M I S E A U P O I N T Prise en charge des gynécomasties et/ou douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg chez des patients atteints de cancer de la prostate Treatment of gynecomastia and/or breast pain induced by bicalutamide 150 mg in patients treated for locally advanced prostate cancer ● Elias Haddad* R ÉSUMÉ . L’activité pharmacologique du bicalutamide 150 mg rend non seulement compte de son efficacité en tant que traitement adjuvant à la prostatectomie radicale ou à la radiothérapie externe, mais aussi de l’existence de gynécomasties et/ou de douleurs mammaires chez de nombreux patients. Le tamoxifène réduit significativement l’incidence de ces deux effets indésirables et a démontré sa supériorité sur la radiothérapie et l’anastrozole. S UMMARY . The mechanism of action of bicalutamide 150 mg explains its efficacy as an adjuvant treatment to radical prostatectomy or external radiotherapy and also the unexpected arrival of gynaecomastia and/or breast pain among many patients. Tamoxifen decreases significantly these two side effects incidence and has proven its superiority against radiotherapy and anastrozole. e cancer localement avancé de la prostate (stade T3) est un cancer à haut risque de progression locale, métastatique et de décès (1). Les traitements premiers seuls (prostatectomie radicale ou radiothérapie externe) ne sont pas des traitements adaptés du cancer de la prostate de stade T3 (2, 3). En revanche, l’association traitement premier (prostatectomie radicale ou radiothérapie externe) et hormonothérapie adjuvante (goséréline ou bicalutamide 150 mg) a démontré son efficacité dans cette indication, aussi bien en termes de réduction du risque de décès que du risque de progressions cliniques et biologiques (3-5). Ainsi, les résultats de la troisième analyse du programme Early Prostate Cancer (EPC) – qui est le plus vaste programme d’études de phase III multicentriques, randomisées en double aveugle, contrôlées par placebo jamais mené à ce jour dans le traitement du cancer de la prostate – sont maintenant connus (5). L * Hôpital Henri-Mondor, Créteil. La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006 À 7,4 ans de suivi médian, le bicalutamide 150 mg administré en adjuvant à la prostatectomie radicale (n = 1 719 patients reclassés pT3 après chirurgie) améliore significativement la survie sans progression clinique par rapport au placebo (réduction du risque de progression clinique : 25 % ; HR = 0,75 ; IC95 : 0,61-0,91 ; p = 0,004) [5]. Dans cette population de patients, la durée médiane de suivi est encore trop courte pour pouvoir démontrer l’existence d’une amélioration de la survie globale (HR : 1,09 ; p = 0,51). Chez les patients T3 clinique (n = 305), le bicalutamide 150 mg administré en adjuvant à la radiothérapie externe améliore significativement la survie globale (réduction du risque de décès : 35 % ; HR = 0,65 ; IC95 : 0,44-0,95 ; p = 0,03) et la survie sans progression clinique (réduction du risque de progression clinique : 44 % ; HR = 0,56 ; IC95 : 0,40-0,78 ; p < 0,001) par rapport au placebo (5). Les deux effets indésirables les plus fréquemment rencontrés dans le groupe bicalutamide 150 mg (n = 4 022) par rapport au groupe placebo (n = 4 031) sont les gynécomasties (68,8 % versus 8,3 %) et/ou les douleurs mammaires (73,6 % versus 7,6 %) [5]. 75 M I S E A GYNÉCOMASTIES Définition La gynécomastie est une prolifération unilatérale ou bilatérale bénigne de la composante glandulaire de la poitrine masculine. La palpation retrouve une masse de tissu sous-mammelonnaire d’au moins 0,5 cm de diamètre. Les premiers stades de la gynécomastie sont caractérisés par une prolifération des canaux glandulaires, une hyperplasie épithéliale, une expansion stromale, un accroissement de la vascularisation et un œdème péricanalaire (6). Lorsque la gynécomastie persiste durant plus d’un an, la prolifération épithéliale diminue, une hyalinisation et une fibrose stromale irréversibles s’installent (7). Circonstances d’apparition La gynécomastie est causée par un accroissement du ratio estrogène/testostérone (8). Ce phénomène est retrouvé notamment lors d’un traitement par bicalutamide (5). Cette molécule, chef de file des anti-androgènes non stéroïdiens, induit une régression du cancer prostatique en bloquant, au niveau des récepteurs, l’activité des androgènes (9). Le maintien d’une sécrétion de testostérone s’accompagne d’une aromatisation périphérique des androgènes circulants en estrogènes (10). Les estrogènes ainsi synthétisés stimulent la croissance du tissu mammaire (6). Les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg apparaissent dans plus de 80 % des cas dans les 6 à 9 premiers mois de traitement et sont légères à modérées dans plus de 90 % des cas (11, 12). Elles sont cependant à l’origine de 16,7 % des arrêts de traitement dans le programme EPC, dont seulement 12,9 % au stade localement avancé (12). Évaluation Il n’existe pas actuellement de codification de l’évaluation des gynécomasties. Un interrogatoire soigneux du patient et un bon examen clinique restent incontournables pour poser le diagnostic. La radiographie ou l’échographie mammaires sont très utiles pour le confirmer. Par ailleurs, la mesure des gynécomasties à la pince peut aider à l’établissement d’un grade fondé sur la mesure du plus large diamètre. De plus, un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois points (gynécomasties légères, modérées, sévères) peut compléter l’évaluation (6). U P O I N T TRAITEMENT DES GYNÉCOMASTIES ET DOULEURS MAMMAIRES INDUITES PAR LE BICALUTAMIDE 150 MG Traitement préventif Radiothérapie versus absence de radiothérapie L’étude Tyrrell, randomisée, multicentrique et en double aveugle, a comparé l’efficacité et la tolérance de la radiothérapie externe prophylactique à l’absence de radiothérapie (sham radiotherapy ou radiothérapie simulée) dans le traitement des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (13). Cent six patients T1b-T4, tout N, M0 ont été randomisés en deux bras : – un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + radiothérapie prophylactique (bras radiothérapie) [n = 52] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j pendant 12 mois + simulation de radiothérapie prophylactique (bras absence de radiothérapie) [n = 54]. Les patients traités par radiothérapie ont reçu 10 Gy sur chaque sein, en une séance, le jour du début du traitement par bicalutamide 150 mg, avant la prise du médicament. La durée de l’étude était de 12 mois. La supériorité du bras radiothérapie sur le bras absence de radiothérapie est démontrée en termes d’incidence : – des gynécomasties (examen physique) : 52 % versus 85 % (p < 0,001) ; – des gynécomasties ≥ 5 cm (mesure à la pince) : 11,5 % versus 50 % (p non précisé) ; – des gynécomasties modérées à sévères (score en trois points) : 21 % versus 48 % (p < 0,001). L’incidence des douleurs mammaires n’est pas significativement différente dans les deux groupes (83 % versus 91 %). La radiothérapie diminue significativement la sévérité des douleurs mammaires par rapport à l’absence de radiothérapie (OR : 0,44 ; p = 0,0429). Les effets indésirables dus à la radiothérapie externe (irritation cutanée, sensibilité mamelonnaire, érythème mammaire) sont retrouvés chez 15 à 25 % des patients. Ces effets indésirables légers à modérés durent peu longtemps (durée médiane : 3-5 semaines) et disparaissent ensuite complètement. Cette étude montre qu’une irradiation prophylactique délivrant en une séance une dose de 10 Gy réduit significativement les gynécomasties induites par le bicalutamide 150 mg et est bien tolérée. Hormonothérapie (tamoxifène) versus radiothérapie DOULEURS MAMMAIRES Elles sont très fréquemment associées aux gynécomasties. Leur intensité varie de la sensation de souplesse ou de la sensibilité à la douleur permanente et à la tension mammaire. Un questionnaire corrélé à un score de sévérité en trois ou quatre points (léger, modéré, sévère ou absence ; léger, modéré et sévère) peut permettre de quantifier l’intensité de la douleur (6). 76 L’étude Perdona, multicentrique, randomisée, a comparé, en préventif et en curatif, l’efficacité et la tolérance du tamoxifène à la radiothérapie dans le traitement des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (14). Cent cinquante et un patients T1-T4, tout N, ont été randomisés en trois bras : – un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant 24 semaines (bras B + T) [n = 50] ; La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006 – un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie prophylactique (bras B + RT) [n = 50] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j seul (bras B seul) [n = 51]. Les patients traités par radiothérapie ont reçu 12 Gy sur chaque sein en une séance le jour du début du traitement par bicalutamide 150 mg. Si les patients du groupe bicalutamide seul présentaient au cours du traitement une gynécomastie de grade 3-4 (> 4 cm et ≤ 6 cm ; > 6 cm) et/ou se plaignaient de douleurs mammaires modérées à sévères, ils étaient randomisés en deux bras de traitement : – un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant 24 semaines ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie curative. Le traitement prophylactique est représenté par la partie de l’étude à trois bras. Le traitement curatif est représenté par la partie de l’étude à deux bras. Ses résultats seront présentés dans la partie “Traitement curatif – Hormonothérapie versus radiothérapie”. La durée médiane de suivi a été de 25 mois. En prévention, la supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + radiothérapie et sur le bras bicalutamide seul est démontrée (figure 1) en termes d’incidence : – des gynécomasties : 8,0 % versus 34,0 % versus 68,6 % (B + T versus B seul : p = 0,0009 ; B + RT versus B seul : p = 0,008) ; – des douleurs mammaires : 6,0 % versus 30,0 % versus 56,8 % (B + T versus B seul : p = 0,009 ; B + RT versus B seul : p = 0,02). Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes. Les effets indésirables dus à la radiothérapie externe durent peu longtemps (durée médiane : 4 semaines) et disparaissent ensuite complètement. Cette étude montre qu’une irradiation prophylactique délivrant en une séance une dose de 12 Gy ou un traitement préventif par tamoxifène 10 mg/j administré pendant 24 semaines réduisent significativement les gynécomasties et les douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg, et que ces traitements sont bien tolérés. Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie (anastrozole) L’étude de Boccardo et al., multicentrique, randomisée et en double aveugle, contrôlée par placebo, a comparé l’efficacité et la tolérance d’une hormonothérapie par modulation sélective du récepteur estrogénique (tamoxifène) à une hormonothérapie par inhibition de l’aromatase (anastrozole) dans le traitement des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (15). Cent quatorze patients atteints d’un cancer localisé ou localement avancé de la prostate, qui ont refusé une prostatectomie radicale ou une radiothérapie, ont été récusés pour ces traitements ou étaient en rechute après traitement premier, ont été inclus et randomisés en trois bras (un patient a été perdu de vue) : – un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 20 mg/j (bras B + T) [n = 37] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + anastrozole 1 mg/j (bras B + A) [n = 36] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + placebo (bras B + P) [n = 40]. Le tamoxifène ou l’anastrozole ont été administrés pendant 48 semaines ou jusqu’à progression (ou décès) du patient. Gynécomasties Douleurs mammaires sévères à modérées 80 70 100 90 68,6 % 60 50 34,0 %** 40 30 20 8,0 %* 10 0 Bicalutamide 150 mg (n = 51) Bicalutamide 150 mg + tamoxifène 10 mg/j (n = 50) Incidence (% patients) Incidence (% patients) 100 90 80 70 60 50 56,8 % 40 30 30,0 %** 20 6,0 %* 10 0 Bicalutamide 150 mg + radiothérapie (n = 50) * p = 0,0009 versus B seul ** p = 0,008 versus B seul Bicalutamide 150 mg (n = 51) Bicalutamide 150 mg + tamoxifène 10 mg/j (n = 50) Bicalutamide 150 mg + radiothérapie (n = 50) * p = 0,009 versus B seul ** p = 0,02 versus B seul Figure 1. Incidence des gynécomasties et des douleurs mammaires (14). La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006 77 M I S E A U P 73 % 70 51 % 40 30 20 10 % 10 0 Bicalutamide 150 mg (n = 40) Bicalutamide 150 mg + tamoxifène 20 mg/j (n = 37) N T Douleurs mammaires 100 90 Bicalutamide 150 mg + anastrozole 1 mg/j (n = 36) Tous patients évaluables* * B versus BT : p < 0,001 ; BT versus BA : p < 0,001 ; B versus BA : p = 0,06. Patients avec douleurs mammaires (%) Patients avec gynécomasties (%) Gynécomasties 60 50 I Cent cinquante et un patients T1-T4, tous N, M0 ont été randomisés en trois bras : – un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 20 mg/j pendant 3 mois (bras B + T) [n = 35] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + anastrozole 1 mg/j pendant 3 mois (bras B + A) [n = 36] ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + placebo (bras B + P) [n = 36]. Après 3 mois, le traitement par tamoxifène ou anastrozole était arrêté. Les patients ne recevaient plus que 150 mg de bicalutamide. À partir de ce moment, tout patient présentant une gynécomastie et/ou souffrant de douleurs mammaires était traité par 20 mg/j de tamoxifène ou 1 mg/j d’anastrozole pendant 3 mois. Les patients issus des groupes tamoxifène en préventif ou anastrozole en préventif recevaient de nouveau soit du tamoxifène (groupe T-T) soit de l’anastrozole (groupe A-A). Les patients issus du groupe placebo en préventif recevaient du tamoxifène 20 mg/j pendant 3 mois (groupe P-T). Les résultats du traitement curatif seront présentés dans la partie “Traitement curatif – Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie (anastrozole)”. En prévention, la supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + anastrozole et sur le bras bicalutamide + placebo est démontrée en termes d’incidence : – des gynécomasties et/ou douleurs mammaires : 11,8 % versus 63,9 % versus 69,4 % (B + T versus B + P : p < 0,0001 ; B + A versus B + P : p = 0,749). Le temps médian jusqu’à l’apparition des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires est significativement plus long dans le bras bicalutamide + tamoxifène que dans le bras bicaluta- La durée médiane de suivi a été de 12 mois. La supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + anastrozole et sur le bras bicalutamide + placebo est démontrée (figure 2) en termes d’incidence : – des gynécomasties (tous patients évaluables, n = 103) : 10 % versus 51 % versus 73 % (B + T versus B + P : p < 0,001 ; B + T versus B + A : p < 0,001 ; B + A versus B + P : p = 0,06) ; – des gynécomasties évaluées par échographie (n = 70) : 14 % versus 70 % versus 92 % (B + T versus B + P : p < 0,001 ; B + T versus B + A : p < 0,001 ; B + A versus B + P : p = 0,04) ; – des gynécomasties mesurées à la pince (n = 33) : 0 % versus 17 % versus 33 % (B + T versus B + P : p = 0,05) ; – des douleurs mammaires toutes intensités confondues : 6 % versus 27 % versus 39 % (différence significative exclusivement en faveur du groupe B + T : p = 0,006). – des douleurs mammaires légères : 6 % versus 20 % versus 31 % (différence significative exclusivement en faveur du groupe B + T : p = 0,02) ; – des douleurs mammaires sévères : 0 % versus 7 % versus 6 % (différence significative exclusivement en faveur du groupe B + T : p = 0,001). Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes. Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que l’anastrozole dans la prévention des gynécomasties et des douleurs mammaires. L’étude de D. Saltzstein et al., multicentrique, randomisée en double aveugle et contrôlée par placebo a comparé l’efficacité et la tolérance d’une hormonothérapie par tamoxifène et d’une hormonothérapie par anastrozole dans le traitement préventif ou curatif des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg (16). 80 O 100 90 80 70 60 50 40 39 % 31 % 27 % 30 20 10 0 20 % 8% Bicalutamide 150 mg (n = 40) 6% 6% 7% 0% Bicalutamide 150 mg + tamoxifène 20 mg/j (n = 37) Toutes intensités confondues* Douleur légère** * p = 0,006 ; ** p = 0,02 ; *** p = 0,001. Bicalutamide 150 mg + anastrozole 1 mg/j (n = 36) Douleur sévère*** Figure 2. Incidence des gynécomasties et des douleurs mammaires (15). 78 La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006 Traitement curatif Réduction de l‘incidence des gynécomasties et des douleurs mammaires (% patients) mide + anastrozole et que dans le bras bicalutamide + placebo (170 jours versus 85 jours versus 73 jours ; B + T versus B + P : p ≤ 0,003). Les traitements ont été bien tolérés dans les trois groupes. Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que l’anastrozole dans la prévention des gynécomasties et des douleurs mammaires. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Hormonothérapie (tamoxifène) versus radiothérapie Dans l’étude de S. Perdona et al., 35 des 51 patients traités par bicalutamide 150 mg (68,6 %) ont présenté une gynécomastie de grade 3-4 (> 4 cm et ≤ 6 cm ; > 6 cm) et/ou se sont plaints de douleurs mammaires modérées à sévères (14). Ils ont donc été randomisés en deux bras de traitement : – un bras bicalutamide 150 mg/j + tamoxifène 10 mg/j pendant 24 semaines (n = 17) ; – un bras bicalutamide 150 mg/j + radiothérapie curative (n = 18). Les patients traités par radiothérapie ont reçu 12 Gy sur chaque sein en une séance le jour de la randomisation. La supériorité du bras bicalutamide + tamoxifène sur le bras bicalutamide + radiothérapie est démontrée en termes d’incidence : – des gynécomasties à 9 mois de suivi : 11,7 % versus 55,5 % (p = 0,02) ; – des douleurs mammaires : 28,5 % versus 80 % (p = 0,045). Cette étude montre qu’une irradiation à visée curative, délivrant en une séance une dose de 12 Gy, ou un traitement curatif par tamoxifène 10 mg/j, administré pendant 24 semaines, réduisent significativement les gynécomasties et les douleurs induites par le bicalutamide 150 mg. Elle montre aussi que le tamoxifène est plus efficace que la radiothérapie dans le traitement curatif des gynécomasties et des douleurs mammaires. Hormonothérapie (tamoxifène) versus hormonothérapie (anastrozole) Dans l’étude de Saltzstein et al., 26 patients du groupe initial tamoxifène, 32 patients du groupe initial anastrozole et 32 patients du groupe initial placebo ont présenté des symptômes et ont reçu un traitement curatif pendant 3 mois (cf. supra) [16]. La disparition des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires est constatée chez 71,8 % des patients du groupe P-T, chez 65,4 % des patients du groupe T-T et chez 18,8 % des patients du groupe A-A (p < 0,05) (figure 3). Cette étude montre que le tamoxifène est plus efficace que l’anastrozole dans le traitement curatif des gynécomasties et des douleurs mammaires. Chirurgie Le traitement chirurgical est curatif. Son objectif est triple : morphologique (ramener la poitrine à une taille normale), fonctionnel (éliminer le tissu douloureux) et cosmétique (redonner aux seins une forme acceptable). La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006 * 71,8 % * 65,4 % 18,8 % Placebo-tamoxifène + bicalutamide 150 mg/j (n = 32) Tamoxifène-tamoxifène Anastrozole-anastrozole + bicalutamide + bicalutamide 150 mg/j 150 mg/j (n = 26) (n = 32) * Groupe tamoxifène versus groupe anastrozole : p < 0,05 Figure 3. Réduction de l’incidence des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires (16). Plusieurs techniques (mastectomie sous-aréolaire, liposuccion, mastectomie assistée par endoscopie) sont actuellement en cours d’évaluation (6). ALGORITHME DE PRISE EN CHARGE (6) La prise en charge des gynécomasties et des douleurs mammaires induites par le bicalutamide 150 mg peut être préventive ou curative (figure 4). Le traitement préventif peut faire appel soit à la radiothérapie soit au tamoxifène. Si l’option préventive n’est pas retenue, le suivi régulier du patient atteint de cancer de la prostate permet de diagnostiquer précocement d’éventuelles gynécomasties et/ou douleurs mammaires. Si cela est jugé nécessaire, ces effets indésirables peuvent être traités, soit par tamoxifène, soit par radiothérapie, soit par chirurgie. Le traitement préventif ou curatif est désormais de mieux en mieux évalué. Plusieurs questions se posent maintenant concernant : – la mise au point d’une définition consensuelle des gynécomasties et d’un système international validé de stadification des gynécomasties et des douleurs mammaires ; – l’évaluation des effets à long terme du tamoxifène sur la sécrétion androgénique ; – le schéma d’administration optimal des traitements utilisés (dose minimale efficace, rythme et durée d’administration pour le tamoxifène ; dose totale administrée, fractionnement et effets indésirables à long terme pour la radiothérapie). Un travail d’experts regroupés en comité et des études cliniques sont nécessaires pour répondre à ces questions. CONCLUSION Le cancer de la prostate est diagnostiqué de plus en plus tôt chez des patients de plus en plus jeunes (6). Le programme EPC a démontré l’efficacité du bicalutamide 150 mg administré en adjuvant à la prostatectomie radicale ou à la radiothérapie externe des patients atteints de cancer localement avancé de la prostate (5). Le mécanisme d’action pharmacologique du bicalutamide 150 mg explique que les deux effets indésirables les plus 79 M I S E A U P O I N T Traitement par bicalutamide 150 mg Traitement préventif des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires Radiothérapie Absence de traitement préventif des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires Tamoxifène Absence de gynécomasties et/ou de douleurs mammaires Gynécomasties et/ou douleurs mammaires Absence de traitement Arrêt du bicalutamide Mise en route d’une autre hormonothérapie Traitement Effets indésirables gérables et acceptés Tamoxifène Radiothérapie Chirurgie Figure 4. Prise en charge des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires : algorithme de décision (6). fréquemment rencontrés sous ce traitement sont les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires (9). Compte tenu des résultats obtenus par le bicalutamide 150 mg en termes de survie globale et de survie sans progression clinique (5), il est nécessaire que les patients puissent aller au bout de leur traitement sans que ces deux effets indésirables les incitent à l’interrompre ou altèrent considérablement leur qualité de vie ou leur image corporelle (6). Les gynécomasties et/ou les douleurs mammaires ne sont d’ailleurs pas une indication à l’arrêt du traitement par bicalutamide 150 mg. Le tamoxifène réduit significativement l’incidence de ces deux effets indésirables et a démontré sa supériorité sur la radiothérapie et l’anastrozole (14-16). Dans le contexte évoqué ci-dessus, ce traitement des gynécomasties et/ou des douleurs mammaires ouvre des perspectives de prise en charge intéressantes pour le thérapeute. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Fowler JE Jr, Bigler SA, White PC, Duncan WL. Hormone therapy for locally advanced prostate cancer. 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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 2 - mars-avril 2006