La Lettre de l’Infectiologue • Vol. XXIII - n° 3 - mai-juin 2008 | 79
MISE AU POINT
Conduite à tenir
en cas de diarrhée aiguë
La particularité de la DV est que, dans la grande
majorité des cas, c’est le voyageur lui-même qui se
traite pendant son séjour. Le praticien, et particuliè-
rement le généraliste, a donc un rôle pédagogique
important à jouer, par les conseils donnés avant le
départ et la constitution de la pharmacie de voyage.
Dans les cas où la diarrhée survient après le retour, le
praticien n’est évidemment pas confronté aux mêmes
problèmes diagnostiques. La distinction entre diar-
rhée toxinique (diarrhée aqueuse sans fièvre et avec
vomissements) et diarrhée invasive (selles glairo-
sanglantes, fièvre, douleurs abdominales) est clinique-
ment aléatoire et d’un intérêt pratique limité (3).
La démarche clinique la plus importante est de
dépister les signes précurseurs de complications.
Les difficultés sont en fait essentiellement liées au
choix d’un juste équilibre entre une “médicalisa-
tion” excessive ou au contraire insuffisante. Ainsi,
la réalisation d’examens coprologiques d’emblée a
un intérêt limité du fait d’une part de la “rentabilité”
limitée des coprocultures standard, de l’habituelle
efficacité des antibiotiques actifs (si indication) et
de la rareté des causes parasitaires dans les formes
aiguës.
Traitement symptomatique
La première règle à observer dans tous les cas est la
compensation hydroélectrolytique. Le voyageur doit
être sensibilisé à ce traitement de base nécessaire,
très souvent suffisant et pourtant méconnu. Son
importance est d’autant plus grande si la diarrhée
est abondante, si elle dure dans le temps, si elle est
associée à des vomissements et si elle survient sur
un terrain fragilisé (jeunes enfants, personnes âgées,
maladies sous-jacentes, traitements par diuréti-
ques, digitaliques, lithium...). Elle se fera, dans la
grande majorité des cas, par voie orale, en veillant à
absorber une quantité suffisante de sel, l’utilisation
de préparations spéciales (de type soluté OMS) ne
semblant pas apporter de bénéfice évident (19).
Ainsi, du thé léger sucré ou des jus de fruit avec des
gâteaux secs salés font parfaitement l’affaire. Il est
conseillé d’éviter les produits lactés. En revanche,
une alimentation riche en glucides est recommandée,
car elle favorise l’absorption hydrosodée. En cas
de vomissements, plutôt que les antiémétiques,
d’intérêt modéré, la prise répétée de petites quan-
tités de liquide permettra généralement de passer
le cap difficile. Cependant, dans quelques cas, la
réhydratation par voie intraveineuse, même brève,
sera nécessaire devant l’existence de vomissements
incoercibles ou d’une diarrhée hydrique majeure
(3-5, 11, 20).
Les ralentisseurs du transit intestinal (de type
lopéramide et dérivés) ont l’avantage d’agir très
rapidement, mais, outre leur caractère illogique
sur le plan physio-pathologique (allongement du
temps de contact germe/muqueuse), ils ont l’in-
convénient d’entraîner parfois un inconfort digestif
secondaire (douleurs abdominales, constipation
prolongée...), voire dans de rares cas des complica-
tions coliques graves (perforations) [21]. Au-delà des
contre-indications en cas de syndrome dysentérique
(diarrhée de type invasif) et chez le jeune enfant, ils
ne devraient être utilisés qu’avec parcimonie en se
limitant aux situations d’urgence (3). Les protec-
teurs de la muqueuse intestinale (adsorbants), tels
que la diosmectite ou l’attapulgite, ont une effica-
cité difficile à mesurer, certainement moindre que
les ralentisseurs du transit, avec une réduction de
l’ordre de 50 % de la durée d’évolution de la diarrhée
mais sans effets indésirables du fait de l’absence
de passage systémique (22). Les antisécrétoires,
essentiellement représentés par le racécadotril, ont
une efficacité révélée comparable à celle de l’oxyde
de lopéramide (23).
Anti-infectieux
Le voyageur peut parfois être amené à utiliser des
antibiotiques, soit en autotraitement, soit après
une consultation médicale. Les attitudes diffèrent
selon les auteurs, avec des tendances plus inter-
ventionnistes en Amérique du Nord. Les antibio-
tiques sont raisonnablement justifiés en présence
d’une diarrhée de type entéro-invasif (syndrome
dysentérique avec fièvre et présence de sang ou de
glaires dans les selles), d’un tableau sévère, lorsqu’un
traitement symptomatique de plus de 48 heures est
inefficace et si la diarrhée survient sur un terrain
fragilisé (3, 24).
Les quinolones représentent le traitement de choix :
norfloxacine (400 mg x 2/j), ofloxacine (200 mg x 2/j),
ciprofloxacine (500 mg x 2/j) pendant 3 jours, sauf
en cas de syndrome dysentérique, où la durée recom-
mandée est de 5 jours. Certains auteurs ont proposé
des traitements en dose unique (2 comprimés), avec
des résultats satisfaisants (2, 11, 20, 25). Plus récem-
ment, l’azithromycine a également fait la preuve de
son efficacité en dose unique de 1 g (26, 27).
Le non-respect des règles d’hy-
giène alimentaire est le principal
facteur de risque de diarrhée du
voyageur (Dakar, Sénégal).