ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. III - juin 1999
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sûreté du geste, et l’association à un traitement de six semaines
par aspirine + ticlopidine ou clopidogrel pourrait réduire consi-
dérablement les complications thrombotiques.
D’autres risques existent. Outre les complications au point de
ponction et l’allergie à l’iode, il y a le risque généré par le guide
ou le ballonnet, à l’origine d’occlusions de la carotide par vasos-
pasme, dissection artérielle, thrombose aiguë, ou simplement le
risque lié à la chute de la perfusion sanguine après gonflement
du ballonnet sur un hémisphère cérébral fragilisé par l’absence
de suppléance anastomotique. La dilatation peut être à l’origine
d’une bradycardie et d’une hypotension par stimulation du sinus
carotide (traitée par injection d’atropine), mais le risque théo-
rique de rupture artérielle semble infime. Parfois l’angioplastie
peut être techniquement difficile à réaliser, ou échouer en raison
de tortuosités ou de boucles artérielles, soit encore en raison d’une
sténose trop serrée que ne peut franchir le guide. Dans certains
cas également, le résultat anatomique est mauvais du fait d’une
sténose résiduelle trop importante. Le taux de succès dans les
études de faisabilité varie cependant de 90 à 100 %, et, au fil des
congrès, nous l’avons vu s’améliorer.
Comme le soulignent Gaux et coll. dans ce numéro de la Lettre
du Neurologue, il est difficile d’estimer actuellement la morbi-
dité globale de l’angioplastie à partir des données disponibles
dans la littérature, car celle-ci n’est pas homogène. En premier
lieu, il y a une hétérogénéité des techniques utilisées. Au début,
c’est à l’angioplastie simple que l’on recourait, puis à l’angio-
plastie avec stent autoexpansible. Ce matériel endoprothétique a
été perfectionné et des techniques de protection vis-à-vis des
embolies per-procédure peuvent désormais être utilisées. Les don-
nées de la littérature sont aussi inhomogènes en raison de l’ex-
posé des résultats, qui pouvait inclure une sténose carotide interne
à son origine et une autre sténose d’artère cérébrale comme celle
de l’artère vertébrale, ou encore mêler sténoses carotides symp-
tomatiques et asymptomatiques. En outre, les études de faisabi-
lité ont essentiellement porté, pour les plus sérieuses d’entre elles,
sur les contre-indications relatives de la chirurgie, comme une
bifurcation trop haute, un état cardiaque jugé trop sévère pour
supporter l’acte chirurgical, une sténose radique, une sténose trop
longue ou une occlusion controlatérale avec sténoses multiples
des artères cérébrales.Tout cela à l’évidence ne pouvait que nuire
à l’évaluation de la technique. Nombre de ces estimations du
risque pâtissaient aussi du manque d’évaluation indépendante
effectuée par des neurologues. Là encore, au fil du temps et des
congrès, nous avons vu ce risque diminuer lentement mais sûre-
ment. Rappelons-nous que la morbidité de la chirurgie carotide
était importante à ses débuts, dans les années 50-60, avec des
chiffres pouvant dépasser 20 %, et puis, la technique s’amélio-
rant, ce risque opératoire est devenu plus acceptable.
Les études avec audit neurologique indépendant conduites aux
États-Unis (Yadav et coll.) (6) et en Europe (étude CAVATAS) (7)
ont montré que ce risque pouvait être voisin du risque opératoire
chirurgical. Dans l’étude de Yadav et coll., sur une série consé-
cutive de 107 patients, le risque d’AVC et de décès toutes causes
confondues était de 7,9 %, et le risque d’infarctus majeur homo-
latéral ou de décès était de 1,6 % (6). Sur une série de 231 patients
consécutifs, la même équipe rapporte un risque d’infarctus céré-
bral mineur de 6,2 % et majeur de 0,7 %, à trente jours post-pro-
cédure (8). Les auteurs notent que seuls 14 % de leurs patients
auraient été éligibles pour une chirurgie carotide (insistant ainsi
sur la gravité et la complexité de leurs cas), et que, parmi ceux-
ci, le risque de la procédure était seulement de 2,7 %. Dans une
analyse multivariée, ils ont identifié l’âge élevé et les sténoses
longues et multiples comme étant les prédicteurs indépendants
de complications per- ou post-procédure (8). L’étude CAVATAS
est terminée mais n’est pas encore publiée. Des résultats ont
cependant étaient rapportés au mois de juin 1998 à l’European
Stroke Conference (7). Il s’agit de la première étude randomi-
sée ayant porté sur 504 patients (251 dans le groupe angioplas-
tie et 253 dans le groupe chirurgie). Le risque à trente jours d’in-
farctus cérébral invalidant ou de décès était de 6,4 % dans le
groupe angioplastie et de 6,3 % dans le groupe chirurgie. Il n’y
avait pas de différence, à sept jours, concernant l’incidence des
infarctus cérébraux homolatéraux à la sténose. Cette étude
souffre cependant de nombreuses critiques tenant aux critères
d’inclusion, à la non-consécutivité des patients inclus, à l’incer-
titude du degré de sténose qui était déterminé à partir de l’inter-
prétation, dans chaque centre, de données ultrasonographiques
ou angiographiques aussi imprécises que “ulcération” ou “throm-
bus mural”, sans qu’aucun essai de standardisation n’ait été réa-
lisé entre les centres. Les cas avec sténoses sévères ou avec sus-
picion d’ulcération et thrombus mural pouvaient être exclus et
opérés en dehors du protocole, biaisant ainsi l’essai CAVATAS
au détriment de l’endartérectomie.
Les données sont donc très insuffisantes pour affirmer que la chi-
rurgie et l’angioplastie sont deux techniques comparables en ce
qui concerne le risque opératoire. L’angioplastie carotide avec
stent reste une technique expérimentale pour l’ANAES, qui a
estimé, dans ses recommandations datant de 1997, qu’ “il n’y a
pas d’indication à l’angioplastie carotide dans les sténoses athé-
romateuses en dehors des essais thérapeutiques”. Elle ne peut don-
ner lieu à cotation dans le cadre de la nomenclature des actes médi-
caux (JO du 09/02/97). Des incertitudes persistent également quant
au risque à long terme de resténose. Il serait de 5 % pour l’angio-
plastie avec pose de stent (Yadav et coll.), soit un pourcentage
équivalent à ce que l’on peut attendre après endartérectomie (6).
ET SI L’ANGIOPLASTIE ÉTAIT AUSSI EFFICACE,
MOINS VULNÉRANTE ET MOINS CHÈRE ?
Certains avantages de l’angioplastie sur l’endartérectomie caro-
tide sont évidents et permettraient de l’envisager comme une
alternative, non pas forcément systématique mais très intéres-
sante, à la chirurgie. Elle prévient la cicatrice cervicale et ses
éventuelles complications douloureuses et/ou paresthésiantes,
gênantes ou invalidantes, liées à la section d’un tronc nerveux
(7,6 % des cas d’endartérectomie). Elle évite un hématome cer-
vical post-opératoire parfois volumineux (2 à 3 % des cas), et
surtout l’anesthésie générale ou loco-régionale. Elle permet
d’envisager à terme un acte ambulatoire et donc la réduction de
la durée d’hospitalisation et des coûts. Elle peut agir sur des sté-