandait pas.
L’adéquation des traitements probabilistes est un facteur
pronostique important. A. Sebti (New York, États-Unis, abstract 69) a étudié l’adéquation des traitements des bactériémies.
Ces traitements ont été ensuite revus systématiquement par un
spécialiste des maladies infectieuses. Le taux de traitements
appropriés était de 65,3 %. L’intervention de l’infectiologue a
permis de rectifier le traitement dans 32,3 % des cas. La consultation du spécialiste en maladies infectieuses est, depuis, effectuée en routine, et est l’occasion d’explications sur les
principes d’une antibiothérapie appropriée.
SURVEILLANCE
EPIC (Evaluation of Processes and Indicators in Infection
Control Study)
Cette étude multicentrique américaine porte le même nom que
l’étude européenne coordonnée en 1992 par J.L. Vincent sur la
prévalence des infections en réanimation. Son objectif est d’explorer les facteurs, les processus et les indicateurs qui permettront de mieux comparer les performances des 54 unités de
réanimation participantes. Les épisodes infectieux étudiés sont
les bactériémies “primaires” chez les patients ayant eu une voie
veineuse centrale posée dans l’unité (VVC).
B. Simmons (Memphis, États-Unis, abstract 103) a tout d’abord
présenté les résultats de l’étude sur les facteurs de risque liés
aux patients et à la réalisation de l’acte. Il s’agit d’une étude de
cohorte prospective avec, pour chaque service, un objectif de
5 VVC étudiées par mois. Des données sont collectées sur la
première VVC posée chez un patient (VVC posées dans le service ou dans les 8 heures précédant l’admission). Les changements de voie sur guide ne sont pas inclus. Sur 2 970 VVC
incluses, 116 ont été associées à une bactériémie (3,91 %). Les
différents facteurs de risque surveillés concernaient le patient,
la VVC elle-même et les pratiques lors de la pose. Les facteurs
de risque significativement associés de manière indépendante
à un risque infectieux étaient :
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 6 - juin 2001
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– la durée d’exposition, avec les OR suivants :
Durée d’exposition en jours
OR
0-4
5-6
7-13
≥ 14
1
4,1
6,5
13,5
– une transplantation (OR : 3,5) ;
– un patient opéré (OR : 1,8) ;
– une nutrition parentérale totale (OR : 1,8) ;
– le sexe masculin (OR : 1,7) ;
– un événement inhabituel lors de la pose (OR : 1,8) ;
– un âge < 66 ans (OR : 1,5).
La conclusion (attendue) de l’exposé était que la durée d’exposition est le facteur de loin le plus important.
L’approche proposée par S. Kritchevsky (Memphis, États-Unis,
abstract 102) était différente. Elle consistait à analyser des facteurs plus structurels liés au recrutement. En effet, la plupart
des facteurs de risque étudiés dans la littérature sont des facteurs liés aux patients. Trois éléments représentent de véritables
facteurs de risque :
– le pourcentage de patients dialysés dans l’unité ;
– le pourcentage de patients porteurs d’une affection néoplasique dans l’unité,
– le nombre moyen de poses de VVC dans les six derniers mois
dans l’unité (relation négative).
B. Braun (Oakbrook Terrace, États-Unis, abstract 104) a étudié les facteurs organisationnels par une enquête postale en les
comparant aux données de surveillance. Le modèle prédictif de
la diminution du risque comporte trois composantes :
– des facteurs démographiques non modifiables : hôpital gouvernemental, unité mixte médico-chirurgicale et taille de
l’unité ;
– des facteurs potentiellement modifiables : les moyens en personnel (au moins 11 heures de soins infirmiers par 24 heurespatient, ce qui fait environ une infirmière pour deux patients),
la participation au réseau de surveillance du NNIS, une formation obligatoire à l’hygiène pour les infirmières (marqueur
ou témoin ?) et l’utilisation de systèmes sans aiguilles (pour
l’oratrice, il pourrait s’agir d’un marqueur de ressources plus
importantes).
L’étape suivante devrait être la fusion entre les facteurs organisationnels, dont certains peuvent être randomisés, et les
facteurs liés au patient et à la réalisation de l’acte.
Les données du programme EPIC sont actuellement encore
peu publiées. L’architecture globale a été récemment publiée
dans la revue des CDC, accessible gratuitement on line
(Kritchevsky SB et al., Emerg Infect Dis 2001 ; 7, 2 : 193-6.).
PREZIES (réseau hollandais de surveillance des infections du
site opératoire)
Sur les 60 hôpitaux composant ce réseau, 17 ont accepté de participer à une enquête sur la qualité des données de surveillance
…/…
199
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…/…
(Geubbels E, Utrecht, Pays-Bas, abstract 106). Trois cents dossiers ont été ainsi revus soit par les membres du centre coordinateur, soit par des médecins hygiénistes d’un centre voisin. La
concordance était bonne, avec 296 avis concordants (32 ISO et
264 absences d’ISO). La valeur prédictive positive était de
91,4 % et la valeur prédictive négative de 99,6 %. Il est prévu
de renouveler cette validation tous les trois ans. La charge de
travail générée par cette validation de la surveillance a pu être
mesurée exactement, et devrait représenter 24 jours de travail
par an. Les résultats de la surveillance de ce réseau ont été
publiés (Geubbels EL et al., Infect Control Hosp Epidemiol
2000 ; 21, 5 : 311-8).
KISS (réseau allemand de surveillance des infections en
réanimation)
Ce réseau utilise les définitions du NNIS et comprend 181 services de réanimation. I. Zuschneid (Berlin, Allemagne,
abstract 138) a rapporté la variation de l’incidence des bactériémies primaires dans les services participants. Seuls 19 services participaient depuis au moins 30 mois. Ces services ont
totalisé 171 434 jours-patient et 141 918 jours de cathétérisme.
Pour leurs 6 premiers mois de participation, le taux de bactériémie rapporté à 1 000 jours de cathétérisme était de 2,25. Ce
taux a été réduit à 1,45/1 000 jours de cathétérisme durant les
6 derniers mois, avec une réduction globale de 35,8 %. Ces
résultats sont nettement significatifs (p = 0,0094). Ils montrent
l’effet “surveillance” (peut-être en réseau), et surtout la progressivité de cet effet.
Dans ce même réseau (Eckmans T, Berlin, Allemagne,
abstract 74), une étude a été réalisée sur la relation entre le ratio
infirmier/lit et l’incidence de deux types d’infections nosocomiales en réanimation : les pneumopathies sous respirateur et
les bactériémies liées aux voies veineuses centrales. Sur les
82 unités ayant répondu au questionnaire postal (sur les
121 participant au réseau depuis plus de 6 mois), le ratio infirmier/lit variait de 1,0 à 4,6 (moyenne : 2,4). En analyse multivariée, une méthode de surveillance basée sur l’enquête directe
au lit du malade (plutôt que l’enquête auprès du personnel de
soins, ou la revue des dossiers ou des résultats microbiologiques) était associée à un taux plus faible des deux types d’infection. Le ratio infirmier/lit était associé à une réduction des
bactériémies, mais pas des pneumopathies. Les auteurs
restaient prudents dans leurs conclusions, soulignant qu’ils
n’avaient pas pu intégrer tous les facteurs d’ajustement. Cependant, ces résultats confirment, en situation “endémique”, la
corrélation établie en situation épidémique entre infection
nosocomiale et ratio infirmier/patient (voir plus loin).
Ce réseau est extrêmement actif et ses principales publications
sont rapportées ici :
– Gastmeier P, Sohr D, Geffers C, Nassauer A, Daschner F,
Ruden H. Are nosocomial infection rates in intensive care units
useful benchmark parameters ? Infection 2000 ; 28 : 346-50.
– Gastmeier P, Sohr D, Just HM, Nassauer A, Daschner F,
Ruden H. How to survey nosocomial infections. Infect Control
Hosp Epidemiol 2000 ; 21 : 366-70.
202
– Geffers C, Gastmeier P, Brauer H, Daschner F, Ruden H. Surveillance of nosocomial infections in ICUs : is postdischarge
surveillance indispensable ? Infect Control Hosp Epidemiol
2001 ; 22 : 157-9.
– Lemmen SW, Zolldann D, Gastmeier P, Lutticken R. Implementing and evaluating a rotating surveillance system and
infection control guidelines in 4 intensive care units. Am J Infect
Control 2001 ; 29 : 89-93.
Les outils informatiques utilisés dans la surveillance évoluent
eux aussi. L’utilisation des assistants personnels type Palm
Pilot®, appelé en anglais PDA, fournit un outil mobile et peu
encombrant permettant une surveillance sur place par les
membres du service d’hygiène, avec une saisie simple en temps
réel. J. Farley (Baltimore, États-Unis, abstract 279) a montré,
dans une unité de réanimation médicale de 16 lits, que le temps
de travail hebdomadaire nécessaire pour une surveillance des
infections urinaires passait de 8 heures à 1,5 heure. La base de
données était créée par le chargement sur le PDA de l’occupation des lits à partir du système informatique hospitalier.
INFECTION EN RÉANIMATION
Plusieurs études ont corrélé en réanimation le ratio infirmier/patient (RIP) à la survenue d’épidémies de bactériémies
sur cathéter central (Fridkin S, Infect Control Hosp Epidemiol
1996 ; 17 : 150-8 ; Archibald LA, Ped Infect Dis J 1997 ; 16 :
1045-8 ; Robert J, Infect Control Hosp Epidemiol 2000 ; 21 :
12-7) ou d’épidémies d’infections à bactéries multirésistantes
(Haley RW, J Infect Dis 1995 ; 171 : 614-24 ; Vicca AF, J Hosp
Infect 1999 ; 43 : 109-13 ; Harbarth S, Infect Control Hosp
Epidemiol 1999 ; 20 : 598-603). Dans le cadre des projets soutenus par les CDC pour évaluer les relations entre processus et
résultats, T. Perl (Baltimore, États-Unis, abstract 129) a mesuré
le RIP avec les autres facteurs de risque de bactériémies sur
cathéters veineux centraux (n = 293) dans cinq services de
réanimation durant 20 mois. Les facteurs de risque indépendants étaient le nombre de jours en réanimation (OR : 1,02 ;
p < 0,001), le score APACHE II (OR : 1,04 ; p < 0,0001), le
nombre de procédures invasives (p = 1,40 ; p < 0,0001) et le
RIP (OR : 2,04 ; p < 0,002), confirmant, en situation endémique, le rôle du RIP dans le risque d’infection sur CVC.
L. McKinley (Philadelphie, États-Unis, abstract 71) a rapporté
les méthodes mises en œuvre pour réduire la fréquence des
infections pulmonaires nosocomiales apparues sous respirateur.
La nécessité en était apparue, car les chiffres donnés par la surveillance dans le cadre du réseau du NNIS montraient que les
chiffres locaux étaient significativement plus élevés (35 versus
14,9 infections/1 000 jours de ventilation ; p = 0,014). Le programme a associé plusieurs catégories de personnel et a permis d’identifier des facteurs de risque dont certains étaient
modifiables. L’intérêt de ce travail, plus que l’analyse des facteurs de risque, est dans l’utilisation qui est faite de la comparaison entre services, le fameux benchmarking.
Le diagnostic des infections nosocomiales pulmonaires fait
appel à différentes techniques : techniques protégées semiLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 6 - juin 2001
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quantitatives (LBA, brossage protégé), aspiration bronchique
ou détermination du pourcentage de germes intracellulaires sur
les cellules obtenues par LBA. S. Michaud (Sherbrooke,
Canada, abstract 75) a utilisé les techniques statistiques (non
détaillées ici), afin d’évaluer l’impact du dessin de l’étude et
de l’exposition aux antibiotiques sur les performances des tests
diagnostiques. L’analyse confirme l’importance de l’antibiothérapie antérieure dans les performances des tests diagnostiques en termes de discrimination. Il semble donc logique de
recommander, dans les futures études, la description précise
(nature, durée et timing par rapport au prélèvement microbiologique) des antibiothérapies antérieures. Un autre facteur à
prendre en compte est le volume du LBA : un volume inférieur
à 140 ml diminuerait le pouvoir discriminant du LBA.
Toujours dans le cadre et avec la méthodologie du NNIS,
un service de réanimation (Allen G, New York, États-Unis,
abstract 80) a comparé 11 mois de surveillance des infections
urinaires sur sonde de type habituel avec une période de la
même durée utilisant des sondes imprégnées d’argent. La fréquence est passée de 17 infections pour 3 007 jours de sondage
(5,6/1 000 j) à 10 infections pour 2 773 jours de sondage
(3,6/1 000 j). Cette différence, bien que représentant une réduction de 36 % des infections (7 infections évitées), n’est pas
significative (p = 0,17). La comparaison des coûts des infections évitées par rapport au surcoût généré par ces nouvelles
sondes ne met en évidence qu’un bénéfice modeste en faveur
des nouvelles sondes.
Le problème de la transmission des infections nosocomiales en
réanimation reste mal exploré : il est difficile de quantifier la
part prise par les infections croisées vraies, donc évitables, et
par les infections à partir de la flore endogène des patients. Une
étude allemande (Weist K, Berlin, Allemagne, abstract 211) a
étudié les souches incriminées dans des infections nosocomiales
au cours d’une période de 6 mois dans un service de réanimation de 16 lits. Pendant cette même période, trois prélèvements
successifs ont été effectués chez les membres du personnel et
dans l’environnement (bouton d’alarme du scope et dispositif
d’aspiration endotrachéale). Toutes les souches ont été typées
par biologie moléculaire. Sur les 586 patients suivis, 38 avaient
une infection à l’entrée, et 38 ont acquis 58 infections pendant
leur séjour en réanimation. Le taux de transmission croisée était
finalement assez faible, concernant seulement 8 des 45 infections nosocomiales où un (des) germe(s) avai(en)t été isolé(s).
Mais ce taux était très différent selon les germes, avec une plus
grande fréquence pour les staphylocoques (dorés ou non), ainsi
que pour les entérocoques. À l’inverse, les entérobactéries
étaient rarement en cause dans la transmission croisée. Le réservoir était représenté par les patients colonisés, l’environnement
n’étant jamais en cause dans cette étude.
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fection des mains. L’observance globale était de 34 %. Les facteurs associés à une bonne observance étaient la fonction de
kinésithérapeute (68 %), le travail en réanimation néonatale,
les contacts avec les procédures invasives (66 %), les produits
biologiques (77 %) ou les plaies (71 %), alors que l’interruption de soins était associée à un mauvaise observance (9 %). Le
nombre d’occasions de lavage désinfection des mains par heure
et le ratio patient/personnel n’étaient curieusement pas associés à une moins bonne observance. Ces données soulignent
l’intérêt de disposer de données locales pour orienter les actions
d’amélioration.
Plusieurs présentations rapportaient les effets de campagnes de
sensibilisation sur l’observance de l’hygiène des mains. Ainsi,
selon E. Girou (Créteil, abstract 13), l’observance passait de
52 à 65 %, selon A. Gundlapalli (Salt Lake City, États-Unis,
abstract 9), de 38 % et 44 % à 65 et 59 % dans deux services
de réanimation, et, selon C. O’Boyle (Minneapolis, États-Unis,
abstract 7), de 63 % à 79 %, mais avec une diminution après
deux mois. Ces campagnes s’appuyaient sur l’introduction des
solutions hydro-alcooliques (SHA), mais les auteurs insistaient
aussi sur la nécessité d’une approche globale, comprenant plusieurs axes d’intervention.
L’efficacité microbiologique des SHA est démontrée en situation expérimentale, mais les données restaient limitées en situation clinique. Deux études prospectives randomisées ont été
présentées. E. Girou (Créteil, abstract 12) a montré que la
désinfection des mains avec une SHA est plus efficace que le
lavage antiseptique des mains. Dans l’étude menée par
J.C. Lucet (Paris, abstract 6), cette désinfection avec une SHA
est plus efficace que le lavage simple et au moins aussi efficace
que le lavage antiseptique. Dans cette dernière étude, la contamination des mains avant lavage désinfection était plus élevée
chez les médecins, hors réanimation, après certains soins, et en
cas de lésions cutanées, soulignant l’importance d’utiliser des
produits améliorant la tolérance cutanée.
DIVERS
HYGIÈNE DES MAINS
Matériels de sécurité
Bien que les matériels de sécurité soient recommandés en
France pour la prévention des accidents exposant au sang
(AES), leur efficacité n’a été démontrée que dans deux études,
l’une sur les matériels de prélèvement sanguin, l’autre sur les
aiguilles de suture à bout mousse en chirurgie (MMWR 1997 ;
46 : 21-4 et 25-8). Dans une étude avec comparaison historique
(39 mois, puis 18 mois), M.H. Mendelson (New York, ÉtatsUnis, abstract 238) a montré que l’introduction d’autres matériels de sécurité, les cathéters intraveineux, entraîne une réduction impressionnante de 95 % des AES (de 6,6 à 0,3/103
cathéters). La sécurité était activée dans 91 et 85 % des cas
durant la seconde période.
S. Harbarth (Boston, États-Unis, abstract 1) a transposé dans
trois services de réanimation pédiatrique les méthodes utilisées
à Genève (Pittet D et al., Ann Intern Med 1999 ; 130 : 126-30),
pour évaluer les facteurs de non-observance du lavage désin-
Bactériémie ou contamination ?
Décider si une hémoculture positive à des germes de la flore
cutanée commensale (FCC) est contaminée ou représente une
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“vraie” bactériémie reste difficile. Dans le cadre du projet EPIC
(voir plus haut), McDonald et al. (Louisville, États-Unis,
abstract 105) ont analysé, dans 58 hôpitaux et durant 13 mois,
les bactériémies sur cathéter veineux central à des germes de
la FCC en réanimation adulte (160 sur 619, soit 26 %, dont
83/126 [52 %] avec une seule hémoculture positive). Le taux
de bactériémie sur cathéter à germes de la FCC parmi l’ensemble des bactériémies variait de 0 à 60 % selon les hôpitaux ;
celui des bactériémies avec une seule hémoculture positive
parmi l’ensemble des bactériémies à germes de la FCC variait
de 0 à 86 %. Il existe donc des disparités évidentes dans la classification de ces hémocultures, qui, probablement, limitent les
possibilités de comparaison entre services. Il n’est cependant
pas sûr que nos définitions amènent à des disparités aussi importantes en France : la controverse n’est donc pas terminée…
Les conséquences d’une antibiothérapie donnée sur la base de
la positivité de flacons d’hémoculture en rapport avec une
contamination ont déjà été évaluées : augmentation de la durée
de séjour de 4,5 jours et des coûts hospitaliers de 20 à 39 %
selon le poste budgétaire (Bates DW, JAMA 1991 ; 265 : 3659). En utilisant un algorithme pour classer les hémocultures
suspectes d’être contaminées (237/7 891, staphylocoques à coagulase négative dans la majorité des cas), K. Khan (New York,
États-Unis, abstract 73) a retrouvé en 4 mois 151 épisodes de
contamination, 30 épisodes de “vraie” bactériémie et 56 épisodes incertains. Les surcoûts annuels (microbiologie, médicaments, dosages, soins) induits par la prise en charge inappropriée des contaminations étaient évalués à 100 000 $,
correspondant, en dollars constants, aux valeurs mesurées par
Bates dix ans plus tôt.
La contamination des flacons d’hémoculture dépend des
méthodes d’antisepsie lors du prélèvement (Strand CL, JAMA
1993 ; 269 : 1004-6 ; Mimoz O, Ann Intern Med 1999 ; 131 :
834-7 ; Little JR, Am J Med 1999 ; 107 : 119-25). D. Calfee
(Charlottesville, États-Unis, abstract 268) a comparé, par
méthode en cross-over (périodes de 5 mois), quatre méthodes
d’antisepsie de la peau : povidone iodée aqueuse à 10 %, alcool
à 70 %, teinture d’iode et povidone iodée dans 70 % d’alcool.
Le taux de contamination des hémocultures était de 3,2 % avant
intervention, et de 2,6 % (333/12 692) durant l’étude
(p = 0,0006), sans différence significative entre les quatre
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méthodes malgré le grand nombre d’hémocultures
prélevées (respectivement : 2,93 %, 2,50 %, 2,58 % et 2,46 %).
Il existait cependant une différence non significative en faveur
des trois produits alcooliques, comparés à la povidone iodée.
Ces résultats semblent donc confirmer l’intérêt des antiseptiques contenant de l’alcool, plus rapidement bactéricides.
À côté de la prévention de la contamination des flacons
d’hémoculture, plusieurs études (Maki DG, Lancet 1991 ; 338 :
339-43 ; Mimoz O, Crit Care Med 1996 ; 24 : 1818-23 ;
Legras A, Rean Urg 1997 ; 6 : 5-11) avaient suggéré l’intérêt
de la chlorhexidine, associée ou non à l’alcool, plutôt que l’utilisation de la povidone iodée pour la prévention des infections
de cathéter. D.G. Maki (Madison, États-Unis, abstract 142) a
comparé un antiseptique (chlorhexidine à 1 % et alcool à 75 %)
à la Bétadine® pour les soins de 1 039 cathéters centraux ou
artériels : la solution alcoolique de chlorhexidine réduisait la
fréquence des colonisations (10,3 contre 33,1 %) et celle des
bactériémies (0,9 versus 3,7 %). Il n’est toutefois pas certain,
comme l’écrit Maki, que la chlorhexidine seule explique ces
résultats : sa combinaison à l’alcool pourrait y être pour quelque
chose.
Candidémie
La question du retrait du cathéter veineux central (CVC) en cas
de candidémie a été abordée par l’équipe de I. Raad (Hanna,
Houston, États-Unis, abstract 266), en reprenant 811 épisodes
en 11 ans chez des patients cancéreux. L’ablation du CVC dans
les 24 heures de la survenue de la candidémie réduisait la mortalité chez les 230 patients avec une bactériémie liée au CVC
(p = 0,0006), mais pas en cas de candidémie primaire (n = 442 ;
p = 0,6) ou secondaire à un autre foyer (n = 139 ; p = 0,3). Une
fongémie à Candida parapsilosis était le seul facteur significativement prédictif d’un épisode sur CVC, alors que la neutropénie, un traitement par corticoïdes ou par chimiothérapie,
et un score APACHE supérieur à 16 apparaissaient protecteurs.
Ces résultats, obtenus sur un grande cohorte, confirment l’importance de suspecter l’infection du CVC comme point de
départ d’une candidémie, et suggèrent de ne retirer le CVC que
si la suspicion est confirmée.
A. Lepape (Lyon), J.C. Lucet (Paris)
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