Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000
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Mise au point
neurotransmetteurs excitateurs ou inhibi-
teurs. Ces influences modulatrices ont pour
résultante une sécrétion intermittente de
GnRH hypothalamique, qui est libérée
dans la circulation porte hypothalamo-
hypophysaire selon un mode pulsatile. Le
rétrocontrôle exercé sur la sécrétion de
GnRH est principalement assuré au niveau
de l'hypothalamus par la testostérone et ses
métabolites actifs, en particulier par le
biais de l'activation d'un système opioïder-
gique hypothalamique inhibiteur. L’estra-
diol est capable d'exercer une action à deux
niveaux : hypothalamique sur la sécrétion
de GnRH, et hypophysaire sur la sécrétion
de FSH qu'elle déprime. Cette dernière
sécrétion est également modulée par de
nombreux peptides hormonaux issus des
cellules de Sertoli. L'inhibine, synthétisée
conjointement par les cellules de Sertoli et
les gamètes, dont la sécrétion est stimulée
par la FSH, exerce en retour un rétrocon-
trôle négatif de la sécrétion de cette gona-
dotrophine par action hypophysaire préfé-
rentielle.
Le retentissement endocrinien des néopla-
sies testiculaires est le reflet de leur action
paracrine intratesticulaire et de leur interfé-
rence avec l’axe gonadotrope.
On peut schématiquement classer les sécré-
tions des néoplasies testiculaires respon-
sables d'effets endocriniens en cinq catégo-
ries : estrogènes, androgènes, sécrétions
mixtes d’estrogènes et d’androgènes, pep-
tides impliqués dans la régulation de la
sécrétion gonadotrope et, enfin, sécrétions
hormonales ectopiques.
Hypersécrétion d'estrogènes
Symptomatologie
C'est l'apparition de signes de féminisation
qui devra faire évoquer cette possibilité.
Ceux-ci incluent une gynécomastie (uni-
ou, plus souvent, bilatérale) souvent évolu-
tive. Elle s'accompagne fréquemment d'un
élargissement des aréoles mamelonnaires,
qui sont hyperpigmentées. Dans un tel
contexte, la recherche d'une galactorrhée
est négative. L'association à une diminution
de la libido et/ou une impuissance est à
rechercher de principe. La palpation testi-
culaire, geste clinique essentiel, permettra
de retrouver une asymétrie testiculaire ou
de détecter une tuméfaction unilatérale,
dont la présence pourra être confirmée par
une échographie. Le constat d'un profil
hormonal associant inflation absolue ou
relative de l’estradiolémie et diminution des
taux de base des gonadotrophines (tout
particulièrement de la FSH) amènera à
poursuivre les investigations. Une réduction
de l'ascension des gonadotrophines à l'ad-
ministration de 100 µg intraveineux de
GnRH (3), particulièrement nette pour la
FSH (6), contrastant avec une réponse quasi
normale de la LH (6, 7),est très évocatrice
d'une tumeur estrogénosécrétrice. La testo-
stéronémie est alors d'autant plus abaissée
que l'estradiolémie est élevée (8). Le rap-
port testostéronémie/estradiolémie est infé-
rieur à la normale (6, 9, 10), ce qui traduit
l'élévation relative du taux d'estradiol plas-
matique et son effet frénateur sur la sécré-
tion gonadotrope. Assez curieusement (car
les estrogènes en stimulent la synthèse), le
taux de Testosterone-estradiol Binding
Globulin (TeBG) est le plus souvent nor-
mal. Dans un tel contexte, la normalité du
taux de TeBG et l'indétectabilité de l'hCG
plasmatique devront, en l'absence de toute
prise médicamenteuse, faire évoquer le dia-
gnostic de tumeur testiculaire estrogénosé-
crétrice à cellules de Leydig. Cette situation
classique, où les données cliniques, écho-
graphiques et hormonales sont cohérentes,
souffre de nombreuses exceptions. Par
exemple, une tumeur à cellules de Leydig
peut donner des signes endocriniens impor-
tants, alors que le volume tumoral est réduit
et ne permet pas l'identification clinique de
la tumeur. Des signes de féminisation peu-
vent en effet précéder de plusieurs années
l'extériorisation clinique de la tumeur (6, 9,
11). C'est dans ces cas difficiles que deux
examens complémentaires peuvent être
d'une aide précieuse.
L’ascension exagérée (> 80 pg/ml, soit
290 pmol/l) du taux d’estradiol plasma-
tique trois jours après l'administration
intramusculaire de 5 000 unités d'hCG est
très fortement évocatrice du diagnostic de
tumeur à cellules de Leydig (3, 6, 7, 11),
bien que ce profil ne soit pas spécifique.
L'échographie testiculaire permet de détec-
ter, sous la forme d'une image arrondie
hypoéchogène par rapport au parenchyme
testiculaire normal, des tumeurs de petite
taille ou dont la localisation, au centre de la
glande, ne les rend pas accessibles à la pal-
pation (6, 12, 13). En l’absence d’image
échographique, l’enquête étiologique doit
être répétée quelques mois plus tard et per-
met très souvent d’aboutir au diagnostic.
La modestie ou l'intermittence de la
sécrétion tumorale peuvent être respon-
sables d'incertitude diagnostique. Un
tel constat, en présence de signes de
féminisation, doit faire redoubler de
vigilance. Les symptômes de fémi-
nisation peuvent, répétons-le, exister
longtemps avant l'identification de la
tumeur responsable. Il faudra donc
savoir renouveler les investigations si le
diagnostic n'est pas posé après la réalisa-
tion d'une première batterie de tests (14).
Cadres pathologiques
Un tel tableau est très évocateur des
tumeurs à cellules de Leydig. Elles n’en
ont cependant pas l’apanage. Un tableau
similaire peut en effet s'observer au cours
des rares tumeurs à cellules de Sertoli. Les
cellules de Sertoli de l'homme adulte nor-
mal apparaissent capables d'aromatiser la
testostérone en 17-β-estradiol in vitro (15).
Une hyperexpression du gène de l’aroma-
tase a été démontrée dans une sous-variété
de tumeurs à cellules de Sertoli (16).
L’association de ce type de tumeurs à un
syndrome de Peutz-Geghers a été signalée
dans quelques cas (17),particularité parta-
gée avec un autre sous-type de tumeurs à
cellules de Sertoli : la forme calcifiante à
grandes cellules (18, 19). Survenant avant