VF VF VF S &O Q B UJR R Q J S O U B & R J U Poser d’emblée B O QlaSquestion & des consommations Respecter le déni, sans jugement ni banalisation Mireille Becchio* Qu’ils soient "addicts" ou aient des problèmes psychiatriques, le plus important est que les patients soient pris en charge, simplement, sans jugement. Comme n’importe lequel des patients qui viennent consulter dans un cabinet médical. Comme tous les patients souffrant de pathologies chroniques, parfois difficiles "à manager" dans la durée. Un plaidoyer pour une pratique humble mais efficace de la présidente du Réseau Val-deMarne-Ouest, RAVMO. Plus jamais ça ! Comment et pourquoi j’ai appris à poser la question des consommations de produits Généraliste en 1977, je n’avais pas appris à poser la question des consommations de produits dangereux pour la santé mentale ou physique, ni à annoncer une nouvelle difficile à entendre ou à dire (un cancer, une séropositivité, etc.). Ne posant pas la question, je n’avais parmi les patients, ni fumeurs de cannabis, ni consommateurs d’alcool ou autres drogues. Jusqu’au jour où j’ai été confrontée à des problèmes que je n’avais pas appris à résoudre ! David, 17 ans, est mort dans les toilettes d’un café, avenue d’Italie, d’une overdose. Je n’avais pas mesuré le danger du passage à l’acte. Il avait tout négocié et vendu dans la maison de ses parents qui se plaignaient de ses crises d’anxiété et de ses vols. Je me suis dit : "Plus jamais ça ! je suis généraliste, médecin de famille, je vais chercher comment améliorer ma pratique !" J’ai cherché... à ne pas rester seule ...Et à mieux choisir les formations proposées aux professionnels, ouvrir les yeux et les oreilles pour m’informer, écouter les patients. J’ai retrouvé la mémoire de mon engagement d’étudiante en militant au planning familial en 1972, avant la loi "Simone Veil", en participant à la revue du Comité de liaison et d’information sur la santé et les conditions de travail (CLISACT). J’avais appris alors l’écoute active dans les échanges avec les femmes en difficulté, les ouvriers de Ferrodo touchés par l’amiante, les mineurs silicosés de Liévin. Tous étaient avides de connaissances, mais donnaient les leurs en échange. Et cette mutualisation faisait avancer tout le monde. * PA MG UFR Paris-XI, présidente du réseau RAVMO, Réseau addictions Val-de-Marne Ouest-RAVMO, 9, rue Guynemer, 94800 Villejuif. Tél. : 01 46 77 02 11. Fax : 01 42 11 96 29. Email : [email protected] L’expérience des patients et des usagers L’enseignement des patients séropositifs Les premiers patients VIH + soignés dans les années 1980 "qui en savaient plus que nous", annonçaient leur diagnostic, leur pronostic en disant tranquillement "je vais mourir, j’organise mon après". Après les avoir pleurés, nous n’avons plus jamais évité de "dire la vérité" si le patient le désirait et pouvait le supporter, y compris pour les autres maladies, cancers, maladies chroniques. J’ai repris alors mon bâton de montagnarde, participé à la formation des professionnels de santé à Villejuif, des étudiants à la faculté Paris-XI et tout naturellement à la création du réseau RAVMO, puis DEP SUD, car cela répondait à un besoin personnel et de terrain. La rencontre, les échanges avec les professionnels exerçant de manière différente de ma pratique, les formations "réseau" ont enrichi mon expérience et mes capacités d’écoute, de reformulation et de connaissance de mes patients. L’expérience des usagers D’emblée, ce qui m’a plu dans le travail en réseau comme nous l’avons imaginé et "osé" c’est que les usagers, ex-usagers, faisaient partie intégrante du travail et des projets. La commission alcool, la plus active depuis les débuts du réseau a associé dès le début des représentants d’associations d’entraide d’usagers dépendant à l’alcool. Les groupes de parole pour les fumeurs ont invité des ex-fumeurs, mais aussi des experts et des professionnels qui viennent se former à la tabacologie. Les fiches "protocoles de bonnes pratiques" sont le fruit du travail commun des usagers, patients, ex-usagers, professionnels formés ou en formation sur les addictions, les maladies mentales. 31 Addict juin0910 ans.indd 31 Ce sont les ex-dépendants d’alcool qui nous ont appris à mieux poser les questions : "j’ai attendu pendant de trop longues années que mon médecin me pose la question de mes consommations d’alcool". Les patients ex-fumeurs ont donné des clés "pour parler sans juger ni banaliser, en acceptant le déni, en revenant plus tard si besoin". Tous nous ont appris avec leur parcours chaotique, leur trajectoire de vie, leurs antécédents. Tous nous ont convaincus que ce qui compte c’est l’empathie du soignant, la relation médecin-patient, pouvoir échanger avec le soignant qui "s’assoit pour parler", regarde dans les yeux, ne dévie pas son regard, ni son écoute. Et accepte le patient "tel qu’il se présente". Y compris avec son déni ! Au départ, ce n’est pas le produit qui compte, ni de savoir s’il y a plusieurs produits utilisés, mais le patient avec sa souffrance, son vécu dans sa globalité. Et, toujours, "laisser la porte ouverte" à la possibilité de parler des consommations de produits. Il ne s’agit pas de s’attacher à un produit pour en réduire ou arrêter sa consommation, sans prendre en charge le patient dans sa globalité. Sans chercher avec lui la voie sur laquelle il va s’engager "pour se reconstruire différemment, sans produit". Arrêter le produit par un sevrage "sec”, c’est exposer ce patient à une reconsommation, voire au passage à un autre produit. Certains patients vont parler spontanément, d’autres attendront une consultation ultérieure, voire des mois plus tard. Nous aurons posé la question et tous saurons que "nous sommes à l’écoute". Humbles et efficaces Le message minimal On pose la question : "Fumez vous ?" Si le patient répond "Oui", on peut lui demander depuis quand, dans quelles conditions, à quelle fréquence, combien de cigarettes, puis : "Avezvous pensé à diminuer, voire à arrêter vos consommations ?" Enfin, on conclut : "Le jour où vous voudrez vous arrêter, je peux vous aider... ou vous donner des adresses". Si nous, les professionnels, soignants ou non, assistants sociaux, dentistes, infirmiers, pharmaciens, médecins... posons cette simple question, nous avons toutes les chances d’obtenir qu’un patient sur dix diminue spontanément sa consommation d’alcool ou de cannabis, un sur vingt celle de tabac, sans rien faire de plus ! Cela nous rend humbles, mais combien efficaces ! Pour l’alcool, le message minimal consiste à poser la question, puis à demander "connaissez-vous les normes OMS au sujet des consommations maximales conseillées ?" Réponse très simple, elle aussi : deux verres par jour pour une femme, trois verres pour un homme et pouvoir se passer de consommation un ou deux jours par semaine. Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 2 – avril-mai-juin 2009 24/06/09 9:33:40 VF VF VF S &O Q B UJR R Q J S O U B & R J U O QS B & Et que faire de la réponse ? La réponse amène d’autres questions qui nous permettent de déterminer si le patient est en danger vital, ou danger vital différé, ou bien consommateur excessif, ou simple usager. Dans ce dernier cas, pas d’autre intervention à mettre sur pied que la simple information, le rappel des normes pour les toxiques "licites" et encouragés par la société hypocrite via les publicités déguisées ! Ensuite, la consultation se déroulera en intégrant les réponses dans la prise en charge globale du patient qui repartira avec la conclusion de la consultation, celle-ci ayant à voir ou pas avec ses consommations. Au total, si nous voulons aider les patients, qu’ils soient "addicts" ou aient des problèmes psychiatriques, le plus important est qu’ils soient pris en charge, simplement, sans jugement, comme des patients ordinaires. Comme tous les patients chroniques avec des pathologies longues, parfois difficiles "à manager" dans la durée de prise en charge. Patients, si vous voulez aider les médecins qui ne posent pas encore la question, demandez leur : "Docteur, vous ne me demandez pas si je fume et si je bois et dans quelles conditions ?" L’auteur signale qu’elle n’a pas de conflit d’intérêt à déclarer avec l’industrie pharmaceutique. v Bibliographie (les livres qui m’ont aidée) – Loi du 4 mars 2002 et décret du 29 avril 2002 sur l’information du patient. – Buckman R. S’asseoir pour parler : l’art de communiquer les mauvaises nouvelles aux malades. Inter éditions Masson, 2003. – Landry-DattéeN, Delaigue MF. Hôpital silence – L’enfant et la Vérité. Calmann Levy, 2001. – Dolto F. Parler juste aux enfants. Le complexe du homard. – Balint M. Le médecin, le malade et sa maladie. Payot, Paris, 1966. – Basaglia F. Qu’est ce que la psychiatrie. Puf, 1977. – Tomkiewicz S. L’adolescence volée. CalmannLévy, 1999. Hachette littérature, 2001. – Buten H. Quand j’avais cinq ans je m’ai tué. Points Seuil, 2004. – Miller WR, Rollnick S. L’entretien motivationnel. Inter éditions, traduction Yves Michaud et Dorothée Lecailler, juin 2006. – Molimard R. Petit manuel de Défume : se reconstruire sans tabac. – Molimard R. La fume : smoking. vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv dence du Pr Boyan Christophorov (modérateur : Dr Didier Touzeau). Argument : Malgré bien des idées reçues, les patients dépendants des opiacés font l’expérience des phénomènes douloureux. Ils rencontrent à la fois une hyperalgésie et une tolérance aux opiacés. Ils nécessitent en cas de douleur aiguë une adaptation de leur traitement faite paradoxalement pour les non-initiés de doses plus fortes, d’une fréquence plus grande et d’une durée plus longue d’administration. À partir des données neurobiologiques et de recherches cliniques, cet atelier exposera certains aspects pratiques de cette prise en charge. – Introduction – Dr Pascal Courty (Clermont-Ferrand). – Aspects neurobiologiques de la douleur – Dr Florence Noble (Paris). – Étude TOXIDOL : évaluation des seuils nociceptifs chez des patients sous TSO – Dr Nicolas Authier (Clermont-Ferrand). – Étude clinique des modalités de prise en charge de la douleur aiguë chez les patients substitués par la buprénorphine ou la méthadone – Dr Vincent Bounes (Toulouse). – Douleurs et interventions chirurgicales – Dr Christian Dualé (Clermont-Ferrand). 23 septembre 2009 – Mutualité française à Paris de 14 h à 18 h – Collège professionnel des acteurs de l’addictologie hospitalière. Sous la direction du Pr François Paille, réunion annuelle du COPAAH autour des thématiques suivantes : Le suivi national du Plan addiction ; Avancées et difficultés de la déclinaison du plan en régions ; Rapport des groupes de travail du COPAAH. 24-25 septembre 2009 – Maison de la Mutualité à Paris – 3es assises nationales organisées par la Fédération française d’addictologie (FFA) sur le thème : Addictions, sciences et société. Coordination : Dr Alain Morel. 24-25 septembre 2009 – Zurich, Suisse – 1st International Symposium on Hepatitis care in substance users. Inscriptions et renseignements scientifiques : ARUD Zurich Konradstr. 32 8005 Zurich Suisse. Tél. : +41 44 446 50 10 Fax : +41 44 446 50 15. E-mail : sekretariat@ arud-zh.ch 13 au 16 octobre 2009 – Casino Bellevue à Biarritz – THS 9, les Rencontres de Biarritz. Des débats publics de société seront organisés sur les thèmes : addictions ; prévention et traitement des co-infections par le VIH et les hépatites B et C et réduction des risques et politique des drogues. Renseignements sur le site Internet : www.ths-biarritz.com. Les propositions de communications sont à envoyer à l’adresse suivante : [email protected]. THS 8 : Les rencontres de Biarritz, association Bizia-MdM, CHCBBP 08, 64109 Bayonne Cedex. Tél. +33 5 59 44 31 00. Portable : +33 6 33 56 22 97. Fax : +33 5 59 52 08 16. www.ths-biarritz.com 13-16 octobre 2009 – Journée de la Soçiété d’addictologie francophone (SAF) au cours de THS 9 à Biarritz sous la prési- Le Courrier des addictions (11) –­ n ° 2 – avril-mai-juin 2009 Addict juin0910 ans.indd 32 22 octobre 2009 – Faculté de médecine de Nancy – 2e Rencontre régionale sur le thème : Contrôle du tabac : objectif jeunes. 26-27 novembre 2009 – Palais des Congrès Le Quartz à Brest, centre de congrès, square Beethoven, 60, rue du Château, BP 91039, 29210 Brest Cedex 1 – 3e Congrès de la Société française de tabacologie (SFT) sur le thème : Tabac et santé. Arrêter le tabac en douceur : DVD interactif de Marion Adler, tabacologue et Valérie Barres, sophrologue professionnelle. 32 24/06/09 9:33:41