jardins de dijon - Bibliothèque municipale de Dijon

JARDINS DE DIJON
JALONS POUR UN INVENTAIRE
par Mme Marie-Claude PASCAL*
Dijon compte aujourd'hui 600 hectares de parcs et de jardins publics
et le secteur sauvegardé
(97
hectares) possède 150 jardins, conçus comme
tels depuis l'origine ou simples îlots enchâssés entre des immeubles.
L'histoire
des
jardins est liée à l'évolution de l'espace urbain.
On a peu de moyens de connaissance sur la période médiévale.
L'habitat s'organise à l'intérieur de l'enceinte construite après l'incen-
die de 1137. Tracée largement, elle englobe de vastes terrains encore
vierges, en friche, certains même plantés de vignes, comme celle des
Crais,
cultivée jusqu'au
XVe
siècle. La ville est encore rurale et la vigne
fonde une partie de son économie.
Dans cet espace les communautés religieuses se taillent de larges
pourpris
:
la place des jardins y est importante car ils assurent une véri-
table autarcie aux communautés. La complémentarité entre jardins et
établissements religieux apparaît nettement sur le premier plan de
Dijon publié en 1574
:
le plan de Bredin, vue à vol d'oiseau, suivant une
technique qui était alors la seule pratiquée.
I. Le plan de Bredin
:
première esquisse des jardins au xvie siècle
1.
Description
L'église Saint-Etienne apparaît flanquée d'un jardin avec damier en
pointillé, planté d'un arbre. Dans le vaste enclos de Saint-Bénigne on
distingue une esquisse de parterres décoratifs, eux aussi en pointillés.
* Remarque : Sauf autre mention, tous les documents cités sont conservés
aux Archives départementales de la Côte-d'Or. Les abréviations suivantes sont
utilisées
:
B.M. : Bibliothèque municipale de Dijon ; M.C.A.C.O. : Mémoires de
la Commission des Antiquités du département de la Côte-d'Or.
Par ailleurs la bibliographie n'a pris en compte que les textes mentionnant
expressément l'existence de jardins et s'y rapportant, sans considération archi-
tecturale.
Mémoires de la Commission
ries
Antiquités de la Côte-d'Or, T. XXXV, 1987-1989, p. 385-424.
386 MARIE-CLAUDE PASCAL
Les Carmes sont représentés rue Gauche (rue Crébillon),, après
divers transferts, ils sont installés depuis
1371.
Il est difficile de détermi-
ner si les jardins en lanières, plantés d'arbres, situés à proximité, leur
appartiennent.
Les Jacobins sont installés depuis 1237 à l'actuel emplacement des
halles
:
leur enclos semble vaste, avec une esquisse de parterre décoratif
en pointillé et un terrain en damier planté d'un arbre.
Celui des Cordeliers, fort étendu, est planté d'arbres qu'accompa-
gnent des parterres décoratifs esquissés, dont la propriété est difficile à
préciser.
Hors les murs se trouve un autre enclos de belles proportions
:
celui
des Chartreux, non loin duquel figure le stand de la société de l'Arque-
buse.
En dehors de ces terrains identifiés par leur proximité avec un éta-
blissement religieux ou social, d'autres espaces libres jouxtent des mai-
sons,
le plus souvent à proximité des remparts où l'habitat est moins
dense qu'au centre. En témoignent essentiellement des terrains plantés
d'arbres longeant le Suzon, proches de la porte Guillaume, de la porte
Saint-Nicolas, de la porte Saint-Pierre et de la rue Vannerie, avec, plus
rarement, des ébauches de parterre en broderie (près de la porte Saint-
Pierre et de la rue Vannerie). Il est difficile de les mettre en rapport
avec une propriété privée définie ou une église paroissiale. En fait le
seul jardin d'agrément médiéval connu n'est pas représenté sur le plan :
celui de Marguerite de Flandre, épouse de Philippe le Hardi.
2.
Typologie
La fiabilité et l'exactitude du plan de Bredin restent sujettes à dis-
cussions. Cependant le souci du dessinateur de rendre compte de la réa-
lité peut être déduit du soin pris à créer des catégories dans le rendu des
jardins et des espaces libres en général.
En effet un examen attentif fait apparaître six types de représenta-
tions pour quelque 50 terrains concernés :
esquisses de parterres décoratifs en pointillé
:
10,
espace quadrillé planté d'un ou deux arbres
:
17,
espace simplement quadrillé (pavage ? dallage ?)
:
9,
cour plantée d'un arbre (sol en terre ?)
:
7,
plantation d'arbres (vergers ?) essentiellement entre la porte
Saint-Pierre et la porte d'Ouche
:
7.
esquisse de plantations en ligne (potagers ?)
:
2.
On est réduit à des hypothèses pour traduire ces représentations,
mais la recherche de conventions révèle un souci d'identification. On
JARDINS DE DIJON 387
retrouve
extra
muros la même préoccupation avec des représentations
conventionnelles pour les vignes, les plantations, les semis en lignes, les
haies,
les plantations d'arbres (quinconces, alignements), les parterres
décoratifs.
IL Le plan de Mikel
: les
jardins du
XVIIIe
siècle
II faut attendre près de deux siècles pour avoir la première repré-
sentation complète de la ville : il
s'agit
du plan, financé à moitié par la
ville et les États de la Province, qui fut dressé de 1756 à 1759 par l'ingé-
nieur Antoine Mikel. Les jardins y sont soigneusement dessinés.
Quarante ans plus tard, la saisie des biens ecclésiastiques et laïcs et
leur mise en vente comme biens nationaux pendant la Révolution per-
mettra, indirectement, de disposer de descriptions précises. Aussi le
dépouillement de la série Q des Archives départementales fournit-il
des renseignements, voire des plans, concernant les jardins des enclos
monastiques et des propriétés privées.
Ces sources doivent être complétées par les documents conservés
aux Archives municipales et le fonds d'estampes de la Bibliothèque
municipale de Dijon.
On recense à partir du plan Mikel, 23 enclos comprenant des jar-
dins qui dépendent d'établissements religieux ou charitables (au lieu
d'une dizaine environ en 1574). S'y ajoutent, hors des murs, ceux des
Chartreux, des Capucins et des Lazaristes.
Vingt-six jardins d'hôtels particuliers, témoins de l'émergence
d'une catégorie nouvelle, consécutive au développement architectural
et urbain dû à l'enrichissement des parlementaires implantés dans la
ville.
Ces propriétés se sont surtout développées sur des parcelles res-
tées libres aux abords du rempart. Elles peuvent aussi être nées du
regroupement, par achats successifs, de petites parcelles. Il faut y ajou-
ter le jardin du palais des États, celui du château et celui du bastion
Saint-Pierre.
Trois jardins appartenant à des sociétés de tir
: extra
muros celui de
l'Arquebuse, déjà mentionné au xvie siècle, et,
intra-muros,
ceux de
l'Exercice de l'Arc et de l'Arbalète, créé en 1393, qui eut d'abord son
stand au Champ de l'Isle.
La comparaison systématique du plan de Mikel et de l'actuel plan
de sauvegarde et de mise en valeur de la ville de Dijon (document
rendu public en 1985) a permis de mesurer l'évolution foncière de
chaque jardin.
388
MARIE-CLAUDE PASCAL
JARDINS DES ÉTABLISSEMENTS RELIGIEUX
Comme au xvie siècle, ils apparaissent vastes et aèrent le tissus
urbain.
L'abbaye Saint-Étienne
Au sud de l'abbaye, devenue siège épiscopal en
1731,
se trouvaient
les bâtiments abbatiaux, autour d'une cour correspondant à peu près à
l'actuelle cour
Chabeuf.
Le grand jardin s'étendait au-delà, entre ces
bâtiments et le mur du castrum. Jusqu'au
XVe
siècle, un mur le séparait
de l'actuelle rue Chabot-Charny. À cette époque, le monastère avait
commencé à lotir son pourpris en cédant des terrains sur lesquels,
comme le révèle le plan de Bredin, avaient été construites des maisons.
Sur le plan de Mikel, l'abbaye apparaît avec son cloître. Le palais
épiscopal est traîté comme un hôtel particulier et ouvre sur un superbe
jardin à la française, agrémenté d'un parterre en broderie et, semble-t-
il,
d'une niche dans la perspective centrale. Il est accompagné d'une
plantation d'arbres sur quatre rangs. Ce jardin jouxte alors au sud la
salle de la Comédie, établie en 1714 dans l'actuelle rue Buffon. En
1784,
l'évêque autorisera l'ouverture de deux portes pour offrir des
dégagements aux spectateurs en cas d'incendie.
À la suite de la mise en vente des domaines épiscopaux comme
biens nationaux intervint, le 21 floréal an IV, la soumission du citoyen
Pierre Germain Larché de Dijon pour
«
acquérir tous les
bâtiments,
jar-
dins,
cloîtres, cour, magasin, remise, écuries, places et toutes aisances et
dépendances en tout emplacements faisant partie du ci-devant évêché
de Dijon et les maisons adjacentes entre la rue Etienne et celle de la
Comédie1 ».
Le directeur de l'enregistrement et des domaines émit des réserves,
observant que la soumission ne paraissait pas suffisamment libellée,
qu'il existait un projet de nouvelle rue qui prendrait depuis la rue de la
Comédie et aboutirait rue Etienne, que si cette rue ne se faisait pas, la
nécessité d'issues en cas d'incendie obligerait à prendre une partie du
jardin de l'ancien évêché pour y pratiquer une ruelle de passage ou
l'adjudicataire devrait accorder un droit de passage, enfin qu'il existait
un plan de construction d'une nouvelle salle de Comédie dans l'empla-
cement du jardin, ce qui nécessitait une définition des parties aliénables.
La rue Legouz-Gerland fut percée en 1807 sur une partie du jardin
épiscopal. Le jardin lui-même fut acquis par la ville en 1972. Il apparte-
1.Q426.
JARDINS DE DIJON 389
nait alors à 17 familles dans l'indivision. Celles-ci émirent leu
d'atta-
cher à ce jardin le nom de leur ancêtre commun, lié à l'histoire de
Dijon, Carrelet de Loisy. Remis en état dans un style paysager, ce petit
parc comporte actuellement un ensemble de roches, complété par un
bassin. Il est ombragé
d'une
soixantaine de feuillus et clos de murs.
L'abbaye Saint-Bénigne
Son pourpris est tout à fait organisés le xvne siècle. Un dessin de
dom Prinstet de 1674 donne un plan, en vue axonométrique, de parties
bien différenciées : jardin de cloître à division orthogonale, verger à
gauche de l'infirmerie, deux parterres dont l'un dessiné en fleur de lys,
jardin potager en
«
planches ».
Un autre document, malheureusement sans date, précise quelques
éléments
:
on y voit, représentés et légendes, une allée de pruniers, une
vigne en espaliers, des noyers, un cabinet de verdure2.
Le plan de Mikel reprend ces dispositions pour l'essentiel. Toute-
fois verger et potager semblent avoir gagné sur les parterres et occu-
pent tout l'espace entre les bâtiments et le rempart au nord. Il y a un
parterre décoratif devant le logis abbatial, devenu siège de l'Intendance
depuis 1701. Deux styles se côtoient : l'un est en broderies, l'autre est
fait de compartiments simples.
Un plan ultérieur de 1766 introduit un projet intéressant, dessiné
par l'architecte Saint-Père
:
l'entrée de l'abbaye est prévue par la rue du
Chapeau-Rouge et le jardin est traité à la française, avec tapis de gazon
ordonnés par des axes rectilignes créant des effets de perspectives,
scandés par des arbres isolés ou des statues, et écoinçonnés par souci
d'allégement. On ignore si ce projet fut exécuté3.
Un plan dressé en 17904 reprend les schémas plus anciens. On
retrouve des carrés de potager, les arbres en ligne et en quinconce du
verger et des parterres décoratifs de broderie.
Les procès-verbaux de vente de divers lots de l'enclos après la Révo-
lution donnent peu de précisions5. Est alors vendu
«
à Louis Accard, ton-
nelier, et Jean-Baptiste Goisset aubergiste, un petit jardin contenant un
pavillon de galandage en ruine, quelques espaliers et arbres en que-
nouille (de
9
toises) et un verger de 54 arbres fruitiers dont
6
doivent être
arrachés pour l'alignement du nouveau mur de clôture ». La maison
abbatiale avec cour, jardin, écuries, remise et pressoir est vendue à
2.
B.M., Estampes, Dijon, portefeuille Saint-Bénigne.
3.
Reproduction conservée au service du Vieux Dijon, inv. n° 373.
4.
B.M., Estampes, Dijon, portefeuille Saint-Bénigne.
5.
Q 428.
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