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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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Les interférogrammes obtenus montrant de très importantes déformations du sol dans la zone d'activité
sismique, trois chercheurs du MRAC (Christelle Wauthier, doctorante ULg, Benoît Smets et Damien Delvaux)
sont envoyés en octobre 2007 sur le terrain pour documenter précisément les déformations observées.
«Nous avons parcouru la zone d'études pendant près d'un mois pour aller vérifier et préciser les coordonnées
de toutes les discontinuités observées sur le terrain», explique Christelle Wauthier. «Nous disposions pour ce
faire de GPS de randonnée et d'un GPS différentiel, beaucoup plus précis. Nous avons ainsi pu cartographier
précisément les grandes fractures apparues et les déplacements générés».
Couplés aux interférogrammes et aux relevés sismiques, ces relevés de terrain ont ensuite permis aux
chercheurs d'effectuer une modélisation numérique de la crise de juillet-août. Qu'indiquent ces modèles ?
Avant l'événement sismique majeur du 17 juillet, les déformations «en ellipse» (voir figure) du sol repérées
sur interférogramme et la distribution générale des hypocentres (soit le centre en profondeur d'un séisme,
l'épicentre étant la localisation en surface de l'hypocentre) des séismes démontrent un glissement lent et
profond (entre 5 et 10 kilomètres de profondeur) le long d'une faille normale préexistante. Après le 17 juillet,
la déformation du sol suit un schéma beaucoup plus compliqué, avec formation d'un long graben (un fossé»
limité par des alignements de failles) d'une longueur d'une quinzaine de kilomètres orienté vers le Nord-Est,
et, de part et d'autre de celui-ci, un déplacement horizontal et vertical s'écartant du graben.
«Sur base d'événements documentés ailleurs, notamment dans un rift islandais et dans la zone de l'Afar,
beaucoup plus au nord sur le rift africain, et grâce à des modélisations numériques successives comparées
ensuite aux résultats réellement observées sur le terrain, nous avons pu montrer que les deux alignements
de fractures qui ont créé le graben avaient été générés par un dyke, une intrusion de magma en profondeur»,
explique Christelle Wauthier.
Selon les modèles développés par les chercheurs, cette intrusion de magma aurait été provoquée par le
glissement le long de la faille normale, préalable au 17 juillet. Le dyke se trouve sans doute juste sous le
graben, entre 2 et 6 km de profondeur. C'est une structure verticale, d'une largeur d'à peine 2 mètres pour
plusieurs kilomètres de long, en forme de lame de couteau. Mais une lame de couteau énorme : on parle ici
d'une intrusion de magma de près de 90 millions de m3 ! Et ce dyke s'est sans doute mis en place en quelques
heures à peine, ce qui, à l'échelle géologique, est tout simplement instantané et entraîne logiquement de
grosses déformations et fracturations du sol. Des déplacements horizontaux de près de six centimètres ont
ainsi été mesurés : dix fois la moyenne annuelle en quelques jours de crise d'extension.
«Outre l'apparition du dyke comme, tout à la fois, conséquence et moteur du rifting, l'étude de ces données
nous a permis de montrer que les phénomènes de dyking et sismiques sont concomitants, qu'ils s'épaulent
l'un l'autre», reprend Christelle Wauthier. «On a enregistré ici le parallélisme entre la fracturation, et l'activité
sismique associée, et l'intrusion magmatique pour relâcher les tensions induites par le déplacement des
plaques. Le dyke s'infiltre dans une faille, mais il crée lui-même un réseau de fracturation et de failles, qui
créent à leur tour des phénomènes sismiques. Entre faille et intrusion, c'est un peu l'œuf et la poule : difficile de
dire qui crée l'autre.» Mais en identifiant ici un relâchement des tensions de rifting par un glissement lent suivi
d'un dyking, les chercheurs ont pu estimer que c'est principalement de manière non-sismique que le brutal
événement d'extension étudié s'est développé.
Toutes ces observations ont été détaillées dans un article publié par la revue Nature (1), où les auteurs
indiquent encore : «Des preuves indirectes montrent que ce type d'événement est typique du processus de