La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 37
DOSSIER THÉMATIQUE
non seulement bien activée avant traitement mais
aussi inhibée par le traitement, ce qui suggère que la
voie de l’IGF-1R n’est probablement pas une voie de
signalisation prépondérante dans les CEVADS. Des
essais sont actuellement en cours en association
avec un inhibiteur de l’EGFR ou avec des agents
cytotoxiques.
Carcinomes médullaires
de la thyroïde
Les carcinomes médullaires de la thyroïde sont des
tumeurs rares, puisqu’ils ne représentent que 3
à 5 % des cancers de la thyroïde. Ils peuvent être
héréditaires ou sporadiques. Les agents de chimio-
thérapie cytotoxique donnent des taux de réponse
de 10 à 20 % de courte durée. Les agents les plus
actifs sont les anthracyclines, la dacarbazine, le 5-FU
et la streptozocine. Le gène RET semble être un gène
clé dans la pathogenèse de ces cancers. Ce gène est
muté dans 100 % des formes héréditaires et dans
environ 50 % des formes sporadiques. Logiquement,
des thérapeutiques moléculaires ciblant RET ont
été évaluées dans ce contexte. Trois essais ont été
présentés à l’ASCO 2010.
➤
La première présentation était issue d’un essai de
phase I portant sur toutes les tumeurs avec XL184,
un inhibiteur de tyrosine kinase oral ciblant RET mais
aussi MET et VEGFR-2 (Vascular Endothelial Growth
Factor Receptor 2) [21] : 85 patients ont été inclus.
La dose recommandée pour les essais de phase II
a été établie à 175 mg/j. Les principales toxicités
étaient la fatigue et les syndromes main-pied. L’essai
a été enrichi par l’inclusion de 37 patients ayant
un carcinome médullaire de la thyroïde. Dix des
34 patients évaluables pour la réponse ont eu une
réponse partielle (29 %). Les réponses ont eu lieu
chez des patients avec ou sans mutation de RET ;
15 autres (41 %) ont eu une stabilisation tumorale
de plus de 6 mois.
➤
Un second essai a été présenté en session
orale avec sunitinib administré selon son schéma
classique, c’est-à-dire pendant 4 semaines toutes les
6 semaines (22). Le sunitinib inhibe RET, mais aussi
VEGFR-1, VEGFR-2, VEGFR-3, PDGFR-β (Platelet-
Derived Growth Factor Receptor β) et c-Kit. Seuls
les patients ayant un carcinome médullaire de la
thyroïde progressant durant les 6 derniers mois
selon les RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid
Tumors) [88 % des cas] ou biologiquement (12 %
des cas) pouvaient être inclus dans l’essai. Parmi
les 24 patients inclus, 8 (33 %) ont eu une réponse
partielle d’une durée médiane de 41 semaines et
13 (54 %) ont connu une stabilisation tumorale
d’une durée médiane de 34 semaines. La survie
sans progression médiane était de 49 semaines.
Là encore, les réponses ont été observées chez des
patients ayant ou pas des mutations de RET.
➤Enfin, les résultats de l’essai ZETA, de phase III,
randomisé et comparant vandétanib et placebo, ont
été présentés (23). Le vandétanib est un inhibiteur
oral de tyrosine kinase ciblant RET, VEGFR et EGFR.
Plus de 300 patients ont été inclus dans cet essai.
À la progression, les patients du bras placebo
avaient la possibilité de recevoir le vandétanib.
Celui-ci était administré à la dose de 300 mg/j. Le
critère de jugement principal était la survie sans
progression. Environ la moitié des patients avaient
une mutation de RET, alors que ce statut n’était pas
décrit pour environ 40 % des patients. Le taux de
réponse objective était de 45 % dans le bras vandé-
tanib versus 13 % dans le bras placebo (et ce essen-
tiellement au moment du crossover) [p < 0,0001]. La
survie sans progression était aussi statistiquement
plus élevée dans le bras vandétanib (non atteinte
versus 19,3 mois ; p = 0,0001).
Au final, il apparaît que l’inhibition de RET est une
stratégie efficace pour le traitement des carci-
nomes médullaires de la thyroïde métastatiques,
ce qui confirme les résultats déjà publiés avec
sorafénib et mosétanib, qui inhibent aussi RET et
VEGFR. Il est cependant impossible de savoir si
l’activité antiangiogénique de ces composés n’a
pas participé à l’efficacité antitumorale observée,
en particulier chez les patients n’ayant pas de
mutation de RET.
Conclusion
Le développement des thérapeutiques moléculaires
ciblées est actuellement au cœur de la recherche
en oncologie ORL. Depuis la mise en évidence des
2 entités bien distinctes de CEVADS en termes
de pronostic et de profil biologique que sont les
CEVADS liés à l’HPV et ceux qui ne le sont pas, il est
temps, et ce plus que jamais, de mettre en place des
essais de stratégie. Pour les CEVADS liés à l’HPV dont
l’incidence augmente, il est impératif d’envisager
des désescalades thérapeutiques malgré la difficulté
de mettre en place de tels essais. Les carcinomes
médullaires de la thyroïde seront très probablement
traités par une thérapeutique moléculaire ciblant
RET et/ou l’angiogenèse dans un avenir proche. ■
Références
bibliographiques
1. Ang KK, Harris J, Wheeler R
et al. Human papillomavirus
and survival of patients with
oropharyngeal cancer. N Engl J
Med 2010;363(1):24-35.
2. Rischin D, Young RJ, Fisher R
et al. Prognostic significance
of p16INK4A and human
papillomavirus in patients with
oropharyngeal cancer treated on
TROG 02.02 phase III trial. J Clin
Oncol 2010;28(27):4142-8.
3. Kumar B, Cordell KG, Lee JS et
al. EGFR, p16, HPV Titer, Bcl-xL
and p53, sex, and smoking
as indicators of response to
therapy and survival in oropha-
ryngeal cancer. J Clin Oncol
2008;26(19):3128-37.
4. Papadimitrakopoulou V,
Guo M, Etzel C et al. Human
papillomavirus (HPV) transmis-
sion from oropharyngeal cancer
patients to sexual partners. J Clin
Oncol 2010;28(15s):abstr. 5527.
5. Bonner JA, Harari PM, Giralt J et
al. Radiotherapy plus cetuximab
for squamous-cell carcinoma of
the head and neck. N Engl J Med
2006;354(6):567-78.
6. Harrington KJ, Berrier A,
Robinson M et al. Phase II study
of oral lapatinib, a dual-tyro-
sine kinase inhibitor, combined
with chemoradiotherapy (CRT)
in patients (pts) with locally
advanced, unresected squamous
cell carcinoma of the head and
neck (SCCHN). J Clin Oncol
2010;28(15s):abstr. 5505.
7. Hayes DN, Raez LE, Sharma AK
et al. Multicenter randomized
phase II trial of combined radio-
therapy and cisplatin with or
without erlotinib in patients
with locally advanced squamous
cell carcinoma of the head and
neck (SCCAHN): preliminary
toxicity results. J Clin Oncol
2010;28(15s):abstr. 5580.
8. Pfister DG, Su YB, Kraus DH
et al. Concurrent cetuximab,
cisplatin, and concomitant boost
radiotherapy for locoregionally
advanced, squamous cell head
and neck cancer: a pilot phase II
study of a new combined-moda-
lity paradigm. J Clin Oncol
2006;24(7):1072-8.
Retrouvez la suite
des références
bibliographiques
sur notre site internet
www.edimark.fr