Échos des congrès Les temps forts de la SFE 2013 Anne Barlier*, ** © DA Le Congrès annuel de la Société française d’endocrinologie est un rendez-vous incontournable de l’endocrinologie clinique et moléculaire. Ce congrès a réuni, du 2 au 5 octobre 2013, à Paris 1 483 inscrits et a donné lieu à 722 abstracts. Le prochain congrès se déroulera à Lyon du 5 au 8 novembre 2014 : nous vous y espérons nombreux. L * AP-HM, conception hospital, molecular biology laboratory, Aix-Marseille Université CNRS, CRN2M, UMR7286, Marseille. ** Vice-présidente du comité scientifique du Congrès “SFE 2013”. 60 ors de la soirée de gala, dans la magnifique salle de réception de l’Hôtel de Ville de Paris, la passation de fonctions, entre le comité organisateur parisien représenté par le Pr Philippe Chanson et le comité organisateur lyonnais représenté par le Pr Michel Pugeat, a été magistrale. Et c’est par un “shoot” dans un ballon rattrapé avec adresse par Michel Pugeat que Philippe Chanson a transmis ses fonctions… Dans ce programme scientifique du Congrès “SFE 2013”, orchestré par le Pr Patrice Rodien, je retiendrai en particulier 3 points, illustrant avec pertinence le fait que l’endocrinologie est “la médecine de la transduction du signal hormonal”, du récepteur jusqu’au noyau, chargée de réparer les court-circuits ou les surchauffes de ces circuits transductionnels, complexes, finement régulés, permettant une sécrétion hormonale ajustée à l’organisme et aux événements intercurrents. Au cours de sa conférence plénière, le Pr Agnès Linglart, du CHU du Kremlin-Bicêtre, s’est intéressée à la voie mettant en jeu l’AMP cyclique (AMPc) intracellulaire. Après liaison de l’hormone à son récepteur, la sousunité α des protéines G hétérotrimériques induit la production d’AMPc, qui active la protéine kinase (PKA). Ainsi, l’activation constitutionnelle de cette voie par mutation activatrice de Gs-α (oncogène gsp) ou par mutation inactivatrice de la sous-unité régulatrice de la PKA (R1A) est à l’origine d’un processus oncogénique concernant en particulier les glandes endocrines et retrouvé dans le syndrome de Carney ou les adénomes hypophysaires. À l’inverse, une production déficiente d’AMPc est retrouvée dans les résistances hormonales (TSH, PTH, PTHrp, etc.) et implique un défaut du récepteur ou de la sous-unité Gs-α à laquelle il est couplé. Les défauts de Gs-α peuvent être secondaires soit à des mutations inactivatrices soit à des pertes de l’empreinte du gène à l’origine d’une perte d’expression dans les tissus où le gène est soumis à empreinte. Ces anomalies sont retrouvées dans les pseudohypoparathyroïdies de type Ia ou Ib. Plus récemment, l’équipe d’Agnès Lingart a mis en évidence un nouveau mécanisme d’inactivation de la voie AMPc, chez des patients porteurs d’une résistance hormonale multiple (TSH, PTH, GHRH, gonadotropines, etc.) et d’une acrodysostose (1). Ainsi, une mutation tronquante de la sous-unité régulatrice R1A de la PKA a été identifiée. Par une altération de la liaison à l’AMPc, cette mutation rend la PKA incapable de répondre à son second messager. La voie de transduction dépendant de l’AMPc peut être ainsi touchée à plusieurs niveaux, par des anomalies génétiques ou épigénétiques, aboutissant au final soit à une activité constitutive de la voie et ainsi à un processus prolifératif et d’hypersécrétion hormonale, soit à l’inverse, à savoir un blocage, entraînant un syndrome de résistance hormonale. Krishna Chatterjee, de l’université de Cambridge, a illustré dans sa conférence plénière la différence phénotypique de la résistance aux hormones thyroïdiennes (RTH) selon qu’elle implique un défaut du récepteur aux hormones thyroïdiennes TRβ ou TRα. Ces récepteurs nucléaires sont codés par 2 gènes différents, THRB et THRA, et ont une expression tissulaire spécifique, mais leur rôle respectif restait jusqu’à présent imprécis chez l’homme. Pendant longtemps, seule la RTH secondaire à des mutations inactivatrices de TRβ était connue, caractérisée par une élévation des taux plasmatiques des hormones thyroïdiennes libres T3 et T4, une TSH non freinée et des manifestations cliniques (tachycardie, goitre, etc.) très variables dans leur présentation et leur intensité, voire absentes. La RTH secondaire à une mutation de TRα a été rapportée pour la première fois en 2012 par l’équipe de Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 3 - mars 2014 Les temps forts de la SFE 2013 K. Chatterjee (2). Les manifestations cliniques associent un retard de croissance, prédominant sur les jambes, une dysgénésie fémorale épiphysaire, une discrète dysmorphie avec macrocéphalie, une dentition retardée, une constipation sévère, un retard mental modéré et une difficulté dans la coordination musculaire de la motricité fine. La TSH reste normale. Un taux “normal bas” de FT4 est associé à un taux élevé de FT3, et c’est la combinaison du rapport T4/T3 fortement diminué, avec des signes d’hypothyroïdie, qui peut faire évoquer ce syndrome. L’augmentation de la FT3 est due à une diminution de l’activité de certaines désiodases qui se traduit par une diminution de la reverse T3, observée chez ces patients. Grâce à la description clinique de ces 2 RTH, le rôle d’une isoforme par rapport à l’autre dans chaque tissu a pu ainsi être clarifié. Cette proportion des 2 isoformes est déterminante dans les manifestations cliniques de la RTH. Ainsi, ces dernières sont supérieures dans le cœur, l’intestin, l’os, le muscle et le cerveau pour les RTH dues à des mutations de TRα. À l’inverse, les mutations de TRβ perturbent plus fortement la boucle de rétrocontrôle hypothalamo-hypophyso-thyroïdienne, ce qui se traduit par des signes davantage biologiques. Enfin, le Pr Hervé Lefebvre, du CHU de Rouen, a revisité lors de sa conférence plénière le syndrome de Cushing “ACTH-indépendant”. L’hyperplasie bilatérale macronodulaire surrénalienne, indépendante de l’ACTH circulante, est une cause rare d’hypersécrétion surrénalienne de cortisol. Avec son équipe, il vient de mettre en évidence une sécrétion d’ACTH intratumorale par des cellules “gonadique-like” (3). Le niveau d’expression de la pro-opiomélanocortine était corrélé à celui du récepteur de la mélanocortine de type 2 (MC2R). Cette sécrétion intra-surrénalienne n’était pas régulée par les classiques régulateurs du cortisol comme le cortisol, ou la CRH, mais stimulable par des facteurs activant des récepteurs aberrants. Cette sécrétion était retrouvée in vivo dans les veines surrénaliennes chez les patients. Enfin, des antagonistes de MC2R étaient capables d’inhiber l’hypersécrétion de cortisol, ouvrant ainsi des perspectives thérapeutiques. Dans l’hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales, la production de cortisol serait ainsi sous le contrôle à la fois de l’ACTH produite localement et de l’expression aberrante de récepteurs membranaires, permettant ainsi un signal amplificateur de la sécrétion de cortisol, indépendant de l’ACTH circulante mais sous le contrôle de l’ACTH intratumorale. Le Congrès de la SFE 2013 a abordé plusieurs aspects de la transduction du signal hormonal et de ses anomalies. Le comité scientifique du Congrès “SFE 2014”, animé par son président, le Pr Philippe Touraine, et son vice-président, le Pr Hubert Vidal, travaille avec enthousiasme pour nous préparer un programme riche autour du thème “L’endocrinologie au cœur des spécialités”. ■ L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références 1. Linglart A, Menguy C, Couvineau A et al. Recurrent PRKAR1A 2. Bochukova E, Schoenmakers N, Agostini M et al. A mutation 3. Louiset E, Duparc C, Young J et al. Intraadrenal corticotropin mutation in acrodysostosis with hormone resistance. N Engl J Med 2011;9;364(23):2218-26. in the thyroid hormone receptor alpha gene. N Engl J Med 2012;366(3):243-9. in bilateral macronodular adrenal hyperplasia. N Engl J Med 2013;369(22):2115-25. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 3 - mars 2014 61