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Médecine
& enfance
Les conjonctivites
OPHTALMOLOGIE
C. Orssaud, consultation d’ophtalmologie,
hôpital européen Georges-Pompidou, Paris,
et service d’ophtalmologie, hôpital NeckerEnfants Malades, Paris
Le terme conjonctivite désigne une inflammation du tissu conjonctival, dont
l’étiologie peut être bactérienne, virale ou allergique. Le diagnostic repose sur
la présence de signes « positifs », qui réalisent le tableau classique d’« œil rouge non douloureux ». Mais tous les signes « positifs » ne sont pas systématiquement retrouvés, et la façon dont ils sont associés ainsi que leur intensité
permettent souvent de différencier les trois étiologies. Il existe également des
signes « négatifs », qui doivent être absents. Leur présence doit amener à remettre en cause le diagnostic ou faire craindre la survenue d’une complication.
Néanmoins, les conjonctivites de l’enfant sont des pathologies dont l’évolution
est généralement bénigne.
Rubrique dirigée par C. Orssaud
EXAMEN CLINIQUE
SIGNES « POSITIFS »
Hyperhémie. Une conjonctivite est géné-
ralement classée parmi les « yeux rouges
non douloureux ». La rougeur est liée à
la présence d’une hyperhémie conjonctivale, elle-même conséquence d’une dilatation des capillaires de la conjonctive
bulbaire (1). L’hyperhémie est plus ou
moins diffuse ; elle peut être généralisée
ou localisée aux seuls culs-de-sac palpébraux. Son intensité est également très
variable. Elle est particulièrement intense en cas de conjonctivite virale, mais
plus limitée lors des conjonctivites allergiques. De petites suffusions hémorragiques peuvent être observées et n’ont
pas de caractère inquiétant. Néanmoins,
elles doivent faire rechercher un traumatisme ou un corps étranger, qui peuvent passer inaperçus ou ne pas être
avoués chez un jeune enfant.
Œdème. L’hyperhémie conjonctivale
s’associe à un œdème plus ou moins
marqué. Lorsqu’il est important, il peut
réaliser un chémosis, non spécifique. Le
chémosis est un gonflement et une dilatation de la conjonctive ; lors de certaines conjonctivites virales, son importance peut être telle qu’elle empêche
l’occlusion palpébrale. Il peut également exister un œdème palpébral, qui
donne parfois un aspect de faux ptosis
ou un aspect bouffi aux paupières.
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Prurit. La présence d’une sensation de
cuisson, d’irritation ou de corps étranger intraoculaire est classique. Ce prurit
participe à la diffusion de la conjonctivite lorsqu’elle est infectieuse, puisqu’il
amène l’enfant à se frotter les yeux. Il se
contamine ainsi les doigts avec des particules virales ou bactériennes qu’il
transmet à son entourage par simple
contact. Rappelons qu’en milieu hospitalier, crèches et collectivités la con jonctivite peut être considérée comme
une infection nosocomiale manuportée,
liée à un manque d’hygiène.
Hypersécrétion. Elle existe lors de toute
conjonctivite, mais son abondance ou
son aspect sont variés et permettent de
guider le diagnostic étiologique. Il peut
s’agir de sécrétions séromuqueuses agglutinant les cils ou laissant quelques filaments blancs dans les culs-de-sac
conjonctivaux. Ces sécrétions sont irritantes pour la peau, aboutissant à une
eczématisation de celle-ci lorsqu’elles
sont abondantes ou que la conjonctivite
est traînante. Il peut également s’agir de
sécrétions purulentes, épaisses, jaune
verdâtre, ou de sécrétions mixtes mucopurulentes. La présence de fausses
membranes recouvrant la conjonctive
par densification des sécrétions en
plaques blanc jaunâtre est actuellement
beaucoup plus rare.
Papilles et follicules. Un examen à la loupe (ou à la lampe à fente au cabinet
d’ophtalmologie) de la conjonctive tar-
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sale permet de trouver des anomalies
ayant également un intérêt dans le diagnostic étiologique. Les papilles, éléments rosés, centrés par un vaisseau,
n’ont aucun caractère spécifique et
constituent un mode réactionnel à toute
irritation ou inflammation conjonctivale. Lors des conjonctivites allergiques,
ces papilles peuvent être particulièrement importantes, réalisant de véritables végétations groupées en mosaïques appelées « pavés », et être responsables de lésions cornéennes. Les
follicules tarsaux sont une hyperplasie
des follicules lymphoïdes normalement
présents dans l’épithélium conjonctival
à partir de la sixième semaine de vie. Ils
se présentent sous forme de nodules
translucides avasculaires. Leur présence
oriente vers une infection virale, une
conjonctivite à Chlamydia trachomatis
ou une conjonctivite allergique aiguë
saisonnière.
SIGNES « NÉGATIFS »
Une conjonctivite n’est pas douloureuse ;
il n’y a pas de photophobie ni de blépharospasme, et l’acuité visuelle (lorsque
l’enfant est assez grand pour qu’elle puisse être évaluée) est strictement normale.
La présence de ces différents signes doit
faire évoquer en premier lieu une kératite. Celle-ci peut partager les mêmes étiologies que la conjonctivite et ainsi lui
être associée. Elle peut également constituer une « complication » d’une conjonctivite allergique avec pavés conjonctifs
importants. La présence d’une kératite
doit amener à modifier et à accentuer le
traitement.
CONJONCTIVITES
INFECTIEUSES
Le diagnostic d’une conjonctivite infectieuse, notamment bactérienne, pose
peu de problèmes, surtout chez l’enfant.
En effet, celui-ci présente les différents
signes positifs que nous avons déjà évoqués, en particulier les sécrétions purulentes, qui sont caractéristiques. Par
ailleurs, il n’est pas trouvé de signe négatif. Cependant certaines conjoncti-
vites infectieuses ne sont pas purulentes.
Parmi les conjonctivites aiguës infectieuses, nous évoquerons séparément les
conjonctivites néonatales et celles de
l’enfant plus grand, car leurs agents infectieux sont volontiers différents.
CONJONCTIVITES NÉONATALES
Nous ne ferons que citer les conjonctivites néonatales gonococciques, herpétiques ou à Chlamydia, car elles sont devenues beaucoup plus rares de nos
jours. Elles sont la conséquence d’une
infection non traitée de la filière génitale maternelle, au niveau de laquelle le
nouveau-né se contamine, notamment
en cas de travail prolongé ou de rupture
prématurée des membranes. Le temps
d’incubation de ces diverses conjonctivites est extrêmement variable, allant
de 3 jours pour les conjonctivites gonococciques à 10 à 15 jours pour les
conjonctivites herpétiques et à Chlamydia. Les conjonctivites herpétiques s’associent parfois à une kératite dendritique. Leur prévention par l’instillation
systématique d’un collyre antibiotique à
tous les nouveau-nés ainsi que la détection et le traitement des infections maternelles restent donc indispensables.
Le choix du collyre est une question
d’école, en sachant que le nitrate d’argent n’est plus utilisé.
Dans les premiers mois de vie, la survenue d’une conjonctivite à répétition ou
traînante, volontiers unilatérale ou débutant toujours du même côté, doit faire évoquer une imperforation du canal
lacrymo-nasal. Le traitement doit associer des lavages oculaires réguliers, un
collyre antibiotique ou antiseptique
adapté à l’âge (2) et une prise en charge
de l’anomalie de développement des
voies lacrymales. Un simple massage de
celles-ci ou leur sondage, selon l’âge de
l’enfant, permet généralement de régler
le problème. Ces conjonctivites sont
parfois dites « lacrymales ».
CONJONCTIVITES DE L’ENFANT
Les conjonctivites infectieuses de l’enfant, bactériennes ou virales, réalisent
le tableau classique d’œil rouge non
douloureux.
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Les conjonctivites bactériennes
Elles associent un prurit, une hyperhémie, un œdème conjonctival peu intense et d’abondantes sécrétions purulentes ou mucopurulentes. Chez l’enfant, ces conjonctivites bactériennes
sont bilatérales ou se bilatéralisent rapidement, l’enfant contaminant l’œil
adelphe en se frottant les yeux avec ses
mains infectées. Elles peuvent être associées à des rhinopharyngites, les germes
remontant par les voies lacrymales. Il
est tout à fait inutile de pratiquer des
frottis conjonctivaux dans les formes
habituelles. Lorsque ceux-ci sont réalisés, ils trouvent des Staphylococcus epidermidis, des streptocoques, voire des
pneumocoques.
Il faut expliquer aux parents que, sous
traitement, les signes cliniques de
conjonctivite doivent disparaître en une
huitaine de jours. Aucune éviction scolaire n’est habituellement nécessaire.
Néanmoins, dans bien des cas, les
crèches refusent d’accepter un enfant
porteur d’une conjonctivite infectieuse,
du fait de leur grande contagiosité. Le
traitement peut, dans un premier temps,
être administré par le pédiatre ; il repose
sur un lavage oculaire plusieurs fois par
jour, pour éliminer les sécrétions et les
agents infectieux, et sur l’instillation 4 à
6 fois par jour d’un collyre antiseptique
ou, éventuellement, antibiotique. Ce
traitement doit impérativement être
poursuivi pendant 7 jours pour éviter les
rechutes, même si les manifestations cliniques se sont amendées plus rapidement. En l’absence de disparition des
symptômes en quelques jours, il faut vérifier qu’il n’existe pas de corps étranger
passé inaperçu. En effet, celui-ci peut
rester dans un cul-de-sac conjonctival et
secondairement se surinfecter, en imposant pour une « simple » conjonctivite.
En présence d’une conjonctivite traînante, il peut être utile de réaliser un frottis
conjonctival pour rechercher un germe
atypique ou résistant.
Il faut mettre à part les conjonctivites à
Chlamydia, lesquelles réalisent une forme aiguë apparaissant après 8 à 10 jours
d’incubation et dont la symptomatologie
est maximale vers le cinquième jour. Il
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CAS CLINIQUES : QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?
1. Un jeune garçon de quatre mois est amené en consultation car il présente, quasiment depuis la naissance, des conjonctivites purulentes de l’œil gauche qui, chaque fois, cèdent en
quelques jours sous un collyre à la rifampicine, mais récidivent dans les dix ou vingt jours suivant l’arrêt du traitement local. Cet enfant ne présente aucune autre anomalie ophtalmologique et est en bon état général.
2. Peu avant les vacances d’été, une fillette de dix ans vous est adressée car elle présente depuis trois jours, de manière bilatérale, un œdème palpébral et une hyperhémie conjonctivale
importante avec de petites suffusions hémorragiques. A l’occlusion palpébrale, des plis de la
conjonctive passent entre les paupières supérieures et inférieures. L’acuité visuelle est chiffrée à 9/10 (P2 à l’échelle de Parinaud), l’enfant étant gênée par un abondant larmoiement
clair. Cette atteinte oculaire est très prurigineuse mais non douloureuse. Les parents signalent qu’il n’y avait aucune sécrétion les deux premiers jours, mais que, ce matin, les yeux de
la fillette étaient collés par des sécrétions jaunâtres abondantes.
3. Les parents d’un enfant de dix ans viennent consulter avec lui pour un nouvel avis en raison d’une irritation oculaire bilatérale traînante et invalidante apparue il y a huit mois. Cet
enfant présente une photophobie majeure qui l’empêche de sortir de chez lui et gêne sa scolarité. Il existe un larmoiement important avec, par périodes, des sécrétions adhérentes blanchâtres. L’hyperhémie conjonctivale est modérée dans les culs-de-sac conjonctivaux et plus
importante au limbe. L’examen de la conjonctive tarsale supérieure met en évidence un « pavage » fait de papilles plus ou moins grosses, certaines imposantes, presque pédiculées. L’examen cornéen à la loupe permet de voir de gros grains blanchâtres au limbe, une kératite
ponctuée et des néovaisseaux commençant à envahir la cornée.
4. Par une belle journée de juin, une mère amène en consultation sa fillette de neuf ans, qui
présente depuis quelques jours un œdème palpébral important associé à prurit majeur et à un
abondant larmoiement clair sans sécrétion. Il n’est pas signalé de douleur et la photophobie
est minime. L’acuité visuelle est conservée. L’hyperhémie conjonctivale est modérée mais s’associe à un discret chémosis. Par ailleurs, il existe une rhinite.
Réponses
1. Imperforation du canal lacrymo-nasal. 2. Conjonctivite virale. 3. Conjonctivite vernale.
4. Conjonctivite allergique aiguë.
s’y associe une adénopathie prétragienne. En l’absence de traitement, l’évolution est traînante, la guérison ne survenant qu’en 5 à 6 semaines, habituellement sans séquelle. Néanmoins, des
anomalies cornéennes peuvent apparaître. Chez l’enfant, la contamination
s’effectue souvent à la piscine. Le diagnostic repose sur la mise en évidence
du germe après culture de cellules
conjonctivales obtenues par grattage.
Le traitement repose sur l’instillation de
cyclines en collyre.
Les conjonctivites virales
Elles sont très fréquentes, survenant par
épidémies au printemps ou en été. La
symptomatologie est volontiers très
bruyante, avec une hyperhémie intense
diffuse, un chémosis important, une
adénopathie prétragienne ou pré-auri-
culaire et un larmoiement clair, qui peut
devenir purulent en cas de surinfection.
L’atteinte est généralement bilatérale.
Les atteintes cornéennes associées sont
très fréquentes, à type de kératite ponctuée superficielle. Mais ces lésions cornéennes peuvent être plus marquées et
évoluer vers des opacités sous-épithéliales traînantes faisant parfois baisser
significativement la vision (voir le
deuxième cas clinique de l’encadré).
Il faut mettre à part la forme adénopharyngo-conjonctivale, qui s’intègre à
un tableau pseudogrippal. La symptomatologie est généralement moins marquée que dans la forme précédente. Là
encore, des complications cornéennes
peuvent apparaître.
Le pédiatre peut instaurer le traitement
d’une conjonctivite virale, qui repose sur
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le lavage oculaire au sérum physiologique pour éliminer le virus et sur l’instillation d’un collyre antiseptique 4 fois
par jour jusqu’à guérison. L’utilisation
d’un collyre antibiotique n’est indiquée
qu’en cas de surinfection bactérienne
avérée. L’apparition d’une kératite (voir
supra les signes négatifs) doit faire
consulter un ophtalmologiste, qui prescrira un traitement approprié.
CONJONCTIVITES
ALLERGIQUES
Les conjonctivites allergiques sont classées en quatre groupes que nous verrons successivement. Mais cette classification des ophtalmologistes ne correspond pas à celle qu’utilisent les allergologues, qui différencient les allergies selon leur mécanisme (hypersensibilité
immédiate médiée par les IgE et les
mastocytes ou retardée mettant en jeu
les lymphocytes T) et selon le type d’allergène en cause.
CONJONCTIVITE SAISONNIÈRE
ET CONJONCTIVITE AIGUË
La conjonctivite saisonnière est probablement la plus fréquente des conjonctivites allergiques. Les symptômes ne
sont pas intenses : sensation de corps
étranger plus que prurit, hyperhémie
conjonctivale discrète et larmoiement
modéré. Les follicules palpébraux sont
peu importants. La conjonctivite évolue
pendant quelques semaines avec parfois
des poussées aiguës.
Il faut en rapprocher la conjonctivite aiguë, bien que l’importance des symptômes (œdème palpébral, prurit important à point de départ caronculaire, chémosis, etc.) soit particulièrement intense. Des follicules palpébraux peuvent
être trouvés.
Conjonctivite saisonnière et conjonctivite aiguë peuvent se compliquer de kératite ponctuée superficielle. Mais elles
évoluent vers une normalisation en
quelques jours à l’arrêt de l’exposition
aux allergènes. Elles surviennent chez
des enfants présentant un terrain atopique (hypersensibilité immédiate) et
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s’associent dans la majorité des cas à
d’autres manifestations allergiques aiguës de la sphère ORL.
Si les pollens sont des allergènes classiques dans cette forme, il peut s’agir
d’autres substances moins fréquemment
en cause : poils d’animaux, aliments…
C’est pourquoi il est utile de pratiquer
un bilan allergologique. Cependant, en
pratique, celui-ci n’est pas souvent demandé de première intention, surtout
dans les formes peu invalidantes ou
lorsque l’allergène est facilement identifiable par l’interrogatoire ou du fait de la
notion de période de pollinisation.
Le traitement repose sur des lavages matin et soir au sérum physiologique pour
éliminer l’allergène ainsi que sur la prescription d’un collyre antihistaminique
en traitement de la crise aiguë pour une
quinzaine de jours et d’un collyre antidégranulant mastocytaire en traitement
de fond pendant la durée de l’exposition
à l’allergène. Les corticoïdes topiques
peuvent être intéressants de façon ponctuelle pour diminuer un chémosis important, mais ils ne peuvent être prescrits que par un ophtalmologiste et sous
surveillance stricte. Lorsqu’il existe des
signes ORL ou respiratoires, un traitement antihistaminique par voie générale
peut être associé.
CONJONCTIVITE ALLERGIQUE
CHRONIQUE OU PERANNUELLE
Cette forme de conjonctivite est proche
des deux précédentes par ses mécanismes, mais en diffère par sa présentation clinique : caractère traînant avec
recrudescence fréquente au printemps
et en automne, sensation de corps
étranger, alors que le larmoiement et le
prurit sont relégués au second plan. Les
allergènes en cause sont les acariens,
les poils d’animaux, les aliments, les
moisissures…
Le traitement repose en premier lieu sur
l’élimination de l’allergène, ce qui est
parfois compliqué, surtout quand il faut
se séparer d’un animal de compagnie.
Les tests allergologiques sont également
nécessaires lorsque l’allergène ne peut
pas être identifié par le seul interrogatoire. Collyres antihistaminiques et col-
lyres antidégranulants mastocytaires
sont utilisés au long cours, parfois en
association avec un traitement antihistaminique par voie générale. Dans les
formes sévères, une corticothérapie topique à doses fortes et sur un temps
court (prescrite uniquement par un
ophtalmologiste) peut être nécessaire ;
elle peut être remplacée par un collyre
anti-inflammatoire non stéroïdien.
CONJONCTIVITE VERNALE
Il s’agit d’une forme spécifique de l’enfant mettant en jeu le pronostic visuel.
Elle est due à une hypersensibilité immédiate de type I et retardée de type IV.
Mais les phénomènes allergiques ne sont
pas seuls en cause. Elle débute généralement avant l’âge de dix ans et touche
plus particulièrement les garçons. La
conjonctivite vernale a une évolution
perannuelle avec néanmoins des recrudescences au printemps et en été. Les
signes fonctionnels sont majeurs, avec
prurit intense, photophobie importante
et parfois blépharospasme, larmoiement
constitué de sécrétions épaisses. Elle
peut aboutir à une déscolarisation chez
des enfants qui ne peuvent plus sortir de
chez eux du fait de la gêne ressentie.
La présence de papilles géantes réalisant
des pavés conjonctivaux et évoluant vers
une fibrose de la conjonctive tarsale est
caractéristique. Par ailleurs, l’examen de
la cornée peut trouver un bourrelet limbique blanc gélatineux au sein duquel
existent des amas blancs dits « grains de
Trantas ». Ces lésions limbiques, fréquentes chez les enfants mélanodermes,
sont constituées d’éosinophiles libérant
des médiateurs de l’inflammation et des
protéases. Ces substances (3) sont responsables de complications cornéennes : kératites ponctuées superficielles, ulcérations peu profondes mais
cicatrisant difficilement du fait de présence de mucus en leur fond (plaque
vernale) et entraînant la formation
d’une néovascularisation limbique.
Le traitement de cette conjonctivite grave est difficile et relève de l’ophtalmologiste. Il peut être guidé par la mise en
évidence d’un allergène conjonctival
spécifique. Il repose sur des protections
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solaires (visière, lunettes de soleil), des
collyres lubrifiants, des cicatrisants de
cornée et des collyres antidégranulants
mastocytaires. Mais, en cas de poussées
aiguës et d’ulcère cornéen, les corticoïdes topiques en cure courte sont nécessaires, sous surveillance quasi quotidienne. La présence d’une plaque vernale impose de réaliser un grattage cornéen pour éliminer le dépôt empêchant
la cicatrisation. Les papilles géantes
peuvent, en dernier recours, être détruites par cryothérapie ou résection
chirurgicale. Des collyres comme la ciclosporine sont actuellement à l’étude
pour limiter la corticothérapie et le
risque de corticodépendance.
Les signes disparaissent généralement
vers la puberté.
(KÉRATO-)CONJONCTIVITE
ATOPIQUE
Il s’agit d’une forme grave du fait de ses
complications cornéennes, atteignant le
grand enfant et l’adulte jeune de sexe
masculin ayant des antécédents allergiques (notamment dermite atopique).
La clinique est marquée par la triade habituelle : prurit, photophobie, larmoiement. Il existe des sécrétions muqueuses abondantes et un eczéma des
paupières. La présence de papilles est
moins systématique que dans la
conjonctivite vernale mais la conjonctive se fibrose. Les lésions cornéennes
sont présentes dans 3 cas sur 4, à type
de kératites ponctuées, d’ulcérations…
Les surinfections bactériennes ou virales sont fréquentes.
Le traitement est souvent difficile et repose sur l’éviction de l’allergène, des
collyres antidégranulants mastocytaires
et une corticothérapie. La ciclosporine
semble intéressante pour limiter le
risque de corticodépendance et éviter
les complications iatrogènes (glaucome, cataracte, etc.).
첸
(1) La conjonctive bulbaire est le tissu recouvrant le globe (blanc
de l’œil) et la conjonctive tarsale est celui recouvrant la face interne des paupières.
(2) Bien qu’il puisse tacher les vêtements, le collyre à la rifampicine semble parfaitement adapté, puisqu’il est bien toléré à cet
âge et actif sur la plupart des germes en cause.
(3) A l’action toxique de ces substances s’associe l’action mécanique des papilles conjonctivales.
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