L’ Qualité de vie : critère essentiel de la prise

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MISE AU POINT
Qualité de vie :
critère essentiel de la prise
en charge du cancer
Quality of life: an essential criteria of cancer care
S. Träger*, E. Carola*
L’
évaluation et l’amélioration de la qualité de
vie (QDV) ont toujours été des préoccupations au sein de la communauté médicale.
Ainsi, l’amélioration des traitements et l’optimisation des stratégies thérapeutiques ont permis une
“augmentation de la quantité de vie” conduisant,
dans certains cas, à considérer le cancer comme
une maladie chronique.
Pour ces patients, le maintien d’une bonne QDV
est primordial, notamment en minimisant les effets
secondaires des traitements.
En recherche clinique, la survie globale, la survie sans
maladie et le taux de réponse restent les critères
majeurs d’évaluation des traitements. En revanche,
la QDV ne fait pas partie des critères d’évaluation
systématiques. Cela s’explique notamment par la
difficulté qu’il y a à définir ce concept, et par conséquent à l’apprécier.
Les indicateurs objectifs (évaluation des capacités
fonctionnelles) sont nécessaires, mais non suffisants
pour estimer la QDV. Une vision plus globale de la
personne traduisant sa subjectivité est fondamentale pour comprendre le concept. Quels sont les
instruments d’évaluation de la QDV utilisables en
oncologie ? Et dans quelles situations ?
Définition
et méthodes d’évaluation
Selon l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) [1], la qualité de vie est “une perception individuelle de sa position dans la vie, dans le contexte
de sa culture et de son système de valeur en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses standards.
Le concept intègre de manière complexe la santé
physique de la personne, son état psychologique,
son niveau d’indépendance, ses relations sociales,
ses croyances personnelles et ses relations avec les
événements de son environnement” (WHOQOL
Group, 1993 [1]).
La QDV englobe donc 4 dimensions : physique,
psychologique, sociale et spirituelle. À cela s’ajoute
la perception intuitive que chaque individu se fait
de sa propre qualité de vie.
Elle est bien une notion qualitative qu’il faut convertir
en données quantitatives pouvant se définir par :
➤ des indicateurs externes (données objectives) :
niveau d’éducation, santé physique et mentale,
occupations, relations sociales, conditions socioéconomiques ;
➤ des indicateurs internes (données subjectives) :
satisfaction, bonheur, bien-être.
La QDV peut être évaluée soit par rapport à une
population dite de référence, soit par rapport à ce
qui serait idéal pour la personne évaluée (c’est-à-dire
selon son propre standard).
La mesure peut se faire en observant directement les
sujets lors d’entretiens psychologiques (méthode non
objective et non reproductible) ou en utilisant des
instruments standardisés (questionnaires, échelles),
ces derniers ayant l’inconvénient d’être évidemment
plus restrictifs. L’évaluation peut être réalisée par une
personne extérieure (hétéro-évaluation) ou par le
patient lui-même (autoévaluation). Cette dernière
est préférable. En effet, une étude publiée en 1997
(2) montre une sous-estimation par les médecins
des effets secondaires induits par la chimiothérapie
comparativement à l’évaluation faite par les patients
eux-mêmes.
* Unité d’oncologie, centre hospitalier
de Senlis.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 6 - juin 2010 |
365
Résumé
Mots-clés
Qualité de vie
Cancer
Questionnaires
Le maintien d’une bonne qualité de vie voire son amélioration sont des objectifs majeurs dans la prise
en charge du cancer, et ce à tous les stades de la maladie. La qualité de vie reste un concept difficile à
objectiver mais il existe cependant des outils d’évaluation adaptées au cancer et utilisables dans certaines
situations. Elle peut être le critère principal d’études cliniques notamment lorsque qu’il s’agit de montrer
l’équivalence de deux traitements. La qualité de vie peut en outre être un facteur prédictif et pronostique
indépendant.
Highlights
Outils d’évaluation
The preservation of a good
quality of life, even its improvement, is a major goal in the
care process of cancer, whatever is the evolution of the
disease.
Quality of life remains a quite
difficult concept to be objectivized, however evaluation tools
do exist. They are adapted to
cancer and useful in many situations.
The quality of life can be a
main criteria into clinical
surveys, particularly to show
the equivalence of two distinct
treatments. It can also represent a predictive and forecast
independent factor.
Évaluation collective
Des questionnaires s’adressant aux individus d’une
population donnée apportent des informations
valables pour l’ensemble du groupe. Ils sont utilisés
dans les essais thérapeutiques.
Le choix des questionnaires évaluant la QDV est
large. Ils répondent à des critères précis : ils doivent
avoir des propriétés psychométriques établies, être
fiables, sensibles et spécifiques.
Il existe 2 types d’échelles dont la validité psychométrique a été confirmée :
➤➤ Les échelles génériques
Les principaux index de santé généraux développés
ont été le SF-36® (Short Form) [3], le NHP (Nottingham Health Profile) [4] et le SIP (Sickness Impact
Profile) [5]. Ils s’intéressent au fonctionnement du
corps dans son ensemble, non à une partie, un organe
ou une fonction particulière, et sont utilisés dans
différentes pathologies.
➤➤ Les échelles spécifiques au cancer
Les questionnaires les plus utilisés sont le QLQ-C30
en Europe (EORTC Quality of Life Questionnaire)
[annexe 1] (6), le FACT-G (Functional Assessment of
Cancer Therapy-General) [7] et le FLIC (Functional
Living Index Cancer) [8] en Amérique du Nord. Ils
n’explorent pas tous les mêmes domaines (9).
Il est possible d’ajouter à ces questionnaires des
modules spécifiques de différents organes ou symptômes, notamment pour les questionnaires FACT
et QLQ-C30. Certains modules sont validés ou en
cours d’évaluation (tableau).
▸▸▸ / ▸▸▸
Tableau. Exemple d’autoquestionnaires utilisés chez le patient atteint de cancer (EORTC* et FACT**).
Keywords
Quality of life
Cancer
Questionnaires
Localisations validées
(non exhaustif)
Localisations en cours
de validation
FACT-G
Poumon (FACT-L)
Sein (FACT-B)
Tête et cou (FACT-H&N)
Ovaire (FACT-O)
Cerveau (FACT-Br)
Prostate (FACT-P)
Hépatique (FACT-Hep)
Colorectal (FACT-C)
Vessie (FACT-BI)
Œsophage (FACT-E)
Endomètre (FACT-En)
Estomac (FACT-Ga)
Leucémie (FACT-Leu)
Lymphome (FACT-Lym)
Rein
QLQ-C30
(EORTC)
Poumon (QLQ-LC13)
Sein (QLQ-BR23)
Tête et cou (QLQ-H&N35)
Œsophage (QLQ-OES18)
Ovaires (QLQ-OV28)
Estomac (QLQ-STO22)
Myélome (QLQ-MY20)
Prostate (QLQ-PR25)
Colorectal (QLQ-CR29)
Métastases hépatiques
de cancer colorectal (QLQLMC21)
Cerveau (QLQ-BN20)
Pancréas
Vessie
Leucémie lymphoïde
chronique
Endomètre
Tumeurs neuro-endocrines
Carcinome hépatocellulaire
Métastases osseuses
Ophtalmologique
* www.eortc.be/qol.
** www.facit.org.
366 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 6 - juin 2010
“Symptômes” validés
(non exhaustif)
“Symptômes”
en cours de validation
Fatigue (FACIT-F)
Symptômes digestifs
Anémie (FACT-An)
Endocrines (FACT-ES)
Anorexie (FAACT)
Diarrhée (FACIT-D)
Lymphœdème (FACT-B+4)
Haute dose
de chimiothérapie
Patients âgés
Fatigue
Neuropathie périphérique
Rectite radique
MISE AU POINT
Annexe 1. Exemple de questionnaire.
QUESTIONNAIRE SUR LA QUALITÉ DE VIE
EORTC QLQ-C30 version 3
Nous nous intéressons à vous et à votre santé.
Répondez vous-même à toutes les questions en entourant le chiffre qui correspond le mieux à votre situation.
Il n’y a pas de “bonne” ou de “mauvaise” réponse. Ces informations sont strictement confidentielles.
Vos initiales : . .............................................................
Date de naissance : ..................................................
La date d’aujourd’hui : . ..........................................
Au cours de la semaine passée
1. Avez-vous des difficultés à faire certains efforts physiques
pénibles comme porter un sac à provision chargé ou une valise ?
2. Avez-vous des difficultés à faire une LONGUE promenade ?
3. Avez-vous des difficultés à faire un PETIT tour dehors ?
4. Êtes-vous obligé de rester au lit ou dans un fauteuil la majeure
partie de la journée ?
5. Avez-vous besoin d’aide pour manger, vous habiller, faire votre
toilette ou aller aux WC ?
6. Êtes-vous limité d’une manière ou d’une autre pour accomplir
soit votre travail, soit vos tâches habituelles chez vous ?
7. Êtes-vous totalement incapable de travailler ou d’accomplir
des tâches habituelles chez vous ?
Pas du tout Un peu Assez Beaucoup
1
2
3
4
Au cours de la semaine passée
8. Avez-vous eu le souffle court ?
9. Avez-vous eu mal ?
10. Avez-vous eu besoin de repos ?
11. Avez-vous eu des difficultés pour dormir ?
12. Vous êtes-vous senti faible ?
13. Avez-vous manqué d’appétit ?
14. Avez-vous eu des nausées (mal au cœur) ?
15. Avez-vous vomi ?
16. Avez-vous été constipé ?
Pas du tout Un peu Assez Beaucoup
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
1
1
2
2
2
3
3
3
4
4
4
1
2
3
4
1
2
3
4
1
2
3
4
Au cours de la semaine passée
Pas du tout Un peu Assez Beaucoup
17. Avez-vous eu de la diarrhée ?
1
2
3
4
18. Étiez-vous fatigué ?
1
2
3
4
19. Des douleurs ont-elles perturbé vos activités quotidiennes ?
1
2
3
4
20. Avez-vous eu des difficultés à vous concentrer sur certaines choses,
1
2
3
4
par exemple pour lire le journal ou regarder la télévision ?
21. Vous-êtes vous senti tendu ?
1
2
3
4
22. Vous-êtes vous fait du souci ?
1
2
3
4
23. Vous-êtes vous senti irritable ?
1
2
3
4
24. Vous-êtes vous senti déprimé ?
1
2
3
4
25. Avez-vous eu des difficultés pour vous souvenir de certaines choses ?
1
2
3
4
26. Votre état physique ou votre traitement médical vous ont-ils gêné
1
2
3
4
dans votre vie FAMILIALE ?
27. Votre état physique ou votre traitement médical vous ont-ils gêné
1
2
3
4
dans vos activités SOCIALES (par exemple sortir avec des amis,
aller au cinéma...) ?
28. Votre état physique ou votre traitement médical vous ont-ils causé
1
2
3
4
des problèmes financiers ?
POUR LES QUESTIONS SUIVANTES, VEUILLEZ RÉPONDRE EN ENTOURANT
LE CHIFFRE ENTRE 1 ET 7 QUI S’APPLIQUE LE MIEUX À VOTRE SITUATION.
29. Comment évalueriez-vous l’ensemble de votre ÉTAT PHYSIQUE au cours de la semaine passée ?
1
2
3
4
5
6
Très mauvais
30. Comment évalueriez-vous l’ensemble de votre QUALITÉ DE VIE au cours de la semaine passée ?
1
2
3
4
5
6
Très mauvais
7
Excellent
7
Excellent
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 6 - juin 2010 | 367
MASCC
M U LT I N AT I O N A L A S S O C I AT I O N O F
SUPPORTIVE CARE IN CANCER
24-26 juin 2010 – Vancouver, Canada
e-journal
en direct
Recevez,
chaque jour,
les temps forts
du congrès
Évaluation individuelle
L’individu est sa propre référence. L’objectif est
d’asseoir une décision sur la base individuelle plutôt
que collective en intégrant ses préférences et ses
valeurs personnelles. Deux outils génériques sans
spécificité oncologique sont utilisés : le SEIQoL
(Schedule for the Evaluation of Individual Quality of
Life) [10] et le PGI (Patient Generated Index) [11].
Le PGI informe tant sur les difficultés d’ajustement
du patient à sa maladie que sur les ressources adaptatives mises en place par celui-ci (12). Il présente
cependant des inconvénients en termes de coût et
de temps de travail du soignant.
Trois exemples concrets
de l’utilisation de l’évaluation
de la qualité de vie
en cancérologie
Situation d’équivalence des traitements :
stades précoces des cancers
de la prostate
Experts scientifiques :
Pierre Bory
Mario di Palma
Florian Scotté
Consultation a posteriori sur :
www.edimark.fr/ejournaux/mascc2010.htm
“Attention : ceci est un compte-rendu de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.”
“Ces informations sont sous la seule responsabilité des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de l’objectivité de cette publication.”
Avec le soutien institutionnel de
368 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 6 - juin 2010
Le dépistage précoce et l’optimisation des traitements ont permis d’augmenter la durée de vie
des patients atteints de cancers de la prostate. La
particularité de ces stades localisés est que nous
disposons de plusieurs traitements avec des résultats
carcinologiques identiques. Trois thérapeutiques
curatives peuvent être proposées : la chirurgie, la
radiothérapie et la curiethérapie.
Les taux de guérison sont élevés et l’espérance de
vie est longue. On comprend bien que l’impact des
effets secondaires des traitements sur la qualité
de vie va conditionner le choix de la thérapeutique
par le patient.
Les questionnaires les plus adaptés à cette pathologie
sont le QLQ-PR25, le FACT-P, l’UCLA-PCI (University of California Los Angeles-Prostate Cancer Index),
l’EPIC (Expanded Prostate Cancer Index) et l’AUASI
(American Urological Association Symptom Index).
Une étude de Ferrer et al. (13) s’est intéressée à l’évaluation de la QDV des patients atteints de cancer
de la prostate localisé (n = 614) traités par prostatectomie radicale (n = 134), radiothérapie externe
(n = 205) ou curiethérapie (n = 275). La QDV a été
mesurée par plusieurs questionnaires génériques et
spécifiques au cancer de la prostate (SF-36, FACT-G,
FACT-P, EPIC, AUASI) avant et après traitement (1, 3,
6, 12 et 24 mois).
MISE AU POINT
En post-thérapeutique immédiate, la QDV était
altérée pour les 3 traitements avec une récupération partielle de certaines fonctions à 2 ans. Des
domaines restaient donc perturbés : on retrouve
les troubles urinaires, sexuels et digestifs connus
comme effets indésirables possibles de la curie­
thérapie, chirurgie et radiothérapie. Cependant,
quel que soit le traitement, les échelles de QDV
globale (14) ne mettent pas en évidence une dégradation du quotidien des patients par comparaison
avec la population générale.
En résumé, malgré l’augmentation des troubles
digestifs, urinaires ou sexuels induits par ces traitements (informations indispensables à donner pour
éclairer le choix des patients), il est important de
rassurer le patient quant au maintien de sa qualité
de vie globale à long terme. Cette situation peut en
partie s’expliquer par un comportement d’adaptation des patients, qui donnent à ces symptômes un
caractère mineur dans leur vie quotidienne.
Situation palliative :
cancer du pancréas métastatique
L’objectif de la chimiothérapie des cancers du pancréas
métastatique est d’améliorer la survie médiane mais
surtout d’améliorer le confort ­quotidien du patient.
C’est dans le cadre du cancer du pancréas que l’on
a défini la notion de “bénéfice clinique” reposant
sur 3 paramètres évalués à chaque cycle de chimiothérapie (15) :
➤➤ l’évaluation de la douleur (par l’échelle EVA) ;
➤➤ la consommation d’antalgiques ;
➤➤ la variation de l’indice de Karnofsky.
Il s’agit donc d’une appréciation objective par le
médecin de l’amélioration clinique. C’est l’étude de
Burris (16) qui a principalement permis à la gemcitabine de devenir le standard de chimiothérapie dans
cette indication. Le critère principal de jugement
était le bénéfice clinique. Ce dernier, score pragmatique et outil simple de mesure, ne prend pas
en compte la QDV dans sa dimension globale, telle
qu’appréciée par le patient.
Dans un essai randomisé de phase III comparant
la chimiothérapie (5-FUFOL ± VP16) à un trai­
tement symptomatique, l’allongement de la
survie globale avec la chimiothérapie était accompagné d’une amélioration de la QDV évaluée par
le QLQ-C30 (17) : 36 % des patients traités par
chimiothérapie présentaient une amélioration ou
une stabilité de leur QDV contre 10 % lors de traitement symptomatique (p < 0,01).
La chimiothérapie des stades avancés a donc établi
sa supériorité comparativement à des soins de
conforts seuls en termes de survie mais surtout
de QDV.
Soins de support : exemple de la fatigue
L’asthénie est le symptôme le plus fréquemment
cité parmi ceux altérant la QDV des patients atteints
de cancer (18, 19). Son caractère subjectif et son
étiologie multidimensionnelle la rendent toutefois
difficile à évaluer.
Dans l’étude de Stone (19), seulement 22 % des
patients estiment que la fatigue pourrait faire l’objet
de traitements et 52 % des patients se plaignant de
ce symptôme n’en ont jamais informé leur médecin.
En règle générale, de nombreux patients atteints
de cancer considèrent la fatigue comme une conséquence normale de leur maladie et s’abstiennent
d’en parler à leur médecin. Par ailleurs, le retentissement de la fatigue est fréquemment mésestimé
par les médecins, et sa banalisation rend le symptôme difficile à dépister. Or, des instruments validés
existent pour dépister et mesurer la fatigue. Les plus
utilisés sont le FACT-Fatigue (20), le MFSI (Multidimensional Fatigue Symptom Inventory) [21], le FSI
(Fatigue Symptom Inventory) [22], le FAQ (Fatigue
Assessment Questionnaire) [23] et le MFI (Multidimensional Fatigue Inventory) [24].
L’utilisation de ces échelles permet d’objectiver
­l’asthénie et d’instaurer les traitements spécifiques.
L’un des avantages notables est également de faire
prendre conscience au malade que sa fatigue n’est
pas une fatalité.
Valeurs pronostiques
de la qualité de vie
Corrélation entre qualité de vie et survie
Une méta-analyse de 2009 (25), portant sur 30 essais
randomisés concernant 10 108 patients atteints de
cancer, a évalué la QDV de façon spécifique ainsi que
son impact pronostique. Le questionnaire d’évaluation utilisé était le QLQ-C30. La QDV physique est
apparue comme un facteur pronostique indépendant
déterminant pour la survie globale, comme l’âge
ou la présence de métastases. Ces résultats confirment l’importance d’une évaluation systématique
de la QDV dans les études cliniques comme l’un des
éléments prédictifs de la survie du patient.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 6 - juin 2010 | 369
MISE AU POINT
Qualité de vie : critère essentiel de la prise en charge du cancer
Corrélation entre qualité de vie
et réponse à la chimiothérapie
Dans une étude randomisée de chimiothérapie palliative pour un cancer du sein (n = 300), la QDV initiale
a été un facteur prédictif indépendant de la réponse
à la doxorubicine avec ou sans vinorelbine (26).
Dans le cas du cancer bronchique métastasé,
plusieurs études ont montré que la QDV des patients
– évaluée par les questionnaires QLQ LC-13, FACT-L
et LCSS (Lung Cancer Symptom Scale) – est un facteur
prédictif de réponse à la chimiothérapie (27-29).
Ainsi, chez des patients dont l’état général est précaire,
lorsque le traitement par chimio­thérapie palliative
peut se discuter face au traitement symptomatique,
l’évaluation de la QDV peut aider à la décision.
Conclusion
Le rapport Grünfeld, en vue de l’élaboration du
Plan cancer 2, considère que “l’amélioration de la
qualité de vie des patients doit être un axe fort de ce
nouveau plan”. Les facteurs altérant la QDV en onco-
logie sont nombreux. L’intérêt de l’évaluation de la
QDV des patients atteints de cancer est fondamental
à tous les stades de la maladie (y compris chez les
patients guéris, le gain en termes d’espérance de
vie ne devant pas être obtenu au détriment de la
QDV). La QDV peut être le critère principal d’un
essai randomisé, surtout lorsque l’hypothèse est
l’équivalence de deux thérapeutiques.
La QDV contribue à une meilleure prise en charge des
malades grâce à l’évaluation des besoins par des outils
psychométriques qui ne sont pas toujours détectés
en pratique quotidienne (exemple de la fatigue).
Une des limites de cette évaluation réside dans la
répétition des mesures. Il est ainsi difficile pour un
patient de répondre fréquemment à de nombreuses
pages de questions, ce qui peut aboutir à des réponses
imprécises, voire aléatoires. Les réponses données
par les patients marquent parfois l’aggravation de
leur état, et il leur devient alors difficile psychologiquement de répondre à ce type de question­naire
(exemple des soins palliatifs). La recherche doit donc
se poursuivre pour affiner et adapter les outils utilisés
afin que l’appréciation de la qualité de vie fasse partie
des évaluations de routine.
■
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