Métastase rénale révélant un carcinome vésiculaire de la thyroïde

CAS CLINIQUE
Figure 1. Lésion isodense, bien limitée, prenant le contraste avec un
centre nécrosé du pôle supérieur du rein gauche.
Figure 2. Aspect histologique d’un carcinome vésiculaire bien différencié
de la thyroïde au sein du parenchyme rénal (Hématéine éosine, × 100).
618 | La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 10 - décembre 2011
Métastase rénale révélant
un carcinome vésiculaire de la thyroïde
Renal metastasis revealing a follicular carcinoma of the thyroid
N. Touiheme*, K. Bazine**, M. Kettani*, A. Boukhari*, M. Hmidi*, A. Qarrou**, C. Elmejareb***, M. Alami**, A. Messary*
Mots-clés :
Cancer de la thyroïde – Métastase rénale – Métastase – Rein – Cancer – Thyroïde.
Keywords:
Thyroid carcinoma – Kidney metastasis – Kidney – Metastasis – Cancer – Thyroid.
* Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital militaire Moulay-Ismaïl, Meknès
(Maroc).
** Service d’urologie, hôpital militaire Moulay-Ismaïl, Meknès (Maroc).
*** Service d’anatomie-pathologie, hôpital militaire Moulay-Ismaïl, Meknès (Maroc).
L
es métastases rénales des carcinomes différenciés de la
thyroïde sont exceptionnelles et constituent rarement le
mode de découverte d’une néoplasie thyroïdienne primitive.
Nous rapportons le cas d’une métastase rénale révélatrice d’un
carcinome vésiculaire de la thyroïde.
Observation et évolution
Un homme, âgé de 48 ans, a consulté dans le service d’urologie
pour hématuries avec douleurs du fl anc gauche. L’échographie
rénale a retrouvé une masse rénale polaire supérieure arrondie
hétérogène. À la tomodensitométrie, la lésion était isodense, bien
limitée, prenant le contraste (fi gure 1) avec un centre nécrosé
mesurant 60 sur 50 mm. Le patient a subi une néphrectomie
gauche. Lexamen histopathologique de la pièce opératoire a révélé
un adénocarcinome dont l’aspect morphologique évoquait une
métastase rénale d’un carcinome différencié thyroïdien, étant
donné l’architecture vésiculaire de la tumeur avec effraction
capsulaire et la présence de nombreuses emboles vasculaires
(fi gure 2). L’étude immunohistochimique a trouvé un marquage
cyto plasmique intense et diffus avec la thyroglobuline, ce qui
confi rmait l’origine thyroïdienne de la tumeur. Le patient a alors été
adressé au service ORL à la recherche du cancer primitif. L’examen
clinique a trouvé une tuméfaction basicervicale antérieure en
regard du lobe thyroïdien gauche, l’échographie de la thyroïde a
révélé un volumineux nodule du lobe thyroïdien gauche, hété-
rogène et partiellement calcifi é. Le bilan d’extension (imagerie
pulmonaire standard, scintigraphie osseuse et tomodensitométrie
cérébrale) n’a pas trouvé d’autres localisations. Une thyroïdec-
tomie totale, associée au traitement des aires ganglionnaires
selon les recommandations européennes, a été réalisée ; l’étude
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CAS CLINIQUE
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histopathologique a confi rmé le diagnostic de carcinome vési-
culaire de la thyroïde, le curage ganglionnaire était négatif (N0).
Le patient a été adressé au service de médecine nucléaire,
il a bénéfi cié d’une scintigraphie corps entier, d’une irradiation
métabolique à la dose de 3,7 GBq (100 mCi) d’iode radioactif et
d’une opothérapie substitutive à des doses supraphysiologiques
pour freiner la TSH.
Une surveillance biologique et radiologique a été instaurée, notam-
ment avec un rapport thyroglobuline (Tg)/L-thyroxine (LT4) infé-
rieur à 1 ng/ml selon les mêmes recommandations.
Discussion
Les cancers différenciés de la thyroïde sont rares − ils représentent
1 % des cancers − et sont généralement de bon pronostic : la survie
à 10 ans des carcinomes vésiculaires est de 85 %, leurs circons-
tances de découverte sont surtout les nodules thyroïdiens suivis
des adénopathies cervicales, qui se voient surtout pour les carci-
nomes papillaires. Les métastases à distance sont généralement
osseuses et pulmonaires (1, 2).
Les métastases rénales des carcinomes différenciés de la thyroïde
sont très rares. Depuis la première observation rapportée par
H. Takayasu et al. en 1968 (3), une dizaine de cas ont été recensés
dans la littérature, dont 75 % sont en rapport avec un carcinome
vésiculaire (4).
Le risque de métastases dépend de plusieurs éléments : l’âge infé-
rieur à 16 ans ou supérieur à 45 ans, et l’existence à l’histologie
de cellules hautes cylindriques et de sclérose. Le volume de la
tumeur, l’envahissement capsulaire et la présence de métastases
ganglionnaires d’emblée sont également considérés comme des
éléments de mauvais pronostic (2).
L’atteinte rénale se fait essentiellement par voie hématogène, plus
rarement par voie lymphatique. Par ailleurs, pour expliquer cette
localisation rénale, K.Y. Lam évoque la possibilité de diffusion des
cellules néoplasiques à travers des collatérales veineuses et lympha-
tiques entre le rein et la thyroïde (5). Lexistence concomitante de
métastases dans d’autres sites est diversement appréciée dans la
littérature et varie de 50 à 100 % des cas observés. Les localisations
les plus fréquentes sont médiastinopulmonaires et osseuses.
La symptomatologie n’est pas spécifi que. Il peut s’agir de douleurs
abdominales, d’une masse du fl anc, d’une hématurie ou d’une
protéinurie. Mais, dans la majorité des cas, ces métastases sont
découvertes de manière fortuite au cours du bilan de surveillance
(thyroglobuline, échographie, scintigraphie) du cancer primitif
quand il est connu.
Sur le plan radiologique, ces métastases apparaissent à l’écho-
graphie comme des lésions hyperéchogènes homogènes, parfois
hétérogènes en cas de nécrose ou d’hémorragie intratumorale. En
tomodensitométrie, ces lésions sont bien limitées, hypodenses
ou isodenses par rapport au parenchyme rénal, se rehaussant
faiblement après injection du produit de contraste du fait de leur
caractère hypovasculaire. La sensibilité de la tomodensito métrie
varie de 94 à 100 %. Par ailleurs, elle permet de rechercher d’autres
localisations métastatiques. Sur le plan thérapeutique, l’excision
complète des lésions métastatiques du carcinome folliculaire bien
différencié offre les meilleures chances de prolonger la survie.
Cependant, l’indication de la néphrectomie n’est justifi ée que
si la tumeur primitive a pu ou peut être opérée (4). On associe
toujours à la chirurgie une hormonothérapie de freinage de l’axe
thyréotrope. Le traitement isotopique à l’iode radioactif 131
permet d’obtenir une carte blanche par destruction directe des
métastases qui fi xent.
Les indications de la chirurgie des métastases sont discutées en
fonction de l’âge, de l’espérance de vie et, surtout, de leurs loca-
lisations et des troubles fonctionnels qu’elles entraînent. Si la
métastase est unique, bien localisée et accessible, une chirurgie
à visée curative mérite d’être pratiquée (pour notre patient, la
métastase était révélatrice). Dans d’autres cas, la chirurgie ne
sera que palliative (6).
La radiothérapie externe trouve sa place dans le traitement des
métastases des cancers différenciés de la thyroïde quand la tumeur
est inextirpable ou quand les marges de la résection ne sont pas
saines. Aucun effet bénéfi que sur la survie n’a été observé (5, 6).
La surveillance post-thérapeutique occupe une place importante
dans la prise en charge de cette pathologie et doit être maintenue
à vie. Elle repose essentiellement sur le dosage du taux sérique
de la thyroglobuline, dont l’augmentation signe une récidive et/
ou l’apparition d’un nouveau foyer secondaire (6-8).
Conclusion
Si la révélation d’un carcinome différencié de la thyroïde par des
métastases rénales est exceptionnelle, la possibilité d’une origine
métastatique doit être évoquée devant toute tumeur rénale.
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Références bibliographiques
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