Dossier thématique
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 3-4 - mars-avril 2007
INTÉRÊT DE METTRE EN PLACE DES MESURES
DE DÉTECTION
Les moyens actuels étant limités, on peut se poser la question
de l’intérêt de mettre en place une stratégie de détection de la
dénutrition. Une prise en charge nutritionnelle systématique des
patients hospitalisés peut être une alternative, surtout si celle-ci
ne nécessite pas de procédures invasives. On peut adopter, par
exemple, une politique de prescription systématique de complé-
ments nutritionnels oraux (CNO). Cette hypothèse n’est pas si
“farfelue” que cela. En eff et, les compléments nutritionnels oraux
enrichis en immunonutriments ont obtenu l’autorisation de mise
sur le marché depuis peu et leur prescription est recommandée
pour tout patient quel que soit son statut nutritionnel en
pré opératoire de chirurgie digestive carcinologique majeure.
Aucune détection ou sélection préalable des patients n’est néces-
saire. Cette attitude n’est pas à généraliser, car, dans ce cadre
précis du préopératoire, elle n’a pu être recommandée qu’après
l’établissement de preuves formelles de l’effi cacité d’une telle
attitude, et surtout de son innocuité (8). En chirurgie oncologique,
il est admis depuis longtemps que la prescription systématique
d’une nutrition parentérale chez des patients peu ou modérément
dénutris augmente la morbidité postopératoire. Ce qui est moins
bien connu est que cela est également vrai pour l’utilisation de
produits qui paraissent anodins. En eff et, dans une étude rando-
misée comparant l’utilisation systématique de CNO par rapport
à un apport hydrique chez des patients hospitalisés modérément
dénutris, la prescription de CNO est liée à une augmentation
de la durée moyenne de séjour par rapport au groupe contrôle.
Les durées moyennes de séjour (DMS) sont respectivement de
14,2 ± 24,9 jours contre 11,4 ± 16,4 jours (9). Donc, sauf rares
exceptions, où l’utilisation systématique de produits nutritionnels
a prouvé son effi cacité, il est important de mettre en place une
stratégie et des outils de détection de la dénutrition.
LA DÉTECTION DE LA DÉNUTRITION CONDUIT
À SA PRISE EN CHARGE
Diff érentes notions et terminologies sont importantes à préciser
pour ne pas confondre les situations entre elles. La détection de
la dénutrition est une notion diff érente de la détection du risque
nutritionnel et de l’évaluation nutritionnelle (10). Le risque
nutritionnel fait intervenir une notion “dynamique”, évolutive
dans le temps, et qui inclut la notion d’analyse de diff érents para-
mètres dont certains sont nutritionnels, d’autres liés à la situation
tumorale, aux thérapeutiques spécifi ques anticancéreuses, ou bien
encore aux comorbidités… Le risque nutritionnel sous-entend
un lien entre des paramètres de nutrition (poids, ingesta, apports
énergétiques, etc.) et le devenir du patient (mortalité, morbidité,
qualité de vie, etc.). Une intervention ou une non-intervention
nutritionnelle auront des conséquences sur le pronostic du malade.
Le statut nutritionnel peut être normal au moment de l’évaluation,
mais nécessiter une prise en charge nutritionnelle. Diff érentes
situations en cancérologie digestive sont à risque nutritionnel,
sans que le patient soit considéré comme dénutri : situation de
grêle court après chirurgie carcinologique majeure (il ne faut pas
attendre l’installation de la dénutrition pour mettre en place une
nutrition parentérale), association radiochimiothérapie dans le
cadre du traitement d’un cancer gastrique (la diminution des
apports alimentaires est inéluctable).
ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION
DU RISQUE NUTRITIONNEL
Les paramètres d’évaluation du risque ont donc pour objectif de
mettre en évidence un défi cit énergétique et protéique ou, mieux
encore, une situation susceptible d’entraîner un tel défi cit avec un
retentissement sur le pronostic du patient. Toute stratégie d’évalua-
tion de la situation doit prendre en compte quatre éléments (11) :
le statut nutritionnel actuel : il peut être analysé par des
paramètres anthropométriques cliniques ou biologiques, ou bien
encore intégrer des paramètres biologiques infl ammatoires ;
une notion d’évolution dans le temps : vitesse d’amaigris-
sement, caractère récent de la perte de poids ;
le niveau d’apport énergétique : la dénutrition ne peut que
s’aggraver si la prise de nutriments par voie orale est inférieure
aux besoins du patient. Il est donc important d’avoir une évalua-
tion du niveau d’apport spontané énergétique et protéique ;
le rôle de la pathologie sous-jacente : la persistance
d’un facteur protéolytique (tumeur en évolution, pathologie
infectieuse, certaines chimiothérapies, corticothérapie, etc.)
va aggraver le défi cit protéique. Il faut identifi er ces facteurs
surajoutés ainsi que les situations cliniques pouvant bénéfi cier
d’une prise en charge nutritionnelle.
Les trois premiers paramètres doivent faire partie de tout outil
de détection ; le quatrième entre plus dans le cadre de l’analyse
et de l’évaluation nutritionnelle et il est plus directement lié à
la notion de traitement et de devenir du patient.
OUTILS DE DÉTECTION DU RISQUE NUTRITIONNEL
ET DE LA DÉNUTRITION
Diff érents outils et algorithmes sont utilisés et recommandés par
les sociétés savantes. Une analyse récente précise que 70 tests
et outils (10) seraient actuellement disponibles. Certains sont
purement cliniques, d’autres biologiques ; certains comportent
un seul paramètre, d’autres, plus complexes, incluent la combi-
naison de diff érents items cliniques et biologiques :
Les paramètres cliniques : poids, taille, perte de poids (la
dénutrition est considérée comme sévère si l’amaigrissement
est > 10 % en 6 mois ou > 5 % en un mois), indice de masse
corporelle (un IMC < 18,5 classe le sujet dans la catégorie des
malades dénutris), épaisseur cutanée tricipitale, circonférence
musculaire brachiale, SGA ou le PG-SGA (score dérivé du
premier plus spécialement utilisé en cancérologie)…
Les paramètres biologiques : taux plasmatiques d’albumine,
de transthyrétine (pré-albumine). Il faut inclure dans la réfl exion
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