La Lettre du Cardiologue • n° 447 - septembre 2011 | 23
Points forts
»Il est impératif d’informer les patients sur les nouvelles limites physiologiques qu’impose la survenue
d’une maladie.
»
Sur le plan juridique, le médecin doit assurer une traçabilité de l’information délivrée (note dans le
dossier, courriers avec le médecin traitant, etc.), faute de quoi il pourrait être rendu en partie responsable
de l’accident provoqué par son patient qui serait passé outre ses conseils oraux.
»Enfin, le secret médical s’impose à tout médecin, qui ne peut en aucun cas divulguer la maladie de son
patient à un médecin du travail, quel que soit le niveau de risque de la profession exercée.
Mots-clés
Secret médical
Information
Traçabilité
Highlights
Patients must be informed of
their physiological limitations
when a disease is discovered.
For legal reasons, physicians
need to perform a systematic
traceability of the informations
they have given to patients
(medical record, mail to general
practitioners, etc.), otherwise
their liability could be involved
if their patients have ignored
medical advices and have
provoked an accident.
Whatever the risks of patient’s
work, physicians must always
respect medical confidentiality.
Care physicians can not have
direct communication with
occupational physicians.
Keywords
Medical confidentiality
Information
Traceability
Il n’est pas toujours facile, sur les seuls éléments de
l’examen clinique, de se prononcer sur l’aptitude ou
non à la conduite. Contre-indiquer la conduite auto-
mobile à un patient reste une situation délicate, car
elle risque d’exposer celui-ci à un isolement, surtout
lorsqu’il habite en zone rurale, et, par conséquent,
d'augmenter sa dépendance aux autres. Lorsque le
médecin se sent isolé ou hésite sur l’aptitude de
son patient, il doit faire appel à tous les spécialistes
susceptibles de l’aider à se forger une conviction :
rythmologue, ORL, ophtalmologue, neurologue, etc.
De façon prospective, lorsque l’on détecte un déclin
des aptitudes physiques ou neuropsychologiques, il
est important de commencer à préparer psycholo-
giquement le patient au fait qu’un jour, il ne pourra
peut-être plus conduire. Avec l’âge, ou lorsqu’il existe
une pathologie débutante, il convient peut-être déjà,
dans un premier temps, de déconseiller certaines
situations à risque : longs déplacements, conduite
nocturne, etc. Il ne faut pas hésiter à dresser pour
le patient la liste de ses atteintes extracardiaques :
cela lui permettra de mieux prendre conscience du
risque encouru. Si la situation est trop difficile à
trancher et si le patient est compliant, le médecin
peut toujours lui conseiller de se rendre auprès d’un
médecin agréé pour la visite des permis de conduire
(médecins libéraux désignés par les préfets), ou bien
de passer devant la commission médicale primaire
des permis de conduire (2 médecins généralistes qui
peuvent faire appel à un spécialiste).
Par la suite, lorsque la situation médicale devient
délicate et que le patient se montre réticent, il est
impératif de le sensibiliser à ses responsabilités :
s’il devait être à l’origine d’un accident sur la voie
publique, celui-ci serait d’abord grave pour lui sur
le plan physique (blessures liées au choc, parfois
aggravées par la prise d’antiagrégants ou d’anticoa-
gulants), mais également sur le plan des décom-
pensations de la maladie pour laquelle il est suivi.
En plus des conséquences physiques pour lui, la perte
du contrôle du véhicule peut aussi entraîner des
blessures pour ses passagers (conjoints, enfants)
et les personnes percutées, ou leur décès. Elle
peut également occasionner des dégâts matériels
majeurs. S’il survit à l’accident, le conducteur peut
avoir à assumer personnellement la réparation finan-
cière des dommages matériels et corporels de ses
victimes, s’il est prouvé qu’il n’a pas tenu compte de
son état de santé et des conseils donnés. En cas de
décès, ce sont ses ayants droit qui pourraient être
mis à contribution.
On comprend bien alors le rôle majeur du médecin
et l’importance de sa responsabilité face à la décou-
verte d’une maladie susceptible de remettre en cause
l’aptitude à la conduite. Si le médecin traitant ou
le cardiologue ne peut pas concrètement empê-
cher son patient de prendre le volant, il a un devoir
d’information dont il devra prouver la matérialité,
notamment par des annotations dans le dossier
médical attestant qu’il a conseillé de réduire ou de
cesser la conduite automobile.
Lorsque le patient vient accompagné de membres
de sa famille, il ne faut pas hésiter à les prendre à
témoin et à leur recommander de débattre ensemble
la question. Il est important de mentionner cette
discussion et cette recommandation dans le dossier
médical, ainsi que dans les courriers échangés avec
le médecin traitant ou les autres praticiens solli-
cités. Ces différents écrits sont autant de preuves des
conseils donnés sur l’arrêt de la conduite automobile.
Si l’on doute du suivi des conseils, il convient de
passer à la vitesse supérieure, à savoir envoyer
au patient un courrier recommandé le menaçant
d’arrêter son suivi médical s’il persiste à conduire
malgré les différentes mises en garde. Cette dernière
mesure reste bien entendu exceptionnelle, et il est
préférable de privilégier le dialogue avec son patient,
en lui expliquant les risques. La famille peut servir
de relais. Elle peut aussi, de son côté, saisir direc-
tement le préfet qui convoquera le patient pour un
examen d’aptitude.
Concernant les conducteurs professionnels (routier,
conducteur de train, pilote, etc.), la responsabilité
du médecin et du cardiologue est encore plus impor-
tante, puisqu’un accident peut avoir des consé-
quences encore plus lourdes en raison du nombre
de passagers transportés ou du véhicule conduit. La
traçabilité de l’information du patient est capitale.
Si l’on est face à un patient récalcitrant, qui n’a
manifestement pas l’intention de se soumettre aux
examens légaux ou qui cherche à cacher son état,
il ne faut pas hésiter non plus à prescrire un arrêt
de travail prolongé − ce qui déclenchera automati-
quement une visite à la reprise −, ou bien à le faire