Prise en charge des gynécomasties et/ou douleurs

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Prise en charge des gynécomasties et/ou douleurs
mammaires induites par le bicalutamide 150 mg
chez des patients atteints de cancer de la prostate
Treatment of gynecomastia and/or breast pain induced
by bicalutamide 150 mg in patients treated for locally advanced
prostate cancer
● Elias Haddad*
R ÉSUMÉ . L’activité pharmacologique du bicalutamide 150 mg rend non seulement compte de son efficacité en tant que traitement adjuvant à la prostatectomie radicale ou à la radiothérapie externe, mais aussi de l’existence de gynécomasties et/ou de
douleurs mammaires chez de nombreux patients. Le tamoxifène réduit significativement l’incidence de ces deux effets indésirables et a démontré sa supériorité sur la radiothérapie et l’anastrozole.
S UMMARY . The mechanism of action of bicalutamide 150 mg explains its efficacy as an adjuvant treatment to radical prostatectomy or external radiotherapy and also the unexpected arrival of gynaecomastia and/or breast pain among many patients.
Tamoxifen decreases significantly these two side effects incidence and has proven its superiority against radiotherapy and
anastrozole.
e cancer localement avancé de la prostate (stade T3)
est un cancer à haut risque de progression locale, métastatique et de décès (1).
Les traitements premiers seuls (prostatectomie radicale ou
radiothérapie externe) ne sont pas des traitements adaptés du
cancer de la prostate de stade T3 (2, 3).
En revanche, l’association traitement premier (prostatectomie
radicale ou radiothérapie externe) et hormonothérapie adjuvante (goséréline ou bicalutamide 150 mg) a démontré son efficacité dans cette indication, aussi bien en termes de réduction
du risque de décès que du risque de progressions cliniques et
biologiques (3-5).
Ainsi, les résultats de la troisième analyse du programme Early
Prostate Cancer (EPC) – qui est le plus vaste programme
d’études de phase III multicentriques, randomisées en double
aveugle, contrôlées par placebo jamais mené à ce jour dans le
traitement du cancer de la prostate – sont maintenant connus
(5).
L
* Hôpital Henri-Mondor, Créteil.
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
À 7,4 ans de suivi médian, le bicalutamide 150 mg administré
en adjuvant à la prostatectomie radicale (n = 1 719 patients
reclassés pT3 après chirurgie) améliore significativement la
survie sans progression clinique par rapport au placebo (réduction du risque de progression clinique : 25 % ; HR = 0,75 ; IC95 :
0,61-0,91 ; p = 0,004) [5].
Dans cette population de patients, la durée médiane de suivi
est encore trop courte pour pouvoir démontrer l’existence d’une
amélioration de la survie globale (HR : 1,09 ; p = 0,51).
Chez les patients T3 clinique (n = 305), le bicalutamide 150 mg
administré en adjuvant à la radiothérapie externe améliore significativement la survie globale (réduction du risque de décès :
35 % ; HR = 0,65 ; IC95 : 0,44-0,95 ; p = 0,03) et la survie sans
progression clinique (réduction du risque de progression clinique : 44 % ; HR = 0,56 ; IC95 : 0,40-0,78 ; p < 0,001) par rapport au placebo (5).
Les deux effets indésirables les plus fréquemment rencontrés
dans le groupe bicalutamide 150 mg (n = 4 022) par rapport au
groupe placebo (n = 4 031) sont les gynécomasties (68,8 % versus 8,3 %) et/ou les douleurs mammaires (73,6 % versus 7,6 %)
[5].
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GYNÉCOMASTIES
Définition
La gynécomastie est une prolifération unilatérale ou bilatérale
bénigne de la composante glandulaire de la poitrine masculine.
La palpation retrouve une masse de tissu sous-mammelonnaire
d’au moins 0,5 cm de diamètre.
Les premiers stades de la gynécomastie sont caractérisés par
une prolifération des canaux glandulaires, une hyperplasie épithéliale, une expansion stromale, un accroissement de la vascularisation et un œdème péricanalaire (6).
Lorsque la gynécomastie persiste durant plus d’un an, la prolifération épithéliale diminue, une hyalinisation et une fibrose
stromale irréversibles s’installent (7).
Circonstances d’apparition
La gynécomastie est causée par un accroissement du ratio estrogène/testostérone (8).
Ce phénomène est retrouvé notamment lors d’un traitement par
bicalutamide (5).
Cette molécule, chef de file des anti-androgènes non stéroïdiens, induit une régression du cancer prostatique en bloquant,
au niveau des récepteurs, l’activité des androgènes (9).
Le maintien d’une sécrétion de testostérone s’accompagne
d’une aromatisation périphérique des androgènes circulants en
estrogènes (10).
Les estrogènes ainsi synthétisés stimulent la croissance du tissu
mammaire (6).
Les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires induites par
le bicalutamide 150 mg apparaissent dans plus de 80 % des cas
dans les 6 à 9 premiers mois de traitement et sont légères à modérées dans plus de 90 % des cas (11, 12). Elles sont cependant à
l’origine de 16,7 % des arrêts de traitement dans le programme
EPC, dont seulement 12,9 % au stade localement avancé (12).
Évaluation
Il n’existe pas actuellement de codification de l’évaluation des
gynécomasties.
Un interrogatoire soigneux du patient et un bon examen clinique
restent incontournables pour poser le diagnostic. La radiographie
ou l’échographie mammaires sont très utiles pour le confirmer.
Par ailleurs, la mesure des gynécomasties à la pince peut aider
à l’établissement d’un grade fondé sur la mesure du plus large
diamètre.
De plus, un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois
points (gynécomasties légères, modérées, sévères) peut compléter l’évaluation (6).
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TRAITEMENT DES GYNÉCOMASTIES ET DOULEURS
MAMMAIRES INDUITES PAR LE BICALUTAMIDE 150 MG
Traitement préventif
Radiothérapie versus absence de radiothérapie
L’étude Tyrrell, randomisée, multicentrique et en double aveugle,
a comparé l’efficacité et la tolérance de la radiothérapie externe
prophylactique à l’absence de radiothérapie (sham radiotherapy
ou radiothérapie simulée) dans le traitement des gynécomasties et
des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (13).
Cent six patients T1b-T4, tout N, M0 ont été randomisés en
deux bras :
– un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + radiothérapie prophylactique (bras radiothérapie) [n = 52] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + simulation
de radiothérapie prophylactique (bras absence de radiothérapie) [n = 54].
Les patients traités par radiothérapie ont reçu 10 Gy sur chaque
sein, en une séance, le jour du début du traitement par bicalutamide 150 mg, avant la prise du médicament.
La durée de l’étude était de 12 mois.
La supériorité du bras radiothérapie sur le bras absence de radiothérapie est démontrée en termes d’incidence :
– des gynécomasties (examen physique) : 52 % versus 85 %
(p < 0,001) ;
– des gynécomasties ≥ 5 cm (mesure à la pince) : 11,5 % versus 50 % (p non précisé) ;
– des gynécomasties modérées à sévères (score en trois points) :
21 % versus 48 % (p < 0,001).
L’incidence des douleurs mammaires n’est pas significativement différente dans les deux groupes (83 % versus 91 %). La
radiothérapie diminue significativement la sévérité des douleurs mammaires par rapport à l’absence de radiothérapie (OR :
0,44 ; p = 0,0429).
Les effets indésirables dus à la radiothérapie externe (irritation
cutanée, sensibilité mamelonnaire, érythème mammaire) sont
retrouvés chez 15 à 25 % des patients.
Ces effets indésirables légers à modérés durent peu longtemps
(durée médiane : 3-5 semaines) et disparaissent ensuite complètement.
Cette étude montre qu’une irradiation prophylactique délivrant
en une séance une dose de 10 Gy réduit significativement les
gynécomasties induites par le bicalutamide 150 mg et est bien
tolérée.
Hormonothérapie (tamoxifène) versus radiothérapie
DOULEURS MAMMAIRES
Elles sont très fréquemment associées aux gynécomasties. Leur
intensité varie de la sensation de souplesse ou de la sensibilité
à la douleur permanente et à la tension mammaire.
Un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois ou quatre
points (léger, modéré, sévère ou absence ; léger, modéré et
sévère) peut permettre de quantifier l’intensité de la douleur (6).
76
L’étude Perdona, multicentrique, randomisée, a comparé, en préventif et en curatif, l’efficacité et la tolérance du tamoxifène à la
radiothérapie dans le traitement des gynécomasties et des douleurs
mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (14).
Cent cinquante et un patients T1-T4, tout N, ont été randomisés en trois bras :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant
24 semaines (bras B + T) [n = 50] ;
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
– un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie prophylactique (bras B + RT) [n = 50] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j seul (bras B seul) [n = 51].
Les patients traités par radiothérapie ont reçu 12 Gy sur chaque
sein en une séance le jour du début du traitement par bicalutamide 150 mg.
Si les patients du groupe bicalutamide seul présentaient au cours
du traitement une gynécomastie de grade 3-4 (> 4 cm et ≤ 6 cm ;
> 6 cm) et/ou se plaignaient de douleurs mammaires modérées
à sévères, ils étaient randomisés en deux bras de traitement :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant
24 semaines ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie curative.
Le traitement prophylactique est représenté par la partie de
l’étude à trois bras.
Le traitement curatif est représenté par la partie de l’étude à
deux bras. Ses résultats seront présentés dans la partie “Traitement curatif – Hormonothérapie versus radiothérapie”.
La durée médiane de suivi a été de 25 mois.
En prévention, la supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène
sur le bras bicalutamide + radiothérapie et sur le bras bicalutamide seul est démontrée (figure 1) en termes d’incidence :
– des gynécomasties : 8,0 % versus 34,0 % versus 68,6 % (B + T
versus B seul : p = 0,0009 ; B + RT versus B seul : p = 0,008) ;
– des douleurs mammaires : 6,0 % versus 30,0 % versus 56,8 %
(B + T versus B seul : p = 0,009 ; B + RT versus B seul : p = 0,02).
Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes.
Les effets indésirables dus à la radiothérapie externe durent peu
longtemps (durée médiane : 4 semaines) et disparaissent ensuite
complètement.
Cette étude montre qu’une irradiation prophylactique délivrant
en une séance une dose de 12 Gy ou un traitement préventif
par tamoxifène 10 mg/j administré pendant 24 semaines réduisent significativement les gynécomasties et les douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg, et que ces traitements sont bien tolérés.
Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie
(anastrozole)
L’étude de Boccardo et al., multicentrique, randomisée et en
double aveugle, contrôlée par placebo, a comparé l’efficacité
et la tolérance d’une hormonothérapie par modulation sélective du récepteur estrogénique (tamoxifène) à une hormonothérapie par inhibition de l’aromatase (anastrozole) dans le traitement des gynécomasties et des douleurs mammaires induites
par le bicalutamide 150 mg (15).
Cent quatorze patients atteints d’un cancer localisé ou localement avancé de la prostate, qui ont refusé une prostatectomie
radicale ou une radiothérapie, ont été récusés pour ces traitements ou étaient en rechute après traitement premier, ont été
inclus et randomisés en trois bras (un patient a été perdu de
vue) :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 20 mg/j (bras
B + T) [n = 37] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + anastrozole 1 mg/j (bras
B + A) [n = 36] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + placebo (bras B + P)
[n = 40].
Le tamoxifène ou l’anastrozole ont été administrés pendant
48 semaines ou jusqu’à progression (ou décès) du patient.
Gynécomasties
Douleurs mammaires sévères à modérées
80
70
100
90
68,6 %
60
50
34,0 %**
40
30
20
8,0 %*
10
0
Bicalutamide
150 mg
(n = 51)
Bicalutamide
150 mg
+ tamoxifène
10 mg/j
(n = 50)
Incidence (% patients)
Incidence (% patients)
100
90
80
70
60
50
56,8 %
40
30
30,0 %**
20
6,0 %*
10
0
Bicalutamide
150 mg
+ radiothérapie
(n = 50)
* p = 0,0009 versus B seul
** p = 0,008 versus B seul
Bicalutamide
150 mg
(n = 51)
Bicalutamide
150 mg
+ tamoxifène
10 mg/j
(n = 50)
Bicalutamide
150 mg
+ radiothérapie
(n = 50)
* p = 0,009 versus B seul
** p = 0,02 versus B seul
Figure 1. Incidence des gynécomasties et des douleurs mammaires (14).
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
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73 %
70
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40
30
20
10 %
10
0
Bicalutamide
150 mg
(n = 40)
Bicalutamide
150 mg
+ tamoxifène
20 mg/j
(n = 37)
N
T
Douleurs mammaires
100
90
Bicalutamide
150 mg
+ anastrozole
1 mg/j
(n = 36)
Tous patients évaluables*
* B versus BT : p < 0,001 ; BT versus BA : p < 0,001 ; B versus BA : p = 0,06.
Patients avec douleurs mammaires (%)
Patients avec gynécomasties (%)
Gynécomasties
60
50
I
Cent cinquante et un patients T1-T4, tous N, M0 ont été randomisés en trois bras :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 20 mg/j pendant
3 mois (bras B + T) [n = 35] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + anastrozole 1 mg/j pendant
3 mois (bras B + A) [n = 36] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + placebo (bras B + P)
[n = 36].
Après 3 mois, le traitement par tamoxifène ou anastrozole était
arrêté. Les patients ne recevaient plus que 150 mg de bicalutamide.
À partir de ce moment, tout patient présentant une gynécomastie et/ou souffrant de douleurs mammaires était traité par
20 mg/j de tamoxifène ou 1 mg/j d’anastrozole pendant 3 mois.
Les patients issus des groupes tamoxifène en préventif ou anastrozole en préventif recevaient de nouveau soit du tamoxifène
(groupe T-T) soit de l’anastrozole (groupe A-A). Les patients
issus du groupe placebo en préventif recevaient du tamoxifène
20 mg/j pendant 3 mois (groupe P-T).
Les résultats du traitement curatif seront présentés dans la partie “Traitement curatif – Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie (anastrozole)”.
En prévention, la supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + anastrozole et sur le bras bicalutamide + placebo est démontrée en termes d’incidence :
– des gynécomasties et/ou douleurs mammaires : 11,8 % versus 63,9 % versus 69,4 % (B + T versus B + P : p < 0,0001 ;
B + A versus B + P : p = 0,749).
Le temps médian jusqu’à l’apparition des gynécomasties et/ou
des douleurs mammaires est significativement plus long dans
le bras bicalutamide + tamoxifène que dans le bras bicaluta-
La durée médiane de suivi a été de 12 mois.
La supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras
bicalutamide + anastrozole et sur le bras bicalutamide + placebo est démontrée (figure 2) en termes d’incidence :
– des gynécomasties (tous patients évaluables, n = 103) : 10 %
versus 51 % versus 73 % (B + T versus B + P : p < 0,001 ;
B + T versus B + A : p < 0,001 ; B + A versus B + P : p = 0,06) ;
– des gynécomasties évaluées par échographie (n = 70) : 14 %
versus 70 % versus 92 % (B + T versus B + P : p < 0,001 ; B + T
versus B + A : p < 0,001 ; B + A versus B + P : p = 0,04) ;
– des gynécomasties mesurées à la pince (n = 33) : 0 % versus
17 % versus 33 % (B + T versus B + P : p = 0,05) ;
– des douleurs mammaires toutes intensités confondues : 6 %
versus 27 % versus 39 % (différence significative exclusivement en faveur du groupe B + T : p = 0,006).
– des douleurs mammaires légères : 6 % versus 20 % versus
31 % (différence significative exclusivement en faveur du
groupe B + T : p = 0,02) ;
– des douleurs mammaires sévères : 0 % versus 7 % versus 6 %
(différence significative exclusivement en faveur du groupe
B + T : p = 0,001).
Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes.
Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que
l’anastrozole dans la prévention des gynécomasties et des douleurs mammaires.
L’étude de D. Saltzstein et al., multicentrique, randomisée en
double aveugle et contrôlée par placebo a comparé l’efficacité
et la tolérance d’une hormonothérapie par tamoxifène et d’une
hormonothérapie par anastrozole dans le traitement préventif
ou curatif des gynécomasties et des douleurs mammaires
induites par le bicalutamide 150 mg (16).
80
O
100
90
80
70
60
50
40
39 %
31 %
27 %
30
20
10
0
20 %
8%
Bicalutamide
150 mg
(n = 40)
6% 6%
7%
0%
Bicalutamide
150 mg
+ tamoxifène
20 mg/j
(n = 37)
Toutes intensités confondues*
Douleur légère**
* p = 0,006 ; ** p = 0,02 ; *** p = 0,001.
Bicalutamide
150 mg
+ anastrozole
1 mg/j
(n = 36)
Douleur sévère***
Figure 2. Incidence des gynécomasties et des douleurs mammaires (15).
78
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
Traitement curatif
Réduction de l‘incidence
des gynécomasties
et des douleurs mammaires
(% patients)
mide + anastrozole et que dans le bras bicalutamide + placebo
(170 jours versus 85 jours versus 73 jours ; B + T versus B + P :
p ≤ 0,003).
Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes.
Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que
l’anastrozole dans la prévention des gynécomasties et des douleurs mammaires.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Hormonothérapie (tamoxifène) versus radiothérapie
Dans l’étude de S. Perdona et al., 35 des 51 patients traités par
bicalutamide 150 mg (68,6 %) ont présenté une gynécomastie
de grade 3-4 (> 4 cm et ≤ 6 cm ; > 6 cm) et/ou se sont plaints
de douleurs mammaires modérées à sévères (14).
Ils ont donc été randomisés en deux bras de traitement :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant
24 semaines (n = 17) ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie curative
(n = 18).
Les patients traités par radiothérapie ont reçu 12 Gy sur chaque
sein en une séance le jour de la randomisation.
La supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + radiothérapie est démontrée en termes d’incidence :
– des gynécomasties à 9 mois de suivi : 11,7 % versus 55,5 %
(p = 0,02) ;
– des douleurs mammaires : 28,5 % versus 80 % (p = 0,045).
Cette étude montre qu’une irradiation à visée curative, délivrant en une séance une dose de 12 Gy, ou un traitement curatif par tamoxifène 10 mg/j, administré pendant 24 semaines,
réduisent significativement les gynécomasties et les douleurs
induites par le bicalutamide 150 mg.
Elle montre aussi que le tamoxifène est plus efficace que la
radiothérapie dans le traitement curatif des gynécomasties et
des douleurs mammaires.
Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie
(anastrozole)
Dans l’étude de Saltzstein et al., 26 patients du groupe
initial tamoxifène, 32 patients du groupe initial anastrozole
et 32 patients du groupe initial placebo ont présenté des
symptômes et ont reçu un traitement curatif pendant 3 mois
(cf. supra) [16].
La disparition des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires est constatée chez 71,8 % des patients du groupe P-T,
chez 65,4 % des patients du groupe T-T et chez 18,8 % des
patients du groupe A-A (p < 0,05) (figure 3).
Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que
l’anastrozole dans le traitement curatif des gynécomasties et
des douleurs mammaires.
Chirurgie
Le traitement chirurgical est curatif. Son objectif est triple :
morphologique (ramener la poitrine à une taille normale), fonctionnel (éliminer le tissu douloureux) et cosmétique (redonner
aux seins une forme acceptable).
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
*
71,8 %
*
65,4 %
18,8 %
Placebo-tamoxifène
+ bicalutamide
150 mg/j
(n = 32)
Tamoxifène-tamoxifène Anastrozole-anastrozole
+ bicalutamide
+ bicalutamide
150 mg/j
150 mg/j
(n = 26)
(n = 32)
* Groupe tamoxifène versus groupe anastrozole : p < 0,05
Figure 3. Réduction de l’incidence des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires (16).
Plusieurs techniques (mastectomie sous-aréolaire, liposuccion,
mastectomie assistée par endoscopie) sont actuellement en
cours d’évaluation (6).
ALGORITHME DE PRISE EN CHARGE (6)
La prise en charge des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg peut être préventive ou curative (figure 4).
Le traitement préventif peut faire appel soit à la radiothérapie
soit au tamoxifène.
Si l’option préventive n’est pas retenue, le suivi régulier du patient
atteint de cancer de la prostate permet de diagnostiquer précocement d’éventuelles gynécomasties et/ou douleurs mammaires.
Si cela est jugé nécessaire, ces effets indésirables peuvent être traités, soit par tamoxifène, soit par radiothérapie, soit par chirurgie.
Le traitement préventif ou curatif est désormais de mieux en mieux
évalué. Plusieurs questions se posent maintenant concernant :
– la mise au point d’une définition consensuelle des gynécomasties et d’un système international validé de stadification
des gynécomasties et des douleurs mammaires ;
– l’évaluation des effets à long terme du tamoxifène sur la sécrétion androgénique ;
– le schéma d’administration optimal des traitements utilisés
(dose minimale efficace, rythme et durée d’administration pour
le tamoxifène ; dose totale administrée, fractionnement et effets
indésirables à long terme pour la radiothérapie).
Un travail d’experts regroupés en comité et des études cliniques
sont nécessaires pour répondre à ces questions.
CONCLUSION
Le cancer de la prostate est diagnostiqué de plus en plus tôt
chez des patients de plus en plus jeunes (6).
Le programme EPC a démontré l’efficacité du bicalutamide
150 mg administré en adjuvant à la prostatectomie radicale ou
à la radiothérapie externe des patients atteints de cancer localement avancé de la prostate (5).
Le mécanisme d’action pharmacologique du bicalutamide
150 mg explique que les deux effets indésirables les plus
79
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Traitement par bicalutamide 150 mg
Traitement préventif
des gynécomasties
et/ou des douleurs mammaires
Radiothérapie
Absence de traitement préventif
des gynécomasties
et/ou des douleurs mammaires
Tamoxifène
Absence de gynécomasties
et/ou de douleurs mammaires
Gynécomasties
et/ou
douleurs mammaires
Absence de traitement
Arrêt du bicalutamide
Mise en route
d’une autre hormonothérapie
Traitement
Effets indésirables
gérables et acceptés
Tamoxifène
Radiothérapie
Chirurgie
Figure 4. Prise en charge des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires : algorithme de décision (6).
fréquemment rencontrés sous ce traitement sont les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires (9).
Compte tenu des résultats obtenus par le bicalutamide 150 mg
en termes de survie globale et de survie sans progression clinique (5), il est nécessaire que les patients puissent aller au bout
de leur traitement sans que ces deux effets indésirables les incitent à l’interrompre ou altèrent considérablement leur qualité
de vie ou leur image corporelle (6). Les gynécomasties et/ou
les douleurs mammaires ne sont d’ailleurs pas une indication
à l’arrêt du traitement par bicalutamide 150 mg.
Le tamoxifène réduit significativement l’incidence de ces deux
effets indésirables et a démontré sa supériorité sur la radiothérapie et l’anastrozole (14-16).
Dans le contexte évoqué ci-dessus, ce traitement des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires ouvre des perspectives
de prise en charge intéressantes pour le thérapeute.
■
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
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