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par M. Breal qui constatait que u 1'etude de la grammaire, chez les
Indous, est destin6e essentiellement à maintenir 1'integrite des Védas,
revelation divine » 1. En effet, 1'enjeu était d'importance dans la
societe arabo-musulmane, societe d'organisation théocratique, se refe-
rant constamment, dans ses jugements de valeur, au Texte r6v6l6,
et donnant une grande importance a toute signification de ce texte,
a toute nuance d6cel6e dans la structure de chacun de ses versets.
On a souvent avance, pour expliquer les disputes qui, des le IIe si6cle
de I'H6gire (VIIIe s. J.C.), divis6rent les grammairiens arabes, des
raisons personnelles ou financieres, ou m6me 1'esprit de clocher; quelle
que soit la valeur reelle de ces raisons, il est cependant permis de penser
que des motifs d'ordre religieux au sens le plus general 6taient sous-
jacents a ces disputes, car 4 travers le caractere correct ou incorrect,
admissible ou inadmissible de telle construction arabe, c'6tait la
signification de tel ou tel passage du Livre revele qui risquait d'etre
engag6e 2.
* *
*
Mais avant d'en arriver a ces disputes, qui ont tellement obnubil6
certains auteurs qu'ils en sont venus a classer en Basrites et Koufites
des grammairiens qui n'avaient rien a voir avec Basra et Kufa, il
avait n6cessairement fallu accomplir un premier et pénible travail
d'exploration dans le domaine du langage, et de discrimination épisté-
mologique. Ce fut 1'aeuvre obscure des hommes du Ie si6cle de 1'Hegire
qui, préoccupés de serrer au plus pres le sens du verset coranique ou
du vers préislamique, furent amenes a d6gager, peu a peu, les premiers
linéamen ts de la grammaire arabe.
Aussi, avant m6me que les écoles grammaticales de Basra et de Kilfa
eussent propose leurs interpretations des structures observ6es dans la
phrase arabe, 1'existence de ces preoccupations est-elle attestee par
les premi6res ex6g6ses du texte coranique et, a cet égard, le Commen-
taire de Tabari est précieux dans la mesure ou il relate le point de vue
de gens qui assisterent a la naissance et au premier développement de
l'Islam, furent parmi les premiers a connaitre le texte du Coran 3,
1. Mélanges,
p. 243.
2. Cf. R. ARNALDEZ,
Gr. et Théol.,
passim, et Tradit. et changt.,
in Actes du Colloque
de Mohammédia,
p. 137.
3. Ibn 'Abb�s,
l'autorité la plus fréquemment citée par Tabari, était né trois ans
avant l'Hégire, et il fait figure de père de l'exégèse coranique.