Aspects médico-légaux de l'aptitude professionnelle des patients atteints de cardiopathies SNSMCV -- Syndicat - Vie syndicale - Services aux syndiqués - Juridique - Chroniques juridiques 2007 -- Chroniques juridiques 2007 Résumé : Aspects médico-légaux de l'aptitude professionnelle des patients atteints de cardiopathies Par Cédric Gaultier (Le Cardiologue n° 307 Décembre 2007) La survenue d'un événement cardiologique est rarement sans conséquence pour l'aptitude professionnelle des patients. Le cardiologue doit être capable de définir les risques éventuels liés à la maladie. En raison d'un impact médico-légal certain, il convient de s'interroger sur Equipe éditoriale l'imputabilité possible du travail dans la maladie, sur l'aptitude ultérieure au travail, sur la manière de communiquer avec le médecin du Publié le lundi 21 avril 2008 travail et surtout de réfléchir sur les moyens de preuves d'information du patient concernant les risques professionnels liés à la maladie. Fichier PDF créé le dimanche 2 octobre 2011 SNSMCV Page 1/4 Aspects médico-légaux de l'aptitude professionnelle des patients atteints de cardiopathies La survenue d'un événement cardiologique est rarement sans conséquence pour l'aptitude professionnelle des patients. Le cardiologue doit être capable de définir les risques éventuels liés à la maladie. En raison d'un impact médico-légal certain, il convient de s'interroger sur l'imputabilité possible du travail dans la maladie, sur l'aptitude ultérieure au travail, sur la manière de communiquer avec le médecin du travail et surtout de réfléchir sur les moyens de preuves d'information du patient concernant les risques professionnels liés à la maladie. Imputabilité du travail dans la survenue d'une pathologie cardiaque Il existe une proportion non négligeable d'accidents cardiologiques survenant sur le lieu de travail, poussant certains patients à revendiquer une responsabilité du travail dans leur maladie, voir même de parler de maladie professionnelle ! Le cardiologue doit se garder de rédiger des certificats, sous le coup de l'émotion suscitée, qui retiendraient un peu facilement un lien de causalité. Comme toujours, le médecin rédigera son certificat en se basant uniquement sur des faits objectifs qu'il a pu constater luimême et se gardera de toute interprétation hasardeuse. C'est au patient et à ses conseils qu'il appartiendra de prouver qu'il existe un lien entre le travail et la survenue d'un événement cardiaque. Poursuite de l'activité professionnelle après la découverte d'une cardiopathie Il convient d'abord de ne pas confondre « inaptitude » et « invalidité ». Sur le plan de l'organisation légale du travail, le cardiologue traitant n'est pas habilité à décréter l'aptitude ou l'inaptitude d'un patient à tel ou tel poste. Cette mission incombe au médecin du travail qui connaît parfaitement les contraintes physiques et psychologiques du poste occupé par le patient. Cependant, le cardiologue doit s'interroger sur le retentissement professionnel possible des pathologies et informer le patient sur les caractéristiques de la maladie : stade, risque évolutif, traitements nécessaires et contraintes de suivi. Dans l'urgence, il peut prescrire des arrêts de travail. Le cardiologue peut alors suggérer à son patient de demander, auprès de la médecine du travail de son entreprise, une visite de pré-reprise, s'il est en arrêt de travail ou une visite spontanée s'il est en activité. Il est en effet important de mettre le patient à l'abri d'une déstabilisation de sa maladie par sa fonction professionnelle. Il va sans dire que certains postes « physiques » ne sont pas compatibles avec une coronaropathie lourde, ou une cardiomyopathie obstructive. Dans le même esprit, la récidive de la maladie pendant le travail ne doit pas exposer le patient ou son environnement à un accident. Il convient alors d'identifier les patients qui présentent un risque significatif de syncopes (coronaropathies, troubles du rythme, RAC...), lorsqu'ils occupent un poste de sécurité. En effet, la responsabilité du médecin pourrait se voir recherchée si un patient, par sa maladie, était à l'origine d'un accident corporel ou matériel lourd (conducteur d'engins, de transports en commun) avec des conséquences financières « astronomiques », que le médecin ne soupçonne pas un instant pendant sa consultation. C'est donc le médecin du travail qui doit se déterminer sur l'aptitude du patient à poursuivre son SNSMCV Page 2/4 Aspects médico-légaux de l'aptitude professionnelle des patients atteints de cardiopathies activité au poste pour lequel il était employé. Dans certains cas, le patient pourra être reconnu comme « travailleur handicapé » et bénéficier d'un aménagement de son poste de travail. Lors de la visite de pré-reprise, la médecine du travail peut également envisager une reprise en temps partiel thérapeutique, qui peut débuter à 3 demies journées par semaine et augmenter progressivement selon les circonstances. Si le patient est déclaré « inapte » au poste et qu'il n'y pas de possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, il sera licencié. Cela ne veut pas dire automatiquement qu'il est « invalide » au travail. La qualification d'invalide ne dépend pas de la médecine du travail. Celle-ci est prononcée par le médecin de la sécurité sociale. Communication entre les médecins traitants et la médecine du travail C'est une question particulièrement délicate à traiter. Le bon sens voudrait que le médecin traitant informe le médecin du travail pour que celui-ci définisse l'aptitude du patient à la reprise du travail. Cela étant, il faut rappeler que le médecin du travail ne participe pas aux soins des salariés dont il a la charge dans l'entreprise. Il n'y a donc théoriquement pas de secret médical partagé entre les médecins traitants et la médecine du travail. Même si, dans la pratique, les médecins traitants (dont les cardiologues) sont régulièrement sollicités directement par les médecins du travail, ils doivent être particulièrement vigilants dans l'échange d'information. Aucun courrier ou document ne doit être envoyé directement au médecin du travail (même dans une enveloppe cachetée avec la mention inscrite « Secret Médical »). Ces informations confidentielles sont toujours susceptibles d'aboutir à une décision d'inaptitude, voire de licenciement préjudiciable au patient. Il est donc impératif de faire transiter toute information médicale par le patient lui-même. Pour autant, ce document doit être parfaitement clair sur la maladie, ses traitements et ses risques évolutifs. De surcroît, il est formellement déconseillé de rédiger un certificat de contre-indication à certains travaux, en demandant au patient de le remettre à son employeur. Sur le plan pratique, après une information orale, le médecin doit idéalement faire figurer la mention suivante : « Certificat établi à la demande de M. X, qui est averti des conséquences professionnelles liées à la production de ce certificat ». Pour éviter le moindre risque de contestation ultérieure avec la dénonciation d'une violation du secret médical, il n'est pas superflu de faire contresigner le certificat par le patient pour attester le passage du document entre ses mains. Dans le sens inverse, il n'y pas de risques particuliers pour le médecin du travail de communiquer des informations vers les médecins traitants, car ces informations n'ont pas, a priori, de conséquences préjudiciables pour le patient. Néanmoins, comme pour tout médecin, l'accord du patient est toujours nécessaire avant la transmission d'informations médicales. Devoir de conseil et traçabilité Le cardiologue doit, très clairement, être capable de prouver qu'il a informé son patient des risques inhérents à sa maladie pour lui et son environnement professionnel. SNSMCV Page 3/4 Aspects médico-légaux de l'aptitude professionnelle des patients atteints de cardiopathies Comment réagir face à un pilote de ligne, qui, suite à une angioplastie complexe de l'interventriculaire antérieure sans aucune trace d'ischémie résiduelle sur l'ECG, vous annonce qu'il veut reprendre son travail et qu'il ne veut rien déclarer à la médecine du travail ? Il ne faut pas se contenter de simples conseils donnés oralement. La traçabilité peut se faire au minimum par une mention manuscrite dans le dossier médical, mais il existe toujours un risque possible de contestation, puisqu'il s'agit d'un document non partagé, donc suspect de modification ultérieure. Idéalement, un courrier sera adressé au médecin généraliste ou au patient lui-même (éventuellement en recommandé avec accusé de réception). Un arrêt de travail suffisamment long sera prescrit, de manière à ce que le patient doive repasser une visite de reprise auprès du médecin du travail (une copie de cet arrêt de travail sera conservée dans le dossier). Bien entendu, un envoi de courrier directement au médecin du travail ou à l'entreprise est à proscrire, pour des raisons évidentes de violation du secret médical, passible de sanctions ordinales, civiles et pénales ! Enfin, pour convaincre le pilote, il n'est pas inutile de lui rappeler que s'il était prouvé qu'il n'avait pas suivi les recommandations médicales, ses ayants droit pourraient se voir poursuivis pour les conséquences financières du crash dont il serait responsable... Si ces méthodes peuvent apparaître un peu excessives et peu « commerciales », il vaut mieux se fâcher une fois tous les 5-10 ans avec un pilote irresponsable, plutôt que d'avoir à assumer la responsabilité d'un crash d'un avion de petite ou moyenne taille (classiquement sans co-pilote) sur une zone urbaine ! Conclusion La découverte d'une cardiopathie impose une réflexion du cardiologue sur l'aptitude professionnelle de son patient. Une information précise du patient sur les risques de sa maladie doit être délivrée avec une traçabilité optimale, pour se prémunir d'éventuelles poursuites si le patient ne tenait pas compte des recommandations médicales et qu'il était à l'origine d'un accident lié à sa maladie pendant son travail. La communication avec la médecine du travail doit se faire indirectement, avec toujours le patient comme intermédiaire, qui doit être informé des conséquences professionnelles (inaptitude, licenciement) de la transmission d'informations médicales. SNSMCV Page 4/4