Que faire en cas d’atteinte des berges radicale ?

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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
Que faire en cas d’atteinte des berges
ou de la capsule après prostatectomie
radicale ?
What should be done in case of positive margins or extracapsular
tumor extension after radical prostatectomy?
E. Jouglar*, S. Supiot*,**
» Trois études randomisées ont montré que la radiothérapie adjuvante
Three randomized clinical trials showed that adjuvant
radiotherapy increases biochemical relapse-free survival
and reduces local relapse rates.
améliore la survie sans rechute biochimique et réduit les rechutes locales.
réunion de concertation pluridisciplinaire pour tous les patients
porteurs de tumeurs pT3aR1.
» La toxicité de la radiothérapie postopératoire est modérée.
» Pour réduire le risque d’échec métastatique, la place d’une hormonothérapie concomitante est en cours d’exploration.
» Une radiothérapie différée à la rechute biochimique précoce
pourrait représenter une alternative à la radiothérapie adjuvante
systématique ; des études randomisées sont en cours pour répondre
de façon définitive à cette question.
Adjuvant radiotherapy needs to be discussed for patients
with pT3aR1 tumors during tumor boards.
highlights
P o i nt s f o rt s
» Il est nécessaire de discuter de cette radiothérapie adjuvante en
Mots-clés : Radiothérapie adjuvante − Cancer de la prostate − pT3
− Marges envahies − Haut risque.
L
* Service de radiothérapie,
institut de cancérologie
de l’Ouest,
Nantes-Saint-Herblain.
** Centre de recherche
en cancérologie
de Nantes-Angers,
Inserm U892, institut de
recherche thérapeutique
de l’université de Nantes.
142
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a prostatectomie totale est l’un des traitements
de référence du cancer de la prostate localisé.
Si la prostatectomie totale est classiquement
réservée aux tumeurs de risque faible ou intermédiaire
(antigène prostatique et spécifique [PSA] < 20 ng/ml ou
score de Gleason ≤ 7 ou stade clinique < T3), elle peut
également s’envisager pour des tumeurs à risque plus
élevé, notamment celles avec extension extracapsulaire limitée (T3a clinique, biopsique ou IRM) [1]. Après
une prostatectomie totale, l’anatomopathologie révèle
une maladie à extension extraprostatique (capsule ou
vésicules séminales) avec ou sans marges chirurgicales
envahies chez 38 à 52 % des patients (2, 3). Ces éléments
sont associés à un risque de rechute biochimique à
5 ans compris entre 46 et 65 % (4-7). C’est pour réduire
ce risque de rechute que la question d’un traitement
complémentaire s’est très vite posée.
Adjuvant radiotherapy toxicity is limited.
To reduce metastases, current clinical trials are exploring
the role of concurrent androgen deprivation therapies.
The efficacy of salvage radiotherapy at very low PSA
levels may be comparable to adjuvant radiotherapy.
Randomized clinical trials comparing both strategies will
provide a definitive answer to this very important question.
Keywords: Adjuvant radiotherapy − Prostate cancer − pT3
− Positive margins − High risk.
Faut-il faire une radiothérapie adjuvante ?
Trois grandes études randomisées, dont les principaux résultats et caractéristiques sont résumés dans le
tableau, ont évalué le bénéfice de la radiothérapie (RT)
adjuvante (4-7). Ces 3 études (2 européennes et 1 nordaméricaine) ont comparé 2 bras : RT adjuvante et observation. Les critères d’inclusion étaient homogènes : il
s’agissait de patients présentant un adénocarcinome
prostatique à extension extracapsulaire (pT3a) ou
avec atteinte des vésicules séminales (pT3b), avec ou
sans atteinte des berges chirurgicales (R0 ou R1), sans
extension ganglionnaire sur le curage pelvien (pN0).
Seule l’étude de l’EORTC (European Organisation for
Research and Treatment of Cancer) a permis la sélection
de tumeurs pT2R1. Une hormonothérapie (HT) était
autorisée dans 2 études (SWOG [SouthWest Oncology
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Que faire en cas d’atteinte des berges ou de la capsule après prostatectomie radicale ?
Group] et ARO). Les principes de la RT étaient similaires :
une dose de 60 à 64 Gy sur la loge prostatique avec
un étalement semblable. Seule l’étude ARO 9602 avait
adopté une technique de RT conformationnelle 3D avec
simulation virtuelle ; les autres études utilisaient des
techniques 2D.
En ce qui concerne la survie sans progression (SSP)
biochimique, critère principal de 2 des études, la stratégie par RT adjuvante était clairement associée à des
résultats significativement meilleurs dans les 3 études
(figure 1, p. 144). Grâce à la RT adjuvante, le risque de
rechute biochimique à 5 ans était divisé par 2 (environ
50 % de rechute sous simple observation, versus seulement 25 % avec la RT adjuvante). Ainsi, la plupart
des échecs cliniques étaient liés à une progression
locale. Dans l’essai EORTC 22911 comme dans l’essai
SWOG 8794, l’incidence cumulée de récidives locorégionales à 5 ans était divisée par 3 (15,4 % de rechutes
dans le groupe observation versus 5,4 % dans le groupe
RT adjuvante ; p < 0,0001).
La survie sans métastases, critère principal de l’étude
SWOG 8794, était significativement meilleure dans le
groupe RT adjuvante. L’étude montre également un
bénéfice significatif en termes de survie globale (SG)
dans le groupe RT adjuvante (figure 2 , p. 144). Ces
critères ont également été étudiés dans les 2 autres
essais, sans qu’il ne soit mis en évidence de différence
significative, malgré une actualisation à 10 ans de l’étude
Tableau. Caractéristiques et résultats des 3 essais randomisés de radiothérapie adjuvante.
EORTC 22911 (4, 8)
Nombre de patients analysés
Inclusion
Population
ARO 9602 (7)
1 005
425
307
1992-2001
1988-1997
1997-2004
pT3pN0 ou pT2pN0 R1
pT3pN0 R0-1
pT3-4pN0 R0-1
77
NC
62
25,50
11
28
63
NC
68
Extension extracapsulaire ou marges
chirurgicales positives : 67 %
Les 3 critères réunis : 23 %
< pT3a : 2 % ; pT4a : 8 %
pT3a (extension extracapsulaire) [%]
pT3b (invasion des vésicules séminales) [%]
Marges chirurgicales positives (%)
Autres (%)
PSA postopératoire
SWOG 8794 (5, 6)
Indifférent (10,7 % > 0,2 ng/ml)
Indifférent (33,8 % ≥ 0,2 ng/ml)
< 0,1 ng/ml
Schéma et dose
Bras A
60 Gy
60-64 Gy
60 Gy
Bras B
Observation
Observation
Observation
Stratification
Marges, pT3a ou pT3b
Marges, pT3a ou pT3b, HT néo-adjv
(4 % des patients)
Marges, score de Gleason, pT3a
ou pT3b, HT néo-adjv (11 %)
Critère de jugement principal
SSP biochimique
Survie sans métastase
SSP
Définition de la récidive biologique
PSA > 0,2 ng/ml au-dessus du taux
de PSA postopératoire le plus bas
PSA > 0,4 ng/ml pour les PSA
postopératoires < 0,4 ng/ml
2 valeurs consécutives de PSA
en augmentation
Délai chirurgie/RT
90 j (médiane)
< 16 sem.
81 j (médiane)
Suivi médian (ans)
5
10,6
4,5
Adhésion au protocole
Bras A
41 patients non traités par RT
11 patients non traités
34 patients non traités
Bras B
5 patients traités par RT adjv
Patients traités par RT de rattrapage :
113 (soit 22,5 %)
2 patients traités par RT adjv
5 patients traités par RT adjv
Patients traités par RT de rattrapage : Patients traités par RT de rattrapage :
68 (soit 33,2 %)
NC
SG
HR = 1,09 ; IC95 : 0,67-1,79 ; p = 0,68
HR = 0,72 ; IC95 : 0,55-0,96 ; p = 0,023
NC
SSP biochimique
À 5 ans : 74,0 versus 52,6 %
HR = 0,48 ; IC95 : 0,37-0,62 ; p < 0,0001
HR = 0,43 ; IC95 : 0,31-0,58 ; p < 0,001
À 5 ans : 72 versus 54 %
HR = 0,53 ; IC95 : 0,37-0,79 ; p = 0,0015
Survie sans métastases
NC
À 10 ans : 84 versus 60 %
HR = 0,71 ; IC95 : 0,54-0,94 ; p = 0,016
98 versus 95,1 % (NS)
Adjv : adjuvant ; SSP : survie sans progression ; RT : radiothérapie ; NC : données non communiquées ; HT : hormonothérapie ; NS : non significatif.
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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
SWOG 8794
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Irradiation
Observation
100
80
Survie (%)
Survie (%)
EORTC 22911
HR = 49 ; IC95 : 0,41-0,59
Log-rank p < 0,0001
60
40
20
Log-rank p < 0,001
0
0
2
4
6
8 10 12 14 16 18
Années
Patients à risque (n)
Irradiation 440 384 319 260 173 83 28
Observation 373 278 227 172 122 53 16
ARO 9602
0
5
10
15
Années
Patients à risque (n)
Irradiation 172
Observation 175
1
0
86
83
11
10
Survie (probabilité)
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0
Log-rank p = 0,0015
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110
Mois
Patients à risque (n)
Irradiation 148 140 127 105 89 62 41 21 10 5
Observation 159 133 114 96 79 60 37 18 9 4
1
2
Figure 1. Survie sans progression biochimique (essais EORTC 22911, SWOG 8794, ARO 9602).
Irradiation
Observation
Survie sans métastase
Survie globale
100
80
80
60
60
SG (%)
Survie sans métastase (%)
100
40
Patients Événements
à risque
214
93
211
114
20
0
0
Patients à risque (n)
Irradiation
214
Observation
211
Médiane
(années)
14,7
12,9
Estimation
à 10 ans (%)
71
61
5
10
Années
15
179
168
143
118
32
26
40
Événements Médiane
(années)
88
15,2
110
13,3
20
0
20
Estimation
à 10 ans (%)
74
66
0
5
10
Années
214
211
179
168
143
118
15
20
32
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Figure 2. Survie sans métastases et survie globale (essai SWOG 8794).
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Que faire en cas d’atteinte des berges ou de la capsule après prostatectomie radicale ?
EORTC 22911. Ces différences dans des populations de
patients aux critères de sélection identiques s’expliquent
par la survie sans rechute du bras chirurgie seule particulièrement basse dans l’étude SWOG 8794, comparativement à l’étude EORTC 22911, ce qui pourrait traduire
une moins bonne qualité de l’exérèse chirurgicale.
Quelle est la toxicité de la radiothérapie
adjuvante ?
De manière générale, dans les 3 essais, les complications de grade 3 étaient modestes, sans différence
significative entre les 2 bras. Toutefois, on a noté plus
de symptômes modérément gênants avec la RT : le
taux cumulé d’effets indésirables digestifs et urinaires
de grade ≥ 1 était de 21,9 % dans le groupe RT versus
3,7 % dans le groupe observation (p < 0,0001) pour
l’essai ARO 9602, et de 70,8 versus 59,7 % (p = 0,001)
dans l’essai EORTC 22911 avec un recul de 10 ans. La
meilleure tolérance de l’essai ARO 9602 serait probablement à mettre sur le compte d’une technique de RT
conformationnelle moins délétère que la technique 2D
de l’étude EORTC 22911. En termes de qualité de vie,
les résultats, initialement moins bons dans le groupe
RT adjuvante, sont équivalents à 2 ans puis nettement
supérieurs à 3 ans, possiblement en lien avec la réduction des récidives locales dans l’étude SWOG 8794.
Dans le détail, la toxicité urinaire était minime dans les
3 essais, à l’exception du risque de sténose urétrale ;
dans l’essai SWOG 8794, on constatait en effet un taux
avec la RT de 17,8 versus 9,5 % (RR = 1,9 ; IC95 : 1,1-3,1 ;
p = 0,02), mais il n’est pas retrouvé dans l’essai ARO 9602.
Dans l’essai SWOG 8794, concernant les troubles sexuels,
il n’y avait pas de différence en termes de dysfonction
érectile ; concernant la toxicité digestive, il y avait plus
de troubles fonctionnels digestifs dans le groupe RT
adjuvante (47 versus 5 %) à 6 semaines (effets aigus de
la RT), sans qu’il ne soit noté de différence à long terme.
Une étude rétrospective s’est attachée à mettre en évidence des facteurs prédictifs de toxicité : un âge jeune
(< 65 ans) et l’hypertension artérielle seraient associés
à une toxicité urinaire à long terme plus importante (9).
Quel sous-groupe de patients bénéficie
de la radiothérapie adjuvante ?
Les principaux critères de stratification étant similaires
dans les 3 études (marges envahies ou non, pT3a ou
pT3b), il est donc permis d’analyser les résultats pour
ces sous-populations de patients.
Concernant les marges chirurgicales, une étude portant
sur les patients de l’essai EORTC 22911 et s’appuyant
sur une relecture centralisée anatomopathologique des
prélèvements de prostatectomie dans 552 cas (50 % des
effectifs) [10] a montré que seuls les patients présentant des marges chirurgicales positives bénéficiaient
de la RT. En effet, il n’y avait pas de différence de survie
entre les groupes avec et sans RT pour les patients avec
marges négatives. À l’inverse, la survie sans récidive
biologique à 5 ans était nettement supérieure dans le
groupe RT que dans le groupe observation (77,6 versus
48,5 % ; HR = 0,38 ; IC95 : 0,26-0,54 ; p < 0,0001). Cet avantage est également retrouvé dans l’essai ARO 9602, mais
pas dans l’étude SWOG, qui suggère que tout patient
pT3, qu’il soit R0 ou R1, tire bénéfice d’une RT adjuvante. En revanche, il ne semble pas que la localisation,
l’extension ni le nombre des marges atteintes aient un
impact sur l’histoire de la maladie (11).
Le bénéfice de la RT adjuvante reste vérifié en cas
d’extension extracapsulaire (pT3a), mais les études sont
discordantes en cas d’atteinte des vésicules séminales
(pT3b). Chez les patients de l’étude EORTC 22911, le
bénéfice de la RT adjuvante n’est pas retrouvé chez
ceux avec atteinte des vésicules séminales (HR = 0,72 ;
IC95 : 0,43-1,23). Pour expliquer ce résultat, les auteurs
ont évoqué le fait que la probabilité de dissémination systémique de la maladie est élevée dans le cas
d’une tumeur de stade pT3b, et qu’ainsi le traitement
local par RT ne parvient pas à prévenir la survenue de
métastases. Pourtant, dans l’étude SWOG 8794 (dont la
relecture centrale des prélèvements était requise mais
n’a pas été effectuée chez un nombre significatif de
patients), il est retrouvé une amélioration du taux de
survie sans récidive biochimique (12 % dans le groupe
RT adjuvante versus 36 % dans le groupe observation ;
p = 0,001), et une tendance à l’amélioration de la survie
sans métastases et de la SG à 10 ans (66 et 71 % respectivement dans le groupe RT adjuvante versus 47
et 51 % respectivement dans le groupe observation)
chez les 139 patients de stade pT3b (12).
Le bénéfice d’une RT adjuvante était aussi retrouvé
parmi la sous-population des tumeurs de score de
Gleason élevé, même si ce critère n’était pas un facteur
de stratification dans toutes les études.
Concernant les patients avec tumeur pT2R1, seule
l’étude EORTC 22911 apporte un début de réponse,
puisqu’un bénéfice de l’irradiation adjuvante était
montré alors que 39 % des patients étaient de stade
pT2R1. Une irradiation adjuvante des patients de stade
pT2R1 serait particulièrement justifiée en cas de score
de Gleason supérieur à 7 (13). Les études en cours évaluant la RT adjuvante stratifient selon le stade pT2R1
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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
et pourront apporter une réponse définitive concernant ce sous-groupe de patients. De façon exploratoire, l’influence de l’âge a été analysée dans l’étude
EORTC 22911. L’irradiation adjuvante améliorait la survie
sans rechute biochimique des patients les plus jeunes
(moins de 70 ans), mais pas celle des patients les plus
âgés (8).
préopératoire pour éviter 1 rechute locale). À la différence de ces 2 cancers, il convient toutefois de rappeler
que le dosage du PSA permet la détection de rechutes
extrêmement précoces, ce qui amène naturellement
à poser la question d’un traitement délivré le plus tôt
possible, dès la détection d’une rechute biochimique.
Radiothérapie adjuvante ou radiothérapie
de rattrapage ?
Combien de malades faut-il traiter
pour éviter 1 rechute ?
Pour éviter une rechute biochimique ou locale chez
1 patient, il est nécessaire de traiter 4 à 6 patients, ce
qui implique que 3 à 5 patients seraient irradiés sans
aucun bénéfice. Ce rapport bénéfice/risque est comparable ou plus important dans le cancer de la prostate
que dans d’autres cancers bénéficiant d’irradiations
complémentaires en routine, que ce soit les cancers
du sein (4 à 6 patients irradiés pour éviter 1 rechute
locale) ou les cancers du rectum (20 patients irradiés en
En faveur d’une RT adjuvante, il faut noter qu’un avantage est retrouvé malgré l’usage courant de la RT de rattrapage en cas de récidive biochimique dans le groupe
observation. Ainsi, en limitant l’étude aux patients présentant un PSA indétectable, l’étude du SWOG 8794 (14)
retrouve une survie sans récidive biochimique meilleure
dans le cas d’une RT adjuvante avec PSA indétectable
(< 0,2 ng/ml) que lors d’une RT de rattrapage effectuée
quand l’on constate l’augmentation du PSA (à 5 ans :
77 versus 38 %).
Adénocarcinome de la prostate pT3a, pT3b
(ou pT4 par atteinte du col vésical) et R1 pN0 ou pNx
traité chirurgicalement avec PSA ≤ 0,1 ng/ml
Vérification des critères d’inclusion et d’exclusion
RANDOMISATION
Bras A
Bras B
Pas de traitement
Surveillance et dosage PSA à
3 mois puis tous les 6 mois
Rechute biochimique
(0,2 ng/ml < PSA < 2 ng/ml)
Traitement adjuvant IMMÉDIAT
Triptoréline
2 injections à 3 mois d’intervalle
+
radiothérapie
conformationnelle : irradiation
de la loge de prostatectomie à 66 Gy
(33 fractions de 2 Gy)
Traitement DIFFÉRÉ mis en route
Triptoréline
2 injections à 3 mois d’intervalle
+
radiothérapie
conformationnelle : irradiation de
la loge de prostatectomie à 66 Gy
(33 fractions de 2 Gy)
Suivi jusqu’à décès
Figure 3. Schéma de l’étude AFU-GETUG 17.
146
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Que faire en cas d’atteinte des berges ou de la capsule après prostatectomie radicale ?
En revanche, l’absence d’amélioration de la survie sans
rechute métastatique dans l’étude EORTC 22911 a pu
être expliquée par le fait que la RT de rattrapage avait
pu réduire ce risque dans le bras observation. Plusieurs
études cas-témoins ont été conduites en appariant
des patients pT3pN0, R0-R1 traités par RT adjuvante
ou différée. Aucune différence de survie sans récidive
biologique n’était retrouvée entre une RT de rattrapage précoce (0,2 < PSA ≤ 0,5 ng/ml) et une RT adjuvante (15). Ce traitement de rattrapage doit être mis en
place tôt : dans une étude rétrospective, il a été montré
qu’un taux élevé de PSA au début de la RT de rattrapage était un fort facteur prédictif d’échec (16). Ainsi,
à 6 ans, 48 % des patients ayant bénéficié d’une RT de
rattrapage avec un taux de PSA inférieur à 0,5 ng/ml ne
présentent pas de progression de la maladie, alors que
seuls 18 % des patients traités à des taux plus élevés
(> 1,5 ng/ml) ne rechutent pas.
Seules des études randomisées comparant traitement
immédiat ou différé vont permettre de répondre clairement à cette question. Ainsi, en France, l’étude AFUGETUG 17 a pour but de comparer une RT associée à
une HT courte en situation adjuvante (entre 3 et 6 mois
après la prostatectomie totale) au même traitement
délivré précocement en situation de rechute biochimique minimale (PSA compris entre 0,2 et 2 ng/ml)
chez les patients pT3 R1 pN0 ou pNx et avec un PSA
postopératoire non dosable. La figure 3 présente le
schéma de cette étude.
Faut-il associer une hormonothérapie
à la radiothérapie adjuvante ?
Chez les patients présentant un cancer de la prostate
localement avancé, plusieurs études randomisées
sont en faveur de la combinaison HT + RT, montrant
une amélioration de la survie sans maladie et de la
SG (17, 18). Il semble donc logique d’évaluer l’apport
d’une RT couplée à une HT pour les patients à risque
de rechute locale ou métastatique. Plusieurs études
rétrospectives comparant RT de rattrapage avec et
sans HT courte (4 à 6 mois) ont observé une amélioration du contrôle biochimique avec l’HT (19, 20). Les
seules données prospectives proviennent de l’étude
RTOG 85-31, qui comparait l’adjonction d’une HT à la RT
pour le traitement du cancer de la prostate localement
avancé (21). Une analyse de sous-groupes portant sur
les 139 patients ayant subi une prostatectomie montrait
un avantage de la mise en route immédiate de l’HT par
rapport à son instauration à la rechute en termes de SSP
biochimique, sans différence sur la toxicité. En analyse
multivariée, l’usage de l’HT immédiate était un facteur
indépendant de maintien de l’absence de progression
biochimique. La place définitive de l’HT couplée à la
RT adjuvante reste à prouver à travers des essais randomisés, comme l’étude européenne EORTC 22043.
Conclusion
Chez les patients traités par prostatectomie totale présentant un adénocarcinome de la prostate avec extension extracapsulaire et marges chirurgicales envahies,
la RT adjuvante améliore la survie sans rechute biochimique, la survie sans rechute locale, la survie sans métastases et la SG (1 seule étude randomisée est positive
pour ces 2 derniers critères). Il est donc licite d’affirmer
que la RT adjuvante à la prostatectomie constitue un
traitement standard (niveau de preuve A). Les questions qui restent ouvertes concernent le rôle d’une HT
concomitante couplée à la RT ainsi que la possibilité
de reporter la RT au moment d’une éventuelle rechute
précoce afin de ne traiter que les patients présentant
réellement une rechute. Il est donc indispensable de
discuter systématiquement en réunion de concertation
pluridisciplinaire des dossiers de tumeurs pT3aR1 et
d’inclure ces patients dans les essais prospectifs ouverts
dans un grand nombre de centres d’onco-urologie en
France.
■
Références
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6. Thompson IM, Tangen CM, Paradelo J et al. Adjuvant
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radical prostatectomy. J Urol 2004;172(4 Pt 1):1328-32.
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Radical prostatectomy: pathology findings in 1001 cases compapostoperative undetectable prostate-specific antigen: ARO
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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
Que faire en cas d’atteinte des berges
ou de la capsule après prostatectomie
radicale ?
What should be done in case of positive margins or extracapsular
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