Le Courrier de l’algologie (5), n° 4, octobre-novembre-décembre 2006 79
ment quelques notions élémentaires de psychologie
et accepter que l’on ne maîtrise pas tout… et que
notre désir, notre vie peuvent rétro-inhiber à peu
près n’importe quoi !
Encore faut-il connaître un peu de sémiologie psychia-
trique pour éviter de coller des “fibromyalgies” à toutes
les consultations… Dernières victimes connues de ces
incompétences psychologiques : un patient paranoïaque
subdélirant, suivi, connu en psychiatrie depuis 15 ans,
qui est allé se faire bénir à la consultation d’interniste
avec une fibromyalgie, diagnostic collé en 8 minutes
porte-à-porte. Ou bien encore cette grand-mère dyna-
mique de 88 ans percluse de douleurs nociceptives de
polyarthrose parfaitement explicables, et surtout ne
supportant plus sa vieillesse qui avance, et qui vient
ensuite reprocher à tous les médecins précédents de ne
pas avoir fait le diagnostic de sa “grosmalgie” (fibro-
myalgie annoncée en une consultation et quelques
minutes par un rhumatologue…).
No comment…
Mais quand allons-nous arrêter de dénier la vie psy-
chique du sujet ? Ah, j’oubliais, c’est difficile à valider
contre placebo, la vie…
On a même entendu dans un congrès récent qu’il
“n’existait pas grand-chose de publié en France sur
démence et douleur” (sic, en séance plénière). Voilà
qui va faire plaisir à vingt ans de publications de la
gériatrie française ! Allez, à la trappe, la Revue de
Gériatrie ! À la trappe, Le Courrier de l’Algologie
et la revue Douleurs ! Au panier, tous les travaux
des Wary, Sebag-Lanoé, Jean, Cornu, Petrognani,
Malaquin-Pavant et les autres… qui ont creusé les
concepts, décapé la routine classique, travaillé les
échelles, publié de belles enquêtes transversales ou de
précieuses cohortes permettant de comprendre bien
mieux les problématiques. Ah, mais, j’oubliais, c’est
malheureusement publié en français. C’est sûrement
pour cela qu’il n’y a “presque rien” sur le sujet !
Finalement, je suis peut-être déprimé… après vingt
ans de combat pour que notre système se centre sur
le malade et pas seulement sur sa maladie ! Je n’ai
plus le courage d’aller voir ces collègues et de leur
dire gentiment que DOLOPLUS, l’ECS ou ECPA ne
sont pas “rien”, que ces belles équipes et ces beaux
outils ont fait bien avancer la compréhension, l’éva-
luation et la prise en compte des liens entre démence
et douleur, entre autres intérêts. Et même si nous
rendons tous grâce à Kubler-Ross, à Ferell et aux
Américains précurseurs de tout poil, reconnaissons
que d’autres médecins, d’autres gériatres, des infir-
mières (mais oui !) des psychologues ont aussi dit
des choses sensées, même en français...
Allez, bon courage, chers collègues, et n’oubliez
pas de clamer dans vos évaluations (!) de congrès
que l’on se moque de nous avec ces névroses
d’”évaluationnites“, ces aveuglements sélectifs
anglophones véritablement exaspérants, ces procé-
durites subaiguës pour nous faire avaler de force le
bon sens… validé !
Bon, je vous laisse, je dois mettre une étude en place :
double mourant randomisé contre placebo, avec dou-
ble cross-over pour savoir si c’est angoissant d’avoir
mal à l’agonie et d’avoir peur de mourir.
Au moins, là-dessus, j’espère que l’on m’accordera
ce résultat de bon sens...
Pas sûr. Car, en plus, on va l’écrire en français ! ■