GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 234 - septembre 1998
ne l’attachait sur une chaise pour pratiquer une prise de sang ou
sur une table pour une radiographie... Les informations concernant
son état lui étaient transmises par son médecin comme et quand
celui-ci le jugeait bon en fonction des données physiques et psy-
chologiques de son patient. Une relation de confiance mutuelle
était établie, teintée de paternalisme et de protection de l’affaibli.
La médecine et les mentalités ont évolué : on ne surprotège plus
le malade en lui cachant la vérité sur son état. Il veut maintenant
savoir, mais veut-il tout savoir ? Ne risque-t-on pas de le désta-
biliser en reportant sur lui une angoisse et une prise de respon-
sabilité qui, jusque-là, incombaient au médecin ?
Le consentement éclairé, sous le prétexte de protéger le malade
de certains manquements déontologiques par excès de zèle,
dirons-nous, ne déresponsabilise-t-il pas le médecin ?
Jusque-là, le consentement était implicite ; informé, le patient
acceptait le diagnostic ou les investigations en vue de prévenir
un problème. Ainsi, en obstétrique, une information orale des
risques potentiels suffisait à expliciter les examens demandés :
l’information était adaptée à la patiente, à son niveau socio-
culturel, à son angoisse présente ou sous-jacente. Un dialogue
s’instaurait entre le médecin et sa patiente, les informations
répondaient à une demande sans anticiper celle-ci : une infor-
mation trop complète n’est parfois pas souhaitée ni souhaitable.
Trop d’information finit par nuire à l’information.
Devenant explicite, le consentement éclairé génère deux
attitudes réactives : celle du praticien et celle du patient.
L’attitude du praticien
Les médecins sont sur la défensive face au consentement éclairé.
D’une part, il est à sens unique. Pourquoi n’ont-ils pas, eux aussi,
la faculté de récuser un patient après examen des pathologies,
notamment en obstétrique :
– prendre en charge des grossesses à très haut risque,
– assumer la décision d’un confrère,
– assumer la décision d’une patiente (césarienne de convenance),
– accepter une conduite cohérente pour la patiente mais incohé-
rente médicalement ?
D’autre part, les formulaires sont standards et ne s’adaptent pas
forcément à chaque cas. Ils peuvent générer une angoisse
consciente ou inconsciente chez le patient par l’information de
tous les risques courants et exceptionnels. Pourtant, quelle que
soit la spécialité (obstétrique, gynécologie, cancérologie...), ils
doivent tous être mentionnés pour ne pas prendre le risque d’une
condamnation pour défaut d’information. L’information écrite
doit être explicite et le praticien ne doit recueillir le consente-
ment signé qu’en étant sûr que le patient a parfaitement compris
ce qu’il signe.
Ne risque-t-on pas alors, comme aux États-Unis, de tomber dans
le paradoxe total où, pour chaque acte (choix de l’établissement,
pose de la perfusion, voire même toucher vaginal), il faut faire
signer à la patiente un formulaire d’acceptation du protocole ?
Est-ce vraiment une évolution souhaitable ? Est-ce cette auto-
nomie de décision que souhaite le patient ? La relation médecin-
patient ne va-t-elle pas évoluer vers un simple échange de for-
mulaires à remplir, situation fabuleusement protectrice pour le
corps médical (le patient choisit, décide et signe) mais aussi pro-
fondément démotivante pour le praticien, celui-ci n’étant plus
qu’un prestataire de services, face à un interlocuteur qui n’est
plus lui-même un patient souffrant et ayant besoin d’aide mais
un consommateur potentiellement mécontent dont il faut se
garantir juridiquement ?
L’attitude des patients
Le patient, jugé personne responsable, prend part à la discussion
concernant son état. L’information fournie doit être claire, intel-
ligible et adaptée à chaque cas. Mais le patient a-t-il les connais-
sances suffisantes pour comprendre et juger les informations et
les risques encourus ? Quelle peut être la valeur d’un texte rédigé
en français (autorisation, par exemple pour le test biologique
HT 21) donné à lire et à signer à une patiente qui ne lit ni ne com-
prend le français ?
Autre cas, en obstétrique : face à un siège ou à un utérus cicatri-
ciel, s’il faut informer la patiente de tous les risques potentiels,
comment gère-t-on l’angoisse et les conséquences de celle-ci ?
Si la patiente exige alors une césarienne, en dépit de conditions
locales très favorables, peut-on la refuser au risque de se trou-
ver confronté à un problème généré par la panique et d’être
condamné par la suite pour faute professionnelle ?
Le patient est un individu responsable de ses décisions et maître
de son corps, dit la loi ; il reste au praticien à l’informer des
risques inhérents à la césarienne, à l’anesthésie et aux possibles
complications postopératoires.
Il existe deux situations un peu particulières en obstétrique : le
recours à l’expert lors de la demande d’interruption volontaire
de grossesse et le diagnostic anténatal.
Le rôle de l’expert.
La responsabilité de l’information revient au praticien, qui dia-
logue avec sa patiente, choisit la technique et en définit avec elle
les modalités d’application.
L’expert a une responsabilité particulière, en ce sens qu’il juge
de la légitimité de l’indication mais absolument pas des modali-
tés d’exécution ou de l’information sur les risques encourus. Il
donne un avis sans avoir la responsabilité de l’acte.
Le diagnostic anténatal.
C’est un cas particulier car, si le consentement écrit n’est pas
encore nécessaire pour le dépistage échographique, il est obli-
gatoire pour le dépistage des risques de trisomie 21 par les mar-
queurs biologiques. L’explication doit être claire et adaptée à la
religion et à la culture de la patiente. Il ne faut en aucun cas la
culpabiliser si elle refuse le test, mais lui en expliquer clairement
les objectifs.
Il vaut parfois mieux un consentement tacite après une informa-
tion orale parfaitement comprise qu’un consentement écrit non
compris.
Médecine de dépistage, la médecine prénatale ne doit pas géné-
rer l’angoisse. Ne multiplions pas les consentements écrits par
peur du règlement judiciaire en cas de problèmes : ce n’est pas
ainsi que le praticien se protègera ; à tout moment, la patiente
pourra prétendre ne pas avoir été informée des risques encourus