Anévrisme postinfarctus du ventricule gauche masqué par une péricardite IMAGE COMMENTÉE

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Anévrisme postinfarctus du ventricule
gauche masqué par une péricardite
N. Al-Attar, S. Alkhoder, Th. Bourguignon, R. Raffoul, P. Nataf, service de chirurgie cardiaque, hôpital Bichat, Paris.
O. Nallet, service de cardiologie, groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil.
JL. Sablayrolles, service de radiologie, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis.
U
n patient de 51 ans sans antécédents notables
se présente aux urgences pour une douleur
thoracique, une dyspnée d’effort et de la
fièvre (40 °C). Le bilan biologique met en évidence
un syndrome inflammatoire (CRP à 290 mg/l) et
l’échographie cardiaque transthoracique (ETT), un
épanchement péricardique circonférentiel. L’électrocardiogramme (ECG) montre des troubles de la
repolarisation dans les dérivations inférolatérales. Un
drainage péricardique permet l’évacuation de 150 ml
de liquide séreux. La biopsie péricardique objective une
péricardite séreuse inflammatoire subaiguë compatible avec une origine virale. Le suivi échographique
confirme l’absence de récidive d’épanchement péricardique mais met en évidence une hypokinésie postérieure. Deux mois plus tard, le patient présente un
accident ischémique transitoire (hémiplégie gauche)
associé à une récidive douloureuse thoracique. L’ECG
montre des séquelles d’infarctus inférieur et l’ETT met
en évidence un anévrisme de la paroi inférieure du
ventricule gauche (VG), associé à une fuite mitrale
modérée (figure 1). À la coronarographie, il existe
une occlusion isolée distale de l’artère rétroventriculaire postérieure (figure 2A). La ventriculographie
objective une poche akinétique expansive en systole,
développée aux dépens de la paroi basale (figure 2B).
Le scanner 64-barrettes avec reconstruction tridimensionnelle permet de localiser précisément l’anévrisme,
de mesurer ses principales dimensions et de définir les
rapports anatomiques avec le pilier postérieur de la
valve mitrale qui est situé au ras du collet (figures 3A
et 3B).
Au vu des lésions et du caractère emboligène de l’anévrisme, une indication chirurgicale est retenue. L’inspection note un anévrisme volumineux qui occupe
pratiquement toute la face diaphragmatique du VG
(figure 4). À l’ouverture de l’anévrisme, une masse
thrombotique bien organisée qui tapissait la cavité
anévrismale est retirée, exposant un large collet
d’environ 4 cm de diamètre. Le pilier postérieur de
la valve mitrale est situé au ras de ce collet. Après la
résection de l’anévrisme, la mise en place d’un patch de
Gore-Tex® permet la fermeture du collet et la recons-
28 | La Lettre du Cardiologue • n° 449 - novembre 2011
truction de la paroi ventriculaire (figures 5A et 5B).
L’échographie postopératoire ne montre pas de fuite
mitrale résiduelle ni de mouvement paradoxal. Deux
ans après l’intervention, le patient est asymptomatique
(NYHA [New York Heart Association] classe I, absence
de récidive embolique) et son échocardiographie est
sans particularité.
Discussion
L’anévrisme du VG est une complication rare de l’infarctus du myocarde, avec une incidence historique
d’environ 7 %. Toutefois, compte tenu de la prise en
charge actuelle des infarctus avec revascularisation
précoce, son incidence a considérablement diminué.
La majorité des anévrismes est située dans la paroi
antérolatérale (85 %), et beaucoup plus rarement
au niveau de la paroi postérieure. Les anévrismes
du VG peuvent entraîner une insuffisance cardiaque
par plusieurs mécanismes (contraction ventriculaire
paradoxale, régurgitation mitrale par écartement
des muscles papillaires) et des complications emboliques (coronariennes ou systémiques) du fait d’un
fréquent thrombus mural associé. Les arythmies ventriculaires sont également présentes dans 15 à 30 %
des anévrismes du VG, surtout lorsque le septum est
impliqué. Elles sont généralement résistantes à toute
thérapeutique médicamenteuse.
Chez ce patient, la séquence la plus probable des
événements est un infarctus inférieur compliqué par
un syndrome de Dressler. La péricardite masquait le
processus ischémique sous-jacent, lequel s’est finalement compliqué d’un remodelage du VG avec un
anévrisme du VG compliqué d’un événement embolique. La tomodensitométrie cardiaque a permis de
diagnostiquer l’anévrisme avec une grande précision et a également contribué à la planification de
l’intervention chirurgicale. L’exérèse complète du
tissu anévrismal, associée à la réparation de la paroi
ventriculaire, a permis le traitement à long terme de
la dysfonction ventriculaire gauche et la prévention
des complications emboliques.
■
IMAGE COMMENTÉE
I M A G E S
◀ Figure 1. Échocardiographie
transthoracique visualisant
l’anévrisme postérieur.
A
B
Figure 2. ▶
Coronarographie
montrant une occlusion de
l’artère rétroventriculaire
postérieure (flèche) [A].
Ventriculographie (B).
B
A
◀ Figure 3. Tomodensitométrie avec reconstruction
tridimensionnelle d’un anévrisme du VG (A).
Tomodensitométrie montrant la position
des muscles papillaires (flèches) [B].
A
A
B
▲ Figure 4. Vue opératoire. Anévrisme du VG incisé
(insert). Visualisation d’un volumineux thrombus
intraventriculaire.
B
Figure 5. Vue opératoire à travers le collet anévrismal
montrant la proximité de la valve mitrale (astérisque) [A].
Fermeture du collet par un patch de Gore-Tex® (B).

La Lettre du Cardiologue • n° 449 - novembre 2011 | 29 
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