Physiopathologie du syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) Dossier Ovaires polykystiques Pathophysiology of polycystic ovary syndrome S. Jonard, D. Dewailly* points FORTS ▲ Le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) est la cause la plus fréquente d’anovulation, d’infécondité et d’hyperandrogénie chez la femme (5 à 10 % des femmes en âge de procréer). ▲ L’élévation de l’hormone lutéinisante (LH) est de moins en moins considérée comme un phénomène primitif. Elle serait due à l’action des androgènes en excès sur l’axe hypothalamohypophysaire. ▲ L’insulinorésistance associée à une hyperinsulinémie compensatoire ne semble pas être différente dans le SOPMK de ce qu’elle est dans le syndrome métabolique “commun”. Elle ne serait pas suffisante pour la constitution d’un SOPMK même si elle a une action amplificatrice sur la production stéroïdienne des cellules thécales. ▲ Le phénomène primitif serait donc un excès de production thécale d’androgènes. L’augmentation de production de déhydroépiandrostérone, de progestérone, de 17-alpha-hydroxyprogestérone et d’androstènedione constitue, en effet, un trait phénotypique persistant des cellules thécales en culture provenant d’OPMK. ▲ Bien que l’hyperandrogénie soit l’objet d’un phénomène d’agrégation familiale avec un mode de transmission qui paraît autosomique dominant, il est peu probable qu’elle soit due à l’anomalie d’un seul gène codant pour une enzyme stéroïdogénique bien précise. ▲ Les inhibines, l’hormone antimullérienne (AMH) et le Growth Differentiation Factor-9 (GDF-9) pourraient être également impliqués dans l’hyperandrogénie intraovarienne. ▲ Le trouble de la folliculogenèse dans le SOPMK est double : excès de croissance folliculaire précoce et défaut de sélection d’un follicule dominant (“follicular arrest”). ▲ Les ovaires polymicrokystiques ont un nombre de follicules en croissance (jusqu’au stade 2 à 5 mm) deux à trois fois supérieur à celui des ovaires normaux. Les androgènes intraovariens sont désignés comme les principaux responsables de ce phénomène par leur effet trophique. ▲ Le “follicular arrest” pourrait être expliqué par un excès d’inhibition locale de la follicle-stimulating hormone (FSH) qui empêcherait la sélection d’un follicule dominant. Parmi les inhibiteurs possibles, l’Insulin-like Growth Factor Binding Protein-4 (IGFBP-4) et surtout l’AMH seraient de bons candidats. ▲ L’AMH est produite par les cellules de la granulosa des follicules jusqu’au stade préantral. L’augmentation d’AMH retrouvé dans le SOPMK, due à l’excès des follicules en croissance, serait impliquée dans le défaut d’activité de l’aromatase induite par la FSH. L e syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) est la cause la plus fréquente d’anovulation, d’infécondité et d’hyperandrogénie chez la femme, puique, en effet, 5 à 10 % des femmes en âge de procréer en sont affectées (1). En dépit des efforts considérables qui ont été accomplis pour en déterminer la cause, la physiopathologie du SOPMK reste mal comprise ; mais les preuves s’accumulent pour suggérer que les anomalies centrales du SOPMK sont primitivement ovariennes (2). La connaissance des mécanismes conduisant au SOPMK est l’un des sujets majeurs de la recherche clinique en gynécologie endocrinienne et en médecine de la reproduction. Le phénotype du SOPMK peut être divisé en trois composantes : l’anovulation, l’hyperandrogénie et le syndrome métabolique (dont l’hyperinsulinisme, secondaire à l’insulinorésistance, est l’anomalie centrale). L’hyperandrogénie apparaît de plus en plus comme le “cœur” du SOPMK, dont le premier impact serait l’altération de la folliculogenèse. L’hyperinsulinisme agirait non pas comme un facteur causal, mais comme un “2e hit” (deuxième événement), ni nécessaire ni suffisant pour la constitution d’un SOPMK, sauf dans les cas d’hyperinsulinisme extrême. * Service de gynécologie endocrinienne et médecine de la reproduction, hôpital Jeanne-deFlandre, CHU de Lille. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 153 Dossier Ovaires polykystiques 154 L’hyperandrogénie L’augmentation de la production ovarienne d’androgènes est une caractéristique fondamentale du SOPMK (3). Elle témoigne d’un fonctionnement excessif des cellules thécales, dont l’explication fait de moins en moins intervenir des facteurs extraovariens et de plus en plus des facteurs intraovariens. L’élévation de la LH sérique est une anomalie classique mais inconstante dans le SOPMK. Elle résulte à la fois de l’accélération de la fréquence des pulses de LH et de l’augmentation de l’amplitude de ces pulses (4). Elle est de moins en moins considérée comme un phénomène primitif. Des données récentes suggèrent qu’elle résulte d’un défaut de feed-back négatif concernant l’estradiol ou la progestérone. Ce défaut de feed-back pourrait être dû à l’action des androgènes en excès sur l’axe hypothalamohypophysaire (5). L’hyperinsulinémie peut également être considérée comme un facteur non ovarien d’hyperandrogénie, via, entre autres, l’amplification des effets de la LH sur la production stéroïdienne des cellules thécales. Veldhuis et al. (6) ont rapporté une stimulation par l’insuline de la production d’androgènes par les cellules thécales. In vitro, l’insuline stimulerait directement la sécrétion d’androgènes ovariens via ses effets sur la 17-alpha-hydroxylase, la 17-20 lyase et les cytochromes P450 (7). Enfin, l’insuline stimulerait directement la sécrétion de LH par des cellules hypophysaires en culture et sensibiliserait les gonadotrophines à la stimulation par le GnRH (8). D’autre part, le système IGF, étroitement lié à l’insuline, pourrait également participer à la régulation de la fonction ovarienne. L’hyperinsulinisme contribuerait à l’hyperandrogénie à travers l’inhibition de la synthèse hépatique d’IGFBP-1 ovarienne, ce qui conduirait à l’augmentation des formes libres d’IGF. Les IGF libres et donc actifs pourraient contribuer à stimuler la stéroïdogenèse (9). Ces nombreuses démons- trations expérimentales semblent confirmées par l’observation plus récente de la diminution des taux plasmatiques d’androgènes chez les patientes dont les concentrations d’insuline sont abaissées par un agent insulinosensibilisant ou par la perte de poids (7). En culture prolongée, Nelson et al. (10) ont montré que l’augmentation de production de déhydroépiandrostérone, de progestérone, de 17-alphahydroxyprogestérone et d’androstènedione constitue un trait phénotypique persistant des cellules thécales provenant d’ovaires polymicrokystiques (OPMK). Le caractère prolongé de ces cultures, avec de nombreux passages, élimine la responsabilité d’influences in vivo, telles que l’augmentation des taux de LH et/ou d’insuline. Les expériences de transfection indiquent que le promoteur de CYP17 est plus actif dans les cellules thécales d’OPMK que dans les cellules normales, tandis que le promoteur StAR n’est pas régulé de façon différente (11, 12). Ces expériences suggèrent que la transcription de gènes codant pour des enzymes stéroïdogéniques spécifiques est naturellement “up-régulée” dans les cellules thécales d’OPMK, mais toutes les étapes enzymatiques ne sont pas concernées. Cela mène à une production accrue de produits de type progestatif et androgénique. Dès lors, bien que l’hyperandrogénie du SOPMK soit l’objet d’un phénomène d’agrégation familiale, avec un mode de transmission qui paraît autosomique dominant (13), il est peu probable qu’elle soit due à l’anomalie d’un seul gène codant pour une enzyme stéroïdogénique bien précise, comme cela avait été suggéré par certains auteurs (14). Des études complémentaires utilisant les nouvelles techniques moléculaires (“microarray analysis”, analyse sériée de l’expression des gènes, “suppression subtractive hybridization”) et l’analyse génétique des familles SOPMK (“affected sib pair analysis” et “transmission/disequilibrium tests”) sont actuellement en cours en vue d’iden- Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 tifier les gènes “OPMK” conduisant à l’hyperandrogénie (15). Les inhibines pourraient également être impliquées dans l’hyperandrogénie intraovarienne des OPMK (16), via leur rôle paracrine par lequel les cellules de la granulosa (CG) modulent la synthèse des androgènes par les cellules de la thèque interne (CTI) (17). L’AMH, autre membre de la famille du TGF-β produit par les CG, pourrait aussi intervenir dans la dysrégulation thécale du SOPMK. En effet, nous avons retrouvé une relation positive et significative entre les taux d’AMH et les taux de testostérone et d’androstènedione plasmatiques dans le sérum de nos patientes avec SOPMK (18). Enfin, on pourrait supposer qu’un taux bas de GDF-9, constaté dans les ovocytes d’OPMK (19), soit l’un des facteurs d’augmentation de la synthèse des androgènes par les CTI. Toutefois, nos connaissances sur les relations CTI-CGovocyte sont encore beaucoup trop rudimentaires pour pouvoir attribuer dès à présent aux inhibines, à l’AMH et/ou au GDF-9, un rôle déterminant dans la physiopathologie de l’hyperandrogénie du SOPMK. Le trouble de la folliculogenèse L’observation faite par Hughesdon (20) d’un nombre deux à trois fois plus important de follicules en croissance jusqu’au stade 2 à 5 mm dans les OPMK, par rapport aux ovaires normaux, est une donnée certes déjà ancienne, mais essentielle. Elle vient d’ailleurs d’être confirmée tout récemment sur des biopsies corticales (21). Cette anomalie s’associe à un deuxième phénomène qui est l’arrêt de croissance de ces follicules lorsqu’ils atteignent le stade 4 à 7 mm. Cela suggère qu’il existe dans le SOPMK essentiellement deux anomalies touchant la folliculogenèse (22) : une croissance folliculaire excessive, d’une part et, d’autre part, une inhi- bition de l’évolution des follicules de la cohorte excessive vers un follicule sélectionné et un follicule dominant. Cette deuxième anomalie est dénommée “follicular arrest” par les auteurs anglo-saxons. On ne sait toujours pas si l’anomalie primitive siège dans les cellules thécales et/ou les cellules de la granulosa et/ou l’ovocyte. L’excès de croissance folliculaire précoce Les ovaires polymicrokystiques sont constitués d’un pool anormalement riche en follicules de la classe 1 à la classe 5, avec un nombre deux à trois fois supérieur à celui des ovaires normaux (21). Cette multifollicularité généralisée se présente comme la caractéristique spécifique des OPMK, qui les distingue des autres causes d’ovaires multifolliculaires (OMF), que l’on observe dans l’anovulation hypothalamique, l’hyperprolactinémie, en fin de puberté ou lors d’une puberté précoce centrale. Connaissant leur importance au niveau des petits follicules, les androgènes intraovariens sont désignés comme les principaux responsables de ce phénomène d’excès folliculaire. Les études expérimentales menées chez les singes femelles rhésus recevant de fortes doses de testostérone ou de dihydrotestostérone, suggèrent que les androgènes favorisent la croissance des petits follicules dans l’ovaire de primate (23). Cela est à rapprocher de certaines observations cliniques. L’hyperplasie congénitale des surrénales, les tumeurs virilisantes et l’administration d’androgènes exogènes (chez les transsexuels femmehomme) sont associées à un nombre plus important de follicules antraux, du même ordre que ceux que l’on observe dans les OPMK (24, 25). Beaucoup de ces follicules “kystiques” ont en fait une stéroïdogenèse normale et des caractéristiques de croissance normales (26, 27). Enfin, les données échographiques chez nos patientes avec SOPMK (28), indiquant une corrélation positive entre le nombre de follicules de 2 à 5 mm de diamètre et le taux sérique de testostérone et d’androstènedione, renforcent l’hypothèse que l’augmentation du nombre des petits follicules est due à l’effet trophique des androgènes, qu’il soit accru localement dans l’ovaire – comme c’est le cas pour les OPMK –, ou qu’il soit d’origine extraovarienne, dans les autres situations. Ces études suggérant que les androgènes ne sont en fait pas atrétogènes dans l’ovaire de primate contrastent avec les études antérieures chez la rate, qui avaient largement contribué au concept de l’atrétogénicité des androgènes (29, 30), pivot de la physiopathologie du SOPMK pendant de nombreuses années... Le “follicular arrest” La deuxième anomalie de la folliculogenèse dans le SOPMK est le défaut de sélection d’un follicule dominant. L’inhibition de la progression de la classe 5 vers le follicule dominant conduit à la stagnation et à l’accumulation des follicules sélectionnables, leur donnant leur aspect caractéristique d’ovaires multifolliculaires à l’échographie (29). Ce phénomène dénommé “follicular arrest” résulte vraisemblablement du défaut d’action de la FSH sur la cohorte folliculaire et/ou d’une action prématurée de la LH. • Défaut d’action de la FSH La sécrétion de FSH est-elle insuffisante dans le SOPMK ? Les patientes en anovulation normogonadotrope – situation que l’on peut assimiler au SOPMK – ont des taux normaux de FSH bioactive et immunoréactive, du même niveau que les femmes normales en début de phase folliculaire (31, 32). Contre l’hypothèse d’un excès de feed-back négatif, ni les taux d’inhibine B ni ceux d’estradiol ne sont franchement exagérés dans le SOPMK, et nous avons montré l’absence de corrélation négative entre FSH et inhibine B plasmatiques (17). Toutefois, l’absence d’ovulation, et donc de corps jaune et de lutéolyse, tendrait à perpétuer l’absence d’élévation intercyclique de la FSH, fondamentale pour la sélection du follicule dominant. Il s’agirait donc là d’un phénomène secondaire. Dossier Ovaires polykystiques Y a-t-il dans les OPMK un excès d’inhibition locale de la FSH ? L’hypothèse de l’excès local d’inhibiteur(s) de l’action de la FSH repose sur divers arguments expérimentaux et cliniques. ● Il est connu de longue date que les doses de FSH nécessaires pour induire l’ovulation sont en moyenne plus élevées chez les patientes avec SOPMK (33). ● In vitro, les CG provenant de follicules antraux d’OPMK produisent des quantités normales d’estradiol, voire parfois très augmentées en réponse à la FSH (34), ce qui indique clairement que l’anomalie fonctionnelle n’est pas due à un défaut d’action intrinsèque de la FSH, mais que c’est plutôt l’environnement in vivo des CG qui exerce un effet inhibiteur. ● Ces données in vitro ont été récemment confortées in vivo par exposition à des doses graduellement croissantes de FSH recombinante, indiquant que les patientes avec SOPMK ont un seuil de réponse, en termes de production d’estradiol (E2), plus élevé que les femmes normales (35). Parmi les inhibiteurs possibles, l’IGFBP-4 (neutralisant l’action des IGF) pourrait être un bon candidat car il vient d’être montré que son expression dépend de celle du récepteur de la LH (36), dont certains pensent qu’elle est prématurée dans les CG des follicules d’OPMK (voir infra). Toutefois, pour l’instant, il n’y a pas d’argument convaincant pour retenir l’hypothèse d’un rôle central du système IGF dans le “follicular arrest” du SOPMK (37). De même, l’hypothèse de la présence excessive dans le plasma ou le liquide folliculaire d’inhibiteur(s) naturel(s) de la liaison de la FSH à son récep- Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 155 Dossier Ovaires polykystiques 156 teur et/ou des effets postrécepteurs n’est toujours pas confirmée. D’après nos récentes données échographiques, indiquant une corrélation négative entre les petits (2 à 5 mm) et les plus gros (6 à 9 mm) follicules antraux (38), il est tentant d’évoquer un effet auto-inhibiteur de la cohorte elle-même. Cet effet s’exercerait via la sécrétion de facteurs agissant localement. L’AMH pourrait être l’un d’eux car l’élévation importante de son taux plasmatique chez nos patientes avec SOPMK (voir supra) est en étroite relation avec l’excès du nombre des follicules de 2 à 5 mm détectés par échographie (19). En contrepartie, les taux plasmatiques d’AMH chez ces mêmes patientes sont inversement corrélés à ceux de la FSH, de façon comparable à nos femmes témoins. Notre hypothèse est donc que cet excès d’AMH serait impliqué dans le défaut d’activité de l’aromatase induite par la FSH, caractérisant le “follicular arrest” du SOPMK (39). Cela s’expliquerait par un excès de concentration d’AMH au sein de la cohorte plutôt qu’au sein même des follicules car le rapport AMH-nombre de follicules n’était pas augmenté dans notre expérience (19), suggérant que chaque follicule produit en fait une quantité normale d’AMH. L’excès d’AMH au sein de la cohorte serait donc directement lié au trop grand nombre de follicules constituant celle-ci. Dès lors, ces données font de l’AMH un candidat valable pour expliquer l’effet autoinhibiteur de la cohorte, en particulier sur l’aromatase, et pour rendre compte de l’altération du processus de sélection. La FSH, bien qu’en concentration plasmatique normale, ne serait pas en mesure d’induire une diminution suffisante de l’AMH pour permettre à l’aromatase de s’exprimer (figure). Au total, l’absence d’élévation intercyclique de la FSH et/ou la présence d’inhibiteurs de la FSH au sein de la cohorte, telles que l’AMH, conduisent à une insuffisance des effets de la FSH, qui est l’un des principaux déterminants du “follicular arrest”. Ovaire polykystique Ovaire normal + FSH FSH Inhibine B Inhibine B Aromatase Aromatase AMH AMH Androgènes Androgènes Figure. Interactions entre les androgènes intraovariens, l’abondance de la cohorte, la production d’AMH et l’effet de la FSH sur l’aromatase et la sélection du follicule dominant, dans l’ovaire normal (à gauche) et dans l’OPMK (à droite). Dans l’OPMK, la balance entre FSH et AMH pencherait en faveur de cette dernière, ce qui expliquerait le défaut d’activité aromatase in vivo et le “follicular arrest”. L’excès d’AMH serait la conséquence de l’excès du nombre des follicules antraux constituant la cohorte, lui-même secondaire à l’hyperandrogénie intraovarienne. Le feed-back négatif exercé par l’inhibine B ne serait pas en cause. Le bon équilibre de la balance FSH-AMH peut être rétabli en augmentant prudemment l’apport de FSH à l’OPMK, car l’effet physiologique suppresseur de celle-ci sur l’AMH est conservé chez les patientes avec SOPMK (d’après Jonard et Dewailly [22]). • Action prématurée de la LH Il s’agit d’une alternative à l’hypothèse précédente. Physiologiquement, les CG n’acquièrent leurs récepteurs LH qu’en milieu et en fin de phase folliculaire (40). Cela permet à la LH de prendre le contrôle de la croissance folliculaire terminale, avec pour principal effet la stimulation des sécrétions stéroïdiennes, tandis qu’elle inhibe la multiplication des CG. Certaines études font évoquer l’acquisition prématurée du récepteur LH chez les patientes anovulantes (41, 42). Ces auteurs émettent l’hypothèse d’un état de différenciation prématurée des CG, responsable d’un arrêt de leur multiplication et de la stagnation de la croissance folliculaire, aboutissant à l’anovulation. Expérimentalement, il avait en effet été démontré que l’exposition prématurée des CG à la LH inhibait leur prolifération, au point d’interrompre le développement du follicule domi- Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004 nant (43). L’insuline et/ou les androgènes pourraient expliquer cet état de différenciation prématurée (44). Le syndrome métabolique : l’insulinorésistance (IR) est-elle spécifique au SOPMK ou s’agit-il de l’IR “commune” ? Un grand nombre de patientes avec SOPMK sont insulinorésistantes et présentent alors une hyperinsulinémie compensatoire (7). En dehors de certaines situations extrêmes ou particulières (voir infra), l’étiologie de l’insulinorésistance dans le SOPMK n’est pas élucidée. Plusieurs mécanismes moléculaires ont été suggérés pour expliquer l’origine de cette insulinorésistance : diminution des trans- porteurs du glucose GLUT4, anomalies dans la modulation de l’adénosine de l’action de l’insuline (45), ou phosphorylation excessive du récepteur de l’insuline sur ses résidus sérine. Dunaif et al. (46) ont rapporté en effet que beaucoup de patientes obèses avec SOPMK auraient un défaut de l’autophosphorylation des tyrosines sur le récepteur de l’insuline. Le mécanisme primaire serait l’augmentation de l’autophosphorylation basale du récepteur de l’insuline, liée à l’augmentation de la sérinephosphorylation de sa sous-unité β. En la déphosphorylant de façon continue, elle amoindrit l’activité tyrosine-kinase du récepteur stimulée par sa liaison à l’insuline et diminue ainsi les effets immédiatement postrécepteurs (7). L’augmentation de la sérine-phosphorylation aurait en outre un effet amplificateur sur l’activité 17,20 desmolase du cytochrome P450 c 17α. Toutefois, la démonstration in vitro d’une telle anomalie mixte n’a pu être apportée (47). Cette théorie pourtant uniciste liant l’hyperandrogénie et l’IR semble donc devoir être abandonnée. Toutes les tentatives pour démontrer une IR spécifique se sont soldées par des résultats mitigés, voire négatifs, et les données de la génétique vont en ce sens. Il est vrai que la compréhension de cette composante est difficile car elle s’intrique avec l’obésité et sa propre IR, ainsi qu’avec la susceptibilité vis-à-vis du diabète de type 2. Donc, à ce jour, rien n’indique que la physiopathologie du syndrome métabolique associé à la majorité des cas de SOPMK soit différente de celle du syndrome “commun”. La seule différence réside dans le fait que, du fait du rôle révélateur précoce des symptômes du SOPMK, ce syndrome est observé à un âge beaucoup plus jeune qu’à l’âge habituel où apparaissent ses complications (HTA, insuffisance coronaire, diabète de type 2, etc.). On peut donc considérer que le SOPMK offre l’occasion unique d’analyser les tout premiers mécanismes de ce syndrome, avant qu’ils ne s’effacent ou ne se modifient avec le temps. Dans des cas plus rares, l’IR relève de mécanismes bien précis et spécifiques de certaines circonstances (mais pas du SOPMK !) : retard de croissance intra-utérin, anomalies du gène du récepteur de l’insuline, médications, etc. Enfin, certains ont récemment émis l’hypothèse d’une “reprogrammation in utero”, selon laquelle l’hyperandrogénie liée à l’ovaire fœtal, programmé génétiquement pour être hyperandrogénique, influencerait le développement et la fonction ultérieure du tissu adipeux et de l’hypothalamus, avec pour conséquences, à la puberté, une IR pathologique et une sécrétion excessive de LH (48). Conclusion La physiopathologie du SOPMK ne peut être résumée en quelques pages, tant elle s’étend sur de nombreux domaines de la gynécologie, de l’endocrinologie, de la diabétologie et de la nutrition. L’anomalie “fondamentale” reste pour l’instant méconnue, mais existe-t-elle vraiment ? Les OPMK ne seraient-ils pas tout banalement une réaction ovarienne non spécifique à diverses stimulations dont le dénominateur commun serait la création d’une hyperandrogénie intraovarienne ? En ce cas, la recherche frénétique du gène du SOPMK, à laquelle on assiste actuellement, risque d’en frustrer plus d’un... Références 1. Franks S. Polycystic ovary syndrome. N Engl J Med 1995;333:853-61. 2. Jacobs HS. Polycystic ovaries and polycystic ovary syndrome. Gynecol Endocrinol 1987;1:113-31. 3. Strauss JF, Dunaif A. Molecular mysteries of polycystic ovary syndrome. Mol Endocrinol 1999; 13:800-5. 4. Taylor AE, McCourt B, Martin KA et al. Determinants of abnormal gonadotropin secretion in clinically defined women with polycystic ovary syndrome. J Clin Endocrinol Metab 1997;82:2248-56. 5. Eagleson CA, Gingrich MB, Pastor CL et al. 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