Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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Une crise d'extension majeure du rift est-africain
06/02/09
Grâce à des techniques sismiques et d'interférométrie radar, une équipe internationale de chercheurs a
pu analyser en détail un épisode d'extension du rift est-africain, dans la région du lac Natron, au nord
de la Tanzanie. Parmi ces chercheurs, qui ont notamment montré que le phénomène d'extension s'était
accompagné d'une intrusion massive de magma en profondeur (ce que les géologues appellent un «dyke»),
une doctorante de l'Université de Liège, financée par la Politique Scientifique Fédérale (Action-2 du Musée
Royal d'Afrique Centrale) : Christelle Wauthier.
Avec une lenteur toute géologique, à raison de quelques millimètres à peine par an, mais de façon tout-à-
fait inexorable, l'Afrique se coupe en deux le long d'une ligne nord-sud de plus de 9.000 kilomètres qui court
de la Mer Rouge au Mozambique, à l'est du continent : le rift. Cette «ligne» discontinue est le témoin d'un
phénomène d'extension entre deux plaques tectoniques continentales (en l'occurrence la plaque somalienne
et la plaque nubienne), qui s'éloignent l'une de l'autre le long d'un réseau de fractures géologiques très
anciennes, l'«héritage» du rift. Un phénomène qui mènera un jour (terriblement lointain à l'échelle humaine)
à la création d'une ouverture océanique, ce qu'est déjà la Mer rouge. Ce phénomène d'extension entraîne
toute une activité sismique associée, des jeux de failles et de fractures, et, éventuellement, des remontées
de «magma», roche en fusion provenant du manteau magmatique, sous la croûte terrestre. Ces remontées
de magma peuvent être de deux ordres. On les dit «extrusives» quand le magma remonte jusqu'à la surface.
C'est le volcanisme. On les dit «intrusives» quand le magma ne débouche pas à l'air libre, mais s'infiltre en
profondeur dans des failles et fractures, créant ce que les géologues appellent un «dyke».
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Dans les rifts, les terribles tensions engendrées par le mouvement des plaques s'accumulent pendant des
décennies avant d'être relâchées durant d'assez courts intervalles de temps sous forme de fragmentation de
la plaque lithosphérique et de création de failles, qui amènent de l'activité sismique, et d'intrusion de magma.
Ces «crises d'extension» sont rarement observées, et très peu documentées. C'est l'une d'entre elles qui a
été identifié, étudiée et analysée par une équipe internationale de chercheurs, dont la Liégeoise Christelle
Wauthier, dans la zone du lac Natron, tout au nord de la Tanzanie non loin de la frontière kenyane, mettant
pour la première fois en lumière la manière dont les tensions engendrées par la séparation des plaques se
manifestent en une combinaison d'épisodes sismiques et non-sismiques, en l'occurrence le glissement lent
le long d'une faille, et l'apparition d'un «dyke» en profondeur. Ce «dyking» est le premier à avoir jamais été
scientifiquement «capturé» dans un jeune rift continental.
Tout commence en juillet-août 2007 quand les sismographes de l'US Geological Survey installés dans la
région enregistrent, dans une zone de 50 kilomètres sur 50 kilomètres située autour du volcan inactif «Gelaï»,
au sud du lac Natron, une très intense activité sismique.
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Elle débute le 12 juillet, connaît son apogée le 17
avec un séisme d'une «magnitude de moment» (Mw) de 5,9 et se poursuit pendant les mois de juillet
et d'août : en tout, près de 607 événements sismiques sont enregistrés, dont une cinquantaine de grande
importance (magnitude de 3,8 et plus).
Par chance, la zone en question était incluse dans le périmètre d'étude d'un autre volcan, actif celui-là, le
Lengaï. Ce volcan était surveillé de près par interférométrie radar dans le cadre du projet «SAMAAV» (Study
and Monitoring of Active African Volcanoes). Le projet SAMAAV, résultat d'une collaboration internationale,
est mené par le Musée Royal d'Afrique Centrale (MRAC) de Tervuren, centre de recherche fédéral qui a
développé une expertise particulière dans l'interférométrie radar.
Interférométrie radar ? Une technique de télédétection radar par satellite qui permet d'établir une carte de
déformation du sol, un «interférogramme», qui est en fait le différentiel entre les phases de deux images radar
prises à des moments différents : ce différentiel permet d'observer les déformations du sol dans l'axe terre-
satellite au cours d'une période donnée.
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Les interférogrammes obtenus montrant de très importantes déformations du sol dans la zone d'activité
sismique, trois chercheurs du MRAC (Christelle Wauthier, doctorante ULg, Benoît Smets et Damien Delvaux)
sont envoyés en octobre 2007 sur le terrain pour documenter précisément les déformations observées.
«Nous avons parcouru la zone d'études pendant près d'un mois pour aller vérifier et préciser les coordonnées
de toutes les discontinuités observées sur le terrain», explique Christelle Wauthier. «Nous disposions pour ce
faire de GPS de randonnée et d'un GPS différentiel, beaucoup plus précis. Nous avons ainsi pu cartographier
précisément les grandes fractures apparues et les déplacements générés».
Couplés aux interférogrammes et aux relevés sismiques, ces relevés de terrain ont ensuite permis aux
chercheurs d'effectuer une modélisation numérique de la crise de juillet-août. Qu'indiquent ces modèles ?
Avant l'événement sismique majeur du 17 juillet, les déformations «en ellipse» (voir figure) du sol repérées
sur interférogramme et la distribution générale des hypocentres (soit le centre en profondeur d'un séisme,
l'épicentre étant la localisation en surface de l'hypocentre) des séismes démontrent un glissement lent et
profond (entre 5 et 10 kilomètres de profondeur) le long d'une faille normale préexistante. Après le 17 juillet,
la déformation du sol suit un schéma beaucoup plus compliqué, avec formation d'un long graben (un fossé»
limité par des alignements de failles) d'une longueur d'une quinzaine de kilomètres orienté vers le Nord-Est,
et, de part et d'autre de celui-ci, un déplacement horizontal et vertical s'écartant du graben.
«Sur base d'événements documentés ailleurs, notamment dans un rift islandais et dans la zone de l'Afar,
beaucoup plus au nord sur le rift africain, et grâce à des modélisations numériques successives comparées
ensuite aux résultats réellement observées sur le terrain, nous avons pu montrer que les deux alignements
de fractures qui ont créé le graben avaient été générés par un dyke, une intrusion de magma en profondeur»,
explique Christelle Wauthier.
Selon les modèles développés par les chercheurs, cette intrusion de magma aurait été provoquée par le
glissement le long de la faille normale, préalable au 17 juillet. Le dyke se trouve sans doute juste sous le
graben, entre 2 et 6 km de profondeur. C'est une structure verticale, d'une largeur d'à peine 2 mètres pour
plusieurs kilomètres de long, en forme de lame de couteau. Mais une lame de couteau énorme : on parle ici
d'une intrusion de magma de près de 90 millions de m3 ! Et ce dyke s'est sans doute mis en place en quelques
heures à peine, ce qui, à l'échelle géologique, est tout simplement instantané et entraîne logiquement de
grosses déformations et fracturations du sol. Des déplacements horizontaux de près de six centimètres ont
ainsi été mesurés : dix fois la moyenne annuelle en quelques jours de crise d'extension.
«Outre l'apparition du dyke comme, tout à la fois, conséquence et moteur du rifting, l'étude de ces données
nous a permis de montrer que les phénomènes de dyking et sismiques sont concomitants, qu'ils s'épaulent
l'un l'autre», reprend Christelle Wauthier. «On a enregistré ici le parallélisme entre la fracturation, et l'activité
sismique associée, et l'intrusion magmatique pour relâcher les tensions induites par le déplacement des
plaques. Le dyke s'infiltre dans une faille, mais il crée lui-même un réseau de fracturation et de failles, qui
créent à leur tour des phénomènes sismiques. Entre faille et intrusion, c'est un peu l'œuf et la poule : difficile de
dire qui crée l'autre.» Mais en identifiant ici un relâchement des tensions de rifting par un glissement lent suivi
d'un dyking, les chercheurs ont pu estimer que c'est principalement de manière non-sismique que le brutal
événement d'extension étudié s'est développé.
Toutes ces observations ont été détaillées dans un article publié par la revue Nature (1), les auteurs
indiquent encore : «Des preuves indirectes montrent que ce type d'événement est typique du processus de
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