MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006
GYNÉCOMASTIES
Définition
La gynécomastie est une prolifération unilatérale ou bilatérale
bénigne de la composante glandulaire de la poitrine masculine.
La palpation retrouve une masse de tissu sous-mammelonnaire
d’au moins 0,5 cm de diamètre.
Les premiers stades de la gynécomastie sont caractérisés par
une prolifération des canaux glandulaires, une hyperplasie épi-
théliale, une expansion stromale, un accroissement de la vas-
cularisation et un œdème péricanalaire
(6)
.
Lorsque la gynécomastie persiste durant plus d’un an, la pro-
lifération épithéliale diminue, une hyalinisation et une fibrose
stromale irréversibles s’installent
(7)
.
Circonstances d’apparition
La gynécomastie est causée par un accroissement du ratio estro-
gène/testostérone
(8)
.
Ce phénomène est retrouvé notamment lors d’un traitement par
bicalutamide
(5)
.
Cette molécule, chef de file des anti-androgènes non stéroï-
diens, induit une régression du cancer prostatique en bloquant,
au niveau des récepteurs, l’activité des androgènes
(9)
.
Le maintien d’une sécrétion de testostérone s’accompagne
d’une aromatisation périphérique des androgènes circulants en
estrogènes
(10)
.
Les estrogènes ainsi synthétisés stimulent la croissance du tissu
mammaire
(6)
.
Les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires induites par
le bicalutamide 150 mg apparaissent dans plus de 80 % des cas
dans les 6 à 9 premiers mois de traitement et sont légères à modé-
rées dans plus de 90 % des cas
(11, 12)
. Elles sont cependant à
l’origine de 16,7 % des arrêts de traitement dans le programme
EPC, dont seulement 12,9 % au stade localement avancé
(12)
.
Évaluation
Il n’existe pas actuellement de codification de l’évaluation des
gynécomasties.
Un interrogatoire soigneux du patient et un bon examen clinique
restent incontournables pour poser le diagnostic. La radiographie
ou l’échographie mammaires sont très utiles pour le confirmer.
Par ailleurs, la mesure des gynécomasties à la pince peut aider
à l’établissement d’un grade fondé sur la mesure du plus large
diamètre.
De plus, un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois
points (gynécomasties légères, modérées, sévères) peut com-
pléter l’évaluation
(6)
.
DOULEURS MAMMAIRES
Elles sont très fréquemment associées aux gynécomasties. Leur
intensité varie de la sensation de souplesse ou de la sensibilité
à la douleur permanente et à la tension mammaire.
Un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois ou quatre
points (léger, modéré, sévère ou absence ; léger, modéré et
sévère) peut permettre de quantifier l’intensité de la douleur
(6)
.
TRAITEMENT DES GYNÉCOMASTIES ET DOULEURS
MAMMAIRES INDUITES PAR LE BICALUTAMIDE 150 MG
Traitement préventif
Radiothérapie versus absence de radiothérapie
L’étude Tyrrell, randomisée, multicentrique et en double aveugle,
a comparé l’efficacité et la tolérance de la radiothérapie externe
prophylactique à l’absence de radiothérapie (
sham radiotherapy
ou radiothérapie simulée) dans le traitement des gynécomasties et
des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg
(13)
.
Cent six patients T1b-T4, tout N, M0 ont été randomisés en
deux bras :
– un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + radiothé-
rapie prophylactique (bras radiothérapie) [n = 52] ;
– un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + simulation
de radiothérapie prophylactique (bras absence de radiothéra-
pie) [n = 54].
Les patients traités par radiothérapie ont reçu 10 Gy sur chaque
sein, en une séance, le jour du début du traitement par bicalu-
tamide 150 mg, avant la prise du médicament.
La durée de l’étude était de 12 mois.
La supériorité du bras radiothérapie sur le bras absence de radio-
thérapie est démontrée en termes d’incidence :
– des gynécomasties (examen physique) : 52 % versus 85 %
(p < 0,001) ;
– des gynécomasties ≥5 cm (mesure à la pince) : 11,5 % ver-
sus 50 % (p non précisé) ;
– des gynécomasties modérées à sévères (score en trois points) :
21 % versus 48 % (p < 0,001).
L’incidence des douleurs mammaires n’est pas significative-
ment différente dans les deux groupes (83 % versus 91 %). La
radiothérapie diminue significativement la sévérité des dou-
leurs mammaires par rapport à l’absence de radiothérapie (OR :
0,44 ; p = 0,0429).
Les effets indésirables dus à la radiothérapie externe (irritation
cutanée, sensibilité mamelonnaire, érythème mammaire) sont
retrouvés chez 15 à 25 % des patients.
Ces effets indésirables légers à modérés durent peu longtemps
(durée médiane : 3-5 semaines) et disparaissent ensuite com-
plètement.
Cette étude montre qu’une irradiation prophylactique délivrant
en une séance une dose de 10 Gy réduit significativement les
gynécomasties induites par le bicalutamide 150 mg et est bien
tolérée.
Hormonothérapie (tamoxifène) versus radiothérapie
L’étude Perdona, multicentrique, randomisée, a comparé, en pré-
ventif et en curatif, l’efficacité et la tolérance du tamoxifène à la
radiothérapie dans le traitement des gynécomasties et des douleurs
mammaires induites par le bicalutamide 150 mg
(14)
.
Cent cinquante et un patients T1-T4, tout N, ont été randomi-
sés en trois bras :
– un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant
24 semaines (bras B + T) [n = 50] ;