Chapitre 7
Transitions de phase d’un corps pur
Sommaire
7.1 G´en´eralit´es ....................................135
7.2 Retards aux transitions de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
7.3 Equilibre d’un corps pur sous plusieurs phases . . . . . . . . . . . . . . . 145
7.4 Classification de Ehrenfest des transitions de phase . . . . . . . . . . . . 148
7.5 Aspect dynamique des transitions de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
7.6 Approche th´eorique des transitions de phase (*) . . . . . . . . . . . . . 155
7.7 Cas particulier de l’h´elium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Le passage d’un corps pur d’une phase `a une autre est une transformation privil´egi´ee pour l’´etude
des concepts et principes de la thermodynamique, aussi bien sur le plan pratique que sur le plan
th´eorique. Ce chapitre est principalement centr´e sur les syst`emes diphas´es.
7.1 G´en´eralit´es
7.1.1 Mise en ´evidence exp´erimentale
On peut facilement mettre en ´evidence les transitions de phase avec un dispositif tel que celui de la
figure 7.1, utilis´e en 1869 par Andrews sur le CO2. La pression exerc´ee par un piston est transmise
au gaz par une colonne de mercure ce qui permet de contrˆoler ind´ependamment la pression pdu
gaz et sa temp´erature T. On mesure alors le volume.
On obtient les r´esultats pr´esent´es sur la figure 7.2 sous forme d’isothermes. Dans chacune des trois
phases (solide, liquide et gaz), la pression diminue lorsque le volume molaire augmente.
On peut ´egalement mettre en ´evidence une transition de phase en mesurant la temp´erature d’un
bain de plomb fondu laiss´e libre dans un creuset. En arrˆetant le chauffage qui a permit d’obtenir
le plomb fondu, on observe que le m´etal fondu refroidit, se solidifie lors d’une cœxistence entre
le solide et le liquide, puis que le plomb solide se refroidit `a son tour (figure 7.3). On peut dans
certains cas observer la courbe en traits pointill´es de la figure 7.3 correspondant `a un retard `a la
solidification. N´eanmoins l’allure g´en´erale est identique pour tous les corps purs.
Remarque :Dans le cas d’un m´elange de deux m´etaux (hors de propos dans ce chapitre consacr´e
aux corps purs), la courbe obtenue est diff´erente (figure 7.4) mais s’interprˆete de la mˆeme fa¸con.
Thermodynamique classique, P. Puzo 133
7.1. G ´
EN ´
ERALIT ´
ES
Mercure
CO2
p
Figure 7.1 – Principe exp´erimental de l’exp´e-
rience d’Andrews. L’ensemble baigne dans un ther-
mostat qui permet de fixer la temp´erature Tdu
gaz
Liquide
Liquide + Gaz Vmol
Gaz
Solide + Liquide
Solide
p
Figure 7.2 – Courbe sch´ematique repr´esentant
l’´evolution de la pression et du volume molaire du
CO2
601 K
Liquide
Temps
Solide
Liquide + Solide
Température
Figure 7.3 – Courbe sch´ematique du refroidisse-
ment d’un bain de plomb liquide
Temps
Rupture
de pente
Température
Solide
2 phases
1 phase Solide
1 phase Liquide
2 phases Liquide
Figure 7.4 – Courbe sch´ematique du refroidisse-
ment d’un m´elange de deux m´etaux liquides
7.1.2 Les ´etats de la mati`ere
Il existe quatre ´etats physiques principaux dans lesquels on peut trouver la mati`ere :
1. Dans l’´etat solide, il existe des liaisons permanentes fortes limitant la mobilit´e des mol´ecules
qui se r´epartissent p´eriodiquement aux nœuds du r´eseau cristallin. Le cristal ainsi obtenu peut
comporter des d´efauts (lacunes, impuret´es) qui jouent un rˆole important dans les propri´et´es du
corps (conduction ´electrique, changement de phase). La phase solide est une phase condens´ee
(donc incompressible) et ordonn´ee `a grande distance (donc ind´eformable).
Solide Liquide Gaz Plasma
Electron
Figure 7.5 – Les quatre principaux ´etats physiques de la mati`ere
2. Dans l’´etat liquide, les liaisons intermol´eculaires ne sont pas permanentes mais restent fortes.
Il n’y a pas d’ordre global (d’o`u une perte de la duret´e) mais un ordre local (qui engendre
la viscosit´e). La phase liquide est une phase condens´ee (donc incompressible) et ordonn´ee `a
Thermodynamique classique, P. Puzo 134
7.1. G ´
EN ´
ERALIT ´
ES
courte distance (donc d´eformable).
3. Dans l’´etat gazeux, il n’y a quasiment pas de liaisons intermol´eculaires. La phase gazeuse est
une phase dispers´ee (donc compressible) et d´esordonn´ee (donc facilement d´eformable).
4. Enfin, le plasma correspond `a un gaz de temp´erature suffisamment ´elev´ee pour qu’au moins
une partie de ses composants soit ionis´ee. La pr´esence d’´electrons libres fait apparaˆıtre des
propri´et´es ´electromagn´etiques sp´ecifiques qui permettent de distinguer un plasma d’un gaz 1.
Par la suite, on excluera le plasma de notre ´etude car ses propri´et´es rel`event plus de l’´elec-
tromagn´etisme que de la thermodynamique.
Il existe d’autres ´etats physiques particuliers comme les solides amorphes (verres, caoutchouc) qui
se comportent comme des liquides de viscosit´e tr`es ´elev´ee, les cristaux liquides qui se comportent
comme des liquides structur´es, .. dont on ne tiendra pas compte ici.
7.1.3 D´efinitions
Une phase homog`ene ou phase est un syst`eme thermodynamique dont la valeur de tout param`etre
extensif pour tout sous-syst`eme est proportionnelle au nombre de particules constituants le sous-
syst`eme.
On appellera corps pur un syst`eme constitu´e d’une seule esp`ece chimique susceptible d’exister
principalement sous trois phases distinctes : solide, liquide ou gazeuse. La phase gazeuse est parfois
appel´ee vapeur lorsqu’elle est proche” de l’´etat liquide.
Un corps pur subit une transition de phase ou changement d’´etat lorsque, pour certaines valeurs des
param`etres intensifs fix´es de l’ext´erieur, le corps se pr´esente sous forme de deux phases diff´erentes
qui cœxistent en ´equilibre lors de la transition 2. Plus pr´ecis´ement, on parle de (figure 7.6) :
vaporisation pour la transition liquide vapeur. La transition inverse est appel´ee liqu´efaction
fusion pour la transition solide liquide. La transition inverse est appel´ee solidification
sublimation pour la transition solide vapeur. La transition inverse est appel´ee condensation
Dans les ´etats gazeux et liquide, un corps pur ne forme qu’une seule phase, sauf pour l’h´elium qui
poss`ede deux phases liquides diff´erentes. Par contre, un corps pur `a l’´etat solide se pr´esente souvent
sous plusieurs phases (par exemple, le fer αet le fer γpour le fer et le graphite et le diamant pour
le carbone), appel´ees vari´et´es allotropiques (§8.4).
Les notions d’´etat physique et de phase sont donc distinctes. De plus, la notion d´etat physique
est diff´erente de celle d´etat thermodynamique puisqu’elle contient une information suppl´ementaire
relative `a l’´etat microscopique du syst`eme : la diff´erence entre le diamant et le graphite s’explique
par l’agencement des atomes qui est diff´erent (§8.4).
7.1.4 Variance
Exp´erimentalement, on constate que (postulat de Duhem ) :
1. En th´eorie, l’´equilibre XX++ese produit `a toutes les temp´eratures. La d´ependance avec la temp´erature
(et la pression) n’intervient que dans la fraction de constituants du plasma ionis´es. Cette d´ependance ´etant assez
brutale, on peut efinir un seuil pour s´eparer les ´etats gaz et plasma.
2. Le terme ”changement d’´etat” `a l’inconv´enient d’ˆetre ambigu. Si on donne au mot ”changement” son sens usuel
et au mot ´etat” le sens vu jusqu’`a pr´esent en thermodynamique, toute ´evolution d’un syst`eme thermodynamique
entre deux ´etats d’´equilibre est un ”changement d’´etat”...
Thermodynamique classique, P. Puzo 135
7.1. G ´
EN ´
ERALIT ´
ES
Etat liquide
Etat gazeux
Etat solide
Vaporisation
Fusion
Solidification
Condensation
Sublimation
Entropie
Liquéfaction
Figure 7.6 – Transitions de phase d’un corps pur, orient´ees selon un axe vertical correspondant aux
entropies croissantes
Quelque soit le nombre de phases, de composants ou de r´eactions chimiques,
l’´etat d’´equilibre d’un syst`eme ferm´e pour lequel les masses initiales de tous
les composants sont connues, est compl`etement d´etermin´e par deux variables
ind´ependantes
La variance d’un syst`eme thermodynamique est le nombre de param`etres d’´etat intensifs n´ecessaires
et suffisant pour d´ecrire un ´etat d’´equilibre. On peut donc classer les corps purs de la mani`ere
suivante :
Un corps pur sous une phase est d´ecrit par deux param`etres intensifs (par exemple pression et
temp´erature). C’est un syst`eme divariant
Pour un corps pur sous deux phases en ´equilibre thermodynamique, la pression et la temp´erature
sont li´ees par une relation caract´eristique du corps pur que l’on notera :
p= Π (T)
c’est `a dire qu’un seul param`etre intensif est n´ecessaire (et suffisant) pour d´ecrire l’´equilibre
thermodynamique d’un syst`eme diphas´e, qui est donc un syst`eme monovariant.
Pour d´ecrire compl´etement un corps pur sous deux phases, il faut introduire en plus d’un para-
m`etre intensif (pression pou temp´erature T) un autre param`etre, appel´e param`etre de r´epartition,
qui d´ecrit la r´epartition de mati`ere entre les deux phases qui cœxistent. Il existe trois possibilit´es
´equivalentes pour ce param`etre :
1. en appelant mla masse du syst`eme, on peut choisir comme param`etre de r´epartition la
masse m1de la phase (1) ou la masse m2=mm1de la phase (2)
2. en appelant nle nombre de moles du syst`eme, on peut utiliser le nombre de moles n1de la
phase (1) ou le nombre de moles n2=nn1de la phase (2)
3. on peut utiliser le titre x1de la phase (1) ou x2de la phase (2), d´efinis par :
x1=m1
m=n1
net x2=m2
m=n2
n(7.1)
Selon qu’il est calcul´e `a partir du rapport des masses ou des nombres de moles, le titre est
parfois ´egalement appel´e titre massique ou titre molaire. On a ´evidemment x1+x2= 1
Thermodynamique classique, P. Puzo 136
7.1. G ´
EN ´
ERALIT ´
ES
Un corps pur ne se trouve sous trois phases 3que dans des conditions de pression et de temp´era-
ture bien etermin´ees d´ependant de chaque corps. On utilise cette propri´et´e pour fixer l’´echelle
internationale des temp´eratures : le Kelvin est d´efini en attribuant 273,16 K `a la temp´erature du
point triple de l’eau pure.
La variance vd’un syst`eme peut se calculer en utilisant la r`egle de Gibbs 4. Dans la pratique, ce
nombre est g´en´eralement faible (v2) en thermodynamique physique. Des exemples de syst`emes
de variance sup´erieure `a trois sont fr´equents en chimie.
7.1.5 Les diff´erents diagrammes
Un diagramme de phase permet de relier de mani`ere univoque un jeu de param`etres thermodyna-
miques `a l’´etat d’´equilibre. Les variables utilis´ees doivent pour se faire ˆetre thermodynamiquement
ind´ependantes. C’est par exemple le cas des variables pet T.
Le diagramme (p,T)
L’allure g´en´erale du diagramme (p,T) d’un corps pur est donn´ee sur la figure 7.7. On y distingue :
trois courbes issues d’un mˆeme point Tappel´e point triple qui correspondent `a l’´equilibre mono-
variant du corps pur sous deux phases et traduisent la relation p= Π (T) entre pet T. Le fait
que la pente de la courbe de fusion soit toujours tr`es raide signifie que la temp´erature de fusion
d´epend assez peu de la pression
trois domaines qui correspondent `a l’´equilibre divariant du corps pur sous une seule phase (solide
pour (S), liquide pour (L) et vapeur pour (V))
alors que la courbe solide - liquide est illimit´ee dans le domaine des hautes pressions (sauf s’il
existe plusieurs vari´et´es allotropiques - voir §8.4), la courbe liquide - vapeur se termine au point
critique C
Les trois phases cœxistent au point triple. De plus, les valeurs de la pression pTet de la temp´erature
TTen ce point sont fix´ees (la variance d’un corps pur est nulle au point triple) et ne d´ependent que
du corps. La table 7.1 recence les valeurs de pTet TTpour quelques corps purs.
Une transformation de phase, telle que celles ecrites sur la figure 7.7, est isotherme et isobare. A
nombre de moles ou masse fix´e, un point site dans un domaine monophas´e d´ecrit un ´etat unique
du corps pur, caract´eris´e par (p,v=V/m,T) car l’´equation d´etat donne de mani`ere non ambig¨
ue
le volume massique vsi l’on connaˆıt la pression et la temp´erature. Par contre, un point site sur
une des trois courbes d’´equilibre d’´equation p= Π (T) repr´esente en g´en´eral une infinit´e d’´etats du
corps pur. Ces ´etats ont en commun leur pression et leur temp´erature, mais leur volume massique
peut prendre une infinit´e de valeurs suivant celle du titre du m´elange.
3. Par exemple solide-liquide-vapeur bien que ce ne soit pas toujours le cas (§8.4).
4. On peut montrer (voir par exemple [23, page 134]) que pour des transformations du 1er ordre (§7.4.2), la
variance vse met sous la forme :
v=c+ 2 φ
o`u cest le nombre de constituants ind´ependants et φle nombre de phases. Par exemple :
pour un m´elange de deux gaz, on a c= 2 et φ= 1 d’o`u v= 3
pour un gaz d’un corps pur, on a c= 1 et φ= 1 d’o`u v= 2
pour un corps pur en ´equilibre sous deux phases, on a c= 1 et φ= 2 d’o`u v= 1
pour un corps pur en ´equilibre sous trois phases, on a c= 1 et φ= 3 d’o`u v= 0
Si des r´eactions chimiques peuvent avoir lieu dans le syst`eme, la variance s’´ecrira :
v=c+ 2 φr
o`u rest le nombre de r´eactions chimiques, qui r´eduit d’autant le nombre de param`etres ind´ependants.
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