Perturbations endocriniennes associées aux néoplasies testiculaires J.M. Kuhn*, H. Lefebvre* ✎ Les néoplasies testiculaires primitives peuvent exprimer un potentiel sécrétoire emprunté aux cellules dont elles dérivent ✎ Cette sécrétion hormonale peut être responsable de manifestations cliniques précédant parfois de plusieurs années l’émergence clinique de la tumeur. ✎ La sécrétion tumorale engendre des profils hormonaux particuliers à forte valeur diagnostique et pronostique. ✎ En l’absence de tumeur testiculaire décelable cliniquement, L a gonade mâle adulte est composée de deux grands contingents cellulaires : les cellules germinales, d’une part, les cellules du stroma spécialisé, d’autre part. Ces dernières peuvent être situées à l'intérieur des tubes séminifères (cellules de Sertoli) ou, au contraire, dans l'interstitium (cellules de Leydig). Chacun de ces types cellulaires est capable de libérer des sécrétions endocrines dans la circulation générale, l’identification d’un profil hormonal évocateur doit faire pratiquer une enquête étiologique soigneuse ✎ Chez l’enfant, le tableau clinique endocrinien est, en règle générale, dominé par des signes de masculinisation. ✎ À la diversité des profils hormonaux s’associe une variété de tumeurs dont les caractères histologiques se répartissent de la bénignité totale aux caractères malins les plus francs. ainsi que des sécrétions paracrines à action intratesticulaire. Les cellules de Leydig ont essentiellement un rôle stéroïdogénique. Les cellules de Sertoli sont la source de nombreux facteurs protéiques, groupe dans lequel s'inscrivent les différentes hormones de la famille des activines-inhibines. Bien que ne représentant que 2 % de l'ensemble des carcinomes de l'homme (1), les tumeurs testiculaires sont les plus fré- * Service d'endocrinologie et maladies métaboliques, CHU, et unité INSERM 413, université de Rouen. quentes chez les sujets de 15 à 35 ans (2). Les tumeurs développées à partir des cellules stromales gardent le plus souvent la capacité endocrine de la cellule originelle. Elles s'expriment alors fréquemment par une symptomatologie clinique et biologique endocrinienne. A contrario, neuf tumeurs testiculaires sur dix, développées à partir des cellules germinales, sont silencieuses sur le plan endocrinien, l'activité sécrétoire physiologique se limitant à l'élaboration de sécrétions paracrines (3). Néanmoins, il faut garder présent à l'esprit qu'environ 20 % des tumeurs séminomateuses s'accompagnent d'une sécrétion anormale d’hCG (4). Ce type de sécrétion est observé dans la quasi-totalité des cas de choriocarcinome, tumeur germinale non séminomateuse qui a pour origine des cellules du trophoblaste primitif. Globalement, le taux d'hCG est élevé dans 70 % des tumeurs germinales non séminomateuses (5). La cellule de Leydig adulte synthétise de la testostérone à partir du cholestérol en empruntant préférentiellement, chez l’homme, la voie ∆5 de la stéroïdogenèse. La voie ∆4, conduisant de la progestérone à la testostérone via la formation de ∆4 androstènedione, quoique minoritaire, existe néanmoins dans la cellule de Leydig humaine adulte. La testostérone synthétisée est majoritairement libérée dans la circulation. Une part minime est soit réduite en 5-α-dihydrotestostérone (DHT), soit transformée en 17-β-estradiol (E2) par l'aromatase testiculaire, avant d'être sécrétée. La mesure des taux plasmatiques de ces deux derniers stéroïdes ne reflète cependant pas l'activité testiculaire réelle. À titre d'exemple, 85 % du 17-β-estradiol formé par aromatisation de testostérone a une origine extra-gonadique. La synthèse et la sécrétion des stéroïdes sexuels gonadiques sont sous le contrôle de la cellule gonadotrope hypophysaire. La sécrétion des gonadotrophines est ellemême sous l'influence des stéroïdes gonadiques (androgènes et estrogènes) et de 55 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 Mise au point neurotransmetteurs excitateurs ou inhibiteurs. Ces influences modulatrices ont pour résultante une sécrétion intermittente de GnRH hypothalamique, qui est libérée dans la circulation porte hypothalamohypophysaire selon un mode pulsatile. Le rétrocontrôle exercé sur la sécrétion de GnRH est principalement assuré au niveau de l'hypothalamus par la testostérone et ses métabolites actifs, en particulier par le biais de l'activation d'un système opioïdergique hypothalamique inhibiteur. L’estradiol est capable d'exercer une action à deux niveaux : hypothalamique sur la sécrétion de GnRH, et hypophysaire sur la sécrétion de FSH qu'elle déprime. Cette dernière sécrétion est également modulée par de nombreux peptides hormonaux issus des cellules de Sertoli. L'inhibine, synthétisée conjointement par les cellules de Sertoli et les gamètes, dont la sécrétion est stimulée par la FSH, exerce en retour un rétrocontrôle négatif de la sécrétion de cette gonadotrophine par action hypophysaire préférentielle. Le retentissement endocrinien des néoplasies testiculaires est le reflet de leur action paracrine intratesticulaire et de leur interférence avec l’axe gonadotrope. On peut schématiquement classer les sécrétions des néoplasies testiculaires responsables d'effets endocriniens en cinq catégories : estrogènes, androgènes, sécrétions mixtes d’estrogènes et d’androgènes, peptides impliqués dans la régulation de la sécrétion gonadotrope et, enfin, sécrétions hormonales ectopiques. Hypersécrétion d'estrogènes Symptomatologie C'est l'apparition de signes de féminisation qui devra faire évoquer cette possibilité. Ceux-ci incluent une gynécomastie (uniou, plus souvent, bilatérale) souvent évolutive. Elle s'accompagne fréquemment d'un élargissement des aréoles mamelonnaires, qui sont hyperpigmentées. Dans un tel contexte, la recherche d'une galactorrhée est négative. L'association à une diminution de la libido et/ou une impuissance est à rechercher de principe. La palpation testiculaire, geste clinique essentiel, permettra de retrouver une asymétrie testiculaire ou de détecter une tuméfaction unilatérale, dont la présence pourra être confirmée par une échographie. Le constat d'un profil hormonal associant inflation absolue ou relative de l’estradiolémie et diminution des taux de base des gonadotrophines (tout particulièrement de la FSH) amènera à poursuivre les investigations. Une réduction de l'ascension des gonadotrophines à l'administration de 100 µg intraveineux de GnRH (3), particulièrement nette pour la FSH (6), contrastant avec une réponse quasi normale de la LH (6, 7), est très évocatrice d'une tumeur estrogénosécrétrice. La testostéronémie est alors d'autant plus abaissée que l'estradiolémie est élevée (8). Le rapport testostéronémie/estradiolémie est inférieur à la normale (6, 9, 10), ce qui traduit l'élévation relative du taux d'estradiol plasmatique et son effet frénateur sur la sécrétion gonadotrope. Assez curieusement (car les estrogènes en stimulent la synthèse), le taux de Testosterone-estradiol Binding Globulin (TeBG) est le plus souvent normal. Dans un tel contexte, la normalité du taux de TeBG et l'indétectabilité de l'hCG plasmatique devront, en l'absence de toute prise médicamenteuse, faire évoquer le diagnostic de tumeur testiculaire estrogénosécrétrice à cellules de Leydig. Cette situation classique, où les données cliniques, échographiques et hormonales sont cohérentes, souffre de nombreuses exceptions. Par exemple, une tumeur à cellules de Leydig peut donner des signes endocriniens importants, alors que le volume tumoral est réduit et ne permet pas l'identification clinique de la tumeur. Des signes de féminisation peuvent en effet précéder de plusieurs années l'extériorisation clinique de la tumeur (6, 9, 11). C'est dans ces cas difficiles que deux examens complémentaires peuvent être d'une aide précieuse. L’ascension exagérée (> 80 pg/ml, soit 290 pmol/l) du taux d’estradiol plasmatique trois jours après l'administration intramusculaire de 5 000 unités d'hCG est très fortement évocatrice du diagnostic de tumeur à cellules de Leydig (3, 6, 7, 11), bien que ce profil ne soit pas spécifique. L'échographie testiculaire permet de détecter, sous la forme d'une image arrondie hypoéchogène par rapport au parenchyme testiculaire normal, des tumeurs de petite taille ou dont la localisation, au centre de la glande, ne les rend pas accessibles à la palpation (6, 12, 13). En l’absence d’image échographique, l’enquête étiologique doit être répétée quelques mois plus tard et permet très souvent d’aboutir au diagnostic. La modestie ou l'intermittence de la sécrétion tumorale peuvent être responsables d'incertitude diagnostique. Un tel constat, en présence de signes de féminisation, doit faire redoubler de vigilance. Les symptômes de féminisation peuvent, répétons-le, exister longtemps avant l'identification de la tumeur responsable. Il faudra donc savoir renouveler les investigations si le diagnostic n'est pas posé après la réalisation d'une première batterie de tests (14). Cadres pathologiques Un tel tableau est très évocateur des tumeurs à cellules de Leydig. Elles n’en ont cependant pas l’apanage. Un tableau similaire peut en effet s'observer au cours des rares tumeurs à cellules de Sertoli. Les cellules de Sertoli de l'homme adulte normal apparaissent capables d'aromatiser la testostérone en 17-β-estradiol in vitro (15). Une hyperexpression du gène de l’aromatase a été démontrée dans une sous-variété de tumeurs à cellules de Sertoli (16). L’association de ce type de tumeurs à un syndrome de Peutz-Geghers a été signalée dans quelques cas (17), particularité partagée avec un autre sous-type de tumeurs à cellules de Sertoli : la forme calcifiante à grandes cellules (18, 19). Survenant avant 56 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 30 ans, ces tumeurs peuvent s’associer à de multiples anomalies endocriniennes incluant féminisation, hypercortisolisme, voire acromégalie (20). En outre, elles peuvent s’inscrire dans le cadre du syndrome de Carney (21). Mécanismes physiopathologiques (figure 1) La sécrétion tumorale d’estradiol est liée à une aromatisation excessive de la testostérone. En effet, le blocage de l’activité aromatasique de tumeurs à cellules de Leydig de l’adulte, féminisantes, étudiées in vitro, montre que la testostérone est bien le précurseur immédiat de la synthèse d’estradiol par le tissu tumoral. L’inhibition spécifique de l’aromatase tumorale a pour résultante un effondrement de la sécrétion d’estradiol, alors que celle de testostérone augmente de façon considérable (22). Les cellules tumorales surexpriment le gène codant pour l’aromatase, dont la présence a été démontrée par immunohistochimie (23) et par Northen-Blot (16, 24) au sein des cellules de Leydig humaines normales. L’inflation de la production de 17-β-estradiol retentit sur les fonctions testiculaires exocrines et endocrines du tissu testiculaire normal, paratumoral et controlatéral. Une réduction de la spermatogenèse a pu être identifiée dans certains cas. L’accroissement de la concentration intratesticulaire de 17-β-estradiol a été rendue responsable d’une réduction de l’activité de la 17-α−hydroxylase et de la 17-20 desmolase (3, 25). L’hyperestrogénie, relative ou absolue, induit la féminisation observable cliniquement. Elle a également pour conséquence des modifi- cations sensibles de la sécrétion gonadotrope. Si la fréquence des pulses spontanés de LH n’apparaît pas modifiée par l’hyperestradiolémie endogène, l’amplitude des pics de LH apparaît d’autant plus réduite que le taux d’estradiol est plus élevé, traduction de son action inhibitrice sur la sécrétion antéhypophysaire (8). La chute du taux de testostérone est directement liée à l’inhibition exercée par la sécrétion tumorale d’estradiol sur la sécrétion de LH. Cependant, l’hyperestradiolémie n’est pas le seul facteur responsable de la dépression de la sécrétion gonadotrope. En effet, les tumeurs à cellules de Leydig paraissent capables de sécréter de l’inhibine B (8). La sécrétion combinée d’estradiol et d’inhibine réduit la sécrétion de FSH, dont la chute est en général plus prononcée que celle de LH. Le profil hormonal classique des tumeurs à cellules de Leydig estrogénosécrétrices de l’adulte s’explique donc par une réduction de la sécrétion antéhypophysaire de LH avec, pour conséquence, une chute de la sécrétion de testostérone et une inhibition de la sécrétion de FSH par action hypophysaire, sans altération de la sécrétion de GnRH. Ce dernier fait explique très vraisemblablement que la réponse de la LH à l’injection aiguë de GnRH soit comparable à celle de l’homme adulte normal, alors que l’amplitude de la réponse de la FSH est réduite. Hypersécrétion de testostérone Figure 1. Conséquences d’une hypersécrétion tumorale de 17-β-estradiol. OP : neurones opioïdergiques ; NT : neurotransmetteur. Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 Symptomatologie Cette situation est plus rare et n’est habituellement individualisée que chez l’enfant prépubère. En effet, le tableau clinique réalise celui d’une pseudo-puberté précoce associant virilisation, accélération de la croissance et de la maturation osseuse. Cette symptomatologie est la traduction d’une inflation du taux de testostérone plasmatique qui peut atteindre des valeurs s’inscrivant dans la fourchette normale de 57 Mise au point l’adulte. Contrastant avec ce chiffre, il est impossible de détecter la présence de gonadotrophines circulantes à l’état basal ou même après stimulation par la GnRH. La palpation testiculaire, geste essentiel, peut mettre en évidence une tumeur unilatérale ou une asymétrie gonadique, qui a la même signification. L’échographie testiculaire est l’examen clé du diagnostic étiologique. Les tumeurs responsables sont des tumeurs à cellules de Leydig qui, contrairement à celles de l’adulte, sont androgénosécrétrices ou, beaucoup plus rarement, des tumeurs à cellules de Sertoli. Mécanismes physiopathologiques Le profil hormonal observé s’explique par l’autonomisation de la sécrétion de testostérone par les cellules tumorales. En outre, celles-ci exerceraient une rétroaction négative sur la sécrétion hypothalamique de GnRH si elle s’était mise en route, ce qui n’est pas le cas chez l’enfant prépubère. La physiopathologie présidant à l’émergence de la tumeur n’est sans doute pas univoque. Des avancées ont néanmoins été récemment effectuées. En effet, une mutation activatrice du récepteur de la LH a été mise en évidence chez trois garçons prépubères atteints de tumeur masculinisante à cellules de Leydig. Il s’agit d’une mutation Asp58His, responsable à la fois d’une hyperplasie leydigienne et d’une activation anormale de la stéroïdogenèse testiculaire, aboutissant à la production de testostérone (26). En aval du récepteur, l’activation spontanée de la protéine Gs-α, stimulatrice de l’adénylyl-cyclase membranaire, a également été mise en évidence dans certaines pseudo-pubertés précoces masculines entrant notamment dans le cadre du syndrome de McCune Albright (27). À l’inverse, ce type de mutation activatrice de la protéine Gs-α (Arg201Cys) n’a été identifié que dans une seule tumeur à cellules de Leydig féminisante chez l’adulte (28). Sécrétion combinée de testostérone et d’estradiol Symptomatologie La symptomatologie révélatrice peut revêtir l’aspect d’une pseudo-puberté précoce isosexuelle chez l’enfant prépubère, une tumeur testiculaire et/ou une gynécomastie chez l’adulte. Le profil hormonal associe une augmentation du taux d’estradiol à un taux normal ou élevé (en particulier chez l’enfant prépubère) de testostérone. Ce profil stéroïdien particulier s’associe, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, à un effondrement du taux des gonadotrophines, dont la sécrétion n’est pas modifiée par l’administration aiguë de GnRH. Ce tableau clinique, associant élévation des taux plasmatiques des stéroïdes sexuels et absence de gonadotrophines, apparaît donc bien différent de celui observé dans les situations précédentes (29). En effet, la production excessive d’estradiol par une tumeur testiculaire devrait avoir pour conséquence, outre l’abaissement du taux de gonadotrophines, une chute de la testostéronémie. Une tumeur testiculaire androgénosécrétrice de l’enfant prépubère est responsable d’une sécrétion d’estradiol proportionnelle à celle de testostérone dont l’estrogène est issu par aromatisation. La clé du diagnostic, devant de tels profils hormonaux, repose sur la détermination de l’hCG plasmatique (normalement indétectable dans le sexe masculin), ou de βhCG, en gardant présent à l’esprit que cette dernière n’est pas biologiquement active. Cadres pathologiques L’examen clinique, complété par des examens au premier rang desquels se place l’échographie, permettra, en règle générale, de faire le diagnostic étiologique. Les tumeurs responsables sont des choriocarcinomes, hautement malins, ou des séminomes susceptibles de sécréter de l’hCG dans 15 % à 20 % des cas. Si le séminome se manifeste le plus habituellement sous la forme d’une tumeur palpable, le choriocarcinome peut s’avérer beaucoup plus trompeur. En effet, la tumeur primitive peut être imperceptible cliniquement. La sécrétion d’hCG est alors le fait de métastases (ganglionnaires le plus souvent) d’une tumeur testiculaire cliniquement imperceptible ou d’une tumeur extra-gonadique qui, bien que sécrétrice d’hCG, sort du cadre de notre propos. Mécanismes physiopathologiques (figure 2) Le primum movens des altérations endocriniennes observées dans un tel contexte réside dans la sécrétion tumorale d’hCG. L’activation des récepteurs LH/hCG des cellules de Leydig normales stimule les activités enzymatiques des voies ∆4 et ∆5 de la stéroïdogenèse avec, pour résultantes, synthèse et sécrétion de stéroïdes sexuels par le tissu leydigien sain. L’élévation combinée des taux de testostérone et d’estradiol rétroagit négativement sur la sécrétion hypothalamique de GnRH et hypophysaire de gonadotrophines. Le caractère non stimulable de la sécrétion gonadotrope, en réponse à l’administration aiguë de GnRH, démontre le puissant effet frénateur de l’élévation combinée de la testostéronémie et de l’estradiolémie (30). Ce profil s’oppose à celui qui est observé au cours des tumeurs à cellules de Leydig de l’adulte, où seule l’estradiolémie est élevée (29). L’existence d’un phénomène de désensibilisation leydigien, induit par l’hCG, explique qu’en fonction du taux plasmatique d’hCG, des résultats contradictoires aient été rapportés chez des patients atteints d’une telle pathologie (30) : taux de testostérone normaux (31, 32) ou élevés (1, 33), taux d’estradiol plasmatique normaux (2) ou, au contraire, très élevés (29, 32-34). Le profil hormonal classique des tumeurs sécrétrices d’hCG s’explique donc par une production combinée de testostérone et d’estradiol par la cellule de Leydig normale. La conjonction 58 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 Autres aspects endocriniens des tumeurs primitivement testiculaires Figure 2. Conséquences endocriniennes d’une hypersécrétion tumorale d’hCG inductrice d’une hypersécrétion combinée de testostérone et préférentiellement de 17-β-estradiol. OP : neurones opioïdergiques ; NT : neurotransmetteur. d’une inflation du taux de ces deux stéroïdes bloque la sécrétion basale et stimulée des gonadotrophines et, très vraisemblablement, celle de GnRH endogène. Hypersécrétion d’inhibine La sécrétion physiologique d’inhibine, amorcée à la puberté sous l’influence stimulante de la FSH, est essentiellement assurée par la cellule de Sertoli. L’inhibine B (hétérodimère associant une sous-unité α et une sous-unité βb) est la seule forme d’inhibine possédant, chez l’homme adulte, une action endocrine de rétrocontrôle négatif sur la sécrétion hypophysaire de FSH. Cependant, cellules de Sertoli et gamètes ne possèdent pas l’apanage exclusif de la sécrétion de ce peptide. En effet, il a été démontré que la cellule de Leydig était également compétente pour la synthèse du peptide. La sécrétion tumorale d’inhibine B n’a pas d’autre traduction clinique qu’une réduction de la spermatogenèse, à laquelle certaines tumeurs testiculaires s’associent, épiphénomène qui n’est qu’exceptionnellement le symptôme révélateur. Les tumeurs testiculaires développées primitivement aux dépens des cellules de Sertoli et les tumeurs testiculaires à cellules de Leydig féminisantes de l’adulte s’accompagnent fréquemment d’une augmentation du taux d’inhibine B plasmatique (8). Marqueur biologique, cette anomalie est également responsable de la réduction préférentielle du taux de FSH observée dans de telles circonstances. Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 Choriocarcinomes, carcinomes embryonnaires, tératomes, séminomes sont susceptibles de sécréter peu ou prou de l’hCG. L’α-fœto-protéine, marqueur des tumeurs développées aux dépens du sac vitellin, est sécrétée par trois choriocarcinomes sur quatre, la moitié des carcinomes embryonnaires et des tératomes et dans quelques cas de séminomes. À côté de ces manifestations endocriniennes “classiques”, plusieurs aspects particuliers on été rapportés (tableau I, p. 60) : – élévation des taux de prolactine ou d’hormone lactogène placentaire dans les tumeurs germinales (32) ; – hypercalcémie paranéoplasique par sécrétion de PTHrp au cours de séminomes (35) ; – élévation du taux de calcitonine plasmatique dans les dysembryomes (36) ; – syndrome de Cushing (37), hyperérythropoïétinémie (2) ou hyperthyroïdie rattachée à l’action TSH-like d’une sécrétion choriocarcinomateuse d’hCG (38). Exceptionnellement, certaines tumeurs carcinoïdes testiculaires apparaissent responsables d’un syndrome d’hypersérotoninergie (39, 40). Tout à fait à part, il faut citer les rarissimes “tumeurs intrascrotales” liées à l’activation de reliquats surrénaliens ectopiques par hypersécrétion corticotrope (1). Elles s’expliquent par la persistance de reliquats de tissu surrénalien le long du trajet migratoire embryonnaire du testicule. Elles s’observent dans des contextes pathologiques particuliers qui ont en commun une inflation des taux d’ACTH plasmatique : blocs enzymatiques surrénaliens (20) ou syndrome de Nelson (22). Le volume de ces tumeurs intrascrotales s’accroît sous l’influence de l’ACTH et, au contraire, régresse après inhibition adéquate de la sécrétion corticotrope. 59 Mise au point Conclusion Références 7. Mahoudeau J., Luton J.P., Bricaire H. Diagnostic d’une tumeur testiculaire à cellules de Leydig par le test à la gonadotrophine chorionique (hCG). Press Med 1980 ; 9 : 536. Une majorité des tumeurs testiculaires ne 8. Kuhn J.M., Duranteau L., Rieu M. et coll. 1. Alexander D.C., Miller W.L. Régulation of s’accompagne d’aucun syndrome endocriEvidence of œstradiol-induced changes in gonaovine follicle-stimulating hormone chain mRNA nien clinique ou biologique. La recherche dotrophin secretion in men with feminizing and 17β-estradiol in vivo and in vitro. J Biol d’une anomalie hormonale touchant la Leydig cell tumours. Eur J Endocrinol 1994 ; Chem 1982 ; 263 : 2282-6. 131 : 160-6. sécrétion stéroïdienne ou peptidique appa2. Aiginger P., Kolbe H., Kuhbock J. et coll. The raît néanmoins justifiée dans chacun de ces 9. Bercovici J.P., Nahoul K., Tater D. et coll. endocrinology of testicular germinal cell cas, ne serait-ce que pour disposer d’un Hormonal profile of Leydig cell tumors with tumours. Acta Endocrinol 1982 ; 97 : 419-26. gynecomastia. J Clin Endocrinol Metab 1984 ; marqueur évolutif. Les dosages hormonaux 3. Bercovici J.P., Tater D., Khoury S. et coll. 59 : 625-30. s’avèrent indispensables lorsque existent Leydig cell tumor with gynecomastia : hormodes signes cliniques de pseudo-puberté pré10. Lubetzki J., Guillausseau P.J., Galian A. et nal effects of an estrogen producting tumor. coll. Tumeur testiculaire à cellules de Leydig coce ou de féminisation qui peuvent être J Clin Endocrinol Metab 1981 ; 53 :1291-6. chez l’adulte. Un cas avec étude clinique, biorévélateurs. Dans ces circonstances, un 4. Javadpour N., McIntire K.R., Waldmann T.A. logique, anatomopathologique optique et examen clinique soigneux, complété par Human chorionic gonadotropin and alphaultrastructurale. Ann Med Int 1980 ; 131 : des examens radiologiques judicieusement fœto-protein in sera and tumor cells of patients 157-62. choisis, doit permettre d’identifier l’origine with testicular seminoma. Cancer 1978 ; 11. Gabrilove J., Nicolis G.L., Mitty H.A., testiculaire des anomalies observées et, 42 :2768-77. Sohva A.R. Feminizing interstitial cell tumor of consécutivement, traiter la cause. Lorsque 5. Mason M.D. Tumour markers. In : Horwich the testis : personal observations and review of l’enquête étiologique est négative, cas de A. (Ed.). Testicular Cancer : investigation and the literature. Cancer 1975 ; 35 :1184-202. figure non exceptionnel pour certaines management. Baltimore, Williams & Wilkins, 12. Haas G.P., Pittabiga S., Gomella L. et coll. tumeurs à cellules de Leydig dont l’iden1991 : 33-50. Clinically occult Leydig cell tumor presenting tification peut suivre de plusieurs années 6. Kuhn J.M., Mahoudeau J., Billaud L. et coll. with gynecomastia. J Urol 1989 ; 142 :1325-7. l’émergence des symptômes cliniques, il Evaluation of diagnostic criteria for Leydig cell 13. Hendry W.F., Garvie W.H.H., Ah-See A.K., faut savoir répéter dans le temps les investumours in adult men revealed by gynaecomasBagliss A.P. Ultrasonic detection of occult testitia. Clin Endocrinol 1987 ; 26 : 407-16. tigations appropriées. ■ cular neoplasms in patients with gynecomastia. Brit J Radiol 1984 ; 57 : 572-3. 14. Kuhn J.M., Reznik Y., Mahoudeau J. et coll. HCG test in gynaecomastia : Tableau I. Sécrétion hormonale en fonction du type de tumeur testiculaire. further study. Clin Endocrinol 1989 ; 31 : 581-90. Sécrétion tumorale 15. Foucault P., Carreau S., Kuczynski 17-β-estradiol Testostérone hCG Inhibine B Autres W. et coll. Human Sertoli cells in vitro sécrétionsºº lactate, estradiol-17 β and transferrin production. J Androl 1992 ; 13 : 361Tumeurs germinales 17. Séminomes + 16. Bulun S.E., Rosenthal I.M., Brodie Tumeurs non séminomateuses A. et coll. Use of tissue-specific prochoriocarcinomes + moters in the regulation of aromatase carcinomes embryonnaires + cytochrome P450 gene expression in tératomes + human testicular and ovarian sex cord Tumeurs mixtes tumors, as well as in normal fetal and gonadoblastomes + adults gonads. J Clin Endocrinol Metab 1993 ; 77 : 16-21. Tumeurs stromales tumeurs à cellules de Leydig** + + + 17. Coen P., Kulin H., Ballantine T. et tumeurs à cellules de Sertoli + + coll. An aromatase-producting sexcord tumor resulting in prepubertal ** sécrétrice de testostérone chez l’enfant gynecomastia. N Engl J Med 1991 ; ºº prolactine, PTHrp, calcitonine, erythropoïétine, etc. 324 : 317-22. 60 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 A U T O - T E S T 18. Proppe K.H., Scully R.E. Large-cell calcifying Sertoli cell tumor of the testis. Am J Clin Pathol 1980 ; 74 : 607-19. 19. Tetu B., Ro J.Y., Ayala A.G. Large cell calcifing Sertoli tumor in the testis : a clinicopathologic, immunohistochemical and ultrastructural study of two cases. Am J Clin Pathol 1991 ; 96 : 717-22. 20. Rosenweig J.L., Lawerence D.A., Vogel D.L. et coll. Adrenocorticotropin-independent hypercortisolemia and testicular tumors in a patient with a pituitary tumor and gigantism. J Clin Endocrinol Metab 1982 ; 55 : 421-7. 21. Carney J.A., Gordon H., Carpenter P.C. et coll. The complex of myxomas, spotty pigmentation and endocrine overactivity. Medicine 1985 ; 64 : 270-83. 22. André I., Lefebvre H., Bina A. et coll. Aromatase activity of feminizing Leydig cell tumors appears insensitive to a stimulation by gonadotropins. 77th Annual Meeting of the Endocrine Society, Washington 1995 ; 566. 23. Inkster S., Yue W., Brodie A. Human testicular aromatase : immunocytochemical and biochemical studies. J Clin Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 1941-7. 24. Brodie A., Inkster S. Aromatase in the human testis. J Steroid Biochem Mol Biol 1993 ; 44 : 549-55. 25. Sholiton L.J., Srivastava L., Taylor B.B. The in vitro and in vivo effects of diethylstilbestrol on testicular synthesis of testosterone. Steroids 1975 ; 26 : 797-806. 26. Martin M.M., Wu S.M., Martin A.L.A. et coll. Testicular seminoma in a patient with a constitutively activating mutation of the luteinizing hormone/chorionic gonadotropin receptor. Eur J Endocrinol 1998 ; 139 : 101-6. 27. Fagroso M.C.B.V., Latronico A.C., Carvalho F.M. et coll. Activating mutation of the stimulatory G protein (gsp) as a putative cause of ovarian and testicular human stromal Leydig cell tumors. J Clin Endocrinol Metab 1998 ; 83 : 2074-8. 28. Liu G., Duranteau L., Carel J.C. et coll. Leydig-cell tumors caused by an activating mutation of the gene encoding the luteinizing hormone receptor [see comments]. N Engl J Med 1999 ; 1731-6. 29. Reznik Y., Rieu M., Kuhn J.M. et coll. Luteinizing hormone regulation by sex steroids in men with germinal and Leydig cell tumors. Clin Endocrinol 1993 ; 38 : 487-93. 30. Rieu M., Reznik Y., Vannetzel J.M. et coll. Testicular steroidogenesis in adult men with human chorionic gonadotropin-producting tumors. J Clin Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 2404-9. 31. Kirschner M.A., Cohen F.B., Jesperen D. Estrogen production and its origin in men with gonadotrophin-producting neoplasms. J Clin Endocrinol Metab 1974 ; 39 : 112-8. 32. Silverberg E. Cancer statistics 1984 ; CA 34 : 7-23. 33. Kirschner M.A., Wider J.A., Ross G.T. Leydig cell function in men with gonadotropinproducing testicular tumors. J Clin Endocrinol Metab 1970 ; 30 : 505-11. 34. Cochran J.S., Walsh P.C., Porter J.C. et coll. The endocrinology of human chorionic gonadotropin-secreting testicular tumors : new methods in diagnosis. J Urol 1975 ; 114 : 549-55. 35. Metcalfe J.B., Carey T.C., Barry J.M. Genitourinary malignancy and pseudohyperparathyroïdism. J Urol 1978 ; 119 : 702-4. 36. Israël L., Depierre A., Calmettes C. et coll. Secretion de calcitonine par des cancers testiculaires. Press Med 1977 ; 6 : 38-66. 37. Crouch R.D. Adrenogenic testicular tumor. J Urol 1958 ; 79 : 527-31. 38. Karp P.J., Herschman J.M., Richmond S. et coll. Thyrocoxicosis from molar thyrotropin. Arch Intern Med 1973 ; 132 : 432-6. 39. Hosking D.H., Bowman D.M., McMorris S.L., Ramsey E.W. Primary carcinoid of the testis with metastases. J Urol 1981 ; 125 : 255-6. 40. Wurster R., Brodner O., Rossner J.A., Grube D. A carcinoid occuring in the testis. Virchows Arch 1976 ; 370 : 185-92. Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 réponses page 81 1. La ou lesquelles des hormones suivantes est ou sont-elle(s) susceptible(s) d’être sécrétée(s) par des tumeurs primitivement testiculaires ? a. Testostérone ; b. 17-β-estradiol ; c. Érythropoïétine ; d. Hormone anti-müllérienne ; e. Inhibine B. 2. La ou lesquelles des tumeurs primitivement testiculaires suivantes peut ou peuvent être responsable(s) d’une sécrétion d’hCG ? a. Tumeurs à cellules de Leydig ; b. Gonadoblastome ; c. Séminome ; d. Choriocarcinome ; e. Tumeurs à cellules de Sertoli. 3. Le ou lesquels des symptômes suivants doit ou doivent-il(s) faire évoquer la possibilité de la présence d’une tumeur testiculaire ? a. Pseudo-puberté précoce ; b. Gynécomastie ; c. Infertilité ; d. Priapisme ; e. Asymétrie testiculaire. 4. Vrai ou faux ? Une tumeur testiculaire estrogénosécrétrice peut n’être cliniquement perceptible que plusieurs années après l’apparition d’un premier symptôme révélateur. 5. Vrai ou faux ? L’échographie testiculaire n’a pas sa place dans l’exploration des tumeurs hormono-sécrétrices. 61