La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 3 - mai-juin 2006
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listent plusieurs éléments qui ont pu contribuer au caractère
limité de l’effet mesuré. Tout d’abord, l’hôpital dans lequel la
restriction a été opérée était déjà plutôt un “faible” consom-
mateur de fluoroquinolones comparativement aux hôpitaux
contrôles (53,6 versus 84,8 ; 85,4 et 89,2 doses définies jour-
nalières pour 1 000 patients-jours entre 1997 et 2000). On peut
penser qu’une réduction drastique de la consommation de
fluoroquinolones aurait eu un effet plus spectaculaire dans un
hôpital gros consommateur. Ensuite, cette étude n’a limité la
consommation de fluoroquinolones qu’en milieu hospitalier.
Une restriction de la consommation de fluoroquinolones dans
la communauté desservie par cet hôpital aurait peut-être
majoré l’effet observé.
Quoi qu’il en soit, on peut conclure avec les auteurs qu’une
réduction drastique de la consommation de fluoroquinolones
dans les hôpitaux n’est pas la solution miracle face à l’épidé-
mie de SARM. L’intrication de multiples autres facteurs ne per-
met pas de se focaliser sur la seule consommation des fluo-
roquinolones, même s’il s’agit d’un facteur aggravant recon-
nu, documenté à nouveau à travers cette étude. Les mesures
d’hygiène, le lavage des mains, l’isolement des patients, le
bon usage des antibiotiques dans les communautés sont éga-
lement à prendre en compte.
Cependant, à l’heure où la consommation de fluoroquino-
lones connaît un nouveau boum dans les hôpitaux français,
dopée par l’arrivée de la lévofloxacine puis de la moxifloxaci-
ne dans des indications où les fluoroquinolones n’étaient que
rarement prescrites jusqu’ici (les infections respiratoires),
cette étude est à garder en mémoire. Il n’est pas impossible
que cette surconsommation de fluoroquinolones ait des
conséquences écologiques désastreuses d’ici quelques
années. On pourra alors se souvenir qu’on peut se passer de
fluoroquinolones dans la majorité des situations et que les
conséquences de cette restriction sont globalement plutôt
favorables.
P. Tattevin, Rennes
La vaccination contre la coqueluche
et le pneumocoque
Une étude canadienne (Halperin SA et al, Pediatr Infect Dis
J 2006;25:195-200) a évalué la tolérance d’un rappel diphté-
rie (valence d), tétanos et coqueluche acellulaire (dTCa) chez
des enfants de 7 à 20 ans ayant eu un rappel de diphtérie
tétanos (à l’âge de 4 à 6 ans) dans des délais variables supé-
rieurs à 18 mois : 2 à 5 ans (n = 2 466), 6 à 9 ans (n = 3 626),
et 10 ans et plus (n = 912). La tolérance 15 minutes après l’in-
jection puis à J14 et J30 a pu être évaluée chez 5 931 sujets
(84,7 %). Ni phénomène d’Arthus, ni gros bras douloureux,
ni effets indésirables sérieux n’ont été notifiés. Aucune dif-
férence en termes de réactions fébriles n’a été observée entre
les différents groupes selon le délai du dernier rappel (de 4,7
à 7,7 % pour une température > 38 °C, moins de 2,6 % pour
une température > 39 °C). Il existe une augmentation de fré-
quence modérée de l’induration et de l’érythème au site d’in-
jection des rappels des cohortes 4, 5, 6 et 7 ans comparati-
vement à la cohorte rappel supérieur à 10 ans. La fréquence
maximale des effets indésirables dans les cohortes de rap-
pel inférieur à 10 ans est de 8,6 % pour l’érythème, 10,3 %
pour l’induration et 5,2 % pour les douleurs. Seul l’âge de la
population de l’étude est un frein pour appliquer ces don-
nées à la situation du calendrier vaccinal français.
Une étude publiée récemment (Kyaw MH et al. N Engl J Med
2006;354:1455-63) est la première étude menée dans la popu-
lation générale à montrer une réduction des infections inva-
sives par des souches de pneumocoque de sensibilité dimi-
nuée à la pénicilline (PSDP) suite à une vaccination généralisée
par le vaccin heptavalent conjuguée chez les nourrissons. Il
s’agit d’une étude menée aux États-Unis entre 1996 et 2004
dans six régions (14,3 à 16,9 millions d’habitants dont
500 000 enfants de moins de 2 ans) ayant une stratégie de vac-
cination contre le pneumocoque chez les jeunes enfants par
le vaccin heptavalent depuis 2000. Un système de surveillance
par les laboratoires de microbiologie des infections invasives
à pneumocoque a permis d’observer l’évolution de l’incidence
des souches résistantes. L’incidence des infections invasives à
PSDP a baissé de 57 % (de 6,3/100 000 à 2,7/100 000) entre
1999 et 2004. Chez les enfants de moins de 2 ans, cette dimi-
nution atteint 81 % (de 70,3/100 000 à 13,1/100 000). Parmi les
patients de plus de 65 ans, elle atteint 49 % (de 16,4/100 000 à
8,4/100 000). Il n’a pas été noté d’augmentation de l’utilisation
du vaccin polysaccharidique à 23 valences durant cette
période. Il s’agit d’un phénomène indirect dû à la diminution
du portage pharyngé par ces souches, et donc de la réduction
du risque de transmission croisée. Le revers de la médaille de
cette diminution de portage pharyngé (“la nature déteste le
vide”) est une augmentation des infections invasives dues au
sérotype 19 A, non compris dans le vaccin heptavalent conju-
gué et fréquemment associé à une diminution de sensibilité à
la pénicilline, pendant cette même période, chez les enfants de
moins de 2 ans (de 2 à 8,3/100 000). La couverture vaccinale
de ce vaccin aux États-Unis pour les enfants de 19 à 35 mois
est estimée à 73 % (d’avoir 3 des 4 injections prévues).
Il s’agit de la première étude à large échelle qui semble
démontrer que le vaccin heptavalent conjugué est une arme
contre la résistance bactérienne du pneumocoque. Une limite
de taille de cette étude est l’absence de données contingentes
de consommation d’antibiotique permettant un ajustement
sur ce facteur de confusion. De plus, la répartition des séro-
types est différente aux États-Unis et en France. Enfin, toutes
ces données soulignent l’importance de la surveillance natio-
nale des sérotypes et de la résistance aux antibiotiques du
pneumocoque menée par les observatoires régionaux, dont
les données de 2003 sont publiées dans le numéro 1-2006 du
Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire.
C. Strady, Reims
Le numéro de La Lettre de l’Infectiologue de mars-avril 2006
rapportait les dernières actualités en vaccinologie à partir de
travaux présentés lors des réunions de l’ICAAC et de l’IDSA
2005. Deux articles récents complètent ces actualités et por-
tent sur la vaccination contre la coqueluche et le pneumocoque.
Le calendrier vaccinal 2005 propose une vaccination contre
la coqueluche pour les nourrissons dès l’âge de 2 mois (et
non 3 mois comme cité dans le compte-rendu paru dans La
Lettre de mars-avril 2006), un deuxième rappel dès l’âge de
11-13 ans, et à l’occasion d’une grossesse, pour les
membres du foyer (enfant qui n’est pas à jour pour cette
vaccination, adulte qui n’a pas reçu de vaccination au cours
des dix dernières années). Un rappel vaccinal est également
recommandé chez les adultes, professionnels de santé au
contact de nouveau-nés et de nourrissons. En l’absence de
vaccin monovalent contre la coqueluche, le problème se
pose de la tolérance d’un vaccin quadrivalent (diphtérie
valence d, tétanos T, poliomyélite P et coqueluche acellu-
laire Ca : dTPCa) chez les jeunes adultes dont le dernier rap-
pel TP date de moins de 10 ans. Un consensus rendait une
injection de vaccin quadrivalent possible en cas de délai
supérieur à 5 ans. Des données récentes rassurantes vont
probablement permettre de raccourcir ce délai à 18 mois.