Métastase rénale révélant un carcinome vésiculaire de la thyroïde endocrinologie

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2012
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images en
endocrinologie
Métastase rénale révélant un carcinome
vésiculaire de la thyroïde
Renal metastasis revealing a follicular carcinoma of the thyroid
N. Touiheme*, K. Bazine**, M. Kettani*, A. Boukhari*, M. Hmidi*, A. Qarrou**, C. Elmejareb***,
M. Alami**, A. Messary*
© Lettre du Cancérologue
(2011;10:618-9)
* Service d’ORL et de
chirurgie cervicofaciale,
hôpital militaire Moulay-
Ismaïl, Meknès (Maroc).
** Service d’urologie,
hôpital militaire Moulay-
Ismaïl, Meknès (Maroc).
*** Service d’anatomie-
pathologie, hôpital militaire
Moulay-Ismaïl, Meknès
(Maroc).
L
es métastases rénales des carcinomes différenciés
de la thyroïde sont exceptionnelles et constituent
rarement le mode de découverte d’une néoplasie
thyroïdienne primitive. Nous rapportons le cas d’une
métastase rénale révélatrice d’un carcinome vésiculaire
de la thyroïde.
Observation et évolution
Un homme, âgé de 48 ans, a consulté dans le service d’uro-
logie pour hématuries avec douleurs du flanc gauche.
Léchographie rénale a retrouvé une masse rénale polaire
supérieure arrondie hétérogène. À la tomodensitométrie,
la lésion était isodense, bien limitée, prenant le contraste
(figure 1) avec un centre nécrosé mesurant 60 sur 50 mm.
Le patient a subi une néphrectomie gauche. Lexamen
histopathologique de la pièce opératoire a révélé un
adénocarcinome dont l’aspect morphologique évoquait
une métastase rénale d’un carcinome différencié thyr-
dien, étant donné l’architecture vésiculaire de la tumeur
avec effraction capsulaire et la présence de nombreuses
emboles vasculaires (figure 2). Létude immunohisto-
chimique a trouvé un marquage cyto plasmique intense
et diffus avec la thyroglobuline, ce qui confirmait l’origine
thyroïdienne de la tumeur. Le patient a alors été adressé
au service ORL à la recherche du cancer primitif. Lexamen
clinique a trouvé une tuméfaction basicervicale antérieure
en regard du lobe thyroïdien gauche, l’échographie de
la thyroïde a révélé un volumineux nodule du lobe thy-
roïdien gauche, hétérogène et partiellement calcifié. Le
bilan d’extension (imagerie pulmonaire standard, scin-
tigraphie osseuse et tomodensitométrie cérébrale) na
pas trouvé d’autres localisations. Une thyroïdectomie
totale, associée au traitement des aires ganglionnaires
selon les recommandations européennes, a été réalisée ;
l’étude histopathologique a confirmé le diagnostic de car-
cinome vésiculaire de la thyroïde, le curage ganglionnaire
était négatif (N0). Le patient a été adressé au service de
médecine nucléaire, où il a bénéficié d’une scintigraphie
corps entier, d’une irradiation métabolique à la dose de
3,7 GBq (100 mCi) d’iode radioactif et d’une opothéra-
pie substitutive à des doses supraphysiologiques pour
freiner la TSH.
Une surveillance biologique et radiologique a été ins-
taurée, notamment avec un rapport thyroglobuline
(Tg)/L-thyroxine (LT4) inférieur à 1 ng/ml selon les
mêmes recommandations.
Discussion
Les cancers différenciés de la thyroïde sont rares − ils
représentent 1 % des cancers − et sont généralement
de bon pronostic : la survie à 10 ans des carcinomes
vésiculaires est de 85 %, leurs circonstances de décou-
verte sont surtout les nodules thyroïdiens suivis des
adénopathies cervicales, qui se voient surtout pour les
carcinomes papillaires. Les métastases à distance sont
généralement osseuses et pulmonaires (1, 2).
Les métastases rénales des carcinomes différenciés de
la thyroïde sont très rares. Depuis la première observa-
tion rapportée par H. Takayasu et al. en 1968 (3), une
dizaine de cas ont été recensés dans la littérature, dont
75 % sont en rapport avec un carcinome vésiculaire (4).
Le risque de métastases dépend de plusieurs éléments :
l’âge inférieur à 16 ans ou supérieur à 45 ans, et l’exis-
tence à l’histologie de cellules hautes cylindriques et
de sclérose. Le volume de la tumeur, l’envahissement
capsulaire et la présence de métastases ganglionnaires
d’emblée sont également considérés comme des élé-
ments de mauvais pronostic (2).
L’atteinte rénale se fait essentiellement par voie hémato-
gène, plus rarement par voie lymphatique. Par ailleurs,
pour expliquer cette localisation rénale, K.Y. Lam évoque
la possibilité de diffusion des cellules néoplasiques à
travers des collatérales veineuses et lymphatiques entre
le rein et la thyroïde (5). Lexistence concomitante de
métastases dans d’autres sites est diversement appré-
ciée dans la littérature et varie de 50 à 100 % des cas
observés. Les localisations les plus fréquentes sont
médiastinopulmonaires et osseuses.
La symptomatologie nest pas spécifique. Il peut s’agir
de douleurs abdominales, d’une masse du flanc, d’une
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hématurie ou d’une protéinurie. Mais, dans la majorité
des cas, ces métastases sont découvertes de manière
fortuite au cours du bilan de surveillance (thyro-
globuline, échographie, scintigraphie) du cancer primitif
quand il est connu.
Sur le plan radiologique, ces métastases apparaissent
à l’échographie comme des lésions hyperéchogènes
homogènes, parfois hétérogènes en cas de nécrose ou
d’hémorragie intratumorale. En tomodensitométrie, ces
lésions sont bien limitées, hypodenses ou isodenses
par rapport au parenchyme rénal, se rehaussant fai-
blement après injection du produit de contraste du
fait de leur caractère hypovasculaire. La sensibilité de
la tomodensito métrie varie de 94 à 100 %. Par ailleurs,
elle permet de rechercher d’autres localisations méta-
statiques. Sur le plan thérapeutique, l’excision complète
des lésions métastatiques du carcinome folliculaire bien
différencié offre les meilleures chances de prolonger
la survie. Cependant, l’indication de la néphrectomie
nest justifiée que si la tumeur primitive a pu ou peut
être opérée (4). On associe toujours à la chirurgie une
hormonothérapie de freinage de l’axe thyréotrope. Le
traitement isotopique à l’iode radioactif 131 permet
d’obtenir une carte blanche par destruction directe
des métastases qui fixent.
Les indications de la chirurgie des métastases sont dis-
cutées en fonction de l’âge, de l’espérance de vie et,
surtout, de leurs localisations et des troubles fonction-
nels qu’elles entraînent. Si la métastase est unique, bien
localisée et accessible, une chirurgie à visée curative
mérite d’être pratiquée (pour notre patient, la métastase
était révélatrice). Dans d’autres cas, la chirurgie ne sera
que palliative (6).
La radiothérapie externe trouve sa place dans le trai-
tement des métastases des cancers différenciés de la
thyroïde quand la tumeur est inextirpable ou quand les
marges de la résection ne sont pas saines. Aucun effet
bénéfique sur la survie n’a été observé (5, 6).
La surveillance post-thérapeutique occupe une place
importante dans la prise en charge de cette pathologie
et doit être maintenue à vie. Elle repose essentiellement
sur le dosage du taux sérique de la thyroglobuline, dont
l’augmentation signe une récidive et/ou l’apparition
d’un nouveau foyer secondaire (6-8).
Conclusion
Si la révélation d’un carcinome différencié de la
thyroïde par des métastases rénales est exception-
nelle, la possibilité d’une origine métastatique doit
être évoquée devant toute tumeur rénale.
1.Leenhardt L, Ménégaux F, Franc B et al. Cancers de la thy-
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4.
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Lam KY, Ng WK. Follicular carcinoma of the thyroïd appea-
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6.
El Fellah S, Ksyar R, Missoum F et al. Métastase du tissu mou
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personnelle. Lyon Chir 1992;88:97-103.
8.Hocevar M, Auersperg M. Role of serum thyroglobulin in
the preoperative evaluation of follicular thyroid tumors. Eur J
Surg Oncol 1998;24(6):553-7.
Références
Figure1. Lésion isodense, bien
limitée, prenant le contraste
avec un centre nécrosé du pôle
supérieur du rein gauche.
Figure2. Aspect histologique
d’un carcinome vésiculaire
bien différencié de la thyroïde
au sein du parenchyme rénal
(hématéine éosine, × 100).
1
2
1 / 2 100%

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