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PostU(2010)125-128
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Nutrition dumalade cancéreux :
il est tempsde s’en soucier
Objectifsdagogiques
Connaîtrel’impactde ladénutrition
sur lapriseencharge
Savoirévalueretcorrigerladénu-
trition dansle cadredutraitement
descancers digestifs
Lesrelationsentrelamaladie cancé-
reuseetl’alimentation sontétablies
depuislongtemps.Denombreuses
étudesépidémiologiques,confortées
pardesarguments exrimentaux et
parfoisdesétudesinterventionnelles,
ontétabli desliensentrecertainsali-
ments ouplutôtcertainestypologies
alimentairesetlasurvenueduncan-
cer.Deplus,larelation entrel’obésité
etle risquedecancerest maintenant
bien démontrée. Àl’inverse,ladénu-
trition est sicommunémentassociée
àlamaladie tumorale qu’elle est sou-
ventconsidérée comme partie inté-
grantedel’évolution descancers et
doncbanalisée. Ilest pourtantadmis
quebon nombredemaladescancé-
reux cèdentde cachexie etquela
dénutrition limitelatoléranceetl’effi-
cacitédestraitements.La prévalence
globale de ladénutrition,tous cancers
confondus,est de l’ordrede40%. Elle
est lamême qu’il ya30 ansetelle est
particulièrementimportanteaucours
descancers digestifsetdescancers
ORL (Fig. 1) [1].Chezunmalade can-
céreux,une pertedepoidssurieure
à15 %est constammentassociée à
une altération dupronosticindépen-
dammentde lamaladie tumorale. La
dénutrition seraitdirectementrespon-
sable ducèsdesmaladesdans5à
25%descas[2].
Aucours desdixdernièresannées,la
prévalenceducanceraaugmentéalors
quelamortalitéadiminué. Lesprogrès
trapeutiquesontétéconsidérables
etdanscertainessituationsta-
statiques,lamédiane de survie aété
multipliée par3ou4. Ilest possible
d’affirmerque,danscertainscas,une
maladie autrefoisconstammentmor-
telle aététransformée en maladie
chronique. Certainsmaladesreçoivent
parexemple une chimiotrapie au
long cours qui,sanslesguérir,permet
une stabilisationprolongée de leur
cancer.Ainsi,danscertainessitua-
tions,le problème nutritionnel qui
étaitmarginalcomptetenudupronos-
ticeffroyable desmaladesest passéau
premierplan. Parailleurs,l’âge n’est
plus unobstacle autraitementdes
maladesetl’on saitbien quelesujet
âgé présentedesparticularitésta-
boliquesquiaugmententle risquede
dénutrition. La maladie,d’une part,les
traitements,d’autrepart,etenfin le
tempsseconjuguentpour tériorer
de manièresynergiquelasituation
nutritionnelle desmalades.Chezun
malade cancéreux,l’anorexie est au
premierplanfavorisée pardestroubles
dugoût trèsfréquents etlastimulation
dusystème pro-opiomélanocortine qui
inhibelaprisealimentaire[3].Dans
une enquêterécenteréalisée unjour
X.Hébuterne
X.Hébuterne ( )
Hôpitaldel'Archet2gastroentérologie,B.P.3079,06202 Nice,Cedex3
E-mail :hebuterne.x@chu-nice.fr
Figure1.Prévalencedeladénutrition
mesurée «unjour donné »
chez1903 maladescancéreux.
Étude Nutricancer(1)
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donné chez1023 malades,plus de
50%affirmaientmangermoinset
autantdisaientavoirprésentéune
modification dugoût depuisle début
de leur maladie [4].Ilest choquantde
voirle peude chercheurs quis’inté-
ressentàceproblème pourtantcrucial.
Dessordrestaboliquescomplexes
etlesconséquencesde lamaladie et
cellesdestraitements sur le tubediges-
tif favorisentégalementladénutrition.
Enfin,ladénutrition est également
iatrogène,favorisée parlachirurgie,
laradiotrapie etlachimiotrapie,
maisaussiparleshospitalisations
répétéesdesmalades.
Alors quelesréunionsde concerta-
tionspluridisciplinaires,lesconsul-
tationsd’annonce,lesprogrammes
personnalisésde soinssegénéralisent
etqu’il ne viendraitàl’espritde per-
sonne de ne pasproposerune priseen
charge psychologiqueadaptée etde ne
pastraiterefficacementladouleur des
malades,lapriseencomptedela
dénutrition est souventabsentedans
lesunitésde cancérologie oualors
trop tardiveetinadaptée. Dansla
même enquête[4], moinsde 50%des
maladesquiaffirmaientmangermoins
de lamoitié de leur ration habituelle
avaientreçudesconseilsnutritionnels
oudescompléments nutritionnels
oraux (Fig. 2). Cecipeut facilement
êtreexpliquéparlararetédesdiététi-
ciennesdanslesunitésde cancérolo-
gie,alors quepratiquementaucun
postenaétécréé dansle cadreduplan
cancer.Dansde nombreusessitua-
tions,lasurioritédelanutrition
entérale sur lanutrition parentérale
est bien démontrée etcettedernière
doitêtrestrictementréservée aux
situationsd’insuffisanceintestinale
eten casd’échecde lanutrition enté-
rale [5].Bien qu’elle soitsouventtech-
niquementpossible [6], même dans
descasoùson utilisation étaitautre-
foisimpensable [7], lanutrition enté-
rale est largementsous-employée dans
lapriseencharge nutritionnelle des
maladescancéreux.Aucours descan-
cers ORL, lamiseenplaceprécoce
d’une gastrostomie percutanée endos-
copique,pratiquemaintenantcou-
rante,arévolutionné lapriseen
charge desmaladesen permettantdes
traitements agressifsimpossiblesil y
aquelquesannées[8].Cetteex-
riencedevraitservird’exemple pour
lesautrescancers etlanutrition enté-
rale devraitêtreplus largementutili-
sée,sibesoin dansle cadred’essais
cliniquesdémontrantson efficacité
sur le devenirdesmalades.Enfin,la
nutrition périopératoireafaitla
preuvedeson efficacitéetil est main-
tenantdémontréquel’immunonutri-
tion pré- etriopératoireréduitla
morbiditédesmaladescancéreux
opérés[9].Onpeut sedemander
combien de servicesde chirurgie ont
systématisécegenredapproche
pourtanttrèsefficace.
Devantceconstat,laSoctéfranco-
phone nutrition cliniqueettabo-
lisme (SFNEP)vaanimer,avecle sou-
tien de laHauteAutoritédeSanté
(HAS)etde l’Institut Nationaldu
Cancer(INCa),ungroupe de travail qui
devraélaborerdesrecommandations
de pratiquescliniquespour lapriseen
charge nutritionnelle desmaladescan-
céreux.Cesrecommandations,qui
serontdisponiblesdansle courantde
l’année 2011,permettrontgrâceàun
consensus formaliséd’experts de faire
le pointsur lesévidencesdansle
domaine etd’établirundocumentde
référence. La labellisation de l’INCa et
de l’HAS permettrad’aboutiràun
documentofficiel etopposable. Il
conviendrabien sûr de réfléchiraux
mesuresd’évaluation desretombéesde
cesdocuments en matredepriseen
charge de ladénutrition.
Maislesmesurespour luttercontrela
dénutrition desmaladescancéreux ne
doiventpassarrêterlà.L’élaboration
de programmesde recherche clinique
est indispensable. Enparticulier,pour
convaincrelescancérologuesde l’uti-
litédelanutrition chezleurs malades
il faut despreuvesqui,il faut bien le
reconnaître,ne sontpasprésentesdans
tous lesdomaines.Ilest importantde
démontrer,comme l’ontparexemple
faitRavascoetal. [10], quunpro-
gramme de soutien nutritionnel pré-
cocebien conduitpermetd’améliorer
le pronosticetlaqualitédevie des
malades.LePHRC nationalthématisé
sur le cancersemble êtreàcetégard
parfaitementadaptéàcetype d’étude.
Parailleurs,leséquipesde recherche
quis’intéressentàladénutrition
devraient,entreautres,s’impliquer
danslacompréhension desca-
nismesde survenuedelanorexie etdes
troublesdugoût aucours ducancer.
Figure2.Type de priseencharge nutritionnelle proposée
(Conseils:conseilsnutritionnels;CNO :compléments nutritionnelsoraux)
àdesmaladescancéreux (n =1023)non sélectionnésinterrogés«unjour donné »,
en fonction de leur ingestaévaluésàl’aide d’une échelle visuelle analogique
(EVA;0:ingestanuls;10:ingestanormaux). Étude Nutricancer(4)
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Références
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cell transplantation following myeloa-
Les5points forts
Encancérologie digestive,laprévalencedeladénutrition est élevée (perte
de poids>5%en1moisou10%en6moiset/ouIMV <18,5chez
l’adulteou21chezle sujetde plus de 70 ans). Elle est de 39%aucours
descancers colo-rectaux,de 60 %aucours descancers de l’œsophage et
de l’estomac etde 66 %aucours ducancerdupancréas.
La dénutrition augmentedemanièreindépendantelamorbiditéetla
mortalitédunmalade porteur d’uncancerdigestif. La tolérancedes
traitements est diminuée dufaitde ladénutrition.
Chezunmalade quidoitêtreoréduncancerdigestif,l’immunonutrition
préopératoirediminuede50%lescomplicationspostopératoires.Elle doit
être:
a)orale pendant7jours silepatientn’est pasdénutri;
b)entérale ouparentérale de 7à10jours s’il est dénutri.
Chezunmalade en cours de radiotrapie oude chimiotrapie pour un
cancerdigestif,une priseencharge diététiqueactiveparune permetde
limiterlapertepondérale.
Aucours de lachimiotrapie pour cancerdigestif,lanutrition parenté-
rale systématiquenaméliorepasle pronosticdumalade etaugmentele
risquedecomplication infectieuse.
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