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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2002
stratégie : le contrôle transcriptionnel tissu-
spécifique de certains gènes (séquences
enhancer ou promoteur) et le ciblage des
vecteurs de transfert de gènes par des pro-
téines de surface tissu-spécifiques (comme
les récepteurs hormonaux). De plus, le coût
d’un oligonucléotide de synthèse est bien
inférieur à celui d’une protéine recombinante.
Les inconvénients sont l’absence de contrôle
physiologique de la sécrétion de la protéine
et la nécessité d’une administration répétée
du transgène. Ce dernier impératif rend pré-
férable l’utilisation de vecteurs non viraux
qui n’induisent pas de réponse immunitaire.
Par ailleurs, les pathologies liées à une
surexpression d’hormones sont de bonnes
candidates pour les stratégies de régulation
transcriptionnelle (ARN antisens,ARN inter-
férents). Enfin, la thérapie génique, initialement
envisagée comme une approche thérapeutique
des maladies héréditaires, s’est orientée vers
des visées antitumorales qui représentent, à
l’heure actuelle, plus de la majorité des essais
cliniques de thérapie génique dans le monde
(d’après www.wiley.co.uk/genetherapy/clinical).
Différentes approches de thérapie génique,
principalement médiées par des vecteurs adé-
noviraux, ont été évaluées dans les tumeurs
endocriniennes: l’utilisation d’un gène “sui-
cide” utilisant essentiellement le gène de la
thymidine-kinase du virus de l’Herpes simplex
de type 1 (HSV1-TK) dans des tumeurs pitui-
taires (20),l’immunothérapie antitumorale
via des cytokines telles que l’interleukine-2
(IL-2) dans des carcinomes thyroïdiens (21),
l’induction de l’apoptose par introduction du
gène sauvage p53 dans les lignées tumorales
thyroïdiennes (22, 23). De plus, les tumeurs
endocriniennes néovascularisées (les carci-
nomes thyroïdiens ou adrénocorticaux, les
phéochromocytomes malins) sont des cibles
potentielles pour les approches antiangiogé-
niques, via l’inhibition de l’expression de
protéines pro-angiogéniques, telles VEGF, ou
via la surexpression de molécules antiangio-
géniques, parmi lesquelles l’angiostatine qui
montre une bonne efficacité (24, 25). Enfin,
dans le cas des tumeurs de la thyroïde, le
transfert du gène du transporteur des iodures
NIS permet une efficacité accrue de la radio-
thérapie 131I en améliorant la capacité de
concentration intracellulaire de ces ions (26).
Les résultats encourageants observés lors de
ces expériences in vitro suggèrent un déve-
loppement futur de la thérapie génique des
maladies endocriniennes.
Perspectives
Le monde médical est entré dans l’ère de la
génétique moderne en rendant possible l’ex-
pression d’une protéine, d’origine endogène
ou exogène, par transfert de gène dans la cel-
lule-cible, ainsi que l’inhibition d’un gène
surexprimé. Certes, les premières études de
phase I sont décevantes, mais il est trop tôt
pour tirer des conclusions définitives sur
l’absence d’efficacité de la thérapie génique.
Des essais convaincants nécessitent l’inclu-
sion d’un nombre suffisant de malades dans
des essais multicentriques (actuellement,
quelques dizaines de patients pour la thérapie
génique, opposés à quelques centaines pour
les traitements anticancéreux, par exemple).
La délivrance d’un gène dans un corps
humain soulève encore beaucoup de pro-
blèmes techniques, mais qui ne semblent plus
insurmontables : dans le cas particulier des
maladies endocriniennes, comment respecter
le rythme circadien hormonal ainsi que les
cycles biologiques ? Comment cibler les
bonnes cellules ? Le facteur limitant de la
thérapie génique demeure le transfert de gène,
dont l’efficacité reste faible quel que soit le
type de vecteur utilisé.
L’amélioration du vecteur de transfert de
gène, le développement de nouvelles stratégies
comme les RNAi, ainsi que la combinaison
de plusieurs approches de thérapie génique
sont des voies à explorer dans l’avenir. Les
futurs essais cliniques devront prendre en
compte des critères comme la clinique et la
biologie, mais également un nouveau para-
mètre: les cartes d’expression génique issues
des puces à ADN. À chaque pathologie, il
sera possible d’associer un traitement spéci-
fique par son administration, son vecteur et
son gène d’intérêt.
Le domaine subit incontestablement une
maturation permettant de mieux recentrer les
grandes stratégies thérapeutiques potentielles.
Il ne faut pas, après une période d’euphorie
où la thérapie génique était présentée comme
la panacée à toutes les maladies, verser dans
une morosité, voire une diabolisation, de ce
concept. Certes, les incidents survenus aux
États-Unis, où un jeune homme est décédé
après avoir reçu une dose très élevée d’adéno-
virus recombinants et, plus récemment, en
France avec le diagnostic d’une leucémie
chez un enfant atteint d’un déficit immunitaire
combiné sévère (DICS) traité par thérapie
cellulaire par l’équipe du Pr A. Fisher, remet-
tent en cause le déroulement des essais cli-
niques mais certainement pas leur fondement
scientifique et médical. En effet, le rapport
américain “Varmus” du NIH prône un retour
à la recherche fondamentale en thérapie
génique après avoir établi un état des lieux
scientifique et clinique.
En dépit des deux incidents récents, la somme
des nombreuses connaissances acquises sur
les mécanismes hormonodépendants des
désordres endocriniens suggère que ceux-ci
sont de bons candidats pour cette future
médecine à la carte (27).
Références
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Vecteurs rétroviraux : technologie, sécurité,
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Dossier : Génomique, recherche et thérapie en endocrinologie