Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) - n° 3 - mars 2000 68
des analyses antérieures de la relation
entre les syndromes liés à la culture et les
diagnostics psychiatriques. Le problème
des classifications précédentes était de
tenter d’incorporer les syndromes liés à
la culture dans des catégories psychia-
triques préexistantes, plutôt que les étu-
dier en tant que tels. Pour pouvoir com-
prendre les syndromes liés à la culture
dans leur contexte culturel et pouvoir
analyser leur relation avec les troubles
psychiatriques, les auteurs proposent un
programme de recherche fondé sur
quatre questions clés et l’illustrent avec
la présentation d’un syndrome culturel
latino-caraïbe dénommé Ataques de
Nervos. La première question interroge
la nature du phénomène : une manière
d’étudier un syndrome lié à la culture est
de se référer à la littérature de recherche
en anthropologie et en psychiatrie. La
deuxième question a trait à la localisation
socioculturelle du syndrome. Il s’agit
d’identifier les caractéristiques sociales
des personnes souffrant de cette patholo-
gie. Le contexte permet de spécifier les
situations sociales dans lesquelles un
syndrome lié à la culture pourrait appa-
raître. Les Ataques de Nervos, par
exemple, sont provoquées par des
menaces pesant sur l’environnement
social local du patient, comme la famille.
La troisième question vise à déterminer
comment le syndrome lié à la culture
peut être empiriquement mis en relation
avec un trouble psychiatrique. Si des
recherches systématiques ont permis
d’identifier des relations fortes entre des
syndromes liés à la culture et certains cri-
tères de diagnostic psychiatrique, on
observe rarement une relation simple
entre un syndrome culturel et un trouble
psychiatrique prédéfini. Les syndromes
liés à la culture coexistent souvent avec
un ensemble de troubles psychiatriques,
comme coexistent entre eux bon nombre
de troubles psychiatriques, et la question
de la comorbidité est ici aussi posée. Le
quatrième aspect à prendre en compte est
l’histoire sociale et psychiatrique du syn-
drome au cours de la vie du patient. La
recherche sur les syndromes liés à la cul-
ture a une utilité stratégique dans l’inté-
gration des connaissances culturelles et
psychiatriques, permettant des avancées
tant dans l’universalité des diagnostics
que pour la spécificité culturelle.
Mots clés : DSM-IV - Syndrome lié à la
culture.
Ethnicité et évolution
de la psychose
Londres (Grande-Bretagne)
Au Royaume-Uni, l’incidence de la
schizophrénie est plus élevée dans
la population noire que chez les Blancs.
N. Goater et ses collaborateurs présen-
tent les résultats de la première étude
prospective sur cinq ans de premiers épi-
sodes de psychose, réalisée auprès de dif-
férents groupes ethniques en Grande-
Bretagne (Goater N., King M., Cole E. et
coll. Ethnicity and outcome of psychosis.
British Journal of Psychiatry 1999 ;
175 : 34-42). Faisaient partie du recrute-
ment toutes les personnes âgées de 16 à
54 ans, résidant dans l’aire géographique
d’un hôpital psychiatrique londonien et
ayant eu un premier contact avec un tel
service entre juin 1991 et juin 1992. Il
s’agissait d’une population urbaine, dont
28 % étaient considérés comme prove-
nant d’une minorité ethnique. Les
patients ont passé des entretiens à cette
époque, et à nouveau un an puis cinq ans
plus tard. Les auteurs ont utilisé un ques-
tionnaire semi-structuré incluant des
données démographiques et biogra-
phiques. Les symptômes psychiatriques
étaient évalués à l’aide de la 9eédition du
PSE (Present State Examination) et du
SCL (Syndrome Checklist). Un certain
nombre d’autres informations (contact
avec les services hospitaliers, avec la
police, observance du traitement, etc.)
ont été recueillies à un an et cinq ans. Les
patients étaient répartis en plusieurs groupes :
Blancs, Noirs, Asiatiques et autres, pour
les calculs des taux d’incidence. Pour les
autres analyses, les Asiatiques ont été
combinés avec les “autres”. Parmi les
93 patients, 39 étaient des Blancs, 38 des
Noirs, 11 des Asiatiques et 5 d’autres
groupes ethniques. L’âge moyen au
moment du recrutement était de 30 ans,
et 42 % d’entre eux étaient nés à l’étran-
ger (immigrants de première génération).
Les taux d’incidence de schizophrénie et
de psychose non affective étaient supé-
rieurs à ceux des Blancs dans tous les
groupes ethniques et à toutes les dates. À
cinq ans, cet excès était statistiquement
significatif pour la schizophrénie dans
les populations asiatique et noire. Pour
24 % des patients, l’évolution de la mala-
die était positive (récupération complète
sans épisode ultérieur) à la première date
du suivi, mais cela restait le cas pour seu-
lement 8 de ces sujets au bout de cinq ans.
Les auteurs n’observent pas d’associa-
tion entre les scores à l’échelle SANS
(symptômes négatifs) et le groupe eth-
nique. L’ethnicité n’était pas associée
avec le décours de la maladie ou la stabi-
lité du diagnostic sur cinq ans, et le suivi
des patients était similaire pour tous les
groupes. En revanche, les données
confirment l’excès de cas de schizophré-
nie et de psychoses non affectives chez
des sujets noirs vivant en Grande-
Bretagne. Au cours des cinq années,
48 patients (54 %) ont été amenés à l’hô-
pital au moins une fois par la police. La
cinquième année, tous les 6 patients ame-
nés par la police étaient de race noire et
5d’entre eux étaient schizophrènes. Les
patients noirs avaient également, plus
que les autres, été retenus à l’hôpital et
reçu des injections d’urgence. L’explication
des situations plus difficiles vécues par
les patients noirs pourrait trouver son ori-
gine dans l’expression de la maladie, qui
peut varier d’un groupe ethnique à
Revue de presse