D Télécardiologie et insuffisance cardiaque TRIBUNE Telecardiology in heart failure

TRIBUNE
8 | La Lettre du Cardiologue n° 435 - mai 2010
Télécardiologie et insuffisance cardiaque
Telecardiology in heart failure
M.R. Cowie*, A. Acosta-Lobos**
* Professeur de cardiologie, Imperial College, Londres et hôpital Royal Brompton, Londres.
** Attaché d’enseignement, recherche clinique, Imperial College, Londres et hôpital Royal
Brompton, Londres.
D
ans les décennies à venir, le nombre de personnes
vivant avec une insuffisance cardiaque va s’accroître
considérablement, principalement du fait du vieillis-
sement de la population et des meilleurs soins prodigués
aux patients atteints d’affections cardiaques aiguës, telles
que l’infarctus du myocarde. Les directives actuelles recom-
mandent le suivi régulier de ces patients, afin de réduire le
risque de décompensation et de détecter précocement, le cas
échéant, une telle compensation (1). En termes simples, cela
implique le suivi quotidien du poids du patient et le signale-
ment de toute intensification des symptômes. Le suivi aps la
sortie de l’hôpital est essentiel ; aujourd’hui, un grand nombre
d’hôpitaux ont une équipe pluridisciplinaire responsable de
ce suivi. Toutefois, le suivi de bon nombre de patients n’est
pas conforme à ce niveau d’exigence : le personnel qualifié
n’est pas suffisant ou ne dispose pas du temps nécessaire,
et certains patients habitent loin de l’hôpital ou sont trop
fragiles pour s’y rendre en consultation. On peut remédier à
cette situation par des visites à domicile – effectuées par une
infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque –, mais c’est
un procédé coûteux qui prend du temps et qui nest possible
que dans les centres disposant de ressources abondantes.
Le télésuivi, c’est-à-dire l’utilisation de la technologie informa-
tique pour surveiller le statut clinique d’un patient à distance,
a été proposé comme un moyen permettant de mieux gérer
le nombre croissant de patients vivant avec une insuffisance
cardiaque. Le télésuivi peut prendre des formes diverses, de
la plus simple, qui consiste en des appels téléphoniques régu-
liers, à la plus complexe (surveillance d’un grand nombre de
variables physiologiques et techniques provenant de patients
implantés avec une prothèse de resynchronisation ou un défi-
brillateur implantable), en passant par des systèmes auto-
nomes de suivi à distance qui transmettent l’information du
domicile du patient à un centre de service pour qu’elle soit
évaluée par un professionnel de la santé.
Le télésuivi a fait l’objet de plusieurs études contrôlées
randomisées, sur des effectifs limités (2). Chaque étude s’est
penchée sur un système différent et l’utilisation des données
recueillies n’est pas toujours claire. Le télésuivi du patient
commence en général après la sortie de l’hôpital, et la plupart
des systèmes autonomes de monitoring surveillent les symp-
mes (le système pose des questions au patient, auxquelles il
répond par oui” ou par “non”), le poids corporel, le pouls et la
tension artérielle, à heure fixe chaque jour. Certains systèmes
surveillent également l’électrocardiogramme et la saturation
en oxygène. Les dones sont transmises sous forme de codes,
par le réseau téléphonique ou par une connexion Internet,
à un centre de services auquel ont accès les professionnels
de santé qui surveillent l’état du patient. Les données (et les
tendances indiquées) sont comparées, en général, à certains
paramètres préétablis individuellement pour chaque patient,
et une alerte est donnée si les informations se situent hors
de ces limites. Le professionnel de santé peut alorsagir, en
néral en téléphonant au patient pour lui poser des questions
supplémentaires et le conseiller, particulièrement pour modi-
fier les doses de diurétique. Le cas échéant, il pourra l’inciter
à une consultation rapide ou recommandera l’hospitalisation
du patient en urgence. Bien que le télésuivi ait été utilisé prin-
cipalement pour la détection précoce d’une décompensation
cardiaque, ce procése prête également à l’augmentation
des doses de médicaments, tels que les bêtabloquants et les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA),
sans recours à des visites médicales classiques.
La télésurveillance des appareils implantés permet la
surveillance facile d’autres paramètres, tels que l’impédance
intrathoracique, la variabilité du rythme cardiaque, l’arythmie
épisodique et le niveau d’activité du patient. Des études en
cours ont pour but de déterminer la meilleure utilisation de
telles données et d’établir l’utilité de les combiner avec des
paramètres plus simples, tels que le poids et les symptômes
du patient, afin d’optimiser les résultats.
À l’heure actuelle, il nexiste pas de directives internationales
sur la façon d’installer et d’opérer un service de télésuivi de
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Figure. Cycle de télésurveillance. Les données sont transmises chaque jour vers un
centre de services et sont consultées par une infirmière spécialisée en insuffisance
cardiaque. Si les données ou les tendances indiquées sont en dehors des limites
préétablies, l’infirmière appelle le patient pour des informations supplémentaires.
Elle peut donner des conseils, modifier les doses de médicament ou inciter à une
consultation avant la date prévue.
Reproduit avec l’autorisation de BMJ Publications.
Transmission
des données
Consultation
Cardiomessenger
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quali. Les données disponibles indiquent que le taux d’hospi-
talisation pour insuffisance cardiaque pourrait être réduit, bien
que le nombre d’hospitalisations reste presque inchangé, et
que le taux de mortaliserait réduit comparativement à celui
obtenu gce aux soins traditionnels. Des études comparant le
télésuivi aux soins prodigués par les meilleurs spécialistes ont
montré des résultats semblables, mais avec un taux d’hospita-
lisations en urgence pour compensation dimin (3). Le suivi
des études actuelles est compris entre 90 jours et 12 mois ; des
données sur le plus long terme doivent être obtenues.
Quel est le coût de l’implantation d’un tel système ? Malheu-
reusement, les analyses de coûts sérieuses manquent. Néan-
moins, les données disponibles indiquent que ces systèmes ne
permettent probablement pas d’économies, mais qu’ils sont
plus rentables que d’autres procédés normalement financés
par les régimes de santé. Dans un contexte où les hôpitaux
sont payés pour l’hospitalisation, et non pour le télésuivi
ou le contact téléphonique, implanter un tel système peut
s’avérer problématique.
Le télésuivi constitue un complément aux soins cliniques
traditionnels, et exige un changement des habitudes de travail
de ceux qui s’y impliquent. La charge de travail par patient
est modérée ; notre expérience dans le cadre de notre étude
(HOME–HF) menée dans la région de l’ouest de Londres
indique qu’au cours d’une période de 6 mois, après la sortie de
l’hôpital, 64 % des patients ont transmis des données exigeant
au moins un contact téléphonique avec l’infirmière spécia-
lisée. Cela représentait en moyenne un appel par personne
suivie chaque mois. Dans 19 % des cas seulement, une visite
anticipée pour examen à la clinique s’est avérée nécessaire ;
dans la plupart des cas, des conseils par léphone concernant
le style de vie, l’observance médicamenteuse ou la modifi-
cation des doses de diurétique ont été suffisants.
Les patients présentant une insuffisance cardiaque s’adap-
tent très bien à la technologie de télésurveillance. Les séries
étudiées ont révélé un taux d’adhésion supérieur à 80 %,
et un bon niveau de satisfaction (96 % des patients). Une
étude qualitative menée dans la région de l’ouest de Londres
a montré que les patients trouvent ce type de suivi rassurant.
Ils affirment que cette surveillance les aide à comprendre leur
état et leur thérapie (4). C’est souvent l’équipe de soins qui
trouve difficile de s’adapter à la nouvelle façon de travailler !
Le télésuivi est la technologie de l’avenir. Il ne remplacera
jamais la pratique “habituelle”, mais il permettra aux équipes
de soigner un nombre beaucoup plus important de patients
et de leur apporter à domicile le bénéfice de leur expertise.
Partout en Europe, des décideurs appuient fortement cette
orientation, et les données en sa faveur sont de plus en plus
irréfutables. Pour un grand nombre de services de cardiologie,
l’introduction de cette méthode de soins est un défi, mais le
partage des pratiques optimales et lenseignement apporté par
les erreurs commises lors de tentatives précédentes finiront
par assurer l’adoption de cette nouvelle approche, appropriée
et sans danger, par la plupart des services cardiologiques, dans
les décennies à venir. Par conséquent, un plus grand nombre
de patients aura accès à un personnel possédant l’expertise
appropriée, l’état des patients sera surveillé de plus près, la
décompensation sera détectée plus tôt et le traitement sera
optimisé. Nous avons besoin de plus d’informations concer-
nant les patients les plus aptes à bénéficier de ces systèmes,
la durée nécessaire d’utilisation de ces systèmes après une
hospitalisation, l’identification des paramètres à mesurer,
et la manière de présenter l’information à un professionnel
de santé pour qu’il puisse prendre la meilleure décision. La
formation du personnel et l’évaluation du fonctionnement
des services sont essentielles dans le processus d’adoption
de cette technologie. Mais, dans les années à venir, nous
allons sûrement nous demander comment nous avons pu
nous passer de la télésurveillance.
Références bibliographiques
1. Dickstein K, Cohen-Solal A, Filippatos G et al. ESC
guidelines for the diagnosis and treatment of acute
and chronic heart failure 2008: the Task Force for the
diagnosis and treatment of acute and chronic heart
failure 2008 of the European Society of Cardiology.
Developed in collaboration with the Heart Failure
Association of the ESC (HFA) and endorsed by
the European Society of Intensive Care Medicine
(ESICM). Eur J Heart Fail 2008;10(10):933-89.
2. Clark RA, Inglis SC, Mc Alister FA, Cleland JG,
Stewart S. Telemonitoring or structured telephone
support programmes for patients with chronic heart
failure: systematic review and metaanalysis. BMJ
2007;334(7600):942.
3. Dar O, Riley J, Chapman C et al. A randomized trial of
home telemonitoring in a typical elderly heart failure
population in North West London: results of the
Home-HF study. Eur J Heart Fail 2009;11(3):319-25.
4. Riley J, Dar O, Gabe J, Cowie MR. Telemonitoring
in heart failure: Changing roles and challenging
relationships? Eur J Cardiovasc Nurs 2008;7:S58.
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