était porté le diagnostic d’ostéosarcome ostéoblastique corres-
pondant vraisemblablement à la récidive de la tumeur phyllode
ayant évolué en un authentique sarcome. L’examen macrosco-
pique montrait une tumeur arrondie très dure mesurant 5,5 x 5 c m .
Histologiquement, la tumeur présentait un aspect homogène, avec
des travées d’os tumoral et d’ostéoïde néoplasique plus ou moins
épaisses, bordées d’ostéoblastes tumoraux à l’index mitotique
élevé (16 mitoses pour 10 champs au grossissement 400)
sans secteur de nécrose ; il n’était pas observé de contingent
é p i t h é l i a l ni de contingent sarcomateux fusiforme ou chondro-
blastique.
Une mastectomie avec curage a été réalisée dans un deuxième
t e m p s : il n’a pas été retrouvé de tissu tumoral résiduel ni
d’atteinte ganglionnaire. La patiente a ensuite reçu six c y c l e s
d’une chimiothérapie adjuvante selon le protocole ostéosarcome
en cours à l’Institut Curie (OS 5) (sans méthotrexate compte tenu
de l’âge) associant en alternance toutes les trois semaines de la
doxorubicine (70 mg/m
2
) et du cisplatine (100 mg/m
2
) avec du
cyclophosphamide à fortes doses (4 g / m
2
) avec du mesnum et sous
couvert de G-CSF.
En octobre 2003, lors du bilan à quatre ans, la patiente est
toujours en rémission complète avec un examen clinique, une
mammographie controlatérale et une radiographie pulmonaire
normaux.
DISCUSSION
Les données rapportées dans la littérature concernent essentiel-
lement le diagnostic, peu les traitements et le suivi. Le traitement
optimal reste toujours à définir.
Une soixantaine de cas ont été publiés depuis 1950 selon une
revue générale récente (13), la plupart sous forme de cas isolés
(14-19). L'âge moyen est de 64 ans, ce qui est très différent du
cas des ostéosarcomes osseux.
La majorité des tumeurs sont volumineuses (mesurant de 5 à
25 cm, en moyenne 10 cm), mais sans métastases axillaires.
Une élévation des phosphatases alcalines peut être présente,
régressant après la chirurgie.
À la mammographie, la tumeur se présente sous forme d'une
lésion dense calcifiée. Ces macrocalcifications retrouvées sur des
mammographies antérieures ont parfois été considérées comme
bénignes…
Curiosité également, cette tumeur peut fixer à la scintigraphie au
phosphate de technétium.
L’examen histologique montre des aspects variés. Les tumeurs
présentent le plus souvent un contingent sarcomateux à cellules
fusiformes avec des atypies nucléaires marquées et, en revanche,
un index mitotique variable. Les tumeurs avec différenciation
chondroïde sont plus rares que celles avec différenciation
osseuse. Il n’existe pas de contingent de différenciation épithé-
liale, ni en morphologie standard, ni après étude immunohisto-
chimique à l’aide de marqueurs de différenciation épithéliale. Il
s'agit en règle de tumeurs de haut grade ou de grade intermédiaire.
La différenciation est importante à prendre en compte, considérer
car les ostéosarcomes fibroblastiques ont une meilleure survie que
les autres types histologiques.
✓Leur histogenèse ainsi que leur rapport à d’autres lésions ne
sont pas clairs. Dans la majorité des cas, il n'existe pas d'anté-
cédent particulier, mais il faut relever que 6 % des patientes
présentent un antécédent de traumatisme du sein. Il a été décrit
des ostéosarcomes après radiothérapie (20). Notre cas est voi-
sin d’une observation récemment rapportée d’une récidive opé-
rée deux fois d’une tumeur phyllode sous forme d’un ostéosar-
come télangiectasique ( 2 1 ) . Tous deux posent le problème
controversé de la relation entre certaines lésions stromales
bénignes (fibroadénomes) ou borderline (tumeurs phyllodes) et
des tumeurs mésenchymateuses malignes qui pourraient être la
conséquence de la transformation progressive maligne de cer-
tains éléments du stroma. Dans ce cadre, les anomalies cytogé-
nétiques existant au niveau de la tumeur initiale de notre obser-
vation suggéraient déjà une transformation et un potentiel
évolutif malin. Les données de la CGH n’évoquent pas une
parenté génétique de cette tumeur avec une tumeur phyllode.
✓ Au plan évolutif, les ostéosarcomes du sein sont des
tumeurs évolutives caractérisées par des récidives précoces et
une diffusion hématogène le plus souvent pulmonaire (80 %),
mais aussi osseuse (25 %) et hépatique (17 %). Le taux de réci-
dive des ostéosarcomes extra-osseux est d'environ 43 % à
u n a n ; la survie à 5 ans est de 38 % dans cette série de
60 patientes.
✓ Les recommandations thérapeutiques sont difficiles vu
l'évolution au cours du temps des techniques et l'extrême rareté
de la maladie.
Au plan local, le traitement consiste en une mastectomie. Comme
pour d'autres sarcomes, il ne semble pas nécessaire, en l'absence
d'adénopathies, de lui associer un curage axillaire, ces tumeurs
donnant rarement des métastases par voie lymphatique (22-24).
Au contraire des ostéosarcomes osseux, il n’y a pas de place pour
un traitement de chimiothérapie néoadjuvante dans les formes
localisées opérables.
Dans les sarcomes mammaires, la place de la radiothérapie et de
la chimiothérapie adjuvante est actuellement discutée (8, 9). Dans
le cadre spécifique de ces ostéosarcomes, il n'y a pas d'argument
pour penser qu'une radiothérapie postopératoire devrait être indi-
quée de principe si les berges chirurgicales sont saines (25).
✓Concernant la chimiothérapie, même si le parallèle avec
les ostéosarcomes osseux ne repose pas sur des données tan-
gibles (si l'âge est différent, l'évolution métastatique pulmo-
naire sans atteinte lymphatique est comparable), il paraît diffi-
cile de faire abstraction de la chimiosensibilité et des progrès
réalisés dans le traitement systémique de ces tumeurs. Ces der-
nières années ont montré que la chimiothérapie adjuvante amé-
liorait considérablement le pronostic des ostéosarcomes osseux
(26) avec des chimiothérapies à base de doxorubicine, cispla-
tine et méthotrexate à fortes doses. Les données concernant les
chimiothérapies adjuvantes dans les ostéosarcomes du sein
sont évidemment très limitées, vu l’excessive rareté de la mala-
die, mais plusieurs études ont suggéré qu’une chimiothérapie
adjuvante pouvait être utile chez des patientes sélectionnées
jeunes présentant des tumeurs volumineuses et agressives…
Dans une analyse en 1993 de 18 cas présentant une histoire
clinique documentée, Kaiser et al. (27) ont fait une analyse des
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 2 - mars-avril 2004
CA S C L I N I Q U E