La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VI - janvier-février 2003
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DOSSIER THÉMATIQUE
de la L-carnitine par ces dérivés (présentant tous une fonction
acide carboxylique) empêche l’oxydation mitochondriale des
acides gras naturels (2).
•Accumulation de NADH dans la mitochondrie par excès de
production ou par blocage de son oxydation par la chaîne res-
piratoire (2, 3). L’excès de production peut s’observer au cours
de l’intoxication alcoolique, car le métabolisme de l’alcool pro-
duit du NADH, au niveau cytosolique et mitochondrial, par l’ac-
tion de l’alcool déshydrogénase et l’aldéhyde déshydrogénase
respectivement. Le blocage de l’oxydation du NADH par la
chaîne respiratoire peut s’observer au cours de l’intoxication
alcoolique (qui a de nombreux effets délétères sur les mito-
chondries) ou être induit par des médicaments tels que l’amio-
darone et la perhexiline (2).
•Altérations de l’ADNmt. Ces altérations peuvent être congé-
nitales (par exemple, au cours de certaines cytopathies mito-
chondriales) ou acquises (comme cela peut être le cas au cours
des traitements par les analogues nucléosidiques antirétroviraux
qui sont capables d’inhiber la réplication de l’ADNmt dans divers
tissus dont le foie, induisant ainsi une déplétion de l’ADNmt).
Il est important de noter que ces mécanismes peuvent coexister
dans certaines situations. De plus, l’inhibition de la β-oxyda-
tion mitochondriale peut être associée à d’autres anomalies
métaboliques favorisant l’accumulation des triglycérides, telle
l’inhibition de la sécrétion des VLDL induite par les tétracy-
clines (2). Enfin, il est à noter que la déplétion de l’ADNmt
induite par les analogues antirétroviraux entraîne (par l’inter-
médiaire de l’altération de l’activité de la chaîne respiratoire)
non seulement une inhibition de la β-oxydation, mais aussi une
inhibition de l’oxydation du pyruvate, ce qui peut entraîner une
acidose lactique (5).
STÉATOSES MACROVACUOLAIRES
Les causes principales des stéatoses macrovacuolaires sont les
suivantes (1) :
•Traitements par certains médicaments : méthotrexate et certains
médicaments entraînant également des stéatoses micro-
vésiculaires (e.g. amiodarone, tétracyclines, analogues antirétroviraux).
•Intoxication alcoolique : même modérée, elle est une cause
fréquente de stéatose macrovacuolaire. Elle est régressive en cas
d’abstinence.
•Obésité, diabète de type 2, hyperlipidémies et syndrome
métabolique : du fait d’une alimentation riche en sucres et
graisses et d’un manque d’exercice physique, ces causes de stéa-
tose macrovacuolaire sont de plus en plus fréquentes dans les pays
développés, non seulement chez les adultes mais aussi chez les
adolescents et les enfants.
•Alimentation parentérale.
•Court-circuit jéjuno-iléal, et perte de poids rapide.
Les mécanismesdes stéatoses macrovacuolaires semblent variés
et pourraient inclure (tableau II) :
•Une augmentation de la lipolyse au niveau du tissu adipeux
blanc entraînant une élévation des acides gras libres plasmatique
(6). Captés en excès par le foie, ces acides gras peuvent être esté-
rifiés en triglycérides qui sont stockés ou sécrétés.
Un afflux accru d’acides gras vers le foie s’observe lors de régimes
alimentaires entraînant une perte de poids trop rapide ou au cours
du diabète de type 2 (du fait de la résistance à l’insuline favori-
sant la lipolyse).
•Une augmentation de la synthèse des acides gras et/ou des
triglycérides hépatiques. Une augmentation de la synthèse de
novo d’acides gras est observée en cas d’hyperinsulinisme, car
l’insuline active l’acétyl-CoAcarboxylase, une enzyme respon-
sable de la synthèse de malonyl-CoA, un métabolite utilisé comme
précurseur dans la synthèse des acides gras (7).
•Une altération de la formation et/ou de la sécrétion des
VLDL. Cela peut être la conséquence d’un effet sur : la syn-
thèse ou la dégradation des apolipoprotéines (plus particulière-
ment apoB); l’association de l’apoB avec les lipides (principa-
lement triglycérides et phospholipides) grâce à la microsomal
triglyceride transfer protein (MTP), une enzyme située dans la
lumière du réticulum endoplasmique ; la sortie des VLDL du
foie.
Les tétracyclines pourraient inhiber la synthèse des apolipopro-
téines et altérer l’association entre les triglycérides et les apo-
protéines (2). L’hyperinsulinisme entraîne une augmentation de
la dégradation de l’apoB (7) et une diminution de l’expression de
la MTP (8),induisant une accumulation de triglycérides. La résis-
tance à l’insuline semble en revanche entraîner une augmentation
de la stabilité et de la demi-vie de l’apoB ainsi qu’une élévation
de l’expression de la MTP, favorisant la production des VLDL
(7,9). Au cours de l’alimentation parentérale, un déficit en acides
aminés et en choline (un précurseur de la phosphatidylcholine,
phospholipide essentiel à la synthèse des VLDL) jouerait un rôle
important dans la survenue de la stéatose (10). Un régime défi-
cient en choline peut être utilisé chez le rongeur pour induire une
stéatose (11).
•Une diminution (modérée) de l’oxydation des acides gras
par les mitochondries. Comme indiqué précédemment, la β-oxy-
dation mitochondriale des acides gras peut être inhibée par cer-
tains médicaments et par l’alcool. L’hyperinsulinisme, par l’in-
termédiaire d’une augmentation des taux de malonyl-CoA intra-
hépatique, entraîne une diminution de l’activité de la carnitine
palmitoyl-transférase I (CPT-I), une enzyme clé de l’oxydation
mitochondriale des acides gras à chaîne longue. Chez les sujets
insulinorésistants, la β-oxydation mitochondriale hépatique
semble augmentée, probablement par perte de la sensibilité de la
CPT-I à son inhibiteur physiologique, le malonyl-CoA (12).
Cependant, l’augmentation d’oxydation ne pourrait suffire à éli-
miner l’excès d’acides gras présents dans le foie.