L’observatoire du traitement médical de la maladie d’Alzheimer en neurologie libérale

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H A R M A C O - É P I D É M I O L O G I E
L’observatoire du traitement médical
de la maladie d’Alzheimer en neurologie libérale
et les contrôles de qualité
dans les études pharmaco-épidémiologiques
! T. Simon 1, P. Hinault 2, S. Goni 3, J.M. Hotton 4, A. Paul-Dauphin 5, O. Guard 2, H. Daran 2, P. Jaillon
1
RÉSUMÉ. La prise en charge médicamenteuse de la maladie d’Alzheimer est assurée par les médecins spécialistes. À l'occasion de la mise sur
le marché d'un nouveau médicament anticholinestérasique, le donepezil (Aricept ®), un observatoire du traitement médical de la maladie
d'Alzheimer a été mis en place auprès de 224 neurologues libéraux membres de l'Association des neurologues libéraux de langue française.
L'objectif de ce travail est de montrer l'intérêt d’organiser dans ce type d'étude pharmaco-épidémiologique, comportant le suivi de plus de
1 000 patients pendant 12 mois, deux types de contrôles de qualité qui s'ajoutent aux contrôles téléphoniques réguliers établis avec les médecins investigateurs : un audit en cours d'étude chez un groupe d'investigateurs (6 %) tirés au sort, et un contrôle de qualité sur les élément clés
de l'enquête chez tous les médecins qui y participent. L'audit avait en particulier montré des défaillances concernant la déclaration des arrêts
de traitement et des événements indésirables graves et non graves survenus au cours du suivi des patients. Grâce à ces contrôles, on dispose
aujourd'hui d'une banque de données fiables et vérifiées concernant 959 patients suivis pendant 12 mois, ce qui constitue une des plus importantes cohortes françaises de patients atteints de la maladie d’Alzheimer et dont les données clés ont toutes été contrôlées. Ces contrôles de
qualité sur site apparaissent indispensables lorsqu'il s'agit de données recueillies par des médecins dans leur pratique quotidienne.
Mots-clés : Maladie d’Alzheimer - Donepezil - Pharmaco-épidémiologie.
A
vec le vieillissement de la population dans les
pays industrialisés, la maladie d’Alzheimer est
devenue un problème de santé publique. D’après
l’étude PAQUID, le nombre de cas de cette maladie en France
est de l’ordre de 260 000, avec environ 100 000 nouveaux cas
par an (1). Ces résultats ont été confirmés par deux autres
études (2, 3). La destruction progressive des capacités intellectuelles des patients s’accompagne rapidement d’une dégradation des relations sociales et est responsable d’une institutionnalisation forte et rapide.
1
Service de pharmacologie, CHU Saint-Antoine, université Paris VI, Assistance
publique-Hôpitaux de Paris, 75012 Paris.
2
Association des neurologues libéraux de langue française.
3
Laboratoire Eisai, tour Manhattan, La Défense, 92095 Paris-La Défense.
4
Laboratoire Pfizer, 91407 Orsay Cedex.
5
Société Eval-Semka, 92340 Bourg-la-Reine.
74
Les nouveaux traitements médicamenteux de la maladie
d’Alzheimer (tacrine, puis donepezil et rivastigmine) visent à
stabiliser les symptômes de la maladie et à retarder l’institutionnalisation des patients. Le donepezil (Aricept®) est un
inhibiteur de la cholinestérase utilisé dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer dans ses formes légères
à modérément sévères. L’autorisation de la mise sur le marché
(AMM) française a réservé sa prescription initiale annuelle
aux médecins spécialistes en neurologie, en psychiatrie, aux
médecins spécialistes titulaires du DESC de gériatrie et aux
médecins spécialistes ou qualifiés en médecine générale titulaires de la capacité de gérontologie.
À l’occasion de la mise sur le marché du donepezil, les Laboratoires Eisai et Pfizer ont décidé de mettre en place un observatoire du traitement médical de la maladie d’Alzheimer par
les neurologues libéraux dans le but de décrire la prise en
charge actuelle de la maladie par les neurologues. C’est ainsi
qu’a été constituée une cohorte de patients inclus et suivis
pendant 12 mois par plus de 200 neurologues libéraux.
L’objectif de ce travail est de décrire les contrôles de qualité qui ont été mis en œuvre dans cette étude pharmacoLa Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 4 - avril 2001
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épidémiologique, et de démontrer leur efficacité en termes
d’authenticité et de fiabilité des données recueillies par
les investigateurs lors du suivi de ces patients. Ce sujet a déjà
fait l’objet d’une mise au point publiée dans La Lettre
du Pharmacologue (4) avant la mise en place de cet observatoire. Il nous a donc semblé intéressant de voir comment
ces contrôles de qualité pouvaient être réalisés dans la
pratique, et quels étaient les bénéfices qu’on pouvait
en attendre. Ce travail montre que seul un contrôle effectué
au moins une fois chez tous les médecins participant à
l’observatoire par des personnes qualifiées garantit l’authenticité et la fiabilité des données médicales d’une étude
pharmaco-épidémiologique.
OBSERVATOIRE DU TRAITEMENT MÉDICAL
DE LA MALADIE D’ALZHEIMER
Cet observatoire est le type même des études pharmaco-épidémiologiques observationnelles qui visent à évaluer le bon
usage du médicament en médecine de ville dans une cohorte
de patients, à analyser le rapport bénéfice/risque du traitement en prescription naturelle, afin de comparer les résultats
à ceux obtenus au cours des essais cliniques randomisés
contrôlés, et à actualiser le service médical rendu (SMR) par
le médicament.
MÉTHODOLOGIE DE L’OBSERVATOIRE
La méthodologie et les résultats complets de cette étude pharmaco-épidémiologique feront l’objet d’une autre publication.
Nous n’en envisagerons ici que les points essentiels. Le protocole de l’étude avait été élaboré par un comité scientifique
indépendant. Les objectifs spécifiques de cet observatoire
étaient de décrire :
" les caractéristiques des patients atteints de maladie d’Alzheimer
et suivis par des neurologues libéraux, ainsi que les modalités
du diagnostic en pratique courante, les stades de gravité et les
formes de la pathologie ;
# les modalités de prise en charge des patients par différents
acteurs professionnels de santé ou autres ;
$ les conditions des arrêts de traitement ou des modifications
de la prescription médicamenteuse ;
% les modalités de la prescription du donepezil : caractéristiques des patients, posologie initiale et ultérieure ;
& l’évolution de tous les patients à 3-5 mois puis à 12 mois,
afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance du traitement.
Tous les patients atteints de la maladie d’Alzheimer venant
consulter un neurologue libéral pouvaient être inclus dans
l’observatoire, qu’ils soient traités ou non. Ne pouvaient être
inclus dans la cohorte les patients qui le refusaient après avoir
reçu une information détaillée, ou qui étaient déjà inclus dans
un essai clinique, ou qui, ne parlant pas suffisamment le français, ne pouvaient pas comprendre les explications des neurologues. Aucun autre critère d’exclusion des patients n’était
envisagé.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 4 - avril 2001
Les données recueillies dans cet observatoire concernaient
des informations demandées habituellement par les neurologues dans le cadre de la prise en charge de la maladie
d’Alzheimer. Un cahier d’observation avait été testé par trois
neurologues libéraux, qui ont jugé qu’il était facile de le
remplir, et que la plupart des renseignements demandés
étaient dans le dossier médical, ceux manquant étant aisément
retrouvés par l’interrogatoire.
Après une réunion d’information sur les objectifs et les
méthodes de l’observatoire, avec présentation des cahiers
d’observation et des procédures de contrôle de qualité, les
neurologues ayant accepté de participer recevaient les cahiers
d’observation, et l’étude pouvait commencer. Les neurologues
devaient envoyer au centre directeur de l’étude les fiches
d’observation des patients au fur et à mesure de leur inclusion
dans la cohorte. L’étude s’est déroulée de février 1998 à
octobre 1999. Initialement prévu pour durer de 3 à 5 mois, un
suivi à un an a été décidé, compte tenu du nombre important
de patients (99 %) revus à 3-5 mois. Quelque 550 neurologues libéraux membres de l’Association des neurologues
libéraux de langue française ont été sollicités par courrier
pour participer à l’observatoire. Parmi eux, 224 ont participé
à l’évaluation du 3e-5e mois, et 210 ont accepté de poursuivre
l’évaluation à un an. La mise en place et le suivi de l’observatoire ont été réalisés de façon indépendante de la force de
vente des laboratoires pharmaceutiques commanditaires de
l’étude, Eisai et Pfizer.
MONITORING INITIAL DE L’ÉTUDE
Toutes les données des fiches patients étaient saisies et vérifiées par contrôle informatique des données manquantes, ou
non lisibles ou incohérentes, au fur et à mesure de leur
réception (saisie par une personne et vérification par une
autre personne). La société Eval assurait ensuite les
contrôles de cohérence et le contrôle des données manquantes. Le monitoring de l’étude était initialement effectué
sous forme de contacts téléphoniques avec les médecins
investigateurs. À partir des dates d’inclusion des patients, un
calendrier prévisionnel des consultations ultérieures avait
été adressé aux neurologues, afin de leur rappeler l’importance du remplissage des fiches de suivi des patients.
Certains appels téléphoniques étaient systématiques :
15 jours après la réunion d’information si le neurologue
n’avait pas encore envoyé de fiche d’inclusion de patient,
15 jours après la fin de la période d’inclusion des patients qui
avait été fixée à 2 mois si le neurologue n’avait pas encore
inclus au moins cinq patients, et 15 jours après la fin de la
période de suivi si le neurologue n’avait pas envoyé toutes
les fiches des patients inclus. Enfin, des contrôles systématiques par échantillonnage étaient réalisés sur l’exactitude de
quatre à cinq données, par contact téléphonique, sur le dossier d’un patient chez un neurologue tiré au sort. Pour la
moitié des médecins, le contrôle portait sur les données de la
visite d’inclusion (date de naissance et lieu de vie du patient,
MMS, confirmation du traitement, et, le cas échéant, date de
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la première prise de donepezil et posologie, et informations
éventuelles sur le suivi du patient en cas de nouvelle consultation). Pour l’autre moitié des médecins, le contrôle portait
sur les données de la visite de suivi à 3-5 mois (lieu de vie,
MMS, traitement médicamenteux et, le cas échéant, date de
la première prise de donepezil, posologie, durée du traitement et motif du premier changement de posologie ou d’un
éventuel changement de traitement).
AUDIT DE L’ÉTUDE
Méthodologie de l’audit
Comme prévu dans le protocole, un audit a été réalisé en
cours d’étude, alors que les 1 056 patients de la cohorte
étaient tous inclus, et que 882 patients avaient déjà passé le
cap de leur consultation à 3-5 mois.
Il comprenait d’une part l’audit de la société Eval et des sociétés de service impliquées dans le suivi de l’observatoire,
d’autre part une visite chez quatre neurologues tirés au sort
dans la liste des 224 praticiens participant à l’étude (soit 6 %
des investigateurs). Les dossiers des neurologues ont été
sélectionnés par tirage au sort parmi ceux qui avaient inclus
5 patients.
Les neurologues ont été contactés directement par les auditeurs 15 jours après l’envoi d’un courrier préalable. Après discussion, aucun investigateur n’a refusé la visite de l’un des
auditeurs. Les objectifs de l’audit sur site étaient de vérifier
l’existence des patients, la concordance entre les informations
reportées sur les bordereaux et celles des documents sources
(dossier médical du patient, comptes-rendus d’examens complémentaires, courriers relatifs aux informations de l’enquête,
agenda du médecin), et la notification des événements survenus au cours du suivi.
La validation des données a été faite selon les critères
suivants :
' L’identité des patients a été confirmée soit par l’existence
d’un dossier source, soit par la présence d’un compte-rendu
original de laboratoire ou d’examen complémentaire au nom
du patient, soit par la mention de son nom dans l’agenda de
l’investigateur.
' Le dossier source était considéré comme présent s’il existait au moins une fiche manuscrite au nom du patient avec la
date de naissance correspondante au bordereau d’inclusion,
ou si un original d’examen complémentaire permettait de
confirmer l’existence du patient.
' Les dates des visites ont été confirmées si elle ont été effectuées à plus ou moins sept jours de celles inscrites sur les bordereaux. La concordance des dates a été faite avec le dossier
source et/ou l’agenda du médecin.
' Le bilan complémentaire a été confirmé si l’on disposait
d’un compte-rendu du scanner et/ou de l’IRM, et éventuellement de l’EEG et du bilan biologique, ou si les résultats
de ces bilans avaient été notés dans le dossier source du
patient.
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Le score MMS initial à V0 a été confirmé si l’original de
l’examen effectué moins de deux mois avant l’inclusion
était présent, ou si le résultat était noté dans le dossier source du patient. Le score MMS final a été confirmé si l’original de l’examen était présent ou si le résultat était noté dans
le dossier source du patient à la date de la visite finale.
'
Résultats de l’audit
L’audit des sociétés impliquées dans le suivi de l’observatoire n’a pas montré d’anomalie importante de fonctionnement par rapport à leur cahier des charges, hormis l’absence
de procédures écrites concernant la gestion et la correction
des données recueillies, et un certain manque d’expérience des assistants de recherche clinique chargés du monitoring téléphonique de l’observatoire auprès des neurologues.
L’audit sur site, auprès des 14 médecins investigateurs, a porté
sur 70 dossiers de patients pour lesquels une fiche d’inclusion
avait été remplie. Aucun document source n’était disponible
pour 2 patients, soit 3 % des dossiers audités. Parmi les
70 patients, 3 (4 %) étaient perdus de vue. Les dysfonctionnements les plus graves concernaient :
– les arrêts de traitement non déclarés par les neurologues
(56 % des arrêts de traitement) ;
– l’impossibilité de vérifier le score MMS calculé par les neurologues à l’inclusion (29 % des cas) et lors de la consultation
à 3-5 mois (43 % des cas) ;
– l’existence de 23 événements indésirables non déclarés (soit
40 % du total des 60 événements indésirables des dossiers
audités). Or, sur ces 23 événements indésirables non déclarés,
on comptait 4 événements graves dont 1 décès et 3 hospitalisations.
Les résultats de cet audit auprès des 6 % des médecins participant à l’observatoire ont permis de constater que :
– quelle que soit la qualité du monitoring téléphonique, seule
une visite sur site par des personnes qualifiées pouvait permettre de vérifier l’authenticité des éléments clés de l’observatoire ;
– les médecins investigateurs devaient être mieux informés de
la nécessité d’un recueil complet des données jugées pertinentes et indispensables pour l’analyse finale des résultats,
données qui devaient pouvoir être vérifiées sur des documents
sources détenus par les médecins.
Recommandations de l’audit
Les recommandations de l’audit ont donc été de faire valider par le comité scientifique de l’observatoire des items
jugés pertinents et indispensables pour l’analyse des résultats, de sensibiliser les médecins sur la nécessité de
recueillir des données fiables, au moins pour ces items choisis, et de les archiver dans les documents sources, enfin
d’effectuer des visites de monitoring chez l’ensemble des
neurologues par des assistants de recherche formés spécifiquement à cette tâche.
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MONITORING DE L’ÉTUDE PAR UNE VISITE
CHEZ TOUS LES INVESTIGATEURS
Une fois connus les résultats et les suggestions de l’audit, le
Comité directeur de l’observatoire a pris la décision, en
accord avec les laboratoires pharmaceutiques commanditaires
de l’étude, de faire réaliser par des ARC expérimentés une
visite de contrôle systématique des documents sources chez
tous les investigateurs participant à l’étude.
Cette visite de monitoring a été précédée par l’établissement
de la liste des données à vérifier à partir des documents
sources :
– identité des patients ;
– confirmation des procédures diagnostiques suivies ;
– validation des dates des consultations chez les neurologues ;
– évolution du statut cognitif des patients mesuré par le score
MMS aux trois temps de l’étude (inclusion, 3-5 mois,
12 mois) ;
– modalités de traitement par les médicaments inhibiteurs de
l’acétylcholinestérase ;
– recherche de tous les événements indésirables graves,
incluant les décès et les hospitalisations ;
– recherche d’information pour tous les patients déclarés perdus de vue.
Les ARC responsables de cette visite de monitoring ont reçu
une formation sur la maladie d’Alzheimer, les objectifs de
l’étude et les modalités spécifiques d’un monitoring sur site à
la lumière des résultats de l’audit, par les responsables de
l’audit.
Neuf neurologues ont refusé cette visite de monitoring, qui a
finalement eu lieu chez 201 neurologues. Les principaux
résultats de ce monitoring sur site ont permis de confirmer le
diagnostic de maladie d’Alzheimer chez 90 % des patients de
la cohorte, avec un taux de recueil du MMS vérifiable dans le
dossier des neurologues qui est passé de 62 % seulement à
l’inclusion à 78 % à la consultation de 12 mois. Sur les
139 patients de la cohorte qui avaient été déclarés “perdus de
vue”, 59 ont été documentés lors de la visite de monitoring, si
bien que le taux de réels perdus de vue est descendu à seulement 7,6 % (n = 80) à la consultation de 12 mois. Enfin, alors
que 50 décès avaient été déclarés après un suivi de 12 mois, la
visite de monitoring a permis de retrouver 6 décès supplémentaires, ainsi que des hospitalisations et des effets indésirables non déclarés.
RÉSULTAT FINAL
L’ensemble du système d’assurance-qualité mis en place dans
l’observatoire du traitement médical de la maladie
d’Alzheimer par les neurologues libéraux permet aujourd’hui
de travailler sur une base de données dont tous les éléments
importants ont été vérifiés.
L’analyse principale de l’étude porte sur 959 patients dont les
données ont bénéficié d’un monitoring des données sources
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chez les médecins investigateurs et qui comportent un suivi à
3-5 mois et à 12 mois. Cela représente 91 % de la cohorte des
1 056 patients inclus initialement. Parmi eux, 3,9 % n’ont pas
été traités par un médicament durant l’année de suivi, 3,9 %
ont été traités par la tacrine pendant toute la durée de l’étude,
815 malades ont reçu le donepezil à un temps donné (dont 470
de façon exclusive pendant 12 mois), tandis que 105 patients
ont reçu de la rivastigmine à un moment donné de l’étude.
Les données recueillies ont permis de confirmer le bon usage
de donepezil par les neurologues libéraux ; la sévérité de la
maladie correspond bien aux indications de l’AMM pour plus
de 90 % des patients. Une amélioration cognitive des patients
sous donepezil est observée à 3-5 mois avec un score MMS à
+ 0,2 ± 3,1, alors qu’il se dégrade de -0,8 ± 3,5 chez les
patients non traités. À 12 mois, la reprise de la dégradation
cognitive est manifeste dans les deux groupes, quoiqu’elle
reste moins forte chez les patients traités par donepezil
(-1,2 ± 3,9) que chez les patients non traités (-2,3 ± 4,5).
DISCUSSION
La cohorte de patients de cet observatoire de la maladie
d’Alzheimer est une des plus importantes cohortes françaises
de patients ayant cette pathologie suivis pendant 12 mois et
dont les données ont été monitorées chez les neurologues.
L’audit en cours d’étude permet donc de déceler très rapidement des anomalies qui pourront être corrigées avant la fin de
l’étude. Nous en avons eu la preuve avec l’amélioration manifeste du taux des scores MMS validés dans les dossiers
sources entre le début de l’étude (avant audit) et la fin de l’étude
(visite de monitoring). Les résultats de l’audit permettent de
sensibiliser les médecins sur les éléments clés du suivi des
patients. Ils permettent aussi de préparer la visite de monitoring final chez les médecins en fonction des anomalies détectées. Le monitoring sur site a ainsi permis d’authentifier les
données de 959 patients suivis un an, de réduire à 80 le
nombre des “vrais perdus de vue”, et d’être sûr que le nombre
des décès et des événements indésirables graves survenus lors
du suivi de la cohorte était exact.
L’intérêt de ce système d’assurance-qualité dans les études
pharmaco-épidémiologiques avait déjà été souligné en 1996
(5) ; il est en accord avec les recommandations de déontologie
et bonnes pratiques en épidémiologie publiées en 1999 (6).
Cependant, la réalisation pratique se heurte à deux problèmes
principaux : le premier est d’ordre déontologique. Il faut, en
effet, que dès leur accord de participer à l’étude, les médecins
soient informés de l’existence de ces contrôles de qualité
(audit plus visite de monitoring) et qu’ils les acceptent. Ce
point doit être réglé avant même le début de l’étude, car si les
médecins refusent ces contrôles – ce qu’ils ont le droit de faire
– ils ne devraient pas participer à l’enquête. Le deuxième
problème est d’ordre financier. L’audit et la visite de monitoring chez tous les investigateurs coûtent cher, d’autant plus
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qu’ils doivent être confiés à des personnels compétents
formés à cet effet. Ces frais doivent être inclus dans les
budgets des études pharmaco-épidémiologiques dès leur
élaboration. Mais il peut être difficile de convaincre les
payeurs que la qualité coûte cher ! Il est pourtant évident que
c’est à ce prix que la pharmaco-épidémiologie viendra efficacement compléter l’évaluation des médicaments effectuée
avant l’AMM (7).
CONCLUSION
Les suivis de cohortes de patients dans les études pharmacoépidémiologiques posent des problèmes spécifiques liés aux
conditions de recueil des informations par les médecins dans
leur pratique quotidienne. Ces conditions particulières nécessitent des contrôles de qualité sur site. Si des décideurs veulent faire des études pharmaco-épidémiologiques sans en
garantir (et sans en assurer) la qualité, c’est qu’ils ont in fine
une bien piètre idée des résultats qu’ils pourraient en tirer.
Dans ces conditions, il vaudrait mieux ne pas faire l’étude.
En revanche, si une étude pharmaco-épidémiologique est
scientifiquement fondée, répond à un vrai problème de santé
publique ou d’acceptabilité du traitement et est réalisée avec
tous les contrôles de qualité nécessaires, les résultats de cette
étude doivent être déposés à la Commission de la transparence lors de la réévaluation du dossier du médicament.
Les autorités de santé auront alors une exacte évaluation du
service médical rendu par le médicament, et pourront en tirer
des conséquences.
Il revient donc aujourd’hui aux autorités de santé qui auront à
analyser ces études d’exiger des critères de qualité adaptés
aux conditions de réalisation des suivis de cohortes de patients
en médecine de ville.
(
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Letenneur L, Dequae L, Jacqmin H et al. Prévalence de la démence en Gironde
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2. Ritchie K, Kildea D, Robine JM. The relationship between age prevalence of senile
dementia : a meta-analysis of recent data. Int J Epidemiol 1992 ; 21 : 763- 9.
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7. Bégaud B., Dangoumau J. Pharmaco-épidémiologie : définition, problèmes,
méthodologie. Thérapie 2000 ; 55 : 113-7.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier l’ensemble
des neurologues français qui ont participé à l’étude :
Alonzo, Alsassa, Arnaud, Arnould, Artaud-Uriot, Ast, Aubertin,
Aubrun, Aupy, Auriacombe, Ayrivie, Balague, Bapst-Reiter,
Barrès, Baud, Baudoin, Becker, Belair, Benrabah, Bertrand,
Bierme, Billy, Blazquez, Bodros, Boissonnot, Borie, Borsotti,
Bossu-Van Nieunenhuyse, Bouchacourt, Boudouresques,
Bourgoin, Bourrin, Bredin, Brudon-Mollard, Brun-Jousset,
Brunet, Brunon, Cambournac, Carrère, Cesari, Chaccour,
Cherabieh, Chevalier, Chia, Cler, Coignet, Contis, Cormier,
Couratier, Crauser, Cremieux, Cullere, Dalecky, Daniel, Daran,
David, De Boisvillier, Decombe, Defacq, Dehay-Goulois,
Delabrousse-Mayoux, Delfiner, Dereux, Dervaux, Devy, Dilhan,
Dourneau, Doux, Dubard, Duclos, Dufossé, Dujardin, Dumomal,
Dussaux, Fallas, Favier, Fayolle, Galletti, Gaubert, Getenet,
Golfier, Gosset, Gouirand, Gras, Gratadou, Griffié, GrosmaireFayolle, Guard, Guastalla, Gugenheim, Guilhem-Raybaut,
Guinot, Henry, Hinault, Homeyer, Houdart, Idée, Jabbour,
Jeager, Juhel, Kanaan, Kardous, Kelfa-test, Koskas, Koutlidis,
Labour, Labouret, Lacoste, Lacroix, Lalisse, Lanthiez, Larrieu,
Lauxerois (Mathilde), Lauxerois (Michel), Lavernhe, Layani, Le
Biez, Le Gallou-Wittenberg, Le Guyader, Le Marquis, Le Noan,
Le Baron-Dupuy, Lebrun-Grandié, Leche, Leder, Lejeune,
Locuratolo, Loussouarn, Louvet, Lubeau, Lucchini, Mabilon,
Mahini, Malapert, Marcombes, Marion, Martini, Marty, Mattei,
Mear, Megnin, Meillaud, Metreau, Meyrieux, Minot-Myhié,
Montagne, Mourtada, Mrejen, Muguet, Muller, Neuschwander,
Ollier, Oudot, Ovelacq, Parisier, Pautrizel, Perrouty, Pestre,
Petit, Piquemal, Pouliquen, Pouyet, Prince, Ratinahirana, Reis,
Rendu, Revol, Rigal, Rivrain, Rogez, Romain, Romatet,
Roualdes, Rouane, Ruggieri, Ruolt-Olivesi, Saad, Sadet, SaintJean, Saintarailles, Saudreau-Furgier, Schmidt, Schuermans,
Schupp, Sergeant, Siboni, Simonin, Soubielle, Soulages,
Soulayrol, Stephan, Tantot, Thomas-Lamotte, Tillier, Tourniaire,
Trefouret, Truttmann, Turc, Venisse, Verger, Vernier, Verret,
Vigouroux, Voisin, Vongsouthi, Wavreille, Wazzan, Weill,
Zaenker, Zinszner.
Note
La Commission de la Transparence a,
le 20 décembre 2000,
procédé à la réévaluation à trois ans
du donepezil (Aricept®).
L’avis de la Commission tient compte en détail
des résultats de cette étude observationnelle,
qui a été versée au dossier du médicament.
La Commission a émis un avis favorable
au maintien de l’inscription,
avec un taux de remboursement de 65 %.
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