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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 2 - mars-avril 2004
E
n France, le cancer colorectal est l’un des cancers les
plus fréquents par son incidence (35 0 0 0 n o u v e a u x
cas par an) et représente une importante cause de mor-
talité (20 000 décès par an). Le foie représente le site métasta-
tique le plus fréquent, puisque 50 % des cancers colorectaux
présentent ou présenteront des métastases hépatiques.
Le traitement des métastases patiques repose sur l’exérèse
chirurgicale, qui peut guérir certains patients et assurer des taux
de survie à 5 ans de 25 %. Cependant, seules 10 % des métastases
sont accessibles à un traitement chirurgical d’emblée.
Dans les autres cas, une chimiothérapie systémique doit être pres-
crite, car elle a démontré son intérêt en termes de durée et de
confort de survie. En cas d’efficacité importante, elle peut per-
mettre, seule ou en association à des traitements locaux (embo-
lisation portale sélective, radiofréquence, cryothérapie), de pro-
poser une exérèse chirurgicale jugée d’emblée impossible et
d’obtenir des résultats comparables à ceux des résections
d’emblée (1, 2).
Dans cette analyse de la littérature, nous nous intéresserons à la
place de la chimiothérapie par rapport au traitement chirurgical.
En effet, une question importante se pose actuellement, alors
même que la chimiothérapie a fait des progrès marquants : com-
ment situer cette méthode thérapeutique par rapport au traitement
chirurgical ? Enfin, nous envisagerons brièvement les perspec-
tives thérapeutiques carcinologiques d’avenir et les indications
à retenir.
QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES ARMES DISPONIBLES ?
Le 5-FU est la drogue la plus utilisée dans les cancers coliques,
seule ou associée à des modulateurs de son efficacité (acide foli-
nique principalement). Elle est administrée en bolus ou en per-
fusion continue. Un des rivés est le FUDR (floxuridine).
Actuellement, d’autres formes orales, correspondant générale-
ment à des prodrogues, sont disponibles (capécitabine ou tega-
fur-uracile [UFT
®
]). La capécitabine est rapidement absorbée et
métabolisée en 5-FU cytotoxique après transformation enzyma-
tique (trois étapes). La thymidine phosphorylase est l’enzyme res-
ponsable de la transformation finale en 5-FU, principalement au
niveau du site tumoral. L’activité de la thymidine phosphorylase
mesurée est quatre fois plus élevée dans la tumeur que dans les
tissus voisins. Cela permet de dire qu’il existe une exposition
ciblée au 5-FU. L’UFT
®
est un double composé à base de tega-
fur et d’uracile. L’uracile a comme principale propriété de se fixer
à la DPD, qui n’est autre que la principale enzyme de dégrada-
tion du 5-FU, permettant ainsi de diminuer sa dégradation. Le
tegafur, quant à lui, est transformé en 5-FU.
Deux grandes études randomisées ont comparé la capécitabine
au bolus de fufol et ont montré en situation métastatique la supé-
riorité en termes de réponse de la capécitabine.
En ce qui concerne l’UFT
®
, les résultats des études randomisées
sont proches, montrant ainsi l’équivalence par rapport à la forme
intraveineuse (3).
Les deux nouvelles drogues (oxaliplatine et CPT11 [ou irinoté-
can]), ont montré leur intérêt dans les phases évoluées de la maladie.
Les associations actuelles comportent néralement le 5-FU,
l’acide folinique et l’oxaliplatine (FOLFOX: 5-FU, acide folinique,
oxaliplatine) ou le CPT11 (FOLFIRI: 5-FU, acide folinique, CPT11).
Ainsi, grâce à ces associations, les taux de réponse sont élevés,
MI S E A U P O I N T
Traitement combiné des métastases hépatiques
des cancers colorectaux
Combined treatment for colorectal liver metastases
G. Des Guetz*, P. Wind**
RÉSUMÉ. Le cancer colorectal se caractérise notamment par l’importance des métastases hépatiques. Celles-ci font l’objet de traite -
ments chirurgicaux. Mais on peut se poser la question de la place de la chimiothérapie. La question d’un traitement adjuvant après la
chirurgie des métastases a été débattue, et préconisée par Kemeny. Dans cette situation, le traitement intra-artériel hépatique semblait
particulièrement intéressant du fait de son efficacité supérieure à celle d’un traitement systémique. D’un autre point de vue, une chi -
miothérapie néoadjuvante prenait son sens dans le cas de métastases hépatiques non résécables d’emblée, comme l’avait proposé
Bismuth. À l’heure actuelle, ces deux situations n’ont pas été comparées. Nous tenterons d’analyser les données publiées en séparant
les résultats des traitements néoadjuvants et adjuvants.
Mots-clés : Métastases hépatiques - Cancer colorectal - Chirurgie - Chimiothérapie.
*Service d’oncologie, **service de chirurgie digestive, hôpital Avicenne,
93069 Bobigny Cedex.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 2 - mars-avril 2004
permettant d’envisager secondairement des résections des méta-
stases. Deux études randomisées internationales ont montré une
meilleure réponse lors de l’association 5-FU et CPT11. Les taux
de réponse sont respectivement, dans les études de Saltz et
Douillard, de 39 et 49 % pour l’association, et de 21 et 31 % pour
le traitement par 5-FU seul. Les survies globales sont augmen-
tées grâce à l’addition de CPT11 ; dans l’étude de Saltz, elles pas-
sent de 12,6 à 14,8 mois, et dans l’étude de Douillard de 14,1 à
17,4 mois. Ces résultats sont tous significatifs au plan statistique.
Comparativement, de Gramont a randomiun schéma LV5-FU2,
le comparant au FOLFOX4. Les résultats sont concordants, mon-
trant ainsi la supériorité du FOLFOX, avec 51 % de réponses
objectives versus 22 % dans le bras LV5-FU2. Les survies
globales sont également augmentées, avec 17,2 mois pour le
FOLFOX versus 14,7 mois pour le LV5-FU2. Toutefois, ces
derniers résultats ne sont pas significatifs (4-7).
On citera également les nouvelles thérapeutiques ciblées qui sont
représentées par les anticorps monoclonaux anti-EGF ou anti-
VEGF. L’EGF (epidermal growth factor) joue un rôle clé dans
le développement de nombreux cancers, dont les cancers diges-
tifs (pour lesquels son récepteur serait exprimé dans plus de 60 %
des cas). L’activation du récepteur est à l’origine d’une cascade
de réactions, avec pour conséquence une prolifération cellulaire,
un effet antiapoptotique, un effet angiogénique et la formation
de métastase. Le cétuximab, qui est un anticorps se fixant avec
une forte affinité sur le récepteur à l’EGF, a été testé en phase II
randomisée (étude BOND). Il apporte un bénéfice en survie sans
rechute et survie globale chez des malades prétraités par CPT11.
Le VEGF est une molécule ayant un rôle clé dans l’angiogenèse.
L’anti-VEGF (bévacizumab) a également été testé. Les résultats
de l’étude de phase III comparant le bévacizumab seul à une
association de type IFL (irinotécan, 5-FU, leucovorin acid) et
bévacizumab sont très encourageants. On observe un déplace-
ment de la médiane de survie des patients en faveur de l’asso-
ciation, celle-ci passant de 16 à 20,3 mois (8).
TRAITEMENT LOCORÉGIONAL
OU TRAITEMENT SYSTÉMIQUE
Traitement locorégional
Bénéfice théorique d’un traitement intra-artériel. Il existe
un rationnel pour l’utilisation de chimiothérapies intra-artérielles.
Tout d’abord, à la différence du parenchyme hépatique normal,
les métastases hépatiques sont vascularisées par l’artère hépa-
tique, aux dépens de laquelle elles développent une néovascula-
risation (8). Ainsi, afin de déterminer l’intérêt d’une chimiothé-
rapie régionale, Daly a randomisé des patients en deux groupes
recevant une chimiothérapie de type FUDR par voie intraportale
ou par voie intra-artérielle. Cinquante pour cent des patients rece-
vant le traitement intra-artériel répondaient, alors qu’aucune
réponse n’était observée pour la voie intraportale. Dans cette
étude, il apparaît donc que le traitement intra-artériel est nette-
ment plus efficace qu’un traitement par voie intraportale, provo-
cant ainsi une plus forte concentration de la drogue dans les ta-
stases, alors que le tissu hépatique sain est beaucoup moins e x p o s é
du fait de la double vascularisation artérielle et veineuse ( 9 ).
Enfin, le taux d’extraction hépatique de certaines drogues par le
foie est élevé, renforçant encore l’effet de la chimiothérapie intra-
artérielle : cela est démontré principalement pour le FUDR, mais
aussi pour le 5-FU (tableau I).
Une méta-analyse récente comparant le 5-FU au 5-FUDR admi-
nistré en intra-artériel chez des patients ayant des métastases
hépatiques non résécables ne retrouve pas de différences dans
l’efficacité des traitements (10).
Les résultats de cinq études (tableau II) comparant la voie intra-
veineuse et la voie intra-artérielle (tableau I) montrent un béné-
fice dans le taux de réponse et dans le pourcentage de survie chez
les patients traités par voie intra-artérielle.
Enfin, de nouvelles molécules telles que l’oxaliplatine ou le
CPT11 peuvent également être associées aux traitements intra-
artériels (2).
La toxicité de la chimiothérapie intra-artérielle. Les cathé-
ters intra-artériels sont installés par un abord chirurgical. Ils sont
placés dans l’artère gastroduodénale, qui a été liée et doit affleu-
rer l’origine de l’artère hépatique propre. Il faut y associer de
Tableau I. Cinétique des drogues par voie intra-artérielle. (D’après
Vincent T. De vita. Cancer principles and practice of oncology. 4th edition
Lippincott editions. Treatment of metastatic cancer to the liver. p. 2 2 1 3 ) .
Demi-vie (mn) Estimation de l’augmentation
d’exposition par la voie
intra-artérielle
Fluorouracile 10 5-10 fois
5-FUDR < 10 100 fois
Nitrosourée < 5 6 fois
Mitomycine C < 10 6-8 fois
Cisplatine 20-30 4-7 fois
Doxorubicine 60 2 fois
Tableau II. Études randomisées comparant une chimiotrapie
intra-artérielle et une chimiothérapie systémique pour le traitement
de métastases hépatiques de cancers coliques.
Nombre Taux de Taux de réponse
Référence de réponse avec avec FUDR
(2) patients FUDR en ou 5-FU p
intra-artériel en intraveineux
Rougier 163 49 % 5-FU 14 % Non
(- de 50 % r e p o r t é
reçoivent
la chimiothérapie)
Kemeny 99 52 % FUDR 20 % 0,01
Hohn 117 42 % FUDR 10 % 0,0001
Chang 100 50 % FUDR 17 % 0,003
Allen-Mersh 100 50 % 5-FU 0 %
(- de 25 % reçoivent 0,001
la chimiothérapie)
Northern California oncology group (2) National Cancer Institute.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 2 - mars-avril 2004
principe une cholécystectomie (risque de cholécystiste due à la
chimiothérapie) et une ligature élective de toutes les branches
artérielles de l’artère hépatique propre et de l’artère gastroduo-
dénale à destination du duodénum, de l’estomac et du pancréas
(risque d’ulcère) (11).
L’un des principaux effets indésirables de ce type de traitement
est la toxicité hépatobiliaire. Une élévation de la bilirubine est
observée chez approximativement un quart des patients. La patho-
génie exacte de cette toxicité n’est pas clairement déterminée :
nécrose patocytaire, comme le sugrent des biopsies, ou
atteinte des canaux biliaires ? Ces élévations enzymatiques hépa-
tiques sont réversibles. Certains patients développent des lésions
qui s’apparentent à la cholangite sclérosante sur les images radio-
graphiques.
Des associations de FUDR et de dexaméthasone ont été propo-
sées par Kemeny et al. afin de diminuer le risque de cholangite
sclérosante. De plus, cette combinaison montre des taux de
réponse supérieurs à ceux FUDR seul (12).
Il est difficile de convaincre les cliniciens que la chimiothérapie
intra-artérielle est un standard, étant donné les difficultés tech-
niques. En outre, les associations à base de nouvelles drogues per-
mettent d’obtenir des taux de réponses élevés remettant en ques-
tion ces voies d’abord pour la chimiothérapie.
La chimiothérapie systémique
Le 5-FU a été utilisé sous forme de perfusion continue et en
bolus. Différentes méta-analyses ont permis de mettre en évidence
l’apport de la modulation de l’activité de cette drogue par l’asso-
ciation avec des molécules comme l’acide folinique ou encore
le méthotrexate. La perfusion continue de 5-FU permet de dou-
bler le taux de réponse (22 % versus 14 %) et également d’amé-
liorer légèrement la survie (12 mois versus 11 mois).
Ainsi, le schéma LV5-FU2 associant le 5-FU et l’acide folinique
et combinant l’administration du 5-FU en bolus et en continu est
moins toxique que le FUFOL bolus faible (Mayo Clinic) et
semble plus efficace. Lors d’un traitement systémique, l’admi-
nistration d’une perfusion continue se rapproche de l’adminis-
tration d’un traitement per os pour ce qui est de la durée de trai-
tement.
Il existe aussi d’autres types de perfusion dites chronomodulées,
c’est-à-dire prenant en compte les rythmes circadiens cellulaires
afin d’accroître les doses de chimiothérapie. Ces types d’admi-
nistration permettraient d’obtenir des taux de réponse supérieures
et des toxicités moindres.
Mais faut-il faire une chimiothérapie avant ou après la résection
hépatique ?
Chimiothérapie néoadjuvante,
ou comment augmenter la résécabilité ?
La chimiotrapie popératoire ou oadjuvante a pour but
d’améliorer la résécabilité et, comme tout traitement de chimio-
thérapie complémentaire, de diminuer les risques de récidive.
Bismuth et al. (1, 2) ont reporté leur série de 53 patients parmi
151 jugés non résécables, ayant subi une résection de métastases
hépatiques après un traitement par chimiothérapie. Ces patients
étaient jugés non résécables du fait de la taille importante des
métastases (> 5cm), du nombre important de celles-là (> 4), de
lésions localisées au niveau du hile, d’une maladie extrahépatique
associée. Ces patients ont eu une résection de métastases hépa-
tiques après un traitement de chimiothérapie chronomodulé de
5-FU, dacide folinique et d’oxaliplatine administ jusqu’à
l’intervention. On a observé une réponse partielle chez 89 des
1 5 1 patients (59 %), et leur survie médiane était évaluée à 24 m o i s
et 28 % de survivants à 5 ans. Différentes techniques chirurgi-
cales ont été appliquées pour obtenir une meilleure résécabilité
de ces lésions métastatiques, avec notamment des embolisations
par voie portale et des doubles hépatectomies (pour 5 patients).
De plus, des hépatectomies répétées ont été alisées (pour
15 patients), ainsi que des résections de métastases pulmonaires
(pour 10 patients), permettant d’atteindre des taux de survie de
40 % à 5 ans. Cette attitude met en évidence l’intérêt de ce type
de chimiothérapie néoadjuvante, mais aussi celui d’une attitude
chirurgicale agressive.
Des protocoles visant à augmenter les taux de réponse grâce à
l’association de 5-FU, d’oxaliplatine et de CPT11 ont également
été proposés. Ychou et al. ont présenté récemment les résultats
de leur phase I. Les patients lectionnés, considérés comme
inopérables d’emblée mais pouvant bénéficier d’une chimiothé-
rapie réductrice afin d’être opérables, ont été traités ; les taux d e
réponse sont encourageants, de 57 à 78 %, avec des résultats chez
8 patients et, pour 6 d’entre eux, l’obtention d’une réponse com-
plète ( 1 5 ).
Toujours dans le domaine des associations thérapeutiques, des
résultats intéressants ont été rapportés en augmentant la dose de
l’une ou l’autre des drogues. Un protocole avec FOLFOX avec
forte dose d’oxaliplatine (130 mg/m
2
tous les 15 jours), suivi de
FOLFIRI pour un total de 12 cycles, donne des taux de réponse,
atteignant 80 %, avec 13 % de réponses complètes. Tous les
patients potentiellement résécables ont été opérés, sauf un (16).
Chimiothérapie adjuvante
Le principe de la chimiothérapie adjuvante est le traitement
d’éventuelles métastases infracliniques. Il y a quelques années,
aucune étude ne permettait d’affirmer qu’il existait un bénéfice
d’une chimiothérapie adjuvante dans les stades métastatiques
opérés. Cependant, étant donné le risque de rechute, une chi-
miothérapie postopératoire était le plus souvent proposée.
Le débat a été relancé par deux publications, en 1999 et 2002.
La première étude randomisée, de N. Kemeny et al. ( 1 7 ) , a inclus
156 patients opérés de métastases hépatiques. Les patients ont
reçu en adjuvant soit l’association d’une chimiothérapie systé-
mique par FUFOL (fluorouracile + leucovorine) et FUDR intra-
artériel, soit une monothérapie systémique seule par FUFOL.
La survie actuarielle était respectivement de 86 % à 2 ans et
61 % à 5 ans pour les patients ayant eu un traitement combiné,
et de 72 % à 2 ans (p =0,03) et 49 % à 5 ans pour les patients
ayant eu une monothérapie. La survie sans récidive hépatique à
2ans était de 90 % pour les patients ayant eu un traitement com-
biné, et de 60 % (p <0,001) pour ceux ayant eu une monothéra-
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pie. Malgré une atteinte des marges de résection, dans le groupe
traide manière combinée, il existe une augmentation de la
s u r v i e (90 % versus 42 %) ; de même s’il existe plus de deux
métastases réséquées (97 % versus 60 %).
La survie sans récidive à 2 ans était de 57 % pour les patients
ayant eu un traitement combiné, et de 42 % (p =0,07) pour ceux
ayant eu une monothérapie.
Les toxicités (hématologiques et muqueuses) sont équivalentes
dans les deux groupes. (tableaux III et IV).
La seconde étude, de M.M. Kemeny et al. (18), a randomisé en
préopératoire 109 patients en deux groupes : l’un recevait en
postopératoire une chimiothérapie intra-artérielle (FUDR) et
5-FU systémique, l’autre n’avait pas de traitement (bras contrôle).
À quatre ans, on constate une augmentation significative de la
survie sans récidive dans le groupe traité (46 %, contre 25 % dans
le groupe contrôle ; p =0,04), ainsi que de la survie sans récidive
hépatique dans le groupe traité (67 %, contre 43 % dans le groupe
contrôle ; p =0,03). Cependant, entre les deux groupes, la diffé-
rence en survie globale n’est pas statistiquement significative.
Tableau III.
Comparaison entre une chimiothérapie intra-artérielle et
systémique et une chimiothérapie systémique seule après résection de
métastases hépatiques. (
Étude de Kemeny [ASCO 1999]).
Une troisième étude allemande multicentrique (26 centres) coor-
donnée par Lorenz essayait de répondre à la même question.
Entre 1991 et 1996, 226 patients ont été traités par chirurgie seule
ou associée à une chimiothérapie adjuvante intra-artérielle com-
portant du 5-FU : 1g/m
2
J1 à J5 et de l’acide folinique 200 m g / m
2
.
La compliance au traitement n’a pas été excellente, avec seule-
ment 84 % des patients réellement traités ; une toxicité de grade
3 ou 4 a été observée chez 63 % des patients, soit 25 % des
cycles. La médiane de survie sans progression est de 14,2 mois
dans le bras traitement adjuvant, et de 13,7 mois avec la chirur-
gie seule ; en revanche, la survie sans récidive hépatique est plus
élevée dans le bras chirurgie seule. Toutefois, en analysant la
cohorte des patients réellement traités, on note un doublement de
la survie sans progression hépatique pour les patients recevant la
chimiothérapie 44 mois versus 23 mois ; il en est de même pour
la survie sans progression de 20 mois versus 12 mois (19).
Enfin, un essai français randomisé a comparé une association
5-FU et acide folique après hépatectomie ou une hépatectomie
seule. Cet essai n’a pu conclure réellement d’un point de vue sta-
tistique. Il a comparé deux groupes de 81 patients. Il existait un
avantage en termes de survie globale à 5 ans (51 % versus 44 %)
et de survie sans rechute (33 % versus 24 %) en faveur de la
chimiothérapie, sans que les résultats soient significatifs (20).
Des études randomisées avec de plus petits effectifs ont aussi été
publes. D’abord Lygidakis, avec 40 patients randomisés entre une
chirurgie seule ou associée à une immunochimiothérapie compre-
nant de l’interleukine et de l’interféron gamma, passé dans l’artère
splénique avec une chimiothérapie : mitomycine C, épirubicine,
carboplatine et 5-FU, acide folinique, cela en intra-artériel. Quatre
cycles étaient administrés. La survie médiane étaient augmentée,
puisque, de 11 mois dans le bras témoin, elle atteignait 20 mois
dans le groupe de patients recevant le traitement (p < 0,001) ( 2 1 ) .
Wagman, ensuite, a montré que l’addition d’un traitement intra-
artériel augmente la survie sans récidive après la chirurgie hépa-
tique de 8,7 mois jusqu’à 31,8 mois. Mais le nombre de patients
qu’il a traités est faible, et les résultats sont non significatifs (22).
Enfin, Tsuji a montré qu’un traitement intra-artériel seul à base
de 5-FU à forte dose après la chirurgie permettait d’augmenter
la survie à 3 ans, cette étude étant effectuée sur un faible effec-
tif : 4 patients sur 15 étaient en vie à 3 ans (bras contrôle), alors
que 8 sur 12 l’étaient dans le bras traité (23).
Des études rétrospectives, notamment celle d’Ambiru avec
1 7 4 patients traités, dont certains par chirurgie hépatique et
d’autres par chimiothérapie intra-artérielle, ou encore par une
chimiothérapie intraveineuse, permettent de noter une survie à
5ans de 35 % pour les patients opérés et traités par chimiothé-
rapie intra-artérielle, de 13 % pour ceux traités par chimiothéra-
pie intraveineuse intraportale, et de 9 % pour ceux opérés sans
traitement complémentaire (24).
Les études en cours
Pour terminer le bénéfice d’une chimiothérapie lors de
chirurgie des tastases hépatiques, trois études sont en cours.
La premre, appelée MIROX C 02-1, dont linvestigateur
est M. Hebbar (GERCOR), est une étude de phase III rando-
misée comparant deux types de chimiothérapie FOLFOX 4
(12 cycles) à FOLFOX 7 (6 cycles) suivi de FOLFIRI
(6 cycles) en postopératoire ou en p- et postoratoire.
L’autre étude, FFCD 40983, coordone par B. Nordlinger,
HAI + sys Sys p
Nombre Survie Nombre Survie
de patients à 2 ans de patients à 2 ans
Survie 74 85 % 82 69 % 0,023
DFS hépatique 74 89 % 82 57 % 0,000012
Autre DFS 74 55 % 82 41 % 0,096
1 méta-hépatique 27 72 % 33 79 % 0,55
2-4 33 97 % 34 60 % 0,0003
> 4 14 84 % 15 64 % 0,24
Marges positives 10 90 % 11 44 % 0,02
Tableau IV.
Toxicis comparées entre l’association chimiothérapie
intra-artérielle (FUDR) et systémique (FUFOL) et la chimiothérapie
systémique seule.
Toxicité Chimiothérapie Chimiothérapie
grades 3/4 (en %) HAI + systémique systémique
Hématologique (leucopénie) 9/4 8/3
Muqueuse 10/0 7/3
Diarrhées 22/7 10/4
Élévation de la bilirubine (> 3 N) 18 1
HAI : chimiothérapie intra-artérielle
SYS : chimiothérapie par voie systémique
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est une phase III randomisée qui comparera la chirurgie seule
versus une chirurgie associée à une chimiotrapie pré- et post-
opératoire (FOLFOX) 12 cycles au maximum. Enfin, un troi-
sième essai français et international coordon par Ychou et
Santoro tente de répondre à la question sur la meilleure chi-
miothérapie postopératoire par la comparaison de 12 c y c l e s
de LV5-FU2 à 12 cycles de FOLFIRI.
Conclusion
La chirurgiepatique est indiquée dans le cancer colorectal
pour le traitement des métastases hépatiques depuis plus
d’une dizaine d’années, cela dans la perspective de guérir les
patients. L’association de chimiotrapie est fréquente. Il ny
a cependant toujours pas dargument dans la litrature pour
proposer une chimiothérapie préopératoire si la chirurgie
patique est d’emblée alisable. Toutefois, un traitement
initial de type néoadjuvant est envisageable sil existe un
nombre ou un volume important de métastases patiques ou
extrahépatiques. On peut cependant constater que lintérêt de
la chimiothérapie néoadjuvante est double : dabord, dans
certains cas, permettre l’intervention patique initialement
difficile et évaluer in vivo la ponse à la chimiothérapie, mais
aussi réaliser dans le me temps le traitement des micro-
tastases. Concernant l’apport de la chimiotrapie adju-
vante, les travaux de Kemeny sont actuellement concluants.
Il en résulterait ainsi des indications telles qu’une atteinte des
berges de résection, ou des arguments tels qu’un intervalle
libre court entre le traitement de la tumeur initiale et lappa-
rition des métastases (ce dernier ément est issu des études
sur les facteurs pronostiques des chirurgies hépatiques).
Mais quels types de drogues et quelles voies d’administration
u t i l i s e r ? Les associations type FOLFOX ou FOLFIRI sont
classiques. Cependant, cette situation va se compliquer de
deux fons dans l’avenir. D’abord, de nouveaux traitements,
de type anticorps monoclonaux, vont être prochainement dis-
ponibles. Il sagit de traitements ciblant spécifiquement des
facteurs de croissance portés à la surface des cellules cancé-
reuses, les plus étudiés étant l’EGF (epidermal growth fac -
to r ) , et son corollaire l’anticorps anti-EGF ( 2 5 ). Les résultats des
différentes études sont très encourageants. Ensuite, la place
de la chirurgie elle-même va être discutée : faudra-t-il utili-
ser toutes les ressources thérapeutiques dicales avant la
chirurgie afin de pratiquer celle-ci avec le niveau de masse
tumorale le plus faible, ou proposer un traitement chirurgi-
cal dès que possible ? Il est ainsi envisageable, alors que
diverses associations permettront dobtenir à plusieurs
reprises desponses thérapeutiques, que les indications chi-
rurgicales soient prévues de façon itérative, cela avec le déve-
loppement de la radiofquence et d’autres techniques chi-
rurgicales qui visent à élargir les indications.
Des essais multicentriques permettront de répondre à ces
questions. Ils nécessiteront des effectifs importants et linclu-
sion rapide dans des protocoles.
Nous sommes donc à un tournant où la chimiothérapie est effi-
cace et les indications se compliquent. Il paraît important de
suivre certaines recommandations. Les recommandations
actuelles de la FFCD proposent ainsi une chirurgie d’erèse
des métastasespatiques, si elle est possible. Dans le cas de
tastases synchrones d’acs facile et dexérèse mineure,
on effectuera la résection dans le même temps des métastases
et de la tumeur primitive (si elle nest pas compliquée), avec
l’anastomose avant l’hépatectomie. On peut aussi envisager,
après le geste chirurgical sur la tumeur initiale, de pratiquer
une chimiothérapie prédant un second geste chirurgical,
notamment dans le cas detastases synchrones nécessitant
une hépatectomie trop lourde. Dans le cas de métastases méta-
chrones, on aura un me scma incluant la chirurgie dès
que les tastases sont opérables (26, 27).
R
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