Un essai randomisé anglais (4) a cherché à savoir si la radiothé-
rapie conformationnelle permettait de diminuer la toxicité de
l’irradiation. Deux cent vingt-cinq patients ont été randomisés
entre irradiation conventionnelle (111 patients) et irradiation
conformationnelle (114 patients), avec une dose identique
(64 Gy, 2 Gy par fraction, par trois faisceaux, un antérieur et
deux faisceaux latéraux ou postéro-obliques). La même tech-
nique était utilisée dans le bras radiothérapie conformation-
nelle, mais des caches personnalisés étaient ajoutés autour du
volume cible (prostate et vésicules séminales formaient le
GTV ; le CTV consistait en le GTV plus une marge de 1 cm),
pour réaliser le PTV (CTV + une marge de 6 mm). Aucune dif-
férence en termes de contrôle de la maladie n’a été retrouvée.
En revanche, si la toxicité de grade 3 ou 4 est très rare dans les
deux groupes (un cas de rectite grave et un cas de cystite grade
3, les deux dans le bras conventionnel), le taux de rectite
radique de grade 1 ou 2 est significativement diminué dans le
bras conformationnel (rectite grade 2 : 3 % dans le bras confor-
mationnel contre 12 % ; rectite grade 1 : 34 % vs 51 % ; p =
0,004). Aucune différence, en revanche, sur la toxicité urinaire.
Cet essai confirme l’intérêt de la radiothérapie conformation-
nelle dans le cancer prostatique : elle pourrait être utile pour le
contrôle de la maladie, car elle permet de réaliser une escalade
de doses (7, 18), et elle diminue la toxicité à long terme.
Deviendra-t-elle bientôt le standard de traitement des cancers
prostatiques au stade précoce ?
RADIOTHÉRAPIE DES MÉTASTASES OSSEUSES :
LES HABITUDES FRANÇAISES SONT LOIN
DU CONSENSUS ANGLO-SAXON
Au mois d’août 1999, sont parus deux grands essais randomi-
sés européens sur le meilleur schéma d’irradiation des méta-
stases osseuses.
Un essai hollandais (16) a enregistré tous les patients adressés
pour irradiation antalgique de métastases osseuses à 17 des
21 centres de radiothérapie hollandais entre mars 1996 et sep-
tembre 1998. Les patients présentant un score de douleur sur
l’échelle EVA (échelle visuelle analogique de la douleur) au
moins supérieur à 2, dont les lésions osseuses étaient aisément
incluables dans un seul champ d’irradiation, qui n’avaient
jamais été irradiés auparavant ou qui ne nécessitaient pas de
chirurgie pour fixation d’une fracture pathologique ou com-
pression médullaire étaient éligibles. Il fallait également qu’il
ne s’agisse pas de lésions du rachis cervical, la moelle épinière
à ce niveau pouvant être plus sensible aux fractions élevées.
Enfin, les cancers du rein et les mélanomes étaient exclus, car
possédant peut-être un comportement radiobiologique différent.
Les patients étaient randomisés entre une fraction unique de
8Gy et 24 Gy en 6 fractions. Quatre mille quatre-vingt-quatre
patients ont été enregistrés, parmi lesquels 1 171 (29 %) ont été
randomisés. Les raisons pour ne pas randomiser les autres
étaient : pas de consentement éclairé (22 %), plus d’un volume
cible (24 %), compression médullaire ou fracture pathologique
(21 %), mélanome ou cancer du rein (6 %), métastases du rachis
cervical (6 %). Les caractéristiques des patients inclus dans les
deux groupes sont strictement similaires. L’analyse a porté sur
579 patients dans le groupe 8 Gy et 578 dans le bras 4 x 6 Gy.
On note 71 % d’amélioration de la douleur, avec une dispari-
tion complète dans 35 % des cas, le score moyen sur l’EVA
passant de 7 à 4. Aucune différence entre les deux bras n’a été
retrouvée en termes d’efficacité à 12 semaines, de diminution
de la consommation d’antalgiques ou de rapidité d’obtention de
la réponse. De plus, à un an, 98 patients étaient en vie dans le
bras 4 x 6 Gy, et 108 dans le bras dose unique : là encore,
aucune différence n’est observée entre les deux bras. Une réap-
parition de la douleur dans le site irradié est signalée dans 49 %
des cas ; la fréquence et le délai d’apparition de ces progres-
sions douloureuses sont strictement identiques dans les deux
bras. En revanche, les patients dans le bras 8 Gy ont fait plus
souvent l’objet d’une réirradiation (25 % contre 7 %), les radio-
thérapeutes n’hésitant pas à les réirradier plus tôt, dès la reprise
douloureuse. On note un peu plus de fractures pathologiques
dans le bras dose unique (4 % vs 2 % ; p < 0,05), laissant sup-
poser que la recalcification est moins bonne dans le bras 8 Gy.
La qualité de vie est identique dans les deux bras tout au long
de l’essai, et le coût de la fraction unique est moindre.
Un essai anglais (2) a comparé également une fraction unique
de 8 Gy à un schéma multifractionné (20 Gy/5 fractions ou
30 Gy/10 fractions au choix du radiothérapeute, mais seuls
2% des patients ont reçu 30 Gy). Cent quatre-vingt dix
patients ont été randomisés dans le bras dose unique et 205
dans le bras multifractionné. Là encore, on ne note aucune dif-
férence entre les deux bras pour l’efficacité antalgique, la rapi-
dité de l’effet et la diminution des antalgiques, avec 78 %
d’efficacité antalgique dans les deux bras, dont 57 et 58 % de
disparition complète de la douleur. Une réapparition de la dou-
leur est notée dans 32 % des cas en moyenne, 34 % dans le
bras dose unique, 30 % dans le bras multifractionné (différence
non significative). À nouveau, une seconde réirradiation a été
plus souvent réalisée dans le bras monofractionné (23 % contre
10 % ; p < 0,001), essentiellement du fait que les radiothéra-
peutes évitaient de réirradier après une dose de 5 x 4 Gy. Une
étude annexe sur la fréquence des nausées-vomissements après
l’irradiation n’a montré aucune différence entre les deux bras.
Par ailleurs, une étude de Jeremic et coll. (8) a montré, sur
109 patients, qu’il était tout à fait possible de réaliser une réir-
radiation à la dose de 4 Gy en une fraction unique sans pro-
blème, avec une efficacité antalgique dans 74 % des cas.
Les habitudes françaises sont encore éloignées de cette
approche, le classique “30 Gy en 10” restant très utilisé. Il faut
cependant dire que certains collègues américains restent égale-
ment sceptiques quant à l’intérêt de la dose unique (14). La
mise en évidence de sous-groupes de patients nécessitant, plu-
tôt qu’une fraction unique, une irradiation à dose plus élevée
multifractionnée devient le but des prochaines études. En
attendant, il semble cependant que l’attitude de routine devrait
être une irradiation unique de 8 Gy (12), et une réirradiation
dès la reprise des douleurs, ce qui ne semble utile que dans 25
à 40 % des cas, et réalisable sans toxicité. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Aupérin A., Arriagada R., Pignon J., Le Pechoux C., Grégor A., Stephens R.
et coll. Prophylactic cranial irradiation for patients with small-cell lung cancer
in complete remission. N Engl J Med 1999 ; 341 : 476-84.
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La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999