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Il a fallu six années de collaboration étroite
(1972 – 1978) pour que ces deux universi-
taires de haut niveau découvrent les fonde-
ments d’une nouvelle science qu’ils ont
baptisée PNL en 1976 et qu’ils ont com-
mencé à enseigner en 1977. Cette science,
aujourd’hui présente sur les cinq conti-
nents, concerne la communication, l’ap-
prentissage, le changement et s’adresse
autant aux individus qu’aux groupes. Les
réponses aux questions épistémologiques
évoquées ci-dessus ont d’abord été obte-
nues par le biais de la modélisation d’ex-
perts réputés pour obtenir des résultats dans
leur spécialité : Virginia Satir, thérapeute
familiale, Frédéric Perls, père de la
Gestaltthérapie, et Milton Erickson, psy-
chiatre hypnothérapeute et père des théra-
pies brèves.
On ignore les raisons exactes et sans doute
complexes qui ont poussé Bandler et
Grinder à commencer à enseigner la PNL
hors du milieu universitaire. Mais c’est là
une décision qu’ils ont prise en 1977, en
accord avec la mission qu’ils s’étaient don-
née : faciliter le processus de transfert des
compétences, donc le développement et
l’acquisition de savoir-faire. La PNL est
une science qualitative dont l’épistémologie
constructiviste est résolument orientée vers
l’action. C’est un modèle multidimension-
nel qui s’inscrit dans un cadre éthique et
qui articule étroitement un modèle intégral
de la personnalité, des présupposés sur
l’homme et la relation, des schémas d’ex-
cellence en matière de communication et
des techniques de travail. En profondeur, et
sous-jacents à ces quatre axes, on note la
présence de fondements théoriques solides,
des concepts et des outils d’analyse, une
méthodologie de recherche et des options
épistémologiques. Cette discipline ne
s’oppose à aucune théorie actuellement
en vigueur, et je pense profondément que
les querelles de clocher auxquelles on
assiste souvent lors des débats entre
scientifiques et experts pourraient bien se
comprendre à partir de la méconnaissance
qu’ont souvent les uns et les autres des
présupposés qui sont aux fondements des
différentes sciences : les leurs et celles
des autres…
Pour sa part, l’addictologie n’échappe pas à
cette caractéristique sans aucun doute sou-
haitable, mais parfois trop freinante à
l’égard des actions possibles…
La PNL en addictologie
Pluridisciplinaire de fait, le champ de l’ad-
dictologie est investi, comme chacun sait,
par des professionnels divers, dont les pra-
tiques découlent de savoirs de base engen-
drés par des épistémologies fort différentes.
Ces dernières sont rarement interrogées
quant à leurs fondements et à leurs visées.
Il s’ensuit tout naturellement que chaque
acteur de terrain a fortement tendance à ne
voir midi qu’à son horloge et rencontre des
difficultés à adopter une “multiperspecti-
ve” pourtant nécessaire pour communiquer
avec ses collègues de formations diffé-
rentes.
Je pense que ce problème est majeur et
qu’il concerne plus particulièrement les
spécialistes des sciences humaines entre
eux, mais n’épargne pas non plus la com-
munication entre sciences dites “dures” et
sciences humaines. Les conséquences se
font ressentir au niveau de la pratique des
entretiens et des psychothérapies. Cela
explique aussi, semble-t-il, les difficultés
que rencontrent la constitution de réseaux
performants et la mise en œuvre d’une pré-
vention efficace.
Sensible à ce problème, je propose d’adop-
ter une position résolument pragmatique,
c’est-à-dire orientée vers l’efficacité. Je
rappelle que notre mission première d’ad-
dictologue est d’aider réellement la person-
ne addictive à s’aider elle-même. Pour ce
faire, il convient de s’inscrire dans un cadre
éthique solide et de mettre en œuvre une
technologie qui conduit à des résultats
concrets et vérifiables sur le terrain. La
pratique se trouve ainsi réorientée vers des
résultats et non vers des tentatives de justi-
fication de théories avancées préalable-
ment. J’ai maintes et maintes fois constaté
que l’acteur de terrain privilégie les théo-
ries auxquelles il adhère au détriment de la
La PNL et les addictions
Michel Facon*
La Programmation Neuro Linguistique (PNL) a pris naissance
dans le décor de la Californie des années 1970 autour de deux
institutions caractérisées par l’ouverture d’esprit, la créativité et
la préoccupation constante de l’interdisciplinarité : l’Institut
Esalen et l’université de Santa Cruz. Dans ce décor se croisent,
dialoguent et cherchent des spécialistes d’origines très diverses :
psychologues, linguistes, philosophes, mathématiciens, informati-
ciens, cybernéticiens, spécialistes des neurosciences et des
sciences cognitives… pour n’en citer que quelques-uns. C’est sur
ce terrain que deux universitaires de talent se rencontrent :
Richard Bandler, psychologue, informaticien et mathématicien, et
John Grinder, professeur de linguistique et élève de Noam
Chomsky, linguiste de renommée internationale. Tous deux sont
préoccupés par des questions épistémologiques communes.
Psychotherapy, addictive
behaviour, treatment model
M. Facon
The neurolinguistic programmation (NPL)
took place first in the California of the
seventies. The construction of the (NPL)
model resumed hereby, started in 1988.
The author insists on the process of change.
Due to the directly operationnal character
of its concepts. The NPL considerably faci-
litates the field practice
Mots-clés : Interviews, Psychotherapy,
Prevention.
* LESFPNL, 12, avenue Parmentier, 75011
Paris.
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pratique, et que “en savoir plus” ne conduit
pas automatiquement à “savoir en faire
plus”. Par ailleurs, savoir “ce qu’il faut faire”
(le Quoi faire) ne renseigne pas sur la maniè-
re de le faire (le Comment faire).
Sans piste valable et validée concernant le
Comment faire, l’acteur de terrain n’ob-
tient pas toujours les résultats escomptés.
Au fil des années de pratique, il se sur-
prend à “faire plus de la même chose” pour
n’obtenir que… les mêmes résultats parfois
décevants, quand il ne s’enlise pas dans un
syndrome d’épuisement professionnel, le
burnout des Anglo-Saxons. Je crois très
sincèrement qu’il y a un réel problème de
formation des addictologues, toutes profes-
sions confondues, ne serait-ce qu’au niveau
des entretiens mis en œuvre. Les excellents
théoriciens ne sont pas forcément les
meilleurs praticiens en situation interactive
avec la personne addictive. Savoir parler
brillamment des personnes addictives n’a
pas grand-chose à voir avec la pratique des
entretiens avec elles. Les théories ne
conduisent pas forcément à la mise en
œuvre d’une aide efficace.
Pourtant, des solutions existent dans la
mesure où chacun peut constater que cer-
tains acteurs sont des “experts” reconnus
pour obtenir des résultats vérifiables sur le
terrain. Ces experts sont dotés de compé-
tences réelles, mais le plus souvent incons-
cientes : l’expert sait qu’il obtient des
résultats, mais ne sait plus comment il les
obtient et par conséquent a du mal à ensei-
gner son savoir-faire à d’autres. Incons-
ciente ou mal consciente, sa compétence
demande d’abord à être modélisée avant
d’être enseignée. Ce savoir-faire, ainsi
repéré, décrypté, formalisé et organisé sous
une forme transmissible, peut alors être
transféré à d’autres qui obtiendront des
résultats analogues ou très voisins. Le critère
de cette modélisation réussie n’est pas le
vrai ou le faux, mais la faisabilité.
On comprend dès lors, que le “PNListe”
qui est avant tout un modélisateur, peut
apporter beaucoup en pratique addictolo-
gique…
Les lignes qui suivent montrent que cette
méthodologie s’est révélée “payante” en
pratique quotidienne. Elle a même permis
de faire quelques découvertes inattendues.
Il ne s’agira ici, dans le cadre de cet article,
que de donner un aperçu sur les résultats
pratiques obtenus.
Les présupposés des experts
compétents
Les modélisations ont conduit à mettre au
jour les postulats ou axiomes à partir des-
quels opèrent les experts. Ces présupposés
sont en fait des “croyances de base” qui
guident leur pratique. Personne ne saurait
démontrer leur véracité. En revanche, lors-
qu’on les adopte, ils conduisent à des résul-
tats et c’est cela qui fait toute la différence
au niveau de la pratique.
En voici quelques-uns parmi les plus pro-
ductifs…
1) Une personne ne saurait être confondue
avec les comportements qu’elle produit. C’est
dire que le recours à l’alcool, à tout autre pro-
duit psychotrope ou à certaines conduites
addictives (achat compulsif, automutilation,
boulimie…) sont avant tout des comporte-
ments (3), c’est-à-dire quelque chose qu’une
personne fait. Ce comportement est appris,
observable, descriptible, explicitable et chan-
geable. En ce sens, il est impropre de dire
qu’une personne “est” alcoolique. Il est pré-
férable de dire qu’elle s’alcoolise.
Mais la notion de comportement est plus
complexe qu’il n’y paraît. La face visible
externe de ce comportement est étroite-
ment reliée à l’état interne de la personne,
c’est-à-dire à ce qu’elle ressent à un
moment donné (sensations, émotions, sen-
timents). Comportement et état interne sont
inséparables : ils sont comme les deux
faces d’une pièce de monnaie. L’état inter-
ne, quant à lui, est le résultat des processus
internes, c’est-à-dire des idées, pensées,
croyances et valeurs du sujet. État interne et
processus internes sont, eux aussi, insépa-
rables.
En d’autres termes, de manière simplifiée,
s’il fallait à tout prix présenter les choses
de manière séquentielle, on pourrait dire
ceci : le comportement addictif est engen-
dré par ce que l’on ressent, et ce que l’on
ressent est fonction de ce que l’on pense.
Cette manière de concevoir les choses doit
impérativement se refléter dans les paroles
de l’aidant et du thérapeute lorsqu’ils sont
en situation interactive avec la personne
dite addictive.
S’adonner est dès lors un processus, c’est-
à-dire quelque chose que l’on fait (en pen-
sées, en émotions et en actes) et non
quelque chose que l’on “est”. L’identité de
la personne se trouve ainsi radicalement
séparée des comportements qu’elle met en
place dans un contexte donné. On notera
par ailleurs qu’il est plus facile d’aider un
sujet à changer ses comportements que de
l’aider à changer sa nature profonde.
Cette conception du comportement, très
proche de celle du cognitivo-comportemen-
talisme, permet d’inclure ce que d’autres
nomment “les conduites addictives”.
2) On l’a constaté précédemment, les
addictions ne sont pas définies stricto-
sensu comme étant des maladies. Cela
n’exclut pas, bien entendu, que les compor-
tements addictifs ne puissent pas, au fil du
temps et selon la vulnérabilité du sujet,
conduire à de vraies maladies nécessitant,
elles, le recours obligé au médecin.
3) Dans le cadre d’un entretien ou d’une
psychothérapie, le comportement addictif
est conçu comme une solution mise en
place par le sujet lui-même et non comme
un problème (4). Pour installer une relation
de confiance avec le sujet, il est en effet
nécessaire d’envisager les choses de son
point de vue (et seulement de son point de
vue !). Cette position du “PNListe” ne
souffre aucune exception : elle contribue à
créer chez le sujet le sentiment d’être com-
pris et évite à l’aidant d’avoir à se confronter
avec le sujet en faisant naître des “résis-
tances” (5), voire un phénomène de “déni”.
4) Non seulement le comportement addictif
est présenté comme une solution, mais il
s’agit de la meilleure solution (4) qu’a pu
mettre en place le sujet, compte tenu des
circonstances et des ressources dont il dis-
pose. Bien sûr, chacun sait que cette solu-
tion risque fort d’entraîner, au fil du temps,
des problèmes réels. On verra plus loin que
le but de la thérapie n’est pas de priver le
sujet de sa solution, mais plutôt de l’aider à
en mettre d’autres en place, plus efficaces
encore. Il ne s’agit pas de renoncer à faire
X ou Y mais de faire mieux que X ou Y.
Cette démarche, qui peut surprendre, se
soutient à partir du présupposé suivant.
5) Le comportement addictif, en tant que
meilleure solution adoptée par le sujet, vise
des intentions positives. Le “PNListe”
n’adhère pas un seul instant à l’idée que le
comportement incriminé soit “auto-des-
tructeur” comme on l’affirme trop sou-
vent. Cette idée appartient à certains
aidants et non à la personne addictive. D’où
la question très classique que ne manquera
pas de poser le “PNListe” : “En buvant
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Le Courrier des addictions (4), n° 1, Janvier/Février/Mars 2002
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comme tu le fais, que veux-tu faire de positif
pour toi ?” Le comportement déjà séparé de
la personne, se trouve ainsi relié à un service
qu’elle veut se rendre à elle-même. Cette
manière de faire s’est révélée l’une des plus
payantes au cours des entretiens : le sujet se
sent compris, déculpabilisé et s’installe dans
un état interne favorable à la suite de l’entre-
tien. Il prend conscience qu’il existe en lui un
mécanisme qui, bien que critiqué négative-
ment, ne cherche tout compte fait qu’à lui être
utile. Il amorce de ce fait une sérieuse récon-
ciliation avec lui-même et renforce du même
coup son estime personnelle.
Le mécanisme addictif est investi comme
ayant été appris, utile et orienté vers la vie
ou la survie. Il ne s’agira pas dans la théra-
pie de “désapprendre” ce mécanisme mais
d’en apprendre d’autres, plus efficaces,
toujours destinés à satisfaire les intentions
positives du comportement mis en ques-
tion. Plus on a de choix, mieux cela vaut !
Ce n’est en effet qu’à partir du moment où
le sujet se verra proposer de meilleures
solutions que le recours à l’addiction qu’il
se motivera pour entamer une réelle
démarche de changement et d’évolution.
Encore une fois, la valeur des présupposés
exposés ci-dessus ne se mesure pas par leur
“vérité”. Ce sont ceux que mettent en jeu
les experts efficaces. Leur valeur se mesu-
re à l’aune de leur efficacité en pratique.
L’ exemple pris sera celui d’une personne en
difficulté avec ses alcoolisations, mais cha-
cune des propositions avancées pourra aisé-
ment être transférée aux autres addictions.
Sans être tout à fait assimilable à une “per-
sonnalité multiple” (multi personnality disor-
ders, ou MPD), il est opportun de concevoir
la personne en difficulté avec l’alcool comme
étant en quelque sorte clivée entre deux par-
ties d’elle-même : une partie sobre (PS) et
une partie alcoolique (PA). Il y a, d’un côté,
celle qui veut boire (PA) et, de l’autre celle
qui voudrait, soit ne pas boire, soit contrôler
ses consommations “comme tout le monde”
(PS). Ce concept de dissociation est au cœur
du modèle PNL concernant les addictions.
PA et PS sont observables et radicalement
différentes l’une de l’autre. Leurs postures,
gestes, intonations de voix, pensées, res-
sources, compétences. Sont différents.
Comme il a été dit plus haut, les comporte-
ments produits par PA et PS sont conçus
comme des moyens pour atteindre des
objectifs positifs. Ce principe de base ne
souffre aucune exception.
Exemple : PA peut avoir pour intention de
désangoisser le sujet. L’alcoolisation est
alors un moyen, le meilleur à cet instant,
pour atteindre cet objectif.
Cette méthode de recadrage a pour résultat de
dédramatiser, déculpabiliser et de réconcilier
le sujet avec cette partie de lui-même qui le
pousse à boire. On l’aura compris, cette dis-
sociation est une manière d’exprimer le
conflit intrapsychique essentiel. Nous
n’avons jamais rencontré une personne dite
“alcoolique” qui ne soit pas d’accord avec
cette manière de présenter le conflit.
La dissociation est séquentielle
Il existe deux types de dissociation :
séquentielle et simultanée. Dans la disso-
ciation simultanée, les deux parties en
conflit sont présentes en même temps. De
nombreuses techniques de psychothérapie
permettent de régler ce type de conflit.
À l’opposé, la dissociation est dite séquen-
tielle lorsque les deux parties ne sont
jamais synchrones. C’est ce deuxième cas
de figure qui se présente lorsqu’il s’agit de
problématique de conduites addictives. Du
point de vue de la communication avec le
sujet “alcoolique”, cette dissociation
séquentielle a des incidences qu’il est
impossible d’ignorer :
– Les deux parties PA et PS n’étant pas pré-
sentes en même temps, la communication
entre elles est quasi inexistante. Le sujet est
en quelque sorte dés-uni, chaque partie
ignorant l’autre.
– Lorsque le thérapeute communique avec
la personne, il communique soit avec PA,
soit avec PS, mais jamais avec les deux en
même temps.
On comprend aisément le dilemme dans
lequel se trouve placé l’aidant s’il a
conscience de cette dissociation. Si le thé-
rapeute travaille avec PS, il ne travaille pas
avec la partie qui a le problème : PA est
alors absente. Au contraire, s’il travaille
avec PA, c’est alors PS qui est absente !
La grande majorité des procédures théra-
peutiques existantes actuellement ne sont
pas conçues pour travailler dans ce cadre de
la dissociation séquentielle et ne permet-
tent de régler que les conflits engendrés par
une dissociation simultanée. C’est ainsi
que pour rester dans un cadre PNL, l’appli-
cation directe de la PNL à la personne en
difficulté avec l’alcool peut constituer un
leurre, car elle ne règle pas le noyau essen-
tiel de la problématique.
Par exemple, si le thérapeute en venait à
travailler seulement avec PS, comme cela
est souvent le cas, il renforce à son insu la
position de PS à un tel point que la PA se
sentant mise à l’écart déclenche une rechute
(réaction polaire). Pour rester dans un cadre
gagnant/gagnant, il convient de mettre en
place une procédure d’intervention dont
l’objectif est d’amener PA et PS à être pré-
sentes en même temps. En d’autres termes,
il s’agit de transformer la dissociation
séquentielle en une dissociation simultanée
avant toute autre démarche. Cette procédure
est une condition sine qua non de toute thé-
rapie ultérieure.
Cette intervention, une fois réalisée, réta-
blit la communication entre les deux parties
et permet au thérapeute de travailler avec la
nouvelle partie (NP) ainsi apparue.
Sur le plan technique la mise en application
de l’intervention précédente nécessite un
thérapeute qui soit capable de faire émerger
à volonté la PA. Cela peut se faire en
employant tout un éventail de procédés
aujourd’hui bien codifiés.
La stratégie d’alcoolisation
La stratégie d’alcoolisation, qui appartient
au processus interne, décrit les opérations
mentales effectuées par le sujet lorsqu’il se
donne envie de boire. Précise et concrète,
elle est décrite en termes de modalités sen-
sorielles (le vu, l’entendu, le senti, l’olfac-
tif et le gustatif). Elle n’est pas spécifique à
“l’alcoolique” et n’a pas de caractère
incoercible. En d’autres termes, elle n’ex-
plique que la simple envie de boire, laissant
le sujet libre de boire ou de ne pas boire.
Elle doit être impérativement distinguée du
point de vue de l’intensité de la compulsion
à s’alcooliser (paragraphe ci-après). Au
fond, la stratégie d’alcoolisation représente
la réponse à la question : “Comment fait
une personne en son for intérieur pour se
donner envie de boire ?” Stratégie d’alcoo-
lisation et compulsion à s’alcooliser sont
des mécanismes intriqués : si le premier
s’explique en termes de modalités senso-
rielles, le second s’explique en termes de
submodalités sensorielles (luminosité,
brillance, distance…). La stratégie d’alcoo-
lisation est le processus interne déclenché
par la PS lorsqu’elle doit gérer émotionnel-
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lement un contexte difficile. Si elle est
nécessaire pour déclencher la PA, elle n’est
cependant pas suffisante. Elle comporte le
plus souvent deux étapes finales au cours
desquelles le sujet se voit boire dans un
contexte donné (comme sur un écran men-
tal) avant d’être en train de boire mentale-
ment dans le même contexte (comme s’il
était dans une réalité virtuelle).
La stratégie d’alcoolisation est inconsciente
ou mal consciente, mais il est possible tech-
niquement de la mettre en évidence par
l’observation attentive du sujet et par un jeu
de questions très spécifiques.
Une fois formalisée, elle peut être aisément
déclenchée soit par le sujet lui-même, soit
par l’intervenant. On notera que la question
“pourquoi… ?” n’est pas pertinente pour
mettre en œuvre une telle stratégie.
La compulsion à s’alcooliser
La compulsion en elle-même conduit à
déclencher une attraction irrésistible pour
l’alcool. Le sujet ne peut pas ne pas boire
lorsque la compulsion se déclenche (“Il faut
que je boive, je ne peux pas ne pas boire, c’est
plus fort que moi…”).
Le mécanisme ultra-précis de la compul-
sion se détecte aisément au niveau des sub-
modalités sensorielles. Ce mécanisme est
le plus souvent d’ordre visuel mais peut
aussi, à l’occasion, être de nature auditive
et même kinesthésique.
Ce mécanisme compulsif comporte les élé-
ments suivants : un objet (ici une boisson
alcoolique), une distorsion au niveau de la
représentation sensorielle (luminosité,
brillance…), un ressenti dit compulsif et
l’acte compulsif en lui-même (boire et ne pas
pouvoir ne pas boire). La compulsion démul-
tiplie la simple envie de boire engendrée par
la stratégie d’alcoolisation pour en faire une
attraction irrésistible à s’alcooliser.
Dans le cadre de la PNL, il est possible : de
diagnostiquer une compulsion ; d’en mettre
en évidence le mécanisme précis ; d’éliminer
cette compulsion. On notera bien que, lorsque
le thérapeute a éliminé la compulsion, l’at-
traction irrésistible pour l’alcool a disparu
définitivement. Toutefois, la simple envie de
boire, à laquelle le sujet peut aisément sur-
seoir, subsiste.
La technique permet de bien distinguer qu’en-
vie de boire (ou simple désir d’alcool) et
attraction irrésistible sont le résultat de deux
processus internes concomitants, certes, mais
différents. La compulsion appartient à la PA.
La compulsion, mécanisme très ponctuel et
ultra-rapide, intervient au cours de la dernière
étape de la stratégie d’alcoolisation, juste au
moment précis où le sujet qui vient de se voir
en train de boire se retrouve mentalement dans
la situation même où il est en train de boire.
On peut dire pour résumer : la PS est placée
dans un contexte qui lui fait ressentir une
émotion désagréable et difficilement gérable
pour elle. Cette émotion (état interne)
déclenche la stratégie d’alcoolisation et, par
conséquent, l’envie de boire. En fin de stra-
tégie, la compulsion intensifie considérable-
ment cette envie de boire qui devient un
besoin irrésistible de s’alcooliser. Tout se
déroule comme si la PS avait passé le relais à
la PA pour solutionner le problème qui se
présente à elle. À ce stade, la personne en
difficulté avec l’alcool n’a pas encore bu
réellement. Elle n’a pas encore ingéré la
molécule d’alcool. Cependant, l’expérience
clinique force à constater que, même sans
avoir encore bu, elle se sent déjà nettement
mieux…
Comment l’alcoolique pourrait-il se sentir
déjà mieux sans avoir bu ?
La séquence kinesthésique
Il est bien évident que “l’alcoolique” ne boit
pas en raison du caractère toxique de l’al-
cool, mais pour ressentir les effets psycho-
tropes de l’alcool. Concernant ces derniers,
les choses se passent comme si le cerveau
avait codifié les souvenirs des effets psycho-
tropes de l’alcool, c’est-à-dire la succession
des ressentis de la PA. C’est cette succession
que l’on nomme séquence kinesthésique
(SKi). Il est possible de détecter cette séquen-
ce et de la formaliser de la manière suivante :
K1 K2 K3 K4 K5.
Dans cette séquence, chaque K représente
un ressenti particulier. Une fois repérée,
traduit en langage verbal le découpage du
flux des éprouvés sensoriels du sujet en
l’absence de toute consommation d’alcool.
Cela signifie bien que le sujet (comme le
thérapeute) peut alors déclencher à volonté
et facilement les effets psychotropes de
l’alcool sans en ingérer la molécule. Cette
séquence peut se découper en 5 ou 6 élé-
ments. Elle appartient à la PA et elle est
caractéristique d’un sujet donné.
En pratique, cette séquence peut être amé-
liorée (exemple : on peut en éliminer les
effets secondaires indésirables !). Elle peut
être accélérée (les effets psychotropes sont
obtenus plus vite qu’avec une alcoolisation
réelle !). Les effets psychotropes peuvent
être intensifiés.
Techniquement, elle est un des moyens que
peut employer le thérapeute pour enclencher
la PA en vue d’effectuer l’intervention desti-
née à réduire la dissociation séquentielle à la
dissociation simultanée. (Cela veut égale-
ment dire qu’il est relativement facile d’ap-
prendre à un alcoolique ou à un toxicomane à
obtenir les effets du produit sans en absorber
la molécule).
L’ e xistence de la séquence SKi éclaire le
phénomène du flash-back chez le toxico-
mane ou l’ivresse mentale (cuite sèche)
chez l’alcoolique.
Le comportement alcoolique, cas particu-
lier de l’alcoolisation, peut être défini
comme l’utilisation par le sujet d’une dis-
sociation sévère dans les contextes de la vie
quotidienne difficilement gérables autre-
ment. La finalité d’un tel mécanisme est de
l’ordre de l’évitement d’un état interne
désagréable et de la mise en place d’un
fonds émotionnel permettant la survie.
Dans le cadre de ses objectifs positifs à
l’égard du sujet dans sa globalité, la PA
produit un comportement d’alcoolisation
qui constitue un mécanisme de survie.
C’est dans ce sens que le comportement
alcoolique est plus une solution qu’un pro-
blème.
On comprendra facilement que demander à
un alcoolique de cesser de boire d’une
manière ou d’une autre, sans autre forme
de procès, c’est lui demander, voire exiger
de lui, de renoncer à la meilleure des solu-
tions qu’il a pu mettre en place jusqu’ici.
Le système “causal” d’Aristote
Il est possible de mettre un peu d’ordre dans
le matériel conceptuel du champ alcoolo-
gique en faisant appel aux quatre causes chez
Aristote. Ce dernier distingue en effet :
Les causes formelles
Elles sont liées aux définitions et présuppo-
sés posés par le spécialiste et à sa manière de
percevoir les choses. La cause formelle est ce
qui définit le caractère essentiel d’un phéno-
mène. Les implications concernant les
mesures à mettre en œuvre ne sont pas les
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Le Courrier des addictions (4), n° 1, Janvier/Février/Mars 2002
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mêmes si je définis l’alcoolisme comme une
maladie, un comportement, un phénomène
héréditaire, une sociopathie, etc. Autrement
dit, la cause formelle en dit souvent plus sur
les intentions de l’expert que sur le phéno-
mène perçu en lui-même.
Les causes antécédentes (ou mécaniques)
C’est la forme de causalité à laquelle on
pense le plus souvent pour décrire un phé-
nomène. Alors que la cause formelle est
hors du temps, la cause antécédente se rat-
tache clairement au passé et évoque une
chaîne d’actions, de décisions, d’événe-
ments, qui s’inscrivent dans une relation
linéaire de cause à effet.
En matière d’alcoolisme, faire appel à
l’histoire personnelle du sujet pour expli-
quer les difficultés actuelles avec l’alcool
relève de ce type de causes.
Les causes contraignantes (efficientes)
Elles sont rattachées au présent et consti-
tuent un véritable système de paramètres
qui jouent dans un sens ou dans un autre
sur l’alcoolisme du sujet.
Ces causes sont inscrites dans le contexte :
réactions de l’entourage, lois et règlements
sur l’alcool au travail, insertion ou non
dans le corps social, etc.
Ce sont des contraintes potentielles, pré-
sentes ou non, et qui maintiennent la struc-
ture du phénomène en place sans toutefois
prendre en compte ses origines.
Les causes finales
Elles sont rattachées à l’objectif visé et aux
effets escomptés et par conséquent reliées
au futur. Elles guident et influencent l’état
présent du système en lui donnant de la
signification, de la pertinence ou une finali-
té. Aristote disait : “L’esprit fait ce qu’il fait
pour une chose en soi, laquelle chose
détient sa propre fin.
Les causes finales sont du domaine du rôle
d’une chose ou de son identité en tenant
compte du système plus vaste dans lequel
s’inscrit la chose considérée.
Par exemple, si j’avance que la dissociation
séquentielle de la personne addictive assure
sa survie, je suis dans le cadre des causes
finales. Il en est de même si je dégage les
intentions positives de la PS.
Le système causal ainsi décrit est complexe
mais permet à chaque instant de structurer
un phénomène comme celui des addictions :
pour tenir à son propos un discours cohé-
rent ; pour organiser les informations de
manière à apporter des solutions.
D’où vient la dissociation
séquentielle ?
Comme on a pu le constater, il est possible
de recueillir un ensemble d’informations
dans l’ici et maintenant (causes contrai-
gnantes) qui s’organisent en une sorte de
système ayant “valeur explicative” : la stra-
tégie d’alcoolisation, la séquence kinesthé-
sique, la compulsion, le clivage PA/PS…
Ce sont les aspects synchroniques de l’al-
coolisme, les éléments et facteurs mis en
jeu appartenant à un seul et même moment
de la vie du sujet.
Mais dès le moment où l’on se demande
d’où vient la dissociation, comment s’est-
elle installée, on entre dans le domaine des
causes antécédentes ou dans l’ordre dia-
chronique. L’esprit est alors orienté vers le
passé…
Cette dissociation a-t-elle été causée par le
produit alcool ? Était-elle présente avant
l’alcoolisation ?
Qu’est-ce qui rend compte que certaines
personnes s’alcoolisent sans que cela ne
leur pose de problème ? Qu’est-ce qui fait
que d’autres, au contraire, éprouvent plus
ou moins vite des difficultés avec l’alcool ?
Dans mon expérience clinique personnelle,
j’ai trouvé que, dans environ un tiers des
cas de comportement addictif, on note la
présence d’un ou plusieurs traumatismes
extrêmement sévères (viols, incestes,
enfants battus, deuils…). Ces traumatismes
sont en grande majorité antérieurs à tout
comportement addictif. Ils ont eu lieu dans
l’enfance, l’adolescence ou même à l’âge
adulte. Leur extrême sévérité est, souvent,
le caractère socialement inacceptable de
ces traumatismes qui doivent être estimés
principalement en fonction de la mentalité
du sujet à l’âge où ils sont survenus. C’est
ainsi qu’il peut quelquefois s’agir de trau-
matismes qui pourraient paraître bénins
aujourd’hui mais ne l’étaient manifeste-
ment pas à l’époque où ils sont survenus.
Il apparaît alors que c’est au cours de ces
traumatismes que le sujet a mis en place
cette faculté extraordinaire de se dissocier
afin de survivre. Vue sous cet angle, la dis-
sociation peut être considérée comme un
don ou un mécanisme de survie. C’est là,
semble-t-il, que le futur “addictif” aurait
appris, dans l’urgence, à gérer une émotion
fortement désagréable.
Que ce traumatisme, aussi sévère soit-il,
puisse être considéré comme la seule et
unique “cause” de l’addiction, je l’ignore
totalement. D’ailleurs, cela est d’une
importance secondaire en pratique.
En revanche, l’expérience clinique faite dans
le cadre de la PNL montre que, lorsque les
aspects synchroniques du problème ont été
solutionnés et que le sujet n’a pas encore tout
à fait retrouvé son bien-être, il est utile, et
même nécessaire, de rechercher et de traiter
ces expériences traumatisantes.
La PNL est une discipline très bien outillée
pour atteindre cet objectif.
L’empreinte d’alcoolisation
Toujours dans le cadre des aspects diachro-
niques, on notera que les premières expé-
riences d’alcoolisation constituent souvent,
chez de nombreux sujets, des expériences
hautement significatives. Ce sont elles qui ins-
tallent l’urgence du recours à l’alcool en rai-
son des modifications de la perception qu’en-
traîne l’usage de ce produit psychotrope.
On nomme ici empreinte le souvenir inou-
bliable des effets ressentis dans un contexte
émotionnel difficile (ou même, parfois, cet
“en plus” de plaisir ressenti sans qu’il y ait
forcément une émotion difficile à gérer). Il
est clair que, si ces expériences de référence
avec l’alcool n’avaient pas eu lieu, le rôle
renforçateur des expériences répétées au fil
du temps n’eût même pas à être évoqué. Dès
lors, il y a tout intérêt à faire en sorte d’alté-
rer la représentation mentale de ces expé-
riences avec le psychotrope. C’est réalisable
techniquement avec le même type d’outilla-
ge qu’au paragraphe précédent.
Schéma général d’intervention
pour addictions (SGIA)
Ce SGIA est une procédure à géométrie
variable, dont les grandes lignes peuvent
être résumées de la manière suivante :
L’entretien avec la personne addictive
L’entretien a été inclus dans le SGIA et consti-
tuerait de manière avantageuse une sorte de
“tronc commun” pour les différents profes-
sionnels de la santé, de l’éducation et du
social. Il correspond à l’application des pré-
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