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çois Delfraissy, est d’“inscrire les
traitements dans la durée” car, si
les effets secondaires sont trop
pesants pour le patient, il risque
de devenir presque à tous les
coups “dys-observant”. Et – c’est
un autre point important de ce
rapport –, un traitement au long
cours, correctement prescrit et
pris, n’entraîne pas les résistances
virologiques que l’on croyait il y
a quelques années. Enfin, le
patient (essentiellement celui qui
a peu de symptômes, a plus de
400 T CD4/mm3, mais souffre
d’effets secondaires) peut accé-
der à une “fenêtre thérapeutique”
raisonnée (à condition d’être
convenablement suivi), puis
reprendre son traitement. Reste à
démontrer que ce traitement n’a
pas perdu de son efficacité du fait
de cet arrêt... Cela débouche sur
la possibilité de mettre en place
de nouvelles stratégies thérapeu-
tiques.
Le Courrier : Que faut-il
attendre des inhibiteurs de
fusion, de la molécule T20
(Roche) notamment, dont on
a parlé à Barcelone ?
G.P. : Cette nouvelle molécule,
appelée enfuvirtide, qui a fait
déjà beaucoup de bruit cette
année, est le premier chef de
file d’une famille qui a déjà
d’autres “membres” en gesta-
tion (le T-12-49, par exemple).
Elle est, en effet, un inhibiteur
de la fusion entre le VIH et la
membrane cellulaire sur laquelle
il se fixe. Ces inhibiteurs de
fusion sont la première nouvelle
famille qui voit de jour depuis
l’avènement de la famille des
antiprotéases en 1996. Malheu-
reusement, toutes ces molé-
cules sont injectables, ce qui pré-
sente un inconvénient certain et
ne constitue en aucun cas la
panacée...
Le Courrier : Pourquoi per-
siste-t-on à dire que “le vaccin
n’est pas pour demain”, alors
qu’en Thaïlande 160 000
volontaires sont inclus dans
des essais de phase III d’un
candidat vaccin ?
G.P. : Il existe aussi des essais de
phase III (évaluation d’efficacité)
notamment en Ouganda et aux
États-Unis, et plus de 90 essais en
phases I et II (sur des volontaires
sains). Les stratégies vaccinales
sont nombreuses, mais pour le
moment aucune ne donne de pro-
messe sérieuse et leur efficacité
escomptée n’est que partielle.
L’essai thaïlandais, réalisé en par-
tenariat avec les États-Unis, vise à
apprécier la protection obtenue
par un vaccin mis au point par
Aventis-Pasteur, utilisant comme
vecteur un virus canarypox, sti-
mulant l’immunité cellulaire, et
un rappel par un autre vaccin
VaxGen, stimulant, pour sa part,
l’immunité humorale.
À Barcelone toujours, un sympo-
sium organisé par Christine
Katlama et Brigitte Autran au
nom de l’ORVACS (Objectif
Recherche Vaccin Sida, une fon-
dation privée qui doit beaucoup à
Mme de Bettancourt) s’est plus
attaché à la thématique du vaccin
thérapeutique que préventif,
Brigitte Autran présentant, pour
sa part, l’essai ANRS VACCI-
TER qui a obtenu une bonne tolé-
rance du canarypox chez les
patients VIH+ et une réponse
CD4 proliférative de 60 %
(29/48). Mais, encore une fois, un
consensus sur un modèle vacci-
nal ne s’est toujours pas fait jour.
Le Courrier : La conférence
de Barcelone a-t-elle apporté
du nouveau sur le plan de
l’efficacité des approches de
prévention et de réduction
des risques ?
G.P. : Des scoops dans ce do-
maine, certes non, mais beau-
coup d’expériences menées à tra-
vers le monde, des plus vastes,
initiées et conduites au niveau
gouvernemental, jusqu’aux plus
humbles, lancées au niveau d’un
village, d’un quartier. Oui, la pré-
vention et la réduction des risques
“marchent”, mais faut-il que l’on
communique encore à leur pro-
pos lors de grand’messes interna-
tionales pour en convaincre le
monde ? Pour ma part, j’ai lu un
poster madrilène qui m’a surpris,
car il remet en cause ce que l’on
disait sur les risques de contami-
nation par les rapports oro-géni-
taux non protégés. Dans cette
petite cohorte de 292 sujets hété-
rosexuels “VIH discordants”, au
sein desquels on avait isolé 135
séronégatifs ayant eu quelques
19 000 rapports oro-génitaux
entre 1990 et 2000 (les rapports
anaux et vaginaux étant proté-
gés), on n’a trouvé aucune
séroconversion. Ces pratiques
sexuelles n’entraîneraient donc
même pas une “faible probabilité
de contamination”, contrairement
à ce que l’on disait il y a quelques
temps encore.
Bien sûr, de telles recherches,
comme d’autres dans le domaine
de la prévention, ne peuvent don-
ner lieu de facto à des “prescrip-
tions” en termes de prévention
individuelle et encore moins col-
lective, car, en ce qui concerne du
moins les relations sexuelles
vaginales et anales, les charges
virales peuvent changer d’un rap-
port à l’autre, d’un individu à
l’autre, d’un instant à l’autre. On
connaît mal les échelles de conta-
mination au niveau individuel…
Hépatites C : de nou-
veaux outils au service
des malades
Le Courrier : Lors de cette
conférence internationale, vous
avez présenté un poster (le 20
juin 2001) cosigné par vous-
même, Pascal Gouëzel, Domi-
nique Salmon, Josiane Holstein,
Didier Sicard, Willy Rozen-
baum et Elisabeth Delarocque-
Astagneau sur les co-infections
HIV-HCV dans la plupart des
hôpitaux français (étude trisan-
nuelle). Quelles étaient les
caractéristiques des patients,
concernant leurs génotypes
viraux, l’importance de la co-
infection par les deux virus, de
leur consommation d’alcool,
leurs pathologies, leur accès
relatif au système de soins,
etc. ?
G.P. : Ce poster, réalisé sous
l’égide de l’Association des pro-
fesseurs de pathologie infectieuse
et tropicale (l’APPIT), de
l’Institut national de la veille
sanitaire (l’INVS) et de l’Assis-
tance publique-hôpitaux de Paris,
avait pour but de mieux cerner les
indications actuelles de la prise
en charge des co-infectés
VIH/VHC à commencer par la
biopsie hépatique, le profil des
patients, ceux qui accèdent aux
traitements, etc. Ainsi, 1 813 pa-
tients ont été inclus dans l’étude,
recrutés pour 71 % d’entre eux
dans des CHU et pour 29 % dans
des hôpitaux généraux (services
maladies infectieuses, immuno-
logie clinique, médecine interne) :
64 % des patients co-infectés
(soit 194 sur 305) avaient une
enzyme hépatique élevée (ALT),
36 % (soit 111 sur 305) normale,
58 % avaient le génotype 1 (soit
78 sur 135), 5 % le génotype 2
(7/135), 23 % le génotype 3
(31/135), 13 % le 4 (18/135) et
1% le 6 (1/135). Soixante-douze
pour cent consommaient moins
de 40 g d’alcool par jour, mais
8% plus de 80 g et 20 % de 40 à
80 g.
En fait, 28 % des patients séropo-
sitifs pour le VIH étaient co-
infectés par le VHC, 28 %
consommaient plus de 40 g par
jour d’alcool, 74 % avaient une
hépatite active ou une cirrhose,
9% une cirrhose ou un cancer.
49 % des patients co-infectés
n’avaient pas eu de biopsie du
foie, 46 % n’étaient pas en traite-
ment pour leur hépatite C. Les
patients co-infectés avec un
ALT normal ont deux fois
moins de biopsies hépatiques et
sont donc deux fois moins trai-
tés. Ceux qui consomment plus
de 40 g d’alcool par jour ont