Structures mathématiques du langage
La grammaire de Montague et la théorie de Heim et Kratzer
Résumé
Ce qui suit est un court résumé des principes essentiels de la Grammaire de Montague, souvent appelée
“grammaire catégorielle” car elle se fonde en partie sur l’idée de résiduation vue au chapitre précédent.
Surtout, elle cherche à établir un homomorphisme entre deux systèmes : l’un, syntaxique, basé sur les
catégories syntaxiques (T, V I, V T, N, ... etc.) et l’autre, sémantique, basé sur les types primitifs eet
tet tous les types qu’on peut obtenir au moyen d’eux à l’aide de la flèche. La question de l’intension-
nalité n’est pas abordée dans ce chapitre, ce qui explique que, par rapport aux oeuvres originales de
Montague et de ses commentateurs, on n’y trouve pas mention des opérateurs et (intensionnalisa-
tion et extensionnalisation). Le chapitre est complété par un aperçu de la théorie de Heim et Kratzer,
qui tente d’adapter la démarche compositionnelle suivie par Montague au cadre de la théorie générative
contemporaine : il s’agit d’interpréter sémantiquement les opérations fondamentales merge et move et
de montrer comment l’opération de déplacement est liée à l’intervention de lieurs grâce auxquels il est
possible de rendre compte de divers phénomènes de liage dans la langue.
Table des matières
1 Principes de traduction 2
1.1 Homomorphisme ...................................... 2
1.2 Règles............................................ 2
1.2.1 Règledebase.................................... 2
1.2.2 Règle d’application fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2.3 Règles de formation de termes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2.4 LesrèglesS1,S2,S3’ ............................... 4
1.2.5 LarègleS7 ..................................... 4
1.3 Ambiguïtésdelecture.................................... 4
1.3.1 Verbes intensionnels vs verbes extensionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.3.2 Postulats de signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3.3 Conséquences.................................... 6
1.3.4 Cas où un ensemble de propriétés désigne un individu spécifique . . . . . . . . . 6
1.3.5 Règledequantication............................... 6
1.3.6 Pluralité de constructions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4 Conclusion ......................................... 7
2 Aperçu sur la théorie de Heim and Kratzer 8
2.1 Sémantique formelle et grammaire générative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.2 Règles particulières : modification et abstraction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.2.1 Modification de prédicat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.2.2 Variablesetliage.................................. 9
1
2.2.3 Dautreslieurs ................................... 10
2.3 Structure de Surface et Forme Logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.1 Principedeliage .................................. 13
2.3.2 Vers une conception “théorie de la preuve” du liage . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Références :
L.T.F. Gamut, Logic, Language and Meaning, Volume II, Intensional Logic and Logical Grammar, para-
graphes 6.3.5 à 6.3.8
Attention : à des fins de simplification, nous avons éliminé toute référence aux intensions (absence d’opérateurs et dans tout ce
qui suit, ainsi que du paramètre sdans la formulation des types)
1 Principes de traduction
1.1 Homomorphisme
L’ensemble des catégories syntaxiques est défini comme suit :
1. S, CN, IV CAT
2. Si A, B CAT alors A/B CAT
La grammaire est basée sur un lexique : une attribution d’une catégorie syntaxique à chaque mot ou ex-
pression de base. L’ensemble des expressions de base d’une catégorie Aest noté BA. Par exemple, BCN
contient la liste {homme, femme, langue, licorne, éléphant, reine, parc... }. Pour chaque entier n, les
variables syntaxiques iln, ellen, len, lanetc. ont la catégorie syntaxique des termes, autrement dit appar-
tiennent à BT.
L’ensemble de toutes les expressions (pas seulement les basiques) qui appartiennent à une catégorie A est
noté PA.
On admet deux fonctions, l’une établissant un lien entre les catégories syntaxiques et les types séman-
tiques, et l’autre, qui sera définie récursivement, construisant une traduction des expressions de surface
(“phonologiques”) vers des expressions exprimant des formes logiques.
un homomorphisme de types : f:CAT Typ
f(S)=t
f(CN) = f(V I)=et
f(A/B) = f(B)f(A)
une fonction de traduction, notée ( )tdes expressions "phonologiques" vers des expressions de LI
pour l’instant, LI = FOL (langage de la "first order logic")
Exemple 1 Exemples : verbes transitifs
V T =V I/T
f(V I)=et
f(T)= (et)t
f(V T ) = f(T)f(V I)
donc f(V T )= ((et)t)(et)
1.2 Règles
1.2.1 Règle de base
S1 : tout élément lexical de catégorie Aest une expression de catégorie A
(autrement dit : BAPApour toute catégorie A)
T1(a) : Les éléments du lexique sont traduits sous forme de constantes ayant le type approprié
Exemples :
2
marche : marche de type et
rencontre : rencontre de type ((et)t)(et)
enfant : enfant de type et
1.2.2 Règle d’application fonctionnelle
S2 : si δPV I et αPT, alors F1(α, δ)PSF1est définie par F1(α, δ) = αδ’, où δ0est le résultat
du remplacement du verbe principal dans δpar sa forme conjuguée à la troisième personne du singulier
T2 : F1(α, δ)t=αt(δt)
Exemple 2 John travaille :
λP.P (john)(travaille)
S
John travaille
H
H
H
H
α: John
T
αt:λP.P (john)
δ: travailler
V I
δt:travaille
La β-réduction donne : λP.P (john)(travaille)travaille(john)
Remarque : il est important de noter que, pour Montague, les termes (T) sont tous de type élevé, et non
de type e. Ceci résulte de ce que le type des termes, Test tel que T=S/V I et de l’homorphisme postulé
plus haut qui traduit la catégorie syntaxique en le type sémantique (et)t. On note alors que si a
est une constante de type e, elle peut être transformée en un terme de type (et)tdans le cadre de
la théorie simple des types au moyen de la preuve suivante.
1a:e
2X:et
3X(a) : t
4λX.X(a) : (et)t
1.2.3 Règles de formation de termes
S3 si ζPCN alors F2(ζ)PTF2(ζ) = chaque ζ
T3 F2(ζ)t=λQ.x(ζt(x)Q(x))
S4 si ζPCN alors F3(ζ)PTF3(ζ) = l(e)(a)(es)ζ
T4 F3(ζ)t=λQ.x(y(ζt(y)(x=y)) Q(x))
S5 si ζPCN alors F4(ζ)PTF4(ζ) = un(e)ζ
T5 F4(ζ)t=λQ.x(ζt(x)Q(x))
Variante :
S3’ si σPT/CN et ζPCN alors F0
2(σ, ζ)PTF0
2(σ, ζ) = σζ
T3’ F0
2(σ, ζ)t=σt(ζt)
exemple : chaquet=λQ.λP.x(Q(x)P(x))
3
1.2.4 Les règles S1, S2, S3’
Exemple 3 chaque enfant dort :
chaque enfant dort, S,S2
xenfant(x)dort(x)
H
H
H
H
H
chaque enfant, T,S3’
λP.xenfant(x)P(x)
H
H
H
H
chaque, T/CN enfant, CN
dormir, V I
dort
1.2.5 La règle S7
S7 : Si δPV T et αPT, alors F6(δ, α)PV I F6(δ, α) = α0δ, où α0est la forme accusative de α
si αest une variable syntaxique, =δα sinon
T7 : F6(δ, α)t=δt(αt)
Exemple 4
cherche une licorne, et,T7
cherche(λP.xlicorne(x)P(x))
H
H
H
H
H
H
H
cherche,
cherche
((et)t)(et),
T1(a)
une licorne,
λP.x.licorne(x)P(x)
(et)t, T5
lecture de dicto
commentaire :chercher ne traduit pas une relation avec un individu donné mais avec un ensemble de
propriétés (l’ensemble de toutes les propriétés vraies d’au moins une licorne)
Cette lecture n’implique donc pas l’existence d’une licorne (chercher y est vu comme un verbe inten-
sionnel, à la différence d’un verbe comme toucher qui serait nécessairement extensionnel, impliquant
l’existence de ce que l’on touche). S’il n’y a pas de licorne, l’ensemble de propriétés en question est
nécessairement vide () mais... est un ensemble !
Problème : on ne fait donc pas de différence avec cherche un dragon ou chercher un cercle carré puisque
dans tous les cas on aurait une relation avec . Ceci requiert l’introduction de l’intensionnalité (car si,
dans le monde actuel, licorne = dragon = cercle carré, en revanche si on prend en compte les “mondes
possibles”, nul ne doute que là où existent des licornes n’existent pas forcément des dragons, autrement
dit l’ensemble des mondes possibles où vivent des licornes n’est en général pas identique à l’ensemble
des mondes possibles où vivent des dragons !).
1.3 Ambiguïtés de lecture
1.3.1 Verbes intensionnels vs verbes extensionnels
La solution précédente permet de ne pas déduire l’existence de licornes à partir d’une proposition comme
Pierre cherche une licorne :
le verbe chercher est intensionnel
mais de Pierre rencontre une licorne, je peux en principe déduire qu’une licorne existe !
le verbe rencontrer est extensionnel
4
1.3.2 Postulats de signification
Pierre cherche une licorne cherche(pierre, λP.xlicorne(x)P(x)) 6→ ∃x.licorne(x)
cherche(pierre, x)
Pierre rencontre une licorne rencontre(pierre, λP.xlicorne(x)P(x)) =x.licorne(x)
rencontre(pierre, x)
Nous supposons que pour tout prédicat δde type ((et)t)(et), il existe un prédicat unique
δde type e(et)tel que δ(x, y) = δ(x, λX.X(y))
Remarque : ceci n’est pas arbitraire. On peut en effet prouver au moyen de la théorie simple des types
que tout objet γde type ((et)t)(et)peut-être transformé en un objet γde type “abaissé”
e(et)
Démonstration :
1γ: ((et)t)(et)
2y:e
3λX.X(y) : (et)t
4γ(λX.X(y)) : et
5x:e
6γ(λX.X(y))(x) : t
7λx.γ(λX.X(y))(x) : et
8λy.λx.γ(λX.X(y))(x) : e(et)
On vérifie bien en effet que, pour tout xet tout y:
γ(x, y) = γ(y)(x)=[λy.λx.γ(λX.X(y))(x)](y)(x)qui se réduit à : γ(λX.X(y))(x).
Notes : ceci appelle quelques petites remarques :
à la ligne 3, on utilise ce théorème (cf. plus haut) selon lequel tout objet αde type apeut être
transformé en un objet α0de type (ab)bpour n’importe quel b. En ce cas, α0=λΞ.Ξ(α)
par “curryfication”, fde type A×BCest équivalente à f0de type B(AC)dé-
finie par (f0(xB))(xA) = f(xA, xB), c’est pourquoi on écrit γ(λX.X(y))(x)aussi bien que
γ(x, λX.X(y))
Postulat de signification : pour certains verbes (aimer, rencontrer, embrasser, trouver, toucher...) :
xX δ(x, X)X(λy(x, y))
cela n’est pas vrai pour d’autres verbes (chercher, attendre ...)
Remarque : ceci est indépendant de l’existence de δqu’on vient de prouver. Par ce postulat de signifi-
cation, on ajoute une propriété caractéristique des verbes extensionnels : celle selon laquelle, pour eux,
toute assertion δ(x, X), exprimant une relation entre un individu x et un ensemble de propriétés X est
équivalente à une assertion exprimant une relation entre deux individus. L’équivalence précécente dit
que, la propriété pour un individu yquelconque d’être en relation δavec xfait partie de l’ensemble des
propriétés avec lesquelle xest en relation par δ. Par exemple si X est l’ensemble des propriétés vraies
d’au moins une licorne, xtouche X si et seulement si la propriété d’être touché par xest vraie d’au moins
une licorne !
Exemple 5 àaime correspond aime
on a :
aime(pierre, λP.x.femme(x)P(x))
5
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