ELITE II
Les résultats de l’étude ELITE II étaient parmi les plus attendus
de la 72esession de l’American Heart Association. Cette étude a
inclus 3 152 patients et a comparé 50 mg/j de losartan à 150 mg/j
de captopril.
Elle avait été entreprise à la suite des résultats inattendus de
l’étude ELITE I effectuée sur les sujets âgés, qui avait comparé
également 50 mg de losartan à 150 mg de captopril et dont l’ob-
jectif primaire n’était pas la mortalité mais la tolérance rénale.
Un objectif secondaire constitué de décès et/ou d’hospitalisations
pour insuffisance cardiaque avait montré une réduction signifi-
cative de la mortalité toutes causes en faveur de l’antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine.
ELITE II est allée à son terme, avec un suivi moyen de 555 jours.
Mille cinq cent soixante-quatorze patients ont été placés sous cap-
topril, 1 578 sous losartan. L’essai thérapeutique était guidé par
le nombre d’événements, et il avait été prédéfini que la survenue
de 510 décès entraînerait son interruption. L’objectif primaire
était que le losartan réduit la mortalité toutes causes par rapport
au captopril, l’objectif secondaire était que le losartan réduit la
mort subite et/ou les arrêts cardiaques ressuscités par rapport au
captopril. D’autres objectifs secondaires avaient été définis, en
particulier la mortalité toutes causes et/ou les hospitalisations, et
la mortalité cardiovasculaire et/ou les hospitalisations.
L’âge moyen de la population incluse dans ELITE II était de
71 ans. Il y avait, comme d’habitude, une forte prédominance
masculine (70 %). La fraction d’éjection moyenne était de 31 %.
La répartition selon les classes fonctionnelles montrait 49 % de
patients en classe II, 45 % en classe III et 6 % en classe IV. L’étio-
logie de l’insuffisance cardiaque était à 80 % ischémique. Vingt-
quatre pour cent des patients ont reçu un bêtabloquant.
Le résultat sur l’objectif primaire est neutre, avec un risque rela-
tif non significatif de 0,88 (captopril versus losartan) sur la mor-
talité toutes causes. Deux cent cinquante événements ont été
observés sous captopril (15,9 %) et 280 sous losartan (17,7 %).
Lorsque les causes spécifiques de mortalité sont étudiées, il n’y
a pas de différence significative pour l’insuffisance cardiaque,
la survenue d’un infarctus du myocarde, d’un accident vascu-
laire cérébral, ni pour la mort subite, bien qu’il y ait une ten-
dance favorable en faveur du captopril. Il n’y a pas eu non plus
de différence entre les deux traitements en ce qui concerne les
sous-groupes prédéfinis (selon l’âge, le sexe, la classe fonction-
nelle). Une interaction a été détectée avec les bêtabloquants, qui
entraînent un bénéfice dans les deux groupes (mais supérieur
dans le groupe captopril). En ce qui concerne l’objectif secon-
daire (mort subite, arrêt cardiaque ressuscité), il y a une tendance
non significative en faveur du captopril (risque relatif : 0,80,
p = 0,08). Pour ce qui concerne les hospitalisations ou les phé-
nomènes liés à l’insuffisance cardiaque, incluant hospitalisations,
décès, arrêts de traitement, aucune différence n’est observée entre
les deux drogues.
Pour le critère combiné mortalité ou hospitalisation toutes causes,
le risque relatif est de 0,94 (captopril versus losartan), p = 0,21.
Pour ce critère combiné, il n’y a pas de différence selon l’âge, le
sexe, la classe fonctionnelle mais, là encore, les bêtabloquants
indiquent une tendance plus favorable pour le captopril (risque
relatif 0,73, p = 0,21).
En ce qui concerne la tolérance, il y a eu significativement plus
d’effets secondaires sous captopril (15 %) que sous losartan
(10 %). Les effets secondaires liés aux médicaments ont été en
particulier nettement plus fréquents. De façon non surprenante,
il y a eu davantage de phénomènes de toux sous captopril. De
même, les arrêts de traitement pour effets secondaires ont été plus
fréquents sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Conclusion. Ces résultats conduisent les investigateurs à conclure
que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion demeurent le trai-
tement de choix de l’insuffisance cardiaque, mais que les antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine peuvent être envisagés chez
les patients intolérants aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion
ou qui présentent une contre-indication. Ce “match” IEC/antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine, qui se traduit par un résul-
tat nul, voire légèrement favorable pour le captopril, va certaine-
ment susciter de nombreuses controverses et explications.
BÊTABLOQUANTS ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
S. Goldstein (Detroit, 1041) a donné de nouveaux résultats de
l’étude MERIT HF, qui a utilisé le métoprolol dans l’insuffisance
cardiaque. Il a indiqué que 87 % des malades avaient pu atteindre
un dosage supérieur ou égal à 100 mg/j, et 64 % un dosage supé-
rieur ou égal à 200 mg/j. Les résultats sur la mortalité sont connus :
réduction de 41 % de la mort subite, de 40 % de la mortalité par
insuffisance cardiaque ; les hospitalisations ont été réduites de
19 % et le critère combiné mortalité/insuffisance cardiaque de
31 %. Cette réduction est observée de façon homogène dans les
différentes catégories de patients (classe II, III ou IV). Les auteurs
ont rappelé que l’adjonction du métoprolol s’accompagnait d’une
réduction de 36 % du nombre de jours d’hospitalisation pour
insuffisance cardiaque. Le nombre d’arrêts prématurés du traite-
ment a été moins important dans le groupe métoprolol que dans
le groupe placebo. Parmi les effets secondaires, les bradycardies
ont été plus importantes sous bêtabloquants (0,8 % contre 0,2 %),
de même que les hypotensions (0,6 % contre 0,2 %), le pour-
centage absolu restant acceptable. Ces nouveaux chiffres confir-
ment l’intérêt des bêtabloquants dans le traitement de l’insuffi-
sance cardiaque chronique.
E. Wolfel (Denver, 1042) a étudié l’influence du carvédilol et du
métoprolol sur les capacités à l’exercice chez les patients ayant
une cardiomyopathie dilatée en insuffisance cardiaque. Après
6 mois de traitement, les auteurs n’ont retrouvé aucune différence
entre le groupe placebo et les deux groupes de bêtabloquants,
malgré l’amélioration de la fraction d’éjection. L’interruption du
bêtabloquant n’a pas entraîné de modification significative de la
durée d’exercice dans les groupes traités.
Une intéressante étude explicative sur les effets bénéfiques des
bêtabloquants a été entreprise par H. Sabbah (Detroit, 1043). Un
modèle animal d’insuffisance cardiaque (chien avec micro-
emboles coronaires) a été développé. Après traitement par méto-
prolol, les auteurs ont retrouvé un effet favorable sur l’expression
de la caspase 3, marqueur d’apoptose (mort cellulaire pro-
grammée). Ainsi, dans ce modèle, l’administration d’un bêta-
bloquant chez un animal en insuffisance cardiaque pourrait
prévenir la survenue de ce phénomène de mort cellulaire
programmée.
La Lettre du Cardiologue - n° 323 - janvier 2000
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INSUFFISANCE CARDIAQUE